Eric Pradelles vient de publier aux Editions Mémoire et Documents, le deuxième tome de la correspondance du Prince Impérial. Voici quelques extraits de la préface signée par le prince Charles Bonaparte : “Le Prince Impérial, fils de Napoléon III, à l’inverse de son cousin l’Aiglon, fils de Napoléon 1er, semble n’avoir suscité que peu d’intérêt chez les Français.
Nombreux en ignorent aujourd’hui encore l’existence. Fils d’un Empereur déchu, dont certains n’ont voulu retenir que le coup d’état du 2 décembre 1851 et la capitulation du 2 septembre 1870 à Sedan, le Prince a dû se tenir éloigné de la société française, exilé en Grande-Bretagne. Son action politique, ses aspirations, n’ont connu à l’époque que peu de publicité, quoiqu’il fût de plus en plus craint par la jeune république.
Evoquer le Prince Impérial, voire Napoléon IV, suscite aujourd’hui de l’étonnement, parfois même de l’incrédulité. Petit à petit, le lien s’établit entre la figure de notre dernier souverain et celle de son fils unique. La curiosité succède alors à la surprise : a-t-il régné ? Où s’est-il éteint ?
L’étude de sa correspondance révèle, en tous cas, combien le Prince Impérial est un personnage digne d’intérêt. L’enfant, l’adolescent, le jeune homme s’y expriment avec sincérité. La réserve que Louis s’impose lorsqu’il est en présence de visiteurs ou de partisans laisse ainsi place, dans ses lettres, à une pensée plus libre, juste et étonnamment mature. On assiste à l’émergence d’idées, de concepts et de prétentions autour desquels achève de se construire et de s’affirmer cette jeune autorité“.
Rappelons que le Prince Impérial, Napoléon Eugène Louis Jean Joseph Bonaparte, fils unique de l’empereur Napoléon III et de l’impératrice Eugénie, est né à Paris en 1856 et mort en Afrique du Sud en 1879, en combattant dans les rangs de l’armée anglaise.
Ce sont 220 lettres pour la période de 1860 à1879, adressées à ses parents, à Eugène Rouher aux docteurs Conneau et Corvisart et à son seul ami, Louis Conneau. L’ouvrage est abondamment illustré.
Eric Pradelles, de par la qualité de son travail, fait oeuvre d’Historien et comble une lacune en se penchant sur celui qui aurait du être empereur des Français, si le destin n’en avait décidé autrement. En 2013, Eric Pradelles avait publié la première partie de la correspondance du prince. (Merci à Patrick Germain)
Editeur “ Mémoires et Documents” Aix-en-Provence . 350 pages et 70 illustrations. Préface Charles Bonaparte et Jean-Christophe Orticoni de Massa.ISBN 9791090361720
Damien B.
15 février 2016 @ 06:13
Voilà un livre digne d’intérêt que je lirai avec plaisir. Rien de tel que les documents de première main pour présenter un Prince dont la vie a été saluée par Verlaine.
On ne saurait trop saluer le travail d’Eric Pradelles, passionné par la famille impériale, qui nous parle d’un Prince méconnu du grand public.
Leonor
15 février 2016 @ 14:11
Par Verlaine ? Pouvez-vous en dire davantage, Damien , s’il vous plaît ?
Damien B.
16 février 2016 @ 12:48
Bien sûr Leonor, voici les vers de Verlaine au sujet du prince impérial :
« Prince mort en soldat à cause de la France, Âme certes élue, Fier jeune homme si pur tombé plein d’espérance, Je t’aime et te salue ! » (Sagesse I – XIII)
Eric PRADELLES
16 février 2016 @ 13:49
Sagesse I – XIII
Prince mort en soldat à cause de la France,
Âme certes élue,
Fier jeune homme si pur tombé plein d’espérance,
Je t’aime et te salue !
Ce monde est si mauvais, notre pauvre patrie
Va sous tant de ténèbres,
Vaisseau désemparé dont l’équipage crie
Avec des voix funèbres,
Ce siècle est un tel ciel tragique où les naufrages
Semblent écrits d’avance…
Ma jeunesse, élevée aux doctrines sauvages,
Détesta ton enfance.
Et plus tard, coeur pirate épris des seules côtes
Où la révolte naisse,
Mon âge d’homme, noir d’orages et de fautes,
Abhorrait ta jeunesse.
Maintenant j’aime Dieu dont l’amour et la foudre
M’ont fait une âme neuve,
Et maintenant que mon orgueil réduit en poudre,
Humble, accepte l’épreuve,
J’admire ton destin, j’adore, tout en larmes
Pour les pleurs de ta mère,
Dieu qui te fit mourir, beau prince, sous les armes,
Comme un héros d’Homère.
Et je dis, réservant d’ailleurs mon vœu suprême
Au lys de Louis Seize :
Napoléon qui fus digne du diadème,
Gloire à ta mort française !
Et priez bien pour nous, pour cette France ancienne,
Aujourd’hui vraiment » Sire « ,
Dieu qui vous couronna, sur la terre païenne,
Bon chrétien, du martyre !
Paul Verlaine
Francine du Canada
16 février 2016 @ 17:40
C’est dans son recueil « Sagesse » que Verlaine lui consacre un poème : « fier jeune homme si pur tombé plein d’espérance… » FdC
Leonor
17 février 2016 @ 11:16
Mais, il est magnifique, ce texte; à divers points de vue. Je l’ignorais, et le savoure.
Grand merci, Damien.
Pierre-Yves
15 février 2016 @ 11:55
Je suis tout à fait prêt à croire que ce prince, tué à 23 ans, était en effet digne d’intérêt. Mais son existence fut si brève que l’Histoire n’a pas eu le temps de le connaître, ni la curiosité de s’arrêter sur lui.
Gérard
15 février 2016 @ 13:35
Il y a eu des biographies mais la correspondance est une source majeure et émouvante et puis le destin de tous ses princes nés dans la pourpre, qui vécurent aux Tuileries mais ne règnerent pas fascine, Louis XVII, l’Aiglon, le comte de Chambord, le comte de Paris, le prince impérial…
Francine du Canada
16 février 2016 @ 17:47
Si je ne fais pas erreur, il avait comme parrain le pape Pie IX et comme marraine la reine Victoria… alors pas intérêt à s’éloigner du droit chemin ! ;-) FdC
Eric PRADELLES
17 février 2016 @ 08:56
Effectivement, Francine, le pape Pie IX fut bien le parrain du Prince Impérial ; sa marraine, en revanche, fut une souveraine catholique, la reine de Suède, fille du prince Eugène de Beauharnais, cousine germaine de l’Empereur.
Francine du Canada
17 février 2016 @ 18:27
Merci Éric P.; je trouvais étrange d’ailleurs qu’il ait eu une marraine anglicane? FdC
Gérard
22 février 2016 @ 18:35
La marraine fut en effet la reine Joséphine de Suède, née princesse de Leuchtenberg, cousine germaine de l’empereur. Elle était représentée par la grande-duchesse douairière Stéphanie de Bade, tante de l’empereur, qui était accompagnée du prince Oscar de Suède et de Norvège, duc d’Ostrogothie, futur roi Oscar II. Le Saint-Père Pie IX était représenté par le cardinal Costantino Patrizi Naro qui avait débarqué à Marseille en provenance de Rome. Il était cardinal évêque d’Albano, archiprêtre de Sainte-Marie Majeure, préfet de la sacrée Congrégation des rites. À l’issue du baptême il remit la rose d’or que le pape offrait à l’impératrice. L’officiant était Mgr Sibour, archevêque de Paris, qui serait assassiné l’année suivante par un prêtre fou.
Gérard
23 février 2016 @ 15:08
Le prince impérial avait été ondoyé dès le jour de sa naissance survenue le 16 mars 1856 à 3 heures 14 aux Tuileries. Il fut ondoyé vers midi en ce dimanche des Rameaux par Mgr Menjaud, évêque de Nancy, premier aumônier de la Maison de l’empereur, dans la chapelle des Tuileries.
Le baptême ultérieur permit le supplément des cérémonies. L’empereur et l’impératrice avaient souhaité malgré certaines réticences de l’armée que le pape soit parrain d’autant que le futur Napoléon III lui était débiteur depuis 1831 où le futur pape, Giovanni Maria Mastai Ferretti, l’avait aidé quand il était archevêque de Splolète, le sauvant des Autrichiens et lui avançant une somme importante. Mais il refusa de venir à Paris pour le baptême arguant d’une santé qui cependant paraissait florissante. Parmi les personnalités qui assistèrent au baptême outre bien entendu la famille impériale avec le prince Napoléon, la princesse Mathilde, la reine Christine d’Espagne. Le roi Jérôme, annoncé, ne vint pas.
Il semble que ce soit le légat qui ait officié.
Jean Pierre
15 février 2016 @ 13:57
Il est tout à fait oublié.
Sauf autour de Pietermaritzburg au KwazuluNatal où le prince fît halte avant d’aller combattre et où fût ramené son corps avant d’être rapatrié en Angleterre. Si la ville de Piete est trés décatie et a perdu sa splendeur passée, les champs de bataille en pays zoulou sont souvent des paysages d’une grande beauté.
Leonor
15 février 2016 @ 14:13
A part que sa mère l’Impératrice le surnommait Loulou, et qu’il a été tué par les Zoulous, il est vrai qu’on ne sait pas grand’chose de ce jeune homme.
kalistéa
19 février 2016 @ 10:29
Je crois Léonor , que c’est l’Empereur son père qui aimait à appeler l’enfant « Loulou ».Il le gâtait beaucoup.L’impératrice au contraire n’aimait pas ce petit nom, et elle voulait de la dignité pour l’enfant.Elle adorait son fils mais pensait qu’il fallait pour lui une certaine fermeté.
kalistéa
15 février 2016 @ 14:55
Nous devons à des historiens tels que Jean-Claude Lachnitt qui écrivit une fort intéressante biographie du prince Impérial,et Eric Pradelles qui, après de patientes et fructueuses recherches nous livre ici le 2e volet d’un recueil de ses lettres, de connaitre ce prince qui, 2e « aiglon » de la dynastie Bonaparte,fut foudroyé par un Destin contraire avant d’avoir montré ce qu’il valait.
Au moins les Français peuvent maintenant se souvenir de lui, de sa naissance qui provoqua l’enthousiasme, de son enfance et de sa jeunesse, avant qu’à l’âge de 14 ans il accompagne son père souffrant, sur le front de l’Est,désireux de regarder en face les ennemis de la France.
*Gustave de Montréal
15 février 2016 @ 16:02
Il est quand même indigne que le prince impérial repose encore aujourd’hui en terre étrangère. Le moment n’est-il pas venu pour accomplir une translation vers les Invalides avec son père Napoléon III ?
Claude MARON
16 février 2016 @ 12:59
N’oubliez pas l’impératrice… C’est quand même un peu grâce à elle que le France a pu récupérer l’Alsace et le Lorraine après la guerre de 14-18
Leonor
17 février 2016 @ 11:18
Pour ce que la France en a fait ….. Triste.
L’Alsace n’a jamais été considérée par la France que comme un glacis. Méprisée, et sacrifiable au premier conflit.
Gérard
16 février 2016 @ 15:06
Il semble que la famille impériale ait beaucoup hésité sur la conduite à tenir et ait été sensible au fait que cette communauté anglicane, qui a pris la suite des moines catholiques dans l’abbaye fondée par l’impératrice Eugénie pour y accueillir les corps de son mari et de son fils (il n’y eu plus suffisamment à un certain moment de moines catholiques), ait fait beaucoup d’efforts pour protéger depuis plus d’un siècle ces dépouilles, prier pour les morts, accueillir les touristes…
Au début des années 70 un homme politiques britannique partisan de l’entrée du Royaume-Uni dans l’Europe avait posé la question au Foreign Office de savoir si proposer de rendre à la France les dépouilles impériales aurait un impact positif sur l’opinion et les dirigeants français, la réponse du Foreign Office fut nuancée. Beaucoup plus récemment Christian Estrosi alors secrétaire d’État se rendit avec notamment le prince Charles Napoléon à l’abbaye où les moines les attendaient de pied ferme et si le ministre était parti la fleur au fusil il revint discrètement. David Cameron, le premier ministre anglais, il y a deux ans voulut flatter le sentiment patriotique national en demandant à la France les corps des deux rois et des deux reines Plantagenêt qui reposent chez nous, certains en France pensèrent alors que c’était le moment de faire un échange. Mais à Fontevraud où ces souverains ont voulu reposer, et dans toute la région au moins, personne ne pourrait envisager un tel déplacement.
Quant au lieu Napoléon III souhaitait reposer à Saint-Denis dans le caveau impérial, il ne faut évidemment plus y penser, il ne reste plus que la place pour Charles X et sa famille. Il avait néanmoins fait construire l’église Saint-Augustin à Paris avec une grande crypte qui devrait abriter les autres membres de la famille impériale et ce serait sans doute là qu’il faudrait placer l’empereur, l’impératrice et le prince impérial plutôt que d’essayer de les faire entrer dans les Invalides surchargées et que pratiquement on ne peut plus transformer.
JACQUES
17 février 2016 @ 01:45
Mais cher ami, ignorez-vous que nous sommes en république !. On nous le rabâche pourtant continuellement en qualifiant tout et n’importe de « républicain ».
ciboulette
15 février 2016 @ 16:23
Je suis heureuse d’avoir accès à sa correspondance , car ce que j’ai retenu de lui , c’est surtout sa fin tragique .
COLETTE C.
15 février 2016 @ 18:42
Je n’ai pas lu le 1er tome, je vais me procurer les 2 volumes.
Il me paraît intéressant de découvrir ce prince, et sa correspondance doit être parlante.
Caroline
15 février 2016 @ 23:33
Il est vrai que nous ne connaissons pas ce prince disparu en pleine jeunesse! Ce serait intéressant de lire des détails sur sa courte vie dans ce livre!
JACQUES
16 février 2016 @ 11:09
Un prince injustement méconnu. Il est vrai que l’école républicaine nous a appris que son père était un scélérat. Je n’ai que 54 ans mais je me souviens de l’illustration dans un de livres d’histoire de la défaite de Sedan. Il s’agissait d’une image d’épinal où l’on voyait Napoléon III nonchalant traversant le champ de bataille, cigarette à la main, confortablement installé dans une voiture découverte escortée par les cuirassiers prussiens.
Leonor
16 février 2016 @ 14:21
En matière d’histoire, l’école républicaine a en effet enseigné quantité de contre-vérités, et ça n’est pas fini.
Pour le reste, elle a quand même fait du bon travail; mais pas en matière d’Histoire.
Eric PRADELLES
16 février 2016 @ 13:42
L’oubli, dans lequel a sombré le Prince Impérial, intrigue sans nul doute. Il s’explique néanmoins.
Napoléon III, son père, a laissé la France exsangue, meurtrie. La capitulation « honteuse » de Sedan, le 2 septembre 1870, a balayé pour l’éternité les bienfaits que la France doit à son dernier Empereur.
Le Prince Impérial, par la suite, a toujours observé la plus grande prudence : les idées qu’il entendait promouvoir, son action politique, sont restées très largement méconnues. Les lettres que je publie, dans ce second opus, lèvent enfin le voile sur leur contenu.
La mort précoce du jeune héritier, en Afrique du Sud, a levé une hypothèque : le régime républicain – inquiet des succès électoraux des impérialistes (élections de 1876 & 1877) – pouvait désormais s’ancrer dans la société. « L’alternance impériale » n’était plus qu’un mirage, un souvenir que l’Histoire se garderait bien de raviver.
Leonor
17 février 2016 @ 11:20
Fort intéressant. Merci.
JACQUES
20 février 2016 @ 01:18
SEDAN 1940. Une défaite bien pire que celle de 1870. Faute d’incarnation, l’avantage des républiques est qu’elles peuvent perdre des guerres.
alain Golliot
16 février 2016 @ 18:27
Et aucun Rostand pour lui consacrer une pièce, et encore moins une Sarah pour l’incarner.
Gérard
25 février 2016 @ 13:39
En fait Maurice Rostand, fils d’Edmond, a écrit Napoléon IV, une pièce en 4 actes, en vers, qui fut représentée à Paris, Porte Saint-Martin, le 15 septembre 1928.
On doit par ailleurs à sa mère Rosemonde Gérard, dans le recueil de poèmes Féeries publié en 1933 un autre Napoléon IV :
« Ô beau petit prince de France,
Que la France connut si peu !
Toi qui souffris cette souffrance
De mourir sous un ciel trop bleu;
[…]
Mais, aujourd’hui, dans un théâtre,
Chaque soir des milliers de cœurs,
En disant « Napoléon Quatre »,
Font de toi presque un empereur ».
Bien sûr a été cité plus haut par Éric Pradelles le très beau poème de Verlaine dans le recueil Sagesse de 1881.
kalistéa
19 février 2016 @ 10:46
L’impératrice Eugénie mourut à Madrid fort âgée,en 1920, chez
son neveu le duc d’Albe.Son corps fut amené par bateau en Angleterre afin d’être inhumé auprès de son époux et de son fils dans la crypte de la chapelle qu’elle avait fait construire tout spécialement sur un domaine royal , avec l’accord de la reine Victoria.Elle émit le voeu que les corps ne soient jamais déplacés pour être ramenés en France.Si on le faisait ce serait en dépit de ses dernières volontés.