Ce cliché datant de 1933 représente le Duc de Guise, Chef de la Maison de France, et son petit-fils Bernard d’Harcourt au Manoir d’Anjou en Belgique, demeure d’exil du Prince. Le comte Bernard d’Harcourt, fils de la princesse Isabelle de France et de son époux le comte Bruno d’Harcourt, est décédé prématurément à Larache au Maroc le 4 septembre 1958 à l’âge de 33 ans des suites d’une chute de cheval. Yvonne de Contades, descendante du vicomte Ferdinand de Lesseps et veuve du Comte Bernard d’Harcourt, âgée aujourd’hui de 87 ans vit toujours à Paris. (Photo DR – Merci à Charles)
DEB
2 septembre 2015 @ 06:21
La complicité bienveillante d’un grand-père pour son petit-fils apparaît dans cette photo.
Merci de l’avoir publiée.
MEYER
2 septembre 2015 @ 07:01
La mère du comte Bernard d’Harcourt avait contracté une seconde union avec le prince Pierre Murat (sans postérité).
Il avait épousé en premières noces Zénaïde Rachewska (divorce).
Il avait 3 sœurs dont des jumelles Gilonne et Isabelle puis Monique, parmi les familles avec lesquelles ses neveux et nièces Deux-Brézé, Murat et Boulay de la Meurthe se sont alliées, on trouve : Pourrroy de Quinsonas-Oudinot, Clermont-Tonnerre, Blacas d’Aulp, Montalembert.
Le cadet de ses 2 fils a épousé la fille de l’écrivain et dramaturge Jean Anouilh : Colombe.
Gibbs
2 septembre 2015 @ 16:45
Merci chère MEYER !
Cordialement,
MEYER
3 septembre 2015 @ 10:28
Chère Gibbs
Je vous ai répondu : rubrique Toerring / Altenburg.
Très cordialement.
LPJ
3 septembre 2015 @ 07:34
A noter que la mère et une des sœurs du Comte Bernard ont épousé l’une et l’autre des Princes Murat, descendant de Caroline, la sœur de Napoléon 1er.
A noter également que les Boulay de la Meurthe sont les descendants du seul vice-président de la République qu’ai connu la France (il avait été élu avec Louis-Napoléon Bonaparte futur Napoléon III).
aubert
2 septembre 2015 @ 10:00
…la suite Charles, SVP.
clementine1
2 septembre 2015 @ 10:24
merci Charles pour cette rare et belle photo. Heureuse de savoir que la Comtesse Bruno d’Harcourt est toujors en vie. J’espère qu’elle se porte bien.
AUDOUIN
2 septembre 2015 @ 12:00
Clémentine1
La comtesse Bruno d’Harcourt, née Isabelle d’Orléans est décédée le 12 février 1983 à Neuilly à 82 ans…
Gérard
2 septembre 2015 @ 14:12
Oui c’est la comtesse Bernard d’Harcourt comme l’a bien dit Charles qui est toujours en vie tandis que Zénaïde dont la vie fut un roman est morte il y a longtemps dans son monastère de l’Himalaya.
Jean Pierre
2 septembre 2015 @ 12:16
La photo fait très scène de théâtre des années 30.
Le duc de Guise en acteur un peu cabot….et le fils de Bernard d’Harcourt devait bien plus tard épouser la petite fille de Jean Anouilh.
Gustave de Montréal
2 septembre 2015 @ 16:04
Oui, le duc a pris la pose qui ressemble à Napoléon.
Gérard
3 septembre 2015 @ 19:35
Il était passionné par l’Empire et par l’armée impériale. Avec son gendre Murat il fut servi car c’était un bonapartiste savant et acharné qui en a abreuvé tous ses neveux jusqu’à plus soif.
clementine1
3 septembre 2015 @ 08:10
Audouin et Gérard merci, faute d’étourderie de ma part, je pensais à la Comtesse Bernard née Yvonnes de Contades dont je n’oublie pas la gentillesse.
Je me souviens aussi des funérailles de la Princesse Isabelle, Princesse Murat en 1983. Surtout d’une photo de la la Princesse Claude, sûrement plus heureuse aujourd’hui qu’à cette époque-là.
AUDOUIN
2 septembre 2015 @ 14:39
La petite fête donnée le 4 février 1925 par le duc et la duchesse de Guise dans leur maison de Larache (Maroc espagnol) à l’occasion du baptême de leur petit-fils, Bernard d’Harcourt, né le 1er janvier précédent, fut malheureusement endeuillée par un « accident » dont les circonstances demeurent mystérieuses et qui, pour cette raison, fit la « une » de la presse parisienne de l’époque.
Les journaux avaient repris un article du Daily Mail selon lequel le comte Gustave de Pierre de Bernis, grand-oncle du nouveau-né et régisseur des domaines acquis par les d’Orléans dans la zone contrôlée par la France, avait été tué en duel par le consul d’Espagne, Don Emilio Zapico Zarraluqui. Le journal ajoutait que des « insultes » proférées par le comte de Bernis auraient conduit le diplomate à lui envoyer ses témoins.
Le neveu de Bernis, Bruno d’Harcourt (mari d’Isabelle d’Orléans et père du petit Bernard) adressa des démentis aux journaux..Il affirmait que son oncle n’avait pas été tué en duel. Il admettait cependant que ce dernier avait l’habitude de « faire les armes » avec Don Emilio Zapico et que c’est au cours d’un « assaut à l’épée » que le comte de Bernis aurait succombé « au milieu de nous tous » à une « hémorragie abdominale. »
Don Emilio Zapico lui aussi se fendit d’un communiqué à la presse, démentant la version du Daily Mail et évoquant, lui, une hémorragie cérébrale ».
De ces explications confuses, les gens informés ou prétendus tels firent des gorges chaudes, d’autant plus que le bruit courait avec insistance que la duchesse de Guise et le comte de Bernis entretenaient depuis longtemps une liaison amoureuse. Quand les d’Orléans quittèrent Le Nouvion-en-Thiérahe où la duchesse de Guise s’ennuyait à mourir pour aller jouer les défricheurs au Maroc, Gustave de Bernis n’hésita pas à les suivre…
Un méchant calembour se colportait alors dans le Tout-Paris: « Où va donc Bernis? Mais Il court à sa Guise! »
Après sa mort mystérieuse, on lui dressa cette épitaphe: » Ci-gît Bernis. Toute sa vie, il fit l’amour à sa Guise. »
AUDOUIN
Rose
3 septembre 2015 @ 20:00
Bonsoir,
Si l’on résume, la fille de la duchesse de Guide aurait épousé le neveu de son amant. Voici le genre de potin,croustillant à souhait mais sans trop de conséquence car le temps a passé, qu’on ne peut trouver que sur ce site…
Belle soirée
Rose
patricio
2 septembre 2015 @ 15:25
Merci Charles pour ces anciennes photos que j’aime beaucoup
amitiés
patricio
Lady Chatturlante
2 septembre 2015 @ 15:59
Quel beau petit Marocain. On dirait l’actuel prince héritier.
Damien B.
2 septembre 2015 @ 16:17
Charles, le comte Bernard d’Harcourt résidait-il de manière permanente au Maroc ?
Bien à vous
flabemont8
2 septembre 2015 @ 17:09
Quelle tristesse qu’il soit décédé si jeune …
Claude-Patricia
2 septembre 2015 @ 17:18
Bonjour à tous,
Je n’ai eu aucune nouvelle de Monseigneur le Comte de Paris…Peut-être est-il en vacances. Alors je vais oser continuer le livre de sa mère, pour faire plaisir à ceux qui ont envie de suivre ce beau récit. Je vous tiendrai informé d’une éventuelle réponse.
« Tout m’est bonheur », « Au temps béni de mon enfance », Isabelle, Comtesse de Paris.
Nous étions dehors par tous les temps, chaussés, durant la guerre de 1914, de grosses godasses à semelles de bois. Durant cette période, pour nous tenir les pieds au chaud, notre bonne entourait nos chaussettes de pochons en papier journal.
Pour ce qui est de nos habits, nous portions longtemps le même vêtement, jupes en lainage en hiver, cotonnades en été, qui étaient changées une fois par semaine. Pour les dimanches et les jours de fêtes, maman nous faisait faire de très charmantes toilettes qui me plaisaient toujours beaucoup. Sauf une fois quand, pour un gala de cinéma muet à Paris, nos grands-parents nous ont emmenés voir le film principal qui était une bien lugubre « Vie de Jésus ». La salle était remplie d’enfants, et les petites filles portaient toutes des robes en faille rose ou bleue à froufrous. Pour cette occasion, Maman avait commandé pour moi une robe en lin écru avec des entre-deux en dentelle d’Irlande. Cette tenue, qui était certainement une des plus élégante,
me donnait pourtant l’impression d’être très peu habillée…A côté de robes en soie voyantes et multicolores des autres petites filles qui froufroutaient dans les loges alentour, je me suis sentie ce jour-là, franchement misérable.
Maman peignait beaucoup. Surtout des portraits à l’huile que le goût du jour pourrait trouver trop ressemblants peut-être, mais qui nous plaisaient à tous énormément.
Elle était également très musicienne, et excellente pianiste. Les après-midi d’hiver, avant le dîner, elle jouait de longs moments et parfois, ses mélodies me donnaient envie de pleurer. Je me cachais alors à ses pieds sous le grand piano à queue…
Lorsque nous étions plus âgés, et que l’envie nous prenait de danser au son du phonographe, elle amplifiait, en les accompagnant au piano, les airs gravés sur les disques en cire épaisse. Nous virevoltions alors entre cousins et cousines sur les parquets Louis XIII du château d’Eu ou à Paris sur les tapis rares et élimés de l’hôtel Lambert.
Papa et Maman étaient extraordinairement gais et partout où ils allaient, ils rayonnaient la sérénité et la joie…Ils étaient grands, ils étaient beaux, Papa avait les yeux myosotis des Orléans, Maman le regard gris-vert qui lui venait de son sang slave.
C’était le couple le plus parfait, et le plus heureux que j’ai pu connaître sur terre et je pense que cette félicité venait de l’harmonie de leur vie sentimentale. Jusqu’à l’instant de leur mort, ils étaient restés profondément amoureux et ils ne se gênaient nullement de le manifester, du moins, devant leurs enfants. Nous ne les avons jamais entendus se disputer et ils étaient toujours d’accord sur tout, sauf lorsque nous partions en voyage, à cause des bagages.
Maman s’occupait de faire préparer le effets de tout le monde. Ce n’était pas une petite affaire, car nous étions cinq enfants et il fallait prévoir des tenues adaptées à toutes les circonstances. Dès la veille du départ, s’accumulaient dans le hall, baluchons, malles et cantines, énormes cartons à chapeaux, le « plaid-rolled » que notre bonne appellait « pétrolette », sorte d’immense fourre-tout où l’on serrait les lodens de chasse, « pétrolette », un nom bizarre, adopté depuis par toute la famille y compris les nouvelles générations. Devant le tout, la monumentale malle-armoire de Maman
Claude-Patricia
2 septembre 2015 @ 18:04
Lorsqu’au moment du départ, Papa tombait sur cet amoncellement, il s’écriait furibond : « je ne pars plus ». Il survenait ensuite avec fusils, cannes à pêche et machine à écrire, une omniprésente et mystérieuse petite valise qui contenait outre un certain nombre de lettres, de documents et de devises, des boites à mouches pour la pêche, un réveil, des couteaux de chasse, des canifs à lame multiples pour le bricolage, son livre de messe enfin et des quantité de pipes. On ne tenait guère compte des cris de protestation de Papa, et l’encombrant chargement arrivait toujours ponctuellement à destination. Chères colères de Papa, si vite retombées, car sa bonté reprenait aussitôt le dessus!
Malgré le tournoiement de nos gouvernantes, institutrices, professeurs et abbés-ceux-ci pour mes frères seulement-nous étions très libres dès la fin des heures d’étude et de répétitions. Les repas étaient très gais. Nous étions presque toujours entre quinze et vingt à table et nous pouvions parler, à la condition de nous exprimer un jour en portugais, un autre en allemand, un autre encore en anglais. Les dimanches et jeudi nous pouvions parler français. La chère Mme Pelletier, notre institutrice, n’entendait que l’anglais, en dehors du français, boudait les jours allemands et brésiliens. La gouvernante autrichienne, la baronne Elisabeth Reisky, était ravie des jours où l’on parlait allemand. Quant à la dame d’honneur de Maman, Melle de Maya Monteiro, son jour de gloire arrivait quand nous nous exprimions en portugais, M. Raders, le précepteur de mes frères, paraissait lui le comprendre.
Grâce à mes parents, notre maison était toujours gaie. Nous les entendions rire très souvent et Maman aimait vaquer à ses différentes tâches en chantant et en sifflant.
L’atmosphère qui régnait dans notre maison est assez difficile à décrire, et surtout à expliquer. Mais je pense que pour l’essentiel, c’est la façon de vivre de mes parents qui emplissait la maison à toutes les heures du jour, d’une sorte de courant d’air incessant de bonheur et de joie.
Maman avait un don spécial pour soigner les malades et les mal portants, sa manière était empirique, mais le résultat presque toujours bon.
Après sa maladie, ma sœur Françoise a gardé les jambes très fragiles. Avec raison, Maman trouvait les bains de mer indispensables pour les fortifier, et nous tous par la même occasion… En hiver, pour activer la guérison de ma sœur, Maman faisait venir de Mers ou du Tréport un grand seau de varech qu’une brave femme nommée Virginie apportait quotidiennement avec le poisson qu’elle vendait à Eu. J’adorais notre bain le soir avant le dîner où nous marinions dans ces algues ondulantes et odorantes, et jouions à faire éclater les verrues que cette plante marine porte sur ses feuilles…
Actarus
3 septembre 2015 @ 00:13
Le duc déguisé ! ^^ Et son petit-fils aussi. ;-)
Corentine
3 septembre 2015 @ 07:47
Charles je vous remercie beaucoup pour cette charmante photo du duc de Guise et de son petit-fils . Très espiègle ce petit garçon !
Je vous remercie aussi des différents articles sur la Famille de France que j’ai découvert au retour de vacances
J’attends avec impatience vos reportages sur le prince Grégoire de Bourbon Deux Siciles et sur les descendants du prince Emmanuel d’Orléans
Encore merci, c’est un vrai plaisir
aramis
3 septembre 2015 @ 08:10
le duc de Guise (joli nom, que les Orléans ne devraient pas laisser perdre…) a de très grandes mains, non ? très élégante stature en tout cas…
Gérard
3 septembre 2015 @ 19:38
Jean le Magnifique disait-on parfois.
Louise-Marie
5 septembre 2015 @ 09:34
Jolie photo d’un chef de la maison de France qui avait beaucoup de distinction
Claude-Patricia
5 septembre 2015 @ 15:22
Bonjour à tous,
Je continue ici le livre de Madame
Les jours de sortie, Papa s’habillait comme tout le monde, mais à l’ordinaire, ses costumes étaient plutôt singuliers.
Dépourvu de tout respect humain, il ne craignait pas, par exemple, d’arborer pour les dîners en famille des vestons en tissus des Indes, aux grosses raies arc-en-ciel. Se sentant par ailleurs très proche des habitants d’Eu, il ne manquait aucun enterrement.
Quand, par malchance, le défunt était porté en terre un jour de chasse, Papa assistait à l’office dans un ample costume noir. En sortant de l’église, il laissait le cortège s’ébranler, se dirigeait alors vivement vers le château, et à la stupeur des quelques personnes présentes, commençait, en pleine place d’Orléans à se déshabiller. D’abord la veste de deuil, et puis, tout en courant vers l’auto, son pantalon. Il tendait toutes ses défroques au concierge qui attendait à la grille du château.
Cette mue terminée, il apparaissait enfin dans son costume de chasseur et sautait d’un bond au volant de son auto.
Le spectacle était certes imprévu, mais Papa n’en avait cure.
Souvent surprenantes, les manières de mes parents pouvaient étonner beaucoup. Mais leur simplicité, jointe à leur naturel, a fait qu’elles n’ont jamais scandalisé personne.
Mon souvenir le plus lointain me ramène en Bohème, au château de Chotebor. Je devais avoir deux ans et je me vois juchée sur une grande commode blanche, dans une petite chambre à rideaux blancs. Ce devait être la nurserie et Maman me montrait à un groupe de dames. Parmi elles, il y avait sans doute ma grand-mère et les belles-soeurs de Maman. Comme elles étaient souriantes, toutes ces dames! Certaines portaient de très grands chapeaux, un peu de travers, mais toutes avaient de larges ceintures noires et brillantes, qui leur serraient la taille entre les jupes et les corsages à col empesé.
Pour mieux me voir, toutes ces jeunes femmes faisaient des courbettes en riant et leurs chapeaux ondulaient.
J’ai toujours dans l’oreille le son de la voix de Maman. Je savais qu’elle parlait de moi et sa voix était un gazouillis mais que je ne comprenait absolument pas. Cela me troublait…Je me rend compte à présent qu’elle devait parler tchèque ou allemand.
J’éprouve encore un sentiment étrange lorsque je revis cette scène, toute petite bonne femme que j’étais, me rengorgeant, toute fière de la joie de Maman qui me faisait admirer. C’est comme si du lait chaud coulait en moi. J’étais bien, j’étais heureuse.
Une autre fois, il pleut, il pleut tellement et je suis toute seule à la maison. Je suis toute petite avec les cheveux blonds en boucle, car on m’a mis des bigoudis après le bain. J’aime bien cela, parce que, en suite, Miss Scott me frotte la tête avec quelque chose qui sent bon.
Mais aujourd’hui je suis enrhumée et je suis toute seule. La maison sent l’eucalyptus, tout a l’air d’être dans du coton, tout est mou, et rien n’a bonne odeur. Je vais à la fenêtre. Il pleut, il pleut tellement! Je ne bouge pas mais malgré la pluie, j’entend la chute d’eau de la rivière.
En restant bien immobile, le nez collé contre la vitre qui dégouline, je peux me donner l’illusion de pleurer. Je reste là indéfiniment et le bruit de la pluie me fait des picotements dans la tête., Il pleut, je suis toute seule, je suis toute petite.
Un jeudi après-midi, comme il fait très froid, et que j’ai mal à la gorge, je reste seule dans la salle de jeu.
Mes frères et sœurs sont allés jouer dehors et pour me consoler, Maman m’a remis la clé d’une ravissante vitrine en marqueterie. Cette vitrine m’appartient et j’y range tous mes trésors : vaisselle de poupée, petit bureau miniature avec la garniture complète, y compris un globe terrestre minuscule, du papier à lettres et un journal qui porte ce titre : le Charivari. J’aimais à déranger et à recomposer le décor des étagères remplies de ces petites bricoles.
A cette époque de mes cinq ou six ans, nous avions une bonne qui se nommait Denise. Elle devait avoir dix-huit ans et je ne l’aimais guère. Avec sa figure rouge et ronde, elle aurait pourtant dû m’inspirer confiance, mais elle parlait fort et j’en avais un peu peur. Il me revient un exemple de sa rusticité. Elle s’introduit un jour dans le salon où Maman recevait des visites, pour la prévenir que ma petite sœur Thérèse pleurait : « Mââme la princesse, la petite princesse al braie, al crie beaucoup! ».
Une autre fois, Maman trouve que cette jeunesse qui lui est confiée doit songer à son âme. Elle l’envoie suivre une retraite à la paroisse. Lorsque la retraite est terminée, Maman lui demande si cela lui a plu et si elle a retenu quelque chose. « J’ai appris à méditer », répond Denise. « Et comment médite-t-on? Lui demande Maman? « C’est très facile…On ne fait rien, on ne dit rien, on n’pense à rien! »
Ce fameux jeudi, Denise m’apporte le goûter et reste pour me tenir compagnie. Au bout d’un moment, elle me demande si je veux jouer aux dames avec elle. J’aimais bien jouer aux dames, mais surtout avec Papa. Avec elle, cela ne m’enchantait pas beaucoup mais elle insiste si bien que je finis par lui céder.
Au début je gagne une ou deux parties. Je suis ravie, et là-dessus, Denise me dit : « Maintenant, pour que cela soit encore plus amusant, celle qui va perdre devra donner un cadeau à l’autre. » Avec mes six ans, je n’ai pas compris d’abord le sens de cette funeste proposition. J’ai même trouvé l’idée de Denise excellente…La première partie avec enjeu commence et je vois encore la grosse main de Denise poussant les pions…
Francine du Canada
7 septembre 2015 @ 00:32
C’est fou comme il est intéressant ce livre; merci Claude-Patricia. FdC
Claude-Patricia
7 septembre 2015 @ 21:02
Bonsoir à tous,
Les mémoires de Madame.
…Elle gagne la première partie et me dit : « Bon maintenant, je dois choisir un cadeau! »
Elle va à la vitrine et prend le petit canif miniature en ivoire que j’aimais tant. Je lui demande alors : « si je gagne maintenant, Est-ce que je pourrai gagner le petit canif? »
« Bien sûr » me dit-elle. Et elle gagne un autre bibelot de ma vitrine. Oh, que c’est atroce! Elle gagne…Elle gagne et tous les autres bibelots s’en vont, les uns après les autres…Je suis affolée et ne sait comment arrêter cette catastrophe. En dépit de l’angoisse qui m’étouffe de plus en plus, je veux pourtant respecter nos conventions. J’ai compris plus tard qu’elle trichait.
C’est dans ces affreux instants que j’ai conçu pour toujours une certaine répugnance pour le jeu. On s’est d’ailleurs aperçu quelques temps après que Denise était aussi voleuse. L’épilogue de cette histoire n’est pas tout à fait tragique: mes parents ont pu récupérer quelques-uns de mes trésors, mais jamais mon préféré, le minuscule canif d’ivoire à lame double.
Pendant la guerre de 1914, nous avons tous fait un long séjour à Bossens, à soixante kilomètres de Lourdes, au bord du gave. Nous avons passé là, tout un hiver et un printemps, car ma sœur Françoise est tombée gravement malade pendant que nous nous trouvions à Lourdes, en pèlerinage. Chaque fois qu’il y avait une naissance à la maison, nos parents partaient avec armes et bagages, bonnes et nourrices pour Lourdes où l’on consacrait le nouveau-né à la Sainte Vierge.
C’est lorsque nous y sommes allés pour mon frère Dom Joao que Françoise a failli mourir. On nous a tous expédiés à Bossens avec les bonnes et Miss Scott, et nos parents sont venus nous rejoindre plus tard avec la petite convalescente.
Bossens était à cette époque un minuscule village pyrénéen. A l’écart, sur une colline, s’élevait un hôtel moderne tout en pierre grise avec une vue merveilleuse sur les montagnes et les ruines d’un château fort.
L’hiver était venu avec le ciel rose et nous faisions de la luge sur la neige bleuté. C’est là que pour la première fois de ma vie, je suis allée à la messe de minuit. Dans la nuit, on voyait toutes les lanternes des paysans qui descendaient de la montagne vers l’église du village.
J’étais au banc des petites filles et je portais comme tous les jours un capulet rouge comme en ont les petites Béarnaises. Pendant la messe des dimanches, le curé se retournait pour donner des taloches aux gamins qui faisaient des bêtises. Je me souviens d’avoir eu très peur que cet original s’en prenne aussi à mon frère Pedro qui, au banc des petits garçons, roulait de gros yeux effarés.
Claude-Patricia
7 septembre 2015 @ 21:18
Notre vie à Bossens s’écoulait calme et heureuse. Papa et Maman nous emmenaient faire de grandes promenades dans la montagne, et nous rendions visite à des paysans qui nous offraient du lait. Un jour ils nous ont même demandé de garder leurs troupeaux de moutons. Jamais comme ce jour-là je ne me suis sentie aussi importante! Nous rencontrions parfois des vielles Béarnaises assises sur le pas de leur porte : les dernières fileuses au rouet.
Un jour, au cours d’une longue promenade, le sentier nous amène au bord du Gave. Nous trouvons le gué et le passons en sautant de pierre en pierre. La course continue sur l’autre rive, en remontant la vallée. Mais voici qu’au retour une crue subite nous empêche de retrouver le gué. Nous allons et venons le long du Gave tumultueux qui roule des eaux claires et grondantes. Papa sonde la profondeur de l’eau avec son alpenstock: il faut vite traverser, car dans cinq minutes, ce sera trop tard!
Tel un Saint Christophe, il nous charge les uns après les autres sur son dos. Il a de l’eau bien au dessus des genoux et quand c’est au tour de Maman, que j’aperçois toute abandonnée de l’autre côté du Gave, je me demande comment il va faire, car elle est si grande, et l’eau est encore montée. Je suis prise d’une admiration si grande quand je vois Papa enlever son fardeau facilement et revenir vers nous avec allégresse.
Un jour, rien n’alla plus. Tout d’abord j’ai été grondée par Maman et mon frère s’est mis à rire.
Claude-Patricia
8 septembre 2015 @ 13:59
…Pedro me taquinait beaucoup et Maman l’excusait souvent. Ensuite la nurse s’était montrée sévère avec moi, car devant mette, ce jour là une robe en jersey bleu marine avec mille petits boutons sur le devant, j’avais refusé de m’habiller seule. Pour couronner le tout, Papa était parti pour Lourdes…
J’étais furieuse et malheureuse et soudain j’en ai eu assez de la nurse, de l’hôtel, du restaurant avec ses odeurs de soupière en métal, de son parterre de vielles personnes, et peut-être même de toute la famille. J’ai déclaré tout net que je partais pour Lourdes, que je pouvais bien faire soixante kilomètres à pied et que je connaissais le chemin. J’avais six ans et Maman m’a laissé partir. Ce moment a été un des plus merveilleux de ma vie; sitôt les pieds sur la grande route, j’ai oublié tous mes griefs et malheurs de petite fille? Nous étions en mars, des ruisseaux de neige fondue galopaient de chaque côté de la route et je revois ce paysage comme si j’y étais encore. Malgré ma révolte, je ressentais un grand bonheur et cette liberté, cette autonomie nouvelle m’enthousiasmaient. La campagne semblait prendre une autre vie, les buissons, le long des ruisseaux étaient tout dorés par le soleil, les montagnes lointaines avaient l’air de grands coussins posés les uns sur les autres et je marchais allègrement, en faisant résonner mes grandes galoches sur la route dure. Un magnifique coucher de soleil embrasait le ciel et tout le pays. Les nuages avaient des formes et des couleurs extraordinaires, et je me suis arrêtée pour les contempler; j’étais partie, j’étais seule, j’étais heureuse. A force de tout bien regarder, j’ai soudain aperçu Maman cachée derrière une haie. C’était l’écroulement de mon rêve. Un instant, avant, je me voyais déjà arriver à Lourdes; j’avais bien quitté l’hôtel, je me croyais partie pour toujours, et voilà que la seule vue de Maman avait su chasser d’un coup cette illusion. Je l’ai rejointe alors le plus naturellement du monde-pas malheureuse, mais le cœur serré tout de même-avec l’impression d’avoir perdu quelque chose de très important.
Depuis le début des apparitions de la Sainte Vierge, toute la famille allait à Lourdes souvent, pour y faire ses dévotions. A l’hôtel de la Grotte où nous logions, on se souvenait du duc de Nemours, de mes grands-parents, mais surtout du prince de Joinville. Ce prince était en effet extrêmement gai et aimait à faire des farces. Un jour dans ce même hôtel, il réussit à verser un laxatif dans la soupe des hôtes. Non sans subtiliser la clé de tous les cabinets…Il s’en suivit un tapage qui dura toute la nuit!