Doña Fabiola, Fernanda, Maria de las Victorias, Antonia, Adelaïda de Mora y Aragon voit le jour le 11 juin 1928 à Madrid. Elle est la fille de don Gonzalo de Mora, comte de Mora, marquis de Casa Riera et de Doña Blanca de Aragón y Carrillo de Albornoz. Fabiola a pour marraine la reine Victoria Eugénie d’Espagne, épouse du roi Alphonse XIII et petite-fille de la reine Victoria d’Angleterre. Elle grandit au sein d’une famille de sept enfants. La Guerre civile qui éclate en Espagne conduit les Mora sur le chemin de l’exil en France, Suisse et Italie.

De ses années passées à l’étranger, Fabiola en est devenue polyglotte. Elle maîtrise outre l’espagnol, le français, l’anglais et l’allemand et l’italien. Réinstallée avec sa famille dans leur maison-palais près de la Castellana à Madrid, Fabiola suit une formation d’infirmière et travaille dans un hôpital de la capitale espagnole.

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Plusieurs rumeurs ont circulé sur la rencontre de Doña Fabiola et du roi Baudouin, cinquième roi des Belges. On a évoqué l’entremise du cardinal Suenens et d’une religieuse irlandaise, une demande en mariage à Lourdes mais les intéressés n’ont jamais révélé de détails.

L’annonce des fiançailles par le Premier Ministre belge le crée la surprise. Baudouin I qui a succédé à son père le roi Léopold III en 1951 dans un contexte délicat et qui est surnommé depuis le roi triste par la presse étrangère, apparaît comme jamais auparavant : radieux et prévenant. Fabiola porte une tenue très simple pour sa première apparition sur le perron du château de Ciergnon. On la sent naturellement spontanée et détendue malgré la horde de photographes.

Le mariage est célébré le 15 décembre 1960. Malgré le froid, la population est massivement présente sur le parcours pour saluer les mariés. Fabiola entre dans la nef de Saints Guduleet Michel  au bras de Baudouin car elle a perdu son père en 1957. Sa robe est une création de Cristobal Balenciaga. Son voile est retenu par le diadème de diamants que les provinces belges avaient offert à la princesse Astrid de Suède lors de son mariage.

L’apparition au balcon des mariés et le geste de la nouvelle reine qui mime une étreinte avec la foule en guise de remerciement suscite les vivas enthousiastes de la foule.

Baudouin et Fabiola s’installent à Laeken que le roi Léopold III et sa famille ont quitté pour le domaine d’Argenteuil. Rapidement, il apparaît que Fabiola sera pleinement associée aux activités du roi, formant depuis le début un merveilleux tandem.

Comme on le sait, le roi et la reine des Belges ne verront pas leur rêve de devenir parents se concrétiser. Plusieurs annonces d’heureux événement auront pourtant lieu mais laisseront ensuite place à des espoirs déçus. Lors d’une grande réunion avec la jeunesse dans le parc du château de Laeken, le roi Baudouin déclarera que le fait de ne pas avoir eu d’enfants, leur a permis d’être encore plus disponible pour offrir leur amour à tous les enfants. Une blessure profonde qui renforcera à jamais les liens déjà très forts entre Baudouin et Fabiola.

Même si elle n’a jamais été une grande adepte des tendances de la mode à l’inverse de sa belle-sœur, la reine Fabiola fait confiance dans les années 60 à Balenciaga, Dior et Saint Laurent. Elle accompagne le roi dans de nombreuses visites à l’étranger, reçoit des hôtes de prestige à Bruxelles lors de dîners de gala au Palais royal.

Le couple qui a toujours cultivé une manière de vivre très simple et décontractée, aime partir en week-end au château de Ciergnon dans les Ardennes ou dans sa résidence d’Opgrimbie dans le Limbourg baptisée « Fridem » (paix en suédois). L’été, après les cérémonies du 21 juillet, Baudouin et Fabiola mettent le cap sur leur résidence espagnole de Motril près de Grenade qui porte le nom de « Villa Astrida ».

Au niveau familial, Fabiola est très proche de sa famille espagnole et de ses nombreux neveux, elle est également très présente pour les enfants d’Albert et Paola lorsque ces derniers connaissent des difficultés conjugales dans les années 70. Margaretha de Luxembourg, fille du grand-duc Jean et de la grande-duchesse Joséphine-Charlotte, passe de longue période à Bruxelles.

Du côté du Gotha, Fabiola est très amie avec l’actuelle impératrice Michiko du Japon, avec la reine Sirikit de Thaïlande, la reine Sophie d’Espagne, l’impératrice Farah d’Iran, l’archiduchesse Rodolphe d’Autriche ou encore la duchesse de Montpensier.

A la mort de la reine Elisabeth, Fabiola mélomane avertie, reprend la présidence d’honneur du Concours international reine Elisabeth. Jusqu’à ce jour, elle a toujours montré sa constance et son assiduité pour assister aux différentes sessions, prenant discrètement des notes et n’hésitant pas malgré son âge à attendre tard dans la nuit les résultats du jury.

La reine a impulsé le Fonds Reine Fabiola pour la Santé Mentale. Elle est aussi à l’initiative de la mise en place au palais d’un secrétariat social qui gérait déjà à l’époque des milliers de demandes par an. On a peut-être tendance à l’oublier de par la surmédiatisation de la défunte princesse de Galles mais en Belgique, la reine fut la première à poser un geste symbolique vis-à-vis des malades du SIDA pour faire évoluer les mentalités. La reine visita des personnes porteuses du virus HIV à l’hôpital Saint Pierre à Bruxelles en compagnie de professeur Nathan Clumeck. Une photo ou la reine étreint un patient (de dos) fit bien plus que de nombreuses campagnes d’information et changea le regard envers les malades du SIDA.

Lorsque le roi Baudouin refusa au nom de sa conscience de signer la loi dépénalisant l’avortement et qu’il fut en incapacité de régner dans l’attente que les Chambres réunies votent la loi, on évoqua l’influence de la reine Fabiola dans cette décision. Il semble que même si le couple partage bien évidemment les mêmes valeurs, c’est bien le monarque qui prit seul cette décision.

La reine est comme toujours aux côtés du roi lors des célébrations des 60 ans du roi et de ses 40 années de règne, baptisées « 60/40 ». Pour les grands anniversaires royaux, pas de décorum comme dans les Cours scandinaves mais des festivités qui se veulent plus populaires et ouvertes à la société civile.

La santé du roi connaît des hauts et des bas. Il est opéré à l’hôpital Brousset à Paris. Fabiola ne quitte pas son chevet. Elle est toujours là, son plus fidèle soutien. Le roi se remet et annonce qu’il compte rester sur le trône aussi longtemps que sa santé le lui permettra. Les Belges sont bien loin d’imaginer que le 21 juillet 1993, c’est la dernière fois qu’ils voient celui qui pour la plupart d’entre eux a été leur seul roi. Le roi salue une dernière fois la foule massée devant la place des Palais et monte dans son véhicule. 10 jours plus tard, alors qu’elle l’attend pour dîner, Fabiola s’inquiète du retard du roi qui est resté sur la terrasse. Elle le découvre inanimé. Le médecin appelé en urgence ne peut plus rien.

On imagine aisément la douleur qui fut celle de la reine avec la perte de son compagnon depuis plus de 30 ans. Elle apparait très affectée sur la base militaire de Grenade où un avion des forces armées belges s’est posé avec le prince de Liège pour rapatrier la dépouille du souverain à Bruxelles. Les fidèles amis Juan Carlos et Sophie d’Espagne sont là, lui glissant à l’oreille des mots de réconfort.

Dans la nuit, l’avion se pose sur la base militaire de Melsbroek. Très éprouvée et fatiguée, la reine trouve encore la force de saluer les membres du gouvernement et les officiels, soutenue par le prince Philippe et la grande-duchesse Joséphine Charlotte.

Malgré ce deuil brutal, Fabiola veille dans les moindres détails aux préparatifs des funérailles du roi Baudouin en la cathédrale Saints Michel et Gudule. La ferveur populaire est à son paroxysme. Il faut plus de 10 heures de file pour se recueillir devant le cercueil du roi mais les Belges en pleine période estivale, sont là. Chaque soir, la reine vêtue d’un gilet blanc apparaît à une fenêtre du palais pour remercier la foule de son attente. Lors de la translation de la dépouille du roi entre le château de Laeken et le palais royal de Bruxelles à l’arrêt à la colonne du Congrès où repose le Soldat inconnu, une personne dans la foule lâche spontanément « Courage Madame la reine ».

Le jour des funérailles, l’empereur et l’impératrice du Japon ont fait le déplacement, les familles royales européennes sont là dont la reine Elizabeth ce qui est un fait rarissime, le président Mitterrand représente la France.

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La reine qui a demandé au gouvernement d’écourter la période de deuil national, a sublimé ce moment de joie et d’espérance. Il a été demandé de porter du gris plutôt que du noir. La reine apparaît soutenue par son beau-frère et sa belle-sœur vêtue de blanc. Des funérailles comme on n’en avait jamais vus : intervention du professeur Nathan Clumeck, de l’auteur Chris De Stoop qui avait sensibilisé le roi et la reine à la traite des êtres humains et qui parle au nom d’une jeune femme Luz qui avait été prise au piège de réseaux de prostitution, chansons de Julos Beaucrane, José Van Damme ou encore du chanteur flamand Will Tura qui interprète « Hoop doet het leven » (L’espoir fait la vie). D’une grand dignité tout au long de la cérémonie, la reine ne peut retenir ses larmes à l’écoute des paroles. Le prince Amedeo alors âgé de 7 ans, se faufile pour être près d’elle.

Lors du déjeuner qui suit au Palais royal, la reine est entourée du prince Rainier et du président Mitterrand. Jusqu’au bout, elle donnera une image exemplaire de dignité dans le chagrin.

Lors de la prestation de serment du roi Albert II, elle est évidemment présente. Au balcon du palais , elle se met avec ces gestes qui lui sont si propres, à applaudir le nouveau couple royal. Elle embrasse la reine Paola comme si elle tenait à lui passer le flambeau.

Une page de l’Histoire de la Belgique s’est tournée. Un règne avec son style et son empreinte laisse place à un autre. La reine Fabiola part se reposer dans sa famille en Espagne tout d’abord dans le Nord puis retourne à Motril où l’attend la princesse Nori du Japon, fille du couple impériale, habituée des lieux.

Doté d’une forte personnalité, il n’est pas évident du jour au lendemain de trouver les contours exacts de sa nouvelle place à la Cour. Mais la reine Fabiola y parvient fort bien. Elle continue dans un premier temps à soutenir et s’investir dans les causes qui lui sont chères mais elle laisse pleinement la place au nouveau couple royal. La reine préside la réunion des femmes rurales au Palais d’Egmont puis se rendra en Jordanie et également à Pékin.

Elle prend la présidence d’honneur de la Fondation Roi Baudouin, créée en 1976 à l’occasion des 25 ans de règne du roi et qui souteint depuis d’innombrables projets éducatifs, intergénérationnels et sociaux.

En 1998, la reine a déménagé vers le château du Stuyvenberg où vécut auparavant la reine Elisabeth. Bien qu’elle ait ralenti le rythme de ses activités en raison d’une santé délicate ces dernières années, la reine assiste encore aux grands événements de la Cour. Très proche de son neveu le prince Philippe, elle s’entend à merveille avec la princesse Mathilde. La fille cadette du couple héritier Eleonore porte d’ailleurs en deuxième le prénom « Fabiola ».

 

En 2009, elle fait l’objet de menaces de mort à l’arbalète ! Dotée d’un grand sens de l’humour, la reine Fabiola sort de son sac à main une pomme lors du défilé de la Fête nationale, allusion au Guillaume Tell !

Ces derniers mois, la reine a été au centre des critiques avec son initiative de constituer une fondation. Mal compris, ce geste lui a valu la diminution de sa dotation annuelle et a enclenché la réforme du système des dotations. Mal conseillée, la reine en a beaucoup souffert.

Il y a bientôt 20 ans que son époux le roi Baudouin est décédé. Il est resté à jamais très présent dans la vie de Fabiola qui porte d’ailleurs autour du cou un médaillon à son effigie. (Copyright photos : Getty images, DR, corbis & belga)