Le 6 juin prochain, une cérémonie privée au château de la Celle-les-Bordes, propriété de Monsieur Thierry Gobet, célèbrera une rose née de la rencontre de deux créateurs : l’obtenteur Jean-Jacques Gaujard et le parfumeur Jean-Paul Guerlain. Pour l’occasion, la poétesse Gabrielle de Lassus Saint-Geniès fera une lecture de poèmes extraits de son recueil Hortus Conclusus dédié aux fleurs. Martin Blondeau et Jérôme Pinget, respectivement premier violon et violoncelliste, soliste, à l’Orchestre Philharmonique de Radio France feront également l’honneur de leur présence. Le rosier qui sera présenté est un hybride de thé à grosses fleurs, caractérisé par une couleur rose fuchsia se parant de reflets violets. Baptisée « Rose Jean-Paul Guerlain », la fleur s’ouvre majestueusement en spirale et dégage un parfum intense.
Symbole de l’amour et inspirant les sentiments les plus nobles, la rose est considérée comme la reine des fleurs. Poètes, musiciens, peintres, décorateurs et jardiniers la célèbrent depuis des siècles.
La création d’une rose est le fruit d’un travail de plusieurs années mené par un obtenteur. Celui-ci, également appelé hybridateur, croise deux variétés différentes de roses. Jean-Jacques Gaujard appartient à la plus ancienne famille d’obtenteurs de France. La passion de la famille Gaujard pour les jardins remonte au règne de Louis XIV. En 1698, Pierre Gaujard était jardinier en chef des jardins du château de Versailles aux côtés d’André Le Nôtre.
Ci-dessus, ordonnance de 1698 présentant les armoiries de Pierre Gaujard. Au XVIIIème siècle, les Gaujard s’intéressent à la rose et débutent leur culture. Ils développent également une production d’arbres fruitiers et d’arbres d’ornements. En 1811, l’activité est encouragée par l’empereur Napoléon Ier qui accorde 1000F pour le développement des pépinières de la famille à Déols, près de Chateauroux.
À partir de 1919, Jean-Marie Gaujard entreprend une formation chez un rosiériste lyonnais. Il fonde quelques années plus tard les Roseraies Gaujard. Il initie son fils, Jean-Jacques Gaujard, dès son plus jeune âge à l’hybridation. Père et fils multiplient les créations. La famille exporte ses plants partout en Europe, en Amérique du Sud, en Australie et au Japon. La Rose Gaujard reçoit en 1957 la distinction de la « Plus belle Rose de France » et en 1958 la médaille d’or à Londres.
Jean-Jacques Gaujard et sa fille Aveline ont bien voulu partager avec les lecteurs de Noblesse & Royautés leur passion pour la rose. (Merci à Alexandre Cousin pour cet entretien)
A.C. : Jean-Jacques Gaujard, la création de roses est une affaire familiale ancienne. Comment avez-vous rejoint ce métier ?
Jean-Jacques Gaujard : Chez les Gaujard, l’hybridation de plantes est en effet une passion qui se transmet de génération en génération. J’appartiens à la 11ème génération ! En 1923, mon grand-père a présenté mon père, Jean-Marie Gaujard à Joseph Pernet-Ducher, rosiériste à Lyon qui avait inventé la rose jaune. Il jouissait d’une grande réputation. Il avait perdu ses deux fils pendant la Première Guerre mondiale et était seul pour s’occuper de son exploitation. Mon père a alors rejoint son activité et a fait ses premières hybridations. Convaincu par le travail de mon père, Pernet-Ducher lui a proposé de reprendre l’activité. Mon père a accepté. Quelques années plus tard, il a fondé les Roseraies Gaujard près de Lyon. C’est assez naturellement que je me suis à mon tour intéressé à la création de roses. J’ai commencé à travailler très tôt avec mon père. Et la relève est assurée car ma fille Aveline partage cet amour de la rose. C’est la première femme de la famille qui exerce ce métier !
A.C. : Pourriez-vous nous parler du métier d’obtenteur ?
C’est un métier rare, nous sommes cinquante dans le monde. Les Gaujard sont les plus anciens. C’est un métier de recherche et de patience. La création d’une rose relève d’un processus d’hybridation long et complexe. Entre l’hybridation (c’est à dire l’accouplement d’un rosier-père et d’un rosier-mère) et la mise en vente d’une rose, dix années s’écoulent. On peut orienter les caractéristiques d’une rose mais on n’est jamais sûr du résultat que l’on va obtenir. C’est avant tout la nature qui décide. Certes, le progrès fait de belles choses, notamment dans la résistance de la fleur contre la maladie mais la nature a toujours le dernier mot. Ainsi, chaque éclosion, fin mai-début juin, est le fruit du hasard. C’est à chaque fois une nouvelle découverte, cela fait partie des joies du métier.
Ce métier est aussi très riche en rencontres : Nous voyageons beaucoup en Europe et dans le monde pour développer nos recherches. Nous rencontrons évidemment des agriculteurs et des producteurs mais aussi parfois des princes ou des artistes. Depuis quelques années, je constate un regain d’intérêt pour la rose. On se passionne de plus en plus pour la rose, on la collectionne… Le Congrès Mondial des Sociétés de Rose se tient cette année à Lyon. C’est un très bel événement où se retrouvent tous les amateurs de la rose.
A.C. : Quelles qualités cherchez-vous à donner à une rose ?
Plusieurs aspects concourent à la beauté d’une rose : sa couleur, sa forme – ni trop grosse, ni trop petite – sa bonne santé et son parfum. Cependant, la rose idéale n’existe pas ! Nous travaillons beaucoup sur le parfum de la rose. C’est une chose très importante. Il n’existe pas beaucoup de fleurs parfumées. Or, on associe toujours la rose au parfum. Quand on offre une rose à une femme, son premier geste est de sentir son parfum. Nous faisons en sorte que la rose garde son parfum le plus longtemps possible. Les roses coupées des fleuristes qui sont fabriquées en serres perdent, quant à elles, jusqu’à 80% de leur parfum.
A.C. :Avez-vous reçu des commandes prestigieuses au cours de votre carrière ?
L’un de mes plus beaux souvenirs remonte à la fin des années 1960. Le Chah d’Iran nous a demandé la création d’une rose pour son épouse, la chahbanou. Cette rose a été baptisée « Rose Farah Diba ».
A.C. :Comment votre rencontre avec Jean-Paul Guerlain s’est-elle produite ?
L’entourage de Jean-Paul Guerlain a souhaité lui offrir une rose à son nom. C’est un bel hommage. Le parfumeur a tout de suite été séduit par la rose que nous lui avons présentée : « elle est belle et elle sent très bon ! » m’a t-il annoncé. Alors si Monsieur Guerlain en personne dit que la rose sent bon !
A.C. :En quoi la Rose Jean-Paul Guerlain est-elle unique ?
C’est une plante d’une hauteur de 70 à 80 centimètres, son feuillage est vert foncé, son parfum intense. La fleur est d’un rose fuchsia soutenu, avec quelques tonalités de bleu et de violet. Elle se plaît partout où nous avons expérimenté sa culture en Europe. Cette rose est en quelques sortes l’aboutissement de plusieurs années de recherches.
A.C. : Aveline Gaujard, vous êtes la première femme de la famille à reprendre le métier d’obtenteur. Pourquoi avez-vous choisi d’exercer le métier de votre père ?
Aveline Gaujard : En 1965, année de ma naissance, l’exploitation familiale était très importante. Je suis véritablement « née dans les roses ». J’ai vu mon père et mon grand-père travailler avec passion. Après des études de biologie, j’ai rejoint l’exploitation. J’ai rapidement eu l’envie de m’y consacrer à mon tour et de faire perdurer cette précieuse tradition. C’est un métier qu’on ne peut faire qu’avec passion et qui ne s’apprend dans aucun établissement scolaire !
A.C. : Comment votre regard de femme influence t-il vos créations ?
Chacun à ses propres sensibilités. Dans notre métier, cela se joue surtout au niveau de l’hybridation et la sélection des variétés. Pour ma part, j’affectionne les fleurs en rondeur, les coloris énergiques comme les orange, ou bien plus doux comme les roses et blancs. Quant à mon père, il préfère généralement les roses élancées et de forme turbinée.
A.C. :Comment nous décririez-vous la Rose Jean-Paul Guerlain que vous avez conçue avec votre père ?
Avec son coloris profond et son parfum suave et fort, c’est une rose avant tout chaleureuse !
A.C. :Comment et à partir de quand pourra t-on se procurer cette rose ?
Le baptême de la rose se fera le 6 juin 2015. Elle sera disponible dans les jardineries et directement chez les producteurs* à partir du mois d’octobre.
Nous remercions Jean-Jacques et Aveline Gaujard d’avoir bien aimablement accepté de répondre à nos questions.
* Les principaux producteurs sont les Pépinières Habert (45270 Bellegarde), Pépinières Claude Michel (49410 Le Mesnil en Vallée) et Pépinières France Pilté (45270 Bellegarde)
Reportage Alexandre Cousin – Crédit Photos © GAUJARD Créations, tous droits réservés.
DEB
20 avril 2015 @ 07:40
Une rose parfumée est ce qu’il y a de plus rare actuellement .
Jean-Marc
20 avril 2015 @ 08:32
Merci Alexandre Cousin pour cet article et cette interview passionnants !
Je ne connaissais pas du tout ce métier et suis fier d’apprendre que les plus anciens createurs de roses sont francais!
corentine
20 avril 2015 @ 09:30
merci beaucoup
je découvre un peu ce domaine, très intéressant, merci pour cet article
Gibbs
20 avril 2015 @ 09:33
Cette rose est superbe tant par sa couleur que par sa forme !
Anais
20 avril 2015 @ 10:40
Merci pour cet article très intéressant et pour l’évocation de l’impératrice Farah
Berte
20 avril 2015 @ 15:38
Merci à vous pour cet article fort intéressant.
Bonne soirée.
flabemont8
20 avril 2015 @ 16:56
Merci, Régine et Alexandre Cousin , pour ce très bel échange avec M. Gaujard et sa fille .
Cette rose est une splendeur , je me la procurerai dès que possible .
Je précise qu’une rose a un nom qui lui est donné par son obtenteur et qui ne varie jamais . Il doit obligatoirement commencer par les 3 premières lettres du nom de cet obtenteur , ici GAU…Ensuite on peut lui donner , comme ici , un nom dédié à une personnalité .
Certaines roses ont été commercialisées sous des noms différents selon les pays .
Caroline
20 avril 2015 @ 22:49
Pourquoi pas offrir cette nouvelle rose à la reine Margarethe de Danemark adorant les roses?
Corsica
21 avril 2015 @ 06:42
Mes parents amoureux de leur jardin de roses m’ont fait découvrir ces ronces aux fleurs merveilleuses . Celle de madame Gaujard est tout à fait dans mes goûts . Pour bien finir et commencer mes journées, j’en mettrais volontiers quelques unes dans une timbale d’argent posée sur ma table de nuit .
Caroline
21 avril 2015 @ 21:17
Corsica,vous etes donc une incorrigible romantique!
D’autre part,je crois qu’il n’est pas bon de dormir dans une chambre à coté des plantes!
Bonne nuit ‘parfumée’!
Lechon
19 septembre 2015 @ 13:42
Bonjour ou puis je acheter ce rosier s il vous plait ,merci d avance