Parution en anglais de cet ouvrage « The fall of heaven » par Andrew Scott Cooper qui revient sur la chute du Shah d’Iran et les derniers jours du régime impérial à Téhéran. (Merci à Anne)
J’espère que cela sortira en français , mais le livre sera triste car les derniers mois et journées du couple impérial c’était triste pour eux et pour nous aussi ( les admiratrices de Farah ) .
Ça a et ça teste triste pour le peuple iranien surtout qui a ainsi bradé son brillant avenir et se retrouve 40 ans plus tard avec la gueule de bois, dirigé par un pouvoir autoritaire, violent et rétrograde.
Heaven ? Il faut croire que ce n’était pas paradisiaque pour tous les iraniens,le Shah aurait eu plus de partisans ,sauf que depuis,c’est devenu bien pire !
Soyons les pieds sur terre svp rien que des louanges sur la shabanou depuis des lustres mais il y a qd même eu bcp de problèmes quant à la magnificence de leur vie et la pauvreté du peuple. Ne l’oublions qd même pas tout ne fut pas rose sous le régime du shah
Oui mais l’impératrice savait être près de son peuple , elle s’occupait d’eux merveilleusement bien, beaucoup de son temps était consacré aux Iraniens , mais elle savait aussi profiter avec son mari et ses enfants . ( Au début elle emmenait des dossiers le soir pour travailler et après elle essayait de ne plus le faire).
Mathieu Bock-Côté est docteur en sociologie et chargé de cours aux HEC à Montréal. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l’auteur d’Exercices politiques (VLB éditeur, 2013), de Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois (Boréal, 2012) et de La dénationalisation tranquille: mémoire, identité et multiculturalisme dans le Québec post-référendaire (Boréal, 2007). Mathieu Bock-Côté est aussi chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada. Son dernier livre, Le multiculturalisme comme religion politique vient de paraître aux éditions du Cerf.
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En tant que Québécois, quel regard portez-vous sur la société française?
Je m’en voudrais d’abord de ne pas dire que j’aime profondément la France et que j’hérite d’une tradition très francophile, autrefois bien présente chez nous, qui considère encore un peu votre pays comme une mère-patrie. La France, en un mot, ne nous est pas étrangère. Vous me pardonnerez ces premiers mots, mais ils témoignent de mon affection profonde pour un pays avec lequel les Québécois entretiennent une relation absolument particulière. En un mot, j’ai le sort de la France à cœur!
La pénétration de l’idéologie multiculturelle, que vous dénoncez dans votre livre, est-elle en France aussi forte que dans les pays d’Amérique?
Le multiculturalisme prend un visage tout à fait singulier au Canada. Au Canada, le multiculturalisme est inscrit dans la constitution de 1982, imposé de force au Québec, qui ne l’a jamais signé. Il a servi historiquement à noyer le peuple québécois dans une diversité qui le privait de son statut de nation fondatrice. Pierre Trudeau, le père de Justin Trudeau, était radicalement hostile au peuple québécois, à son propre peuple, qu’il croyait traversé par une tentation ethnique rétrograde. C’était faux, mais c’était sa conviction profonde, et il voulait désarmer politiquement le Québec et le priver de sa prétention à constituer une nation.
Dans l’histoire du Canada, nous étions un peuple fondateur sur deux. Avec le multiculturalisme d’État, on nous a transformés en nuance identitaire parmi d’autres dans l’ensemble canadien. Il faut rappeler ces origines oubliées du multiculturalisme canadien à ceux qui n’en finissent plus d’idéaliser un pays qui a œuvré à oblitérer sa part française.
Je vous donne au passage ma définition du multiculturalisme, valable au-delà du contexte canadien: c’est une idéologie fondée sur l’inversion du devoir d’intégration. Traditionnellement, c’était la vocation de l’immigré de prendre le pli de la société d’accueil et d’apprendre à dire nous avec elle. Désormais, c’est la société d’accueil qui doit se transformer pour accommoder la diversité. La culture nationale perd son statut: elle n’est plus qu’un communautarisme parmi d’autres. Elle devra toutefois avoir la grandeur morale de se dissoudre pour expier ses péchés passés contre la diversité.
C’est le pays du communautarisme décomplexé, c’est aussi celui où on peut prêter son serment de citoyenneté en niqab avec la bénédiction des tribunaux et du premier ministre, qui y voit une marque admirable de tolérance.
Retour au Canada. Au fil du temps, le multiculturalisme canadien s’est autonomisé de sa vocation antiquébécoise et en est venu à représenter paradoxalement le cœur de l’identité canadienne. Il a remplacé ce qu’on pourrait appeler l’identité historique canadienne par une identité idéologique fondée sur la prétention. Ce qui tient lieu d’identité commune au Canada aujourd’hui, et cela plus encore depuis l’arrivée au pouvoir de Justin Trudeau, que la France regarde étrangement d’un air enamouré, c’est le sentiment d’être une superpuissance morale, exemplaire pour l’humanité entière, une utopie réussie représentant non seulement un pays admirable, mais la prochaine étape dans le progrès de l’humanité.
L’indépendantiste québécois que je suis a un regard pour le moins sceptique devant cet ultranationalisme canadien qui conjugue la fierté cocardière et l’esprit post-moderne.
Plus largement, au Canada, le multiculturalisme sert de machine à normaliser et à banaliser les différences les plus extrêmes, les moins compatibles avec ce qu’on appellera l’esprit de la civilisation occidentale ou les mœurs occidentales. C’est le pays du communautarisme décomplexé, c’est aussi celui où on peut prêter son serment de citoyenneté en niqab avec la bénédiction des tribunaux et du premier ministre, qui y voit une marque admirable de tolérance.
C’est le pays qui banalise sous le terme d’accommodements raisonnables un relativisme généralisé, qui peut aller très loin. C’est le pays où certains iront même jusqu’à dire que le niqab est peut-être même le symbole par excellence de la diversité canadienne, puisque son acceptation par les élites témoigne de la remarquable ouverture d’esprit de ceux qui le dirigent et des institutions qui le charpentent. Pour le dire autrement, le Canada pratique un multiculturalisme à la fois radicalisé et pacifié.
En France, le multiculturalisme semble moins agressif …
Il domine aussi l’esprit public mais n’est pas nécessairement revendiqué par les élites, qui entretiennent, à travers la référence aux valeurs républicaines, l’idéal d’une nation transcendant sa diversité. On sait bien que la réalité est autre et que la référence républicaine s’est progressivement désincarnée et vidée de sa substance nationale depuis une trentaine d’années.
En fait, la France fait une expérience tragique du multiculturalisme. Elle se délite, se décompose sous nos yeux, et la plupart de mes interlocuteurs, ici, me confessent avoir une vision terriblement pessimiste de l’avenir de leur pays. J’ajoute, et je le dis avec tristesse, que les Français semblent nombreux, lorsque leur pays est attaqué, à se croire responsable du mauvais sort qu’ils subissent, comme s’ils avaient intériorisé pleinement le discours pénitentiel occidental, qui pousse nos nations à s’autoflageller en toutes circonstances.
Le multiculturalisme s’est imposé chez vous par une gauche qui, depuis le passage du socialisme à l’antiracisme, au début des années 1980, jusqu’à la stratégie Terra Nova, en 2012, a été de moins en moins capable de parler le langage de la nation, comme si cette dernière était une fiction idéologique au service d’une majorité tyrannique désirant écraser les minorités.
Il s’est aussi imposé avec l’aide des institutions européennes, qui sont de formidables machines à dénationaliser les peuples européens.
La droite, par ailleurs, toujours prompte à vouloir donner des gages au progressisme, a peu à peu abandonné aussi la nation, ou s’est du moins contentée de la définir de manière minimaliste en en évacuant l’histoire pour retenir seulement les fameuses valeurs républicaines.
Le multiculturalisme est tenté par ce qu’on pourrait appeler une forme de despotisme qui se veut éclairé.
Le multiculturalisme est la dynamique idéologique dominante de notre temps, et cela en Amérique du nord comme en Europe occidentale. Chez les élites, il suscite la même admiration béate ou la même passion militante. Il propose toujours le même constat: nos sociétés sont pétries de stéréotypes et de préjugés, elles sont fermées à la différence et elles doivent se convertir à la diversité pour enfin renaître, épurées de leur part mauvaise, lavées de leurs crimes. Pour emprunter les mots d’un autre, le multiculturalisme se présente comme l’horizon indépassable de notre temps et comme le seul visage possible de la démocratie.
La gauche européenne, en général, y voit d’ailleurs le cœur de son programme politique et idéologique.
Je note autre chose: le multiculturalisme est partout en crise, parce qu’on constate qu’une société exagérément hétérogène, qui ne possède plus de culture commune ancrée dans l’histoire et qui par ailleurs, renonce à produire du commun, est condamnée à entrer en crise ou à se déliter. Lorsqu’on légitime les revendications ethnoreligieuses les plus insensées au nom du droit à la différence, on crée les conditions d’une déliaison sociale majeure.
Mais devant cette crise, le multiculturalisme, loin de s’amender, loin de battre en retraite, se radicalise incroyablement. Pour ses thuriféraires, si le multiculturalisme ne fonctionne pas, c’est qu’on y résiste exagérément, c’est que les nations historiques, en refusant de s’y convertir, l’empêchent de transformer pour le mieux nos sociétés selon les termes de la promesse diversitaire.
Il faudra alors rééduquer les populations pour transformer leur identité et les amener à consentir à ce nouveau modèle: on cherche, par l’école, à fabriquer un nouveau peuple, ayant pleinement intériorisé l’exigence diversitaire. On cherchera à culpabiliser les peuples pour les pousser à enfin céder à l’utopie diversitaire.
C’est la tentation autoritaire du multiculturalisme, qui est tenté par ce qu’on pourrait appeler une forme de despotisme qui se veut éclairé.
Quels sont les points communs et différence avec la France?
L’histoire des deux pays, naturellement n’est pas la même. La France est un vieux pays, une vieille culture, une vieille civilisation qui se représente généralement comme un monde commun à transmettre et non comme une utopie à exporter, même si la révolution française a eu un temps cette tentation.
En un mot, la France a des ressources inouïes pour résister au multiculturalisme même si elle ne les mobilise pas tellement le discours culpabilisateur inhibe les peuples et les convaincs que l’affirmation de leur identité relève de la xénophobie et du racisme.
Mais encore une fois, il faut le dire, c’est le même logiciel idéologique qui est à l’œuvre. Il repose sur l’historiographie victimaire, qui criminalise les origines de la nation ou réduit son histoire à ses pages noires, sur la sociologie antidiscriminatoire, qui annihile la possibilité même d’une culture commune, dans la mesure où elle n’y voit qu’une culture dominante au service d’une majorité capricieuse, et sur une transformation de la démocratie, qui sera vidée de sa substance, dans la mesure où la judiciarisation des problèmes politiques et le transfert de la souveraineté vers le gouvernement des juges permet de désarmer institutionnellement un peuple qu’on soupçonne de céder au vice de la tyrannie de la majorité.
En un mot, si l’idéologie multiculturaliste s’adapte à chaque pays où elle s’implante, elle fait partout le même diagnostic et prescrit les mêmes solutions: c’est qu’il s’agit d’une idéologie, finalement, qui pose un diagnostic global et globalement négatif sur l’expérience historique occidentale.
Il serait quand même insensé que la civilisation française devienne optionnelle sur son territoire, certains pouvant s’en réclamer, d’autres pas, mais tous cohabitant dans une fausse harmonie que de vrais propagandistes nommeront vivre-ensemble.
Vous définissez aussi le multiculturalisme comme la créature de Frankenstein du marxisme. Mais cette idéologie est née dans les pays anglo-saxons de culture libérale. N’est-ce pas paradoxal?
Je nuancerais. Le multiculturalisme comme idéologie s’est développée au cœur des luttes et contestations qui ont caractérisé les radical sixties et les radical seventies et s’est alimenté de références idéologiques venant des deux côtés de l’Atlantique. Par ailleurs, de grands intellectuels français ont joué un rôle majeur dans la mise en place de cette idéologie, née du croisement d’un marxisme en décomposition et des revendications issues de la contre-culture. Michel Foucault et Alain Touraine, par exemple, ont joué un grand rôle dans la construction globale de l’idéologie multiculturaliste. En fait, je dirais que la crise du progressisme a frappé toutes les gauches occidentales. Chose certaine, il ne faut pas confondre l’idéologie multiculturaliste avec une simple expression globalisée de l’empire américain. C’est une explication trop facile à laquelle il ne faut pas céder.
En France, vieux pays jacobin qui a fait la révolution, le multiculturalisme reste contesté malgré la conversion de la majorité de nos élites …
Il est contesté partout, il est contesté au Québec, il est contesté en Grande-Bretagne, il est contesté aux États-Unis, il est aussi contesté chez vous, cela va de soi. Sur le fond des choses, le refus du multiculturalisme repose sur le refus d’être dépossédé de son pays et de voir la culture nationale transformée en identité parmi d’autres dans une citoyenneté mosaïque. Il serait quand même insensé que la civilisation française devienne optionnelle sur son territoire, certains pouvant s’en réclamer, d’autres pas, mais tous cohabitant dans une fausse harmonie que de vrais propagandistes nommeront vivre-ensemble.
Le drame de cette contestation, c’est qu’elle est souvent inhibée, disqualifiée ou criminalisée. La simple affirmation du sentiment national a longtemps passé pour de la xénophobie plus ou moins avouée, qu’il fallait combattre de toutes les manières possibles. D’ailleurs, la multiplication des phobies dans le discours médiatique, qui témoigne d’une psychiatrisation du débat public: on veut exclure du cercle de la respectabilité démocratique ceux qui sont attachés, d’une manière ou d’une autre, à l’État-nation.
On ne sortira pas de l’hégémonie multiculturaliste sans réaffirmer la légitimité du référent national, sans redonner ses lettres de noblesse à un patriotisme enraciné et décomplexé.
Devant Judith Butler, la tentation première est peut-être de s’esclaffer. Je comprends cela. Il faut pourtant prendre son propos très au sérieux, car sa vision des choses, et plus largement, du courant néoféministe qu’elle représente, est particulièrement efficace dans les milieux qui se veulent progressistes et craignent par-dessus tout de ne pas avoir l’air assez à gauche.
Depuis quelques années, on observe également en France la percée d’un féminisme identitaire qui semble tout droit inspiré de Judith Butler. Quelle a été son influence au Québec et plus largement en Amérique du Nord? Ce féminisme est-il une variante du multiculturalisme?
Ce féminisme est dominant dans nos universités et est particulièrement influent au Québec, surtout dans une nouvelle génération féministe très militante qui voit dans la théorie du genre l’expression la plus satisfaisante d’une certaine radicalité théorique qui est pour certains une drogue dure. La théorie du genre, en d’autres mots, est à la mode, très à la mode (et elle l’est aussi plus généralement dans les universités nord-américaines et dans les milieux culturels et médiatiques), et il est mal vu de s’y opposer. Il faut pourtant dire qu’elle est portée par une tentation nihiliste radicale, qui entend tout nier, tout déconstruire, au nom d’une liberté pensée comme pure indétermination. C’est le fantasme de l’autoengendrement. La théorie du genre veut éradiquer le monde historique et reprendre l’histoire à zéro, en quelques sortes, en abolissant la possibilité même de permanences anthropologiques.
On peut certainement y voir une autre manifestation de l’héritage des radical sixties et de l’idéologie diversitaire qui domine généralement les départements de sciences sociales et au nom de laquelle on mène la bien mal nommée lutte contre les discriminations – parce qu’à force de présenter toute différence à la manière d’une discrimination, on condamne toutes les institutions à la déconstruction. Devant Judith Butler, la tentation première est peut-être de s’esclaffer. Je comprends cela. Il faut pourtant prendre son propos très au sérieux, car sa vision des choses, et plus largement, du courant néoféministe qu’elle représente, est particulièrement efficace dans les milieux qui se veulent progressistes et craignent par-dessus tout de ne pas avoir l’air assez à gauche.
Les musulmans qui arrivent en Occident doivent accepter qu’ils arrivent dans une civilisation qui a longtemps été le monde chrétien, et où sur le plan symbolique, l’héritage chrétien conserve une prédominance naturelle et légitime.
Depuis les attentats de janvier 2015, le débat autour de l’islam divise profondément la France. Cette question est-elle aussi centrale en Amérique du Nord? Pourquoi?
Elle est présente, très présente, mais elle est l’est de manière moins angoissante, dans la mesure où les communautarismes ne prennent pas la forme d’une multiplication de Molenbeek, même si la question de l’islam radical et violent inquiète aussi nos autorités et même si nous avons aussi chez certains jeunes une tentation syrienne.
Mais la question du voile, du voile intégral, des accommodements raisonnables, se pose chez nous très vivement – et je note qu’au Québec, on s’inquiète particulièrement du multiculturalisme. Nos sociétés sont toutes visées par l’islamisme. Elles connaissent toutes, aussi, de vrais problèmes d’intégration.
Généralisons un peu le propos: partout en Occident, la question de l’Islam force les pays à se poser deux questions fondamentales: qu’avons-nous en propre, au-delà de la seule référence aux droits de l’homme, et comment intégrer une population qui est culturellement très éloignée, bien souvent, des grands repères qui constituent le monde commun en Occident?
Cela force, à terme, et cela de manière assez étonnante, plusieurs à redécouvrir la part chrétienne oubliée de notre civilisation. Non pas à la manière d’une identité confessionnelle militante, évidemment, mais tout simplement sous la forme d’une conscience de l’enracinement.
Les musulmans qui arrivent en Occident doivent accepter qu’ils arrivent dans une civilisation qui a longtemps été le monde chrétien, et où sur le plan symbolique, l’héritage chrétien conserve une prédominance naturelle et légitime.
Cela ne veut pas dire, évidemment, qu’il faille courir au conflit confessionnel ou à la guerre des religions: ce serait désastreux.
Mais simplement dit, la question de l’islam nous pousse à redécouvrir des pans oubliés de notre identité, même si cette part est aujourd’hui essentiellement culturalisée.
Le conservatisme rappelle à l’homme qu’il est un héritier et que la gratitude, comprise comme une bienveillance envers le monde qui nous accueille, est une vertu honorable. C’est une philosophie politique de la finitude.
L’islamisme et ses prétentions hégémoniques ne sont-ils pas finalement incompatible avec le multiculturalisme qui suppose le «vivre ensemble»?
L’islamisme a un certain génie stratégique: il mise sur les droits consentis par les sociétés occidentales pour les retourner contre elles. Il se présente à la manière d’une identité parmi d’autres dans la société plurielle: il prétend s’inscrire dans la logique du multiculturalisme, à travers lui, il banalise ses revendications. Il instrumentalise les droits de l’homme pour poursuivre l’installation d’un islam radical dans les sociétés occidentales et parvient à le faire en se réclamant de nos propres principes. Il se présente à la manière d’une identité parmi d’autres qui réclame qu’on l’accommode, sans quoi il jouera la carte victimaire de la discrimination. C’est très habile. À travers cela, il avance, il gagne du terrain et nous lui cédons. Devant cela, nous sommes moralement désarmés.
Il faudrait pourtant se rappeler, dans la mesure du possible, que lorsqu’on sépare la démocratie libérale de ses fondements historiques et civilisationnels, elle s’effrite, elle se décompose. La démocratie désincarnée et dénationalisée est une démocratie qui se laisse aisément manipuler par ses ennemis déclarés. D’ailleurs, au vingtième siècle, ce n’est pas seulement au nom des droits de l’homme mais aussi au nom d’une certaine idée de notre civilisation que les pays occidentaux ont pu se dresser victorieusement contre le totalitarisme. Du général de Gaulle à Churchill en passant par Soljenitsyne, la défense de la démocratie ne s’est pas limitée à la défense de sa part formelle, mais s’accompagnait d’une défense de la civilisation dont elle était la forme politique la plus achevée.
Comment voyez-vous l’avenir de la France. Le renouveau conservateur en germe peut-il stopper l’offensive multiculturaliste de ces 30 dernières années?
On dit que la France a la droite la plus bête du monde. C’est une boutade, je sais, mais elle est terriblement injuste.
Je suis frappé, quant à moi, par la qualité intellectuelle du renouveau conservateur, qui se porte à la fois sur la question identitaire et sur la question anthropologique, même si je sais bien qu’il ne se réclame pas explicitement du conservatisme, un mot qui a mauvaise réputation en France.
Je définis ainsi le conservatisme: une philosophie politique interne à la modernité qui cherche à la garder contre sa tentation démiurgique, contre la tentation de la table-rase, contre sa prétention aussi à abolir l’histoire comme si l’homme devait s’en extraire pour se livrer à un fantasme de toute puissance sociale, où il n’entend plus seulement conserver, améliorer, transformer et transmettre la société, mais la créer par sa pure volonté. Le conservatisme rappelle à l’homme qu’il est un héritier et que la gratitude, comprise comme une bienveillance envers le monde qui nous accueille, est une vertu honorable. C’est une philosophie politique de la finitude.
L’homme sans histoire, sans culture, sans patrie, sans famille et sans civilisation n’est pas libre : il est nu et condamné au désespoir.
Réponse un peu abstraite, me direz-vous. Mais pas nécessairement: car on aborde toujours les problèmes politiques à partir d’une certaine idée de l’homme. Si nous pensons l’homme comme héritier, nous nous méfierons de la réécriture culpabilisante de l’histoire qui domine aujourd’hui l’esprit public dans les sociétés occidentales. Ce que j’espère, c’est que la renaissance intellectuelle du conservatisme en France trouve un débouché politiquement, qui normalement, ne devrait pas être étranger à l’héritage du gaullisme. Pour l’instant, ce conservatisme semble entravé par un espace politique qui l’empêche de prendre forme.
Et pour ce qui est du multiculturalisme, on ne peut bien y résister qu’à condition d’assumer pleinement sa propre identité historique, ce qui permet de résister aux discours culpabilisants et incapacitants. Il faut donc redécouvrir l’héritage historique propre à chaque pays et cesser de croire qu’en l’affirmant, on bascule inévitablement dans la logique de la discrimination contre l’Autre ou le minoritaire. Cette reconstruction ne se fera pas en quelques années. Pour user d’une image facile, c’est le travail d’une génération.
Le multiculturalisme peut-il finalement réussir le vieux rêve marxiste de révolution mondiale? La France va-t-elle devenir les Etats-Unis ou le Canada?
À tout le moins, il s’inscrit dans la grande histoire du progressisme radical et porte l’espoir d’une humanité réconciliée, délivrée de ses différences profondes, où les identités pourraient circuler librement et sans entraves dans un paradis diversitaire. On nous présente cela comme une sublime promesse: en fait, ce serait un monde soumis à une terrible désincarnation, où l’homme serait privé de ses ancrages et de la possibilité même de l’enracinement. L’homme sans histoire, sans culture, sans patrie, sans famille et sans civilisation n’est pas libre: il est nu et condamné au désespoir.
En un sens, le multiculturalisme ne peut pas gagner: il est désavoué par le réel, par la permanence de l’authentique diversité du monde. Il pousse à une société artificielle de carte postale, au mieux ou à la décomposition du corps politique et au conflit social, au pire. Et il est traversé par une vraie tentation autoritaire, chaque fois. Mais il peut tous nous faire perdre en provoquant un effritement de nos identités nationales, en déconstruisant leur légitimité, en dynamitant leurs fondements historiques.
Et pour la France, permettez-moi de lui souhaiter une chose: qu’elle ne devienne ni les États-Unis, ni le Canada, mais qu’elle demeure la France.
Aux Etats-Unis actuellement, près d’un Américain sur six survit grâce à des bons alimentaires. Ce chiffre ne fait que grimper d’années en années au même titre que l’endettement : le montant de la dette publique américaine s’élève en 2016 à 19 trillions de dollars. Autrement dit, la dette américaine ne pourra jamais être remboursée et que le dollar est virtuellement mort. Tout ça grâce à ce grand démocrate tellement sensible et proche du peuple qu’est Barack Obama…
En Iran, sous le régime du Shah (1960-1979), je ne vais pas dire que tout baignait, mais la classe moyenne progressait de manière exponentielle, si l’on considère que le pays partait pratiquement de zéro.
En fait c’est une erreur de manipulation de ma part 8-}
J’ai fait un copy paste d’un article qui n’a rien à voir avec le sujet !!
Mais bon je trouve cet article ultra intéressant !
Si vous avez le courage vous allez vous régaler
Mon commentaire est le tout dernier paragraphe :-B
Réflexion très intéressante, merci de nous la partager.
On ne dénoncera jamais assez, à mon sens, l’imposture multiculturaliste telle que pensée par Michel Foucault, entre autres. Michel Foucault, le maître à penser de toute une génération, celle qui défend bec et ongles les « grands projets de société » inspirés de la fameuse théorie du genre, qui n’existe pas, paraît-il.
Je vous conseille la lecture de Richie, livre de Raphaëlle Bacqué sur Richard Descoings, qui illustre fort bien cette dynamique.
Ça a et ça teste triste pour le peuple iranien surtout qui a ainsi bradé son brillant avenir et se retrouve 40 ans plus tard avec la gueule de bois, dirigé par un pouvoir autoritaire, violent et rétrograde.
J’avoue que je ne sais absolument pas quoi penser du dernier shah d’Iran.
D’un coté je vois un homme courageux , intelligent , sympathique qui a voulu préserver l »indépendance de son pays .
De l’autre il y a la SAVAC (qui sans doute le manipulait plus qu’il ne la contrôlait ) et surtout le fait qu’il ait refusé lors de son départ en exil d’emmener dans son avion son premier ministre Amir Hoveyda qui sera exécuté par les barbus….
En fait il semble que ce soit une légende cette histoire d’ Hoveyda et de l’avion mais pourquoi me la suis-je ainsi mise dans la tête ?
Cette « révolution » iranienne ne fut elle pas avant tout une question de gros sous entre le pouvoir impérial d’une part et le clergé iranien et les marchands du bazar de l’autre?
Plus comme d’habitude la main invisible et pas très déterminée dans ce qu’elle doit faire des américains.
Hoveyda avait été son premier ministre pendant de nombreuses années , Chapour Bakhtiar a été nommé sur la fin mais ça n’a pas réussi à les sauver tous.
Il paraît que Hoveyda puisait dans les fonds secrets de quoi « arroser » les mollahs et imams afin de les cosoler des pertes que la réforme agraire voulue par le Shah leur avaiit fait subir.
Ainsi ils se tinrent longtemps tranquilles .
Son successeur n’aurait pas eu la même sagesse orientale provoquant le basculement du « clergé » shiïte dans l’opposition au régime ce qui fut fatal.
Hoveyda était intelligent et très cultivé mais il faut dire aussi qu’il était agnostique et franc-maçon et cristallisait de ce fait beaucoup de haine en Iran.
Gérard
31 août 2016 @
17:26
Rappelons au sujet d’Hoveyda, que certains conseillers du shah avaient suggéré au souverain, puisque le ministre était très attaqué, de lui demander sa démission dans l’espoir de satisfaire l’opinion ou en tout cas de donner des gages à l’opposition. Avec le recul on considérera que ce fut une erreur politique et une faiblesse.
En septembre 1978 Hoveyda démissionna de sa fonction de ministre de la Cour. Il écrira plus tard qu’il avait démissionné pour protester contre des massacres. Le jour même le shah lui proposa l’ambassade de Belgique pour laquelle il pourrait partir en avion immédiatement mais il refusa. Certains pensent cependant que cette proposition était plus ancienne et avait déjà été refusée par l’intéressé.
Claude de Kémoularia lui proposa de venir avec lui en France où il aurait pu l’héberger dans sa maison de campagne en attendant et il lui répondit : « Je vous remercie, mais j’ai travaillé avec une équipe et je ne veux pas l’abandonner dans la tourmente pour sauver ma peau. ». Et il ajouta
« j’aurais certainement été le dernier chef de gouvernement iranien à parler français. »
Le 7 novembre il fut arrêté avec 60 autres anciens fonctionnaires et placé en résidence surveillée à Téhéran dans une maison utilisée par la Savak et le shah pensait qu’il serait rapidement libéré après avoir reconnu ses erreurs. Le roi l’avait appelé au téléphone en lui disant que c’est là qu’il serait le plus en sécurité en attendant. Mais après le départ du souverain les gardes quittèrent les lieux qui devaient bientôt être sous le contrôle des forces révolutionnaires.
Ses parents et ses amis avaient fait le siège d’Hoveyda en le pressant de quitter l’Iran rapidement mais il ne voulut pas pensant qu’il serait acquitté par un tribunal islamique car il n’avait rien à se reprocher. En outre il était inquiet pour la santé de sa mère Afsar-ol-Molouk Fatmeh, fille de l’ancien ministre Hossein al Adib, d’une famille de hauts fonctionnaires liée aux Qadjar (et petite-fille de la princesse Ezzat Al-Dawlah, sœur de Nasser-al-Din Shah, et du prince Abdol Hossein Mirza Farmanfarma), et pour ses collaborateurs et ne souhaitait pas quitter le pays.
Il fut emmené par les révolutionnaires à l’école pour filles de Refah, où siégeait l’avant-garde de la révolution et il était alors après le départ de nombreux dirigeants le plus important dignitaire retenu par les révolutionnaires.
Le 15 mars 1979, de nuit, il comparut devant le tribunal révolutionnaire qui se réunissait pour la première fois. Dans l’intervalle il avait préparé sa défense d’un point de vue juridique. C’est aussi pendant ce laps de temps qu’il fut interviewé par la journaliste Christine Ockrent dans un entretien qui fut largement diffusé et dont on se souvient encore avec colère. Christine Ockrent posa à cet homme fatigué et désabusé des questions que le tribunal révolutionnaire devait lui poser et en quelque sorte se transforma en accusateur public aux yeux du monde entier mettant son interlocuteur prisonnier en grande difficulté. Cet exercice un peu sadique la journaliste s’est toujours refusé à en avoir le regret et pourtant après la diffusion de l’entretien l’opinion mondiale avait la certitude que désormais rien n’arrêterait la main du bourreau.
Dans la série d’entretiens que Patrick Germain a eue avec le frère du shah le prince Gholam-Reza, celui-ci rappelle que le roi en août 1977 avait remercié son premier ministre Hoveyda parce qu’il n’était pas sourd aux rumeurs et aux conseils et qu’il estimait qu’Hoveyda avait fait son temps et le prince ajoute : « Il n’était pas lui-même corrompu, je le répète, mais durant ces années s’était installé un état d’esprit préjudiciable à la bonne marche de l’État. N’oublions pas cependant qu’il avait été aussi le Premier ministre de la Révolution blanche. »
Le 7 avril 1979 Hoveyda qui n’avait donc pas voulu fuir quand il en était encore temps comparut à nouveau devant le tribunal révolutionnaire. Lors d’une suspension de séance de ce prétendu procès, il fut blessé puis achevé, ou bien fut-ce parce qu’Hoveyda épuisé avait fait savoir qu’il n’avait plus l’intention de se défendre devant ce tribunal fictif, que dès lors une condamnation fut prononcée à la sauvette, dans des termes écrits à l’avance, après laquelle on le fit sortir dans la cour et l’un de ses geôliers dit: « Alors vos amis français s’occupent de vous ? » Et il fut tué, dans d’atroces souffrances.
En 2011 le docteur Ebrahim Yazdi, qui avait été le traducteur de Khomeiny et son ministre des affaires étrangères, déclara qu’Hoveyda avait reçu deux balles dans le cou, en cours de procès, par un mollah nommé Hadi Ghafari, pour qu’il ne parle pas. L’ex-premier ministre sexagénaire, à l’agonie mais lucide, implora un dénommé Karimi de l’achever : « Je n’étais pas censé finir ainsi. » L’homme tira le coup de grâce dans le crâne.
Dans son livre sur la chute du shah Fereydoun Hoveyda retient que son frère Amir Abbas n’a pas voulu abandonner le shah dans la tempête.
Gérard ce sont des précisions très intéressantes que vous nous apportez!
Je dirai que je n’ai jamais eu une très bonne opinion de Mme Ockrent sorte de diva autoproclamée et suffisante des médias de bons tons.
Je ne la changerai donc pas après avoir lu votre commentaire.
Oui Pascal je me souviens de cette interview au moment où elle a été diffusée, j’étais jeune et comme tout le monde nous étions révoltés, c’était une sorte de mise à mort presque en direct d’un homme épuisé et qui avait le sentiment sans doute justifié d’avoir agi pour le mieux et qui ne voulait accuser personne. Cet entretien fit scandale dans le monde entier.
Robespierre
29 août 2016 @
17:59
Le titre est bien choisi. Il y a deja pas mal d’années, j’avais lu une interview du fils qui plus tard s’est suicidé, et j’avais été surpris par l’amertume des propos du prince. On aurait dit qu’il parlait du paradis perdu, et il soulignait l’inanité de son existence. Son frère ainé, lui, n’avait pas ce genre de discours, il était serein et optimiste.
Quand le second fils de Farah a mis fin à ses jours, je n’étais pas étonné, mais j’étais très triste pour la pauvre maman qui ne méritait pas ça.
Rappelons sur le sujet, et en français ce qui ne gâte rien, l’excellent Mon père, mon frère les Shahs d’Iran (Éditions Jean-Yves Normant, 2004), livre d’entretiens avec le prince Gholam-Reza Pahlavi, frère cadet du Shah, qui parle de son père, Reza Shah, et de son frère, en évoquant en détail les causes et les événements de la chute du régime impérial.
Livre d’entretiens avec notre ami Patrick Germain.
beji
29 août 2016 @ 09:54
Et encore en anglais;y aura-t-il une parution en français.
Véronique Y
29 août 2016 @ 10:57
J’espère que cela sortira en français , mais le livre sera triste car les derniers mois et journées du couple impérial c’était triste pour eux et pour nous aussi ( les admiratrices de Farah ) .
Fabienne
29 août 2016 @ 16:04
Dont je fais partie Véronique Y !! Une excellente opportunité pour moi d’approfondir mon anglais.
Ramtin
4 mai 2020 @ 02:58
Ça a et ça teste triste pour le peuple iranien surtout qui a ainsi bradé son brillant avenir et se retrouve 40 ans plus tard avec la gueule de bois, dirigé par un pouvoir autoritaire, violent et rétrograde.
Caroline
29 août 2016 @ 11:06
Je pense que ce beau livre n’est pas traduit en français! Et en perse pour les nostalgiques de la monarchie iranienne?
Mary
29 août 2016 @ 13:06
Heaven ? Il faut croire que ce n’était pas paradisiaque pour tous les iraniens,le Shah aurait eu plus de partisans ,sauf que depuis,c’est devenu bien pire !
Muscate
29 août 2016 @ 16:18
J’ai toujours regretté Soraya,c’est plus fort que moi…
Anna1
29 août 2016 @ 16:29
Soyons les pieds sur terre svp rien que des louanges sur la shabanou depuis des lustres mais il y a qd même eu bcp de problèmes quant à la magnificence de leur vie et la pauvreté du peuple. Ne l’oublions qd même pas tout ne fut pas rose sous le régime du shah
Véronique Y
30 août 2016 @ 07:16
Oui mais l’impératrice savait être près de son peuple , elle s’occupait d’eux merveilleusement bien, beaucoup de son temps était consacré aux Iraniens , mais elle savait aussi profiter avec son mari et ses enfants . ( Au début elle emmenait des dossiers le soir pour travailler et après elle essayait de ne plus le faire).
Zorro
30 août 2016 @ 09:53
Mathieu Bock-Côté est docteur en sociologie et chargé de cours aux HEC à Montréal. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l’auteur d’Exercices politiques (VLB éditeur, 2013), de Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois (Boréal, 2012) et de La dénationalisation tranquille: mémoire, identité et multiculturalisme dans le Québec post-référendaire (Boréal, 2007). Mathieu Bock-Côté est aussi chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada. Son dernier livre, Le multiculturalisme comme religion politique vient de paraître aux éditions du Cerf.
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En tant que Québécois, quel regard portez-vous sur la société française?
Je m’en voudrais d’abord de ne pas dire que j’aime profondément la France et que j’hérite d’une tradition très francophile, autrefois bien présente chez nous, qui considère encore un peu votre pays comme une mère-patrie. La France, en un mot, ne nous est pas étrangère. Vous me pardonnerez ces premiers mots, mais ils témoignent de mon affection profonde pour un pays avec lequel les Québécois entretiennent une relation absolument particulière. En un mot, j’ai le sort de la France à cœur!
La pénétration de l’idéologie multiculturelle, que vous dénoncez dans votre livre, est-elle en France aussi forte que dans les pays d’Amérique?
Le multiculturalisme prend un visage tout à fait singulier au Canada. Au Canada, le multiculturalisme est inscrit dans la constitution de 1982, imposé de force au Québec, qui ne l’a jamais signé. Il a servi historiquement à noyer le peuple québécois dans une diversité qui le privait de son statut de nation fondatrice. Pierre Trudeau, le père de Justin Trudeau, était radicalement hostile au peuple québécois, à son propre peuple, qu’il croyait traversé par une tentation ethnique rétrograde. C’était faux, mais c’était sa conviction profonde, et il voulait désarmer politiquement le Québec et le priver de sa prétention à constituer une nation.
Dans l’histoire du Canada, nous étions un peuple fondateur sur deux. Avec le multiculturalisme d’État, on nous a transformés en nuance identitaire parmi d’autres dans l’ensemble canadien. Il faut rappeler ces origines oubliées du multiculturalisme canadien à ceux qui n’en finissent plus d’idéaliser un pays qui a œuvré à oblitérer sa part française.
Je vous donne au passage ma définition du multiculturalisme, valable au-delà du contexte canadien: c’est une idéologie fondée sur l’inversion du devoir d’intégration. Traditionnellement, c’était la vocation de l’immigré de prendre le pli de la société d’accueil et d’apprendre à dire nous avec elle. Désormais, c’est la société d’accueil qui doit se transformer pour accommoder la diversité. La culture nationale perd son statut: elle n’est plus qu’un communautarisme parmi d’autres. Elle devra toutefois avoir la grandeur morale de se dissoudre pour expier ses péchés passés contre la diversité.
C’est le pays du communautarisme décomplexé, c’est aussi celui où on peut prêter son serment de citoyenneté en niqab avec la bénédiction des tribunaux et du premier ministre, qui y voit une marque admirable de tolérance.
Retour au Canada. Au fil du temps, le multiculturalisme canadien s’est autonomisé de sa vocation antiquébécoise et en est venu à représenter paradoxalement le cœur de l’identité canadienne. Il a remplacé ce qu’on pourrait appeler l’identité historique canadienne par une identité idéologique fondée sur la prétention. Ce qui tient lieu d’identité commune au Canada aujourd’hui, et cela plus encore depuis l’arrivée au pouvoir de Justin Trudeau, que la France regarde étrangement d’un air enamouré, c’est le sentiment d’être une superpuissance morale, exemplaire pour l’humanité entière, une utopie réussie représentant non seulement un pays admirable, mais la prochaine étape dans le progrès de l’humanité.
L’indépendantiste québécois que je suis a un regard pour le moins sceptique devant cet ultranationalisme canadien qui conjugue la fierté cocardière et l’esprit post-moderne.
Plus largement, au Canada, le multiculturalisme sert de machine à normaliser et à banaliser les différences les plus extrêmes, les moins compatibles avec ce qu’on appellera l’esprit de la civilisation occidentale ou les mœurs occidentales. C’est le pays du communautarisme décomplexé, c’est aussi celui où on peut prêter son serment de citoyenneté en niqab avec la bénédiction des tribunaux et du premier ministre, qui y voit une marque admirable de tolérance.
C’est le pays qui banalise sous le terme d’accommodements raisonnables un relativisme généralisé, qui peut aller très loin. C’est le pays où certains iront même jusqu’à dire que le niqab est peut-être même le symbole par excellence de la diversité canadienne, puisque son acceptation par les élites témoigne de la remarquable ouverture d’esprit de ceux qui le dirigent et des institutions qui le charpentent. Pour le dire autrement, le Canada pratique un multiculturalisme à la fois radicalisé et pacifié.
En France, le multiculturalisme semble moins agressif …
Il domine aussi l’esprit public mais n’est pas nécessairement revendiqué par les élites, qui entretiennent, à travers la référence aux valeurs républicaines, l’idéal d’une nation transcendant sa diversité. On sait bien que la réalité est autre et que la référence républicaine s’est progressivement désincarnée et vidée de sa substance nationale depuis une trentaine d’années.
En fait, la France fait une expérience tragique du multiculturalisme. Elle se délite, se décompose sous nos yeux, et la plupart de mes interlocuteurs, ici, me confessent avoir une vision terriblement pessimiste de l’avenir de leur pays. J’ajoute, et je le dis avec tristesse, que les Français semblent nombreux, lorsque leur pays est attaqué, à se croire responsable du mauvais sort qu’ils subissent, comme s’ils avaient intériorisé pleinement le discours pénitentiel occidental, qui pousse nos nations à s’autoflageller en toutes circonstances.
Le multiculturalisme s’est imposé chez vous par une gauche qui, depuis le passage du socialisme à l’antiracisme, au début des années 1980, jusqu’à la stratégie Terra Nova, en 2012, a été de moins en moins capable de parler le langage de la nation, comme si cette dernière était une fiction idéologique au service d’une majorité tyrannique désirant écraser les minorités.
Il s’est aussi imposé avec l’aide des institutions européennes, qui sont de formidables machines à dénationaliser les peuples européens.
La droite, par ailleurs, toujours prompte à vouloir donner des gages au progressisme, a peu à peu abandonné aussi la nation, ou s’est du moins contentée de la définir de manière minimaliste en en évacuant l’histoire pour retenir seulement les fameuses valeurs républicaines.
Le multiculturalisme est tenté par ce qu’on pourrait appeler une forme de despotisme qui se veut éclairé.
Le multiculturalisme est la dynamique idéologique dominante de notre temps, et cela en Amérique du nord comme en Europe occidentale. Chez les élites, il suscite la même admiration béate ou la même passion militante. Il propose toujours le même constat: nos sociétés sont pétries de stéréotypes et de préjugés, elles sont fermées à la différence et elles doivent se convertir à la diversité pour enfin renaître, épurées de leur part mauvaise, lavées de leurs crimes. Pour emprunter les mots d’un autre, le multiculturalisme se présente comme l’horizon indépassable de notre temps et comme le seul visage possible de la démocratie.
La gauche européenne, en général, y voit d’ailleurs le cœur de son programme politique et idéologique.
Je note autre chose: le multiculturalisme est partout en crise, parce qu’on constate qu’une société exagérément hétérogène, qui ne possède plus de culture commune ancrée dans l’histoire et qui par ailleurs, renonce à produire du commun, est condamnée à entrer en crise ou à se déliter. Lorsqu’on légitime les revendications ethnoreligieuses les plus insensées au nom du droit à la différence, on crée les conditions d’une déliaison sociale majeure.
Mais devant cette crise, le multiculturalisme, loin de s’amender, loin de battre en retraite, se radicalise incroyablement. Pour ses thuriféraires, si le multiculturalisme ne fonctionne pas, c’est qu’on y résiste exagérément, c’est que les nations historiques, en refusant de s’y convertir, l’empêchent de transformer pour le mieux nos sociétés selon les termes de la promesse diversitaire.
Il faudra alors rééduquer les populations pour transformer leur identité et les amener à consentir à ce nouveau modèle: on cherche, par l’école, à fabriquer un nouveau peuple, ayant pleinement intériorisé l’exigence diversitaire. On cherchera à culpabiliser les peuples pour les pousser à enfin céder à l’utopie diversitaire.
C’est la tentation autoritaire du multiculturalisme, qui est tenté par ce qu’on pourrait appeler une forme de despotisme qui se veut éclairé.
Quels sont les points communs et différence avec la France?
L’histoire des deux pays, naturellement n’est pas la même. La France est un vieux pays, une vieille culture, une vieille civilisation qui se représente généralement comme un monde commun à transmettre et non comme une utopie à exporter, même si la révolution française a eu un temps cette tentation.
En un mot, la France a des ressources inouïes pour résister au multiculturalisme même si elle ne les mobilise pas tellement le discours culpabilisateur inhibe les peuples et les convaincs que l’affirmation de leur identité relève de la xénophobie et du racisme.
Mais encore une fois, il faut le dire, c’est le même logiciel idéologique qui est à l’œuvre. Il repose sur l’historiographie victimaire, qui criminalise les origines de la nation ou réduit son histoire à ses pages noires, sur la sociologie antidiscriminatoire, qui annihile la possibilité même d’une culture commune, dans la mesure où elle n’y voit qu’une culture dominante au service d’une majorité capricieuse, et sur une transformation de la démocratie, qui sera vidée de sa substance, dans la mesure où la judiciarisation des problèmes politiques et le transfert de la souveraineté vers le gouvernement des juges permet de désarmer institutionnellement un peuple qu’on soupçonne de céder au vice de la tyrannie de la majorité.
En un mot, si l’idéologie multiculturaliste s’adapte à chaque pays où elle s’implante, elle fait partout le même diagnostic et prescrit les mêmes solutions: c’est qu’il s’agit d’une idéologie, finalement, qui pose un diagnostic global et globalement négatif sur l’expérience historique occidentale.
Il serait quand même insensé que la civilisation française devienne optionnelle sur son territoire, certains pouvant s’en réclamer, d’autres pas, mais tous cohabitant dans une fausse harmonie que de vrais propagandistes nommeront vivre-ensemble.
Vous définissez aussi le multiculturalisme comme la créature de Frankenstein du marxisme. Mais cette idéologie est née dans les pays anglo-saxons de culture libérale. N’est-ce pas paradoxal?
Je nuancerais. Le multiculturalisme comme idéologie s’est développée au cœur des luttes et contestations qui ont caractérisé les radical sixties et les radical seventies et s’est alimenté de références idéologiques venant des deux côtés de l’Atlantique. Par ailleurs, de grands intellectuels français ont joué un rôle majeur dans la mise en place de cette idéologie, née du croisement d’un marxisme en décomposition et des revendications issues de la contre-culture. Michel Foucault et Alain Touraine, par exemple, ont joué un grand rôle dans la construction globale de l’idéologie multiculturaliste. En fait, je dirais que la crise du progressisme a frappé toutes les gauches occidentales. Chose certaine, il ne faut pas confondre l’idéologie multiculturaliste avec une simple expression globalisée de l’empire américain. C’est une explication trop facile à laquelle il ne faut pas céder.
En France, vieux pays jacobin qui a fait la révolution, le multiculturalisme reste contesté malgré la conversion de la majorité de nos élites …
Il est contesté partout, il est contesté au Québec, il est contesté en Grande-Bretagne, il est contesté aux États-Unis, il est aussi contesté chez vous, cela va de soi. Sur le fond des choses, le refus du multiculturalisme repose sur le refus d’être dépossédé de son pays et de voir la culture nationale transformée en identité parmi d’autres dans une citoyenneté mosaïque. Il serait quand même insensé que la civilisation française devienne optionnelle sur son territoire, certains pouvant s’en réclamer, d’autres pas, mais tous cohabitant dans une fausse harmonie que de vrais propagandistes nommeront vivre-ensemble.
Le drame de cette contestation, c’est qu’elle est souvent inhibée, disqualifiée ou criminalisée. La simple affirmation du sentiment national a longtemps passé pour de la xénophobie plus ou moins avouée, qu’il fallait combattre de toutes les manières possibles. D’ailleurs, la multiplication des phobies dans le discours médiatique, qui témoigne d’une psychiatrisation du débat public: on veut exclure du cercle de la respectabilité démocratique ceux qui sont attachés, d’une manière ou d’une autre, à l’État-nation.
On ne sortira pas de l’hégémonie multiculturaliste sans réaffirmer la légitimité du référent national, sans redonner ses lettres de noblesse à un patriotisme enraciné et décomplexé.
Devant Judith Butler, la tentation première est peut-être de s’esclaffer. Je comprends cela. Il faut pourtant prendre son propos très au sérieux, car sa vision des choses, et plus largement, du courant néoféministe qu’elle représente, est particulièrement efficace dans les milieux qui se veulent progressistes et craignent par-dessus tout de ne pas avoir l’air assez à gauche.
Depuis quelques années, on observe également en France la percée d’un féminisme identitaire qui semble tout droit inspiré de Judith Butler. Quelle a été son influence au Québec et plus largement en Amérique du Nord? Ce féminisme est-il une variante du multiculturalisme?
Ce féminisme est dominant dans nos universités et est particulièrement influent au Québec, surtout dans une nouvelle génération féministe très militante qui voit dans la théorie du genre l’expression la plus satisfaisante d’une certaine radicalité théorique qui est pour certains une drogue dure. La théorie du genre, en d’autres mots, est à la mode, très à la mode (et elle l’est aussi plus généralement dans les universités nord-américaines et dans les milieux culturels et médiatiques), et il est mal vu de s’y opposer. Il faut pourtant dire qu’elle est portée par une tentation nihiliste radicale, qui entend tout nier, tout déconstruire, au nom d’une liberté pensée comme pure indétermination. C’est le fantasme de l’autoengendrement. La théorie du genre veut éradiquer le monde historique et reprendre l’histoire à zéro, en quelques sortes, en abolissant la possibilité même de permanences anthropologiques.
On peut certainement y voir une autre manifestation de l’héritage des radical sixties et de l’idéologie diversitaire qui domine généralement les départements de sciences sociales et au nom de laquelle on mène la bien mal nommée lutte contre les discriminations – parce qu’à force de présenter toute différence à la manière d’une discrimination, on condamne toutes les institutions à la déconstruction. Devant Judith Butler, la tentation première est peut-être de s’esclaffer. Je comprends cela. Il faut pourtant prendre son propos très au sérieux, car sa vision des choses, et plus largement, du courant néoféministe qu’elle représente, est particulièrement efficace dans les milieux qui se veulent progressistes et craignent par-dessus tout de ne pas avoir l’air assez à gauche.
Les musulmans qui arrivent en Occident doivent accepter qu’ils arrivent dans une civilisation qui a longtemps été le monde chrétien, et où sur le plan symbolique, l’héritage chrétien conserve une prédominance naturelle et légitime.
Depuis les attentats de janvier 2015, le débat autour de l’islam divise profondément la France. Cette question est-elle aussi centrale en Amérique du Nord? Pourquoi?
Elle est présente, très présente, mais elle est l’est de manière moins angoissante, dans la mesure où les communautarismes ne prennent pas la forme d’une multiplication de Molenbeek, même si la question de l’islam radical et violent inquiète aussi nos autorités et même si nous avons aussi chez certains jeunes une tentation syrienne.
Mais la question du voile, du voile intégral, des accommodements raisonnables, se pose chez nous très vivement – et je note qu’au Québec, on s’inquiète particulièrement du multiculturalisme. Nos sociétés sont toutes visées par l’islamisme. Elles connaissent toutes, aussi, de vrais problèmes d’intégration.
Généralisons un peu le propos: partout en Occident, la question de l’Islam force les pays à se poser deux questions fondamentales: qu’avons-nous en propre, au-delà de la seule référence aux droits de l’homme, et comment intégrer une population qui est culturellement très éloignée, bien souvent, des grands repères qui constituent le monde commun en Occident?
Cela force, à terme, et cela de manière assez étonnante, plusieurs à redécouvrir la part chrétienne oubliée de notre civilisation. Non pas à la manière d’une identité confessionnelle militante, évidemment, mais tout simplement sous la forme d’une conscience de l’enracinement.
Les musulmans qui arrivent en Occident doivent accepter qu’ils arrivent dans une civilisation qui a longtemps été le monde chrétien, et où sur le plan symbolique, l’héritage chrétien conserve une prédominance naturelle et légitime.
Cela ne veut pas dire, évidemment, qu’il faille courir au conflit confessionnel ou à la guerre des religions: ce serait désastreux.
Mais simplement dit, la question de l’islam nous pousse à redécouvrir des pans oubliés de notre identité, même si cette part est aujourd’hui essentiellement culturalisée.
Le conservatisme rappelle à l’homme qu’il est un héritier et que la gratitude, comprise comme une bienveillance envers le monde qui nous accueille, est une vertu honorable. C’est une philosophie politique de la finitude.
L’islamisme et ses prétentions hégémoniques ne sont-ils pas finalement incompatible avec le multiculturalisme qui suppose le «vivre ensemble»?
L’islamisme a un certain génie stratégique: il mise sur les droits consentis par les sociétés occidentales pour les retourner contre elles. Il se présente à la manière d’une identité parmi d’autres dans la société plurielle: il prétend s’inscrire dans la logique du multiculturalisme, à travers lui, il banalise ses revendications. Il instrumentalise les droits de l’homme pour poursuivre l’installation d’un islam radical dans les sociétés occidentales et parvient à le faire en se réclamant de nos propres principes. Il se présente à la manière d’une identité parmi d’autres qui réclame qu’on l’accommode, sans quoi il jouera la carte victimaire de la discrimination. C’est très habile. À travers cela, il avance, il gagne du terrain et nous lui cédons. Devant cela, nous sommes moralement désarmés.
Il faudrait pourtant se rappeler, dans la mesure du possible, que lorsqu’on sépare la démocratie libérale de ses fondements historiques et civilisationnels, elle s’effrite, elle se décompose. La démocratie désincarnée et dénationalisée est une démocratie qui se laisse aisément manipuler par ses ennemis déclarés. D’ailleurs, au vingtième siècle, ce n’est pas seulement au nom des droits de l’homme mais aussi au nom d’une certaine idée de notre civilisation que les pays occidentaux ont pu se dresser victorieusement contre le totalitarisme. Du général de Gaulle à Churchill en passant par Soljenitsyne, la défense de la démocratie ne s’est pas limitée à la défense de sa part formelle, mais s’accompagnait d’une défense de la civilisation dont elle était la forme politique la plus achevée.
Comment voyez-vous l’avenir de la France. Le renouveau conservateur en germe peut-il stopper l’offensive multiculturaliste de ces 30 dernières années?
On dit que la France a la droite la plus bête du monde. C’est une boutade, je sais, mais elle est terriblement injuste.
Je suis frappé, quant à moi, par la qualité intellectuelle du renouveau conservateur, qui se porte à la fois sur la question identitaire et sur la question anthropologique, même si je sais bien qu’il ne se réclame pas explicitement du conservatisme, un mot qui a mauvaise réputation en France.
Je définis ainsi le conservatisme: une philosophie politique interne à la modernité qui cherche à la garder contre sa tentation démiurgique, contre la tentation de la table-rase, contre sa prétention aussi à abolir l’histoire comme si l’homme devait s’en extraire pour se livrer à un fantasme de toute puissance sociale, où il n’entend plus seulement conserver, améliorer, transformer et transmettre la société, mais la créer par sa pure volonté. Le conservatisme rappelle à l’homme qu’il est un héritier et que la gratitude, comprise comme une bienveillance envers le monde qui nous accueille, est une vertu honorable. C’est une philosophie politique de la finitude.
L’homme sans histoire, sans culture, sans patrie, sans famille et sans civilisation n’est pas libre : il est nu et condamné au désespoir.
Réponse un peu abstraite, me direz-vous. Mais pas nécessairement: car on aborde toujours les problèmes politiques à partir d’une certaine idée de l’homme. Si nous pensons l’homme comme héritier, nous nous méfierons de la réécriture culpabilisante de l’histoire qui domine aujourd’hui l’esprit public dans les sociétés occidentales. Ce que j’espère, c’est que la renaissance intellectuelle du conservatisme en France trouve un débouché politiquement, qui normalement, ne devrait pas être étranger à l’héritage du gaullisme. Pour l’instant, ce conservatisme semble entravé par un espace politique qui l’empêche de prendre forme.
Et pour ce qui est du multiculturalisme, on ne peut bien y résister qu’à condition d’assumer pleinement sa propre identité historique, ce qui permet de résister aux discours culpabilisants et incapacitants. Il faut donc redécouvrir l’héritage historique propre à chaque pays et cesser de croire qu’en l’affirmant, on bascule inévitablement dans la logique de la discrimination contre l’Autre ou le minoritaire. Cette reconstruction ne se fera pas en quelques années. Pour user d’une image facile, c’est le travail d’une génération.
Le multiculturalisme peut-il finalement réussir le vieux rêve marxiste de révolution mondiale? La France va-t-elle devenir les Etats-Unis ou le Canada?
À tout le moins, il s’inscrit dans la grande histoire du progressisme radical et porte l’espoir d’une humanité réconciliée, délivrée de ses différences profondes, où les identités pourraient circuler librement et sans entraves dans un paradis diversitaire. On nous présente cela comme une sublime promesse: en fait, ce serait un monde soumis à une terrible désincarnation, où l’homme serait privé de ses ancrages et de la possibilité même de l’enracinement. L’homme sans histoire, sans culture, sans patrie, sans famille et sans civilisation n’est pas libre: il est nu et condamné au désespoir.
En un sens, le multiculturalisme ne peut pas gagner: il est désavoué par le réel, par la permanence de l’authentique diversité du monde. Il pousse à une société artificielle de carte postale, au mieux ou à la décomposition du corps politique et au conflit social, au pire. Et il est traversé par une vraie tentation autoritaire, chaque fois. Mais il peut tous nous faire perdre en provoquant un effritement de nos identités nationales, en déconstruisant leur légitimité, en dynamitant leurs fondements historiques.
Et pour la France, permettez-moi de lui souhaiter une chose: qu’elle ne devienne ni les États-Unis, ni le Canada, mais qu’elle demeure la France.
Aux Etats-Unis actuellement, près d’un Américain sur six survit grâce à des bons alimentaires. Ce chiffre ne fait que grimper d’années en années au même titre que l’endettement : le montant de la dette publique américaine s’élève en 2016 à 19 trillions de dollars. Autrement dit, la dette américaine ne pourra jamais être remboursée et que le dollar est virtuellement mort. Tout ça grâce à ce grand démocrate tellement sensible et proche du peuple qu’est Barack Obama…
En Iran, sous le régime du Shah (1960-1979), je ne vais pas dire que tout baignait, mais la classe moyenne progressait de manière exponentielle, si l’on considère que le pays partait pratiquement de zéro.
Leonor
31 août 2016 @ 12:02
Euh…. c’est un peu long.
On verra ça plus tard.
Zorro
31 août 2016 @ 18:03
En fait c’est une erreur de manipulation de ma part 8-}
J’ai fait un copy paste d’un article qui n’a rien à voir avec le sujet !!
Mais bon je trouve cet article ultra intéressant !
Si vous avez le courage vous allez vous régaler
Mon commentaire est le tout dernier paragraphe :-B
Marie de Bourgogne
31 août 2016 @ 20:46
Merci Zorro.
Votre post est très intéressant et je me suis régalée à le lire.
Cordialement
Gauthier
1 septembre 2016 @ 11:01
Réflexion très intéressante, merci de nous la partager.
On ne dénoncera jamais assez, à mon sens, l’imposture multiculturaliste telle que pensée par Michel Foucault, entre autres. Michel Foucault, le maître à penser de toute une génération, celle qui défend bec et ongles les « grands projets de société » inspirés de la fameuse théorie du genre, qui n’existe pas, paraît-il.
Je vous conseille la lecture de Richie, livre de Raphaëlle Bacqué sur Richard Descoings, qui illustre fort bien cette dynamique.
Bien à vous deux, Léonor et Zorro!
Ramtin
4 mai 2020 @ 02:58
Ça a et ça teste triste pour le peuple iranien surtout qui a ainsi bradé son brillant avenir et se retrouve 40 ans plus tard avec la gueule de bois, dirigé par un pouvoir autoritaire, violent et rétrograde.
Pascal
29 août 2016 @ 17:51
J’avoue que je ne sais absolument pas quoi penser du dernier shah d’Iran.
D’un coté je vois un homme courageux , intelligent , sympathique qui a voulu préserver l »indépendance de son pays .
De l’autre il y a la SAVAC (qui sans doute le manipulait plus qu’il ne la contrôlait ) et surtout le fait qu’il ait refusé lors de son départ en exil d’emmener dans son avion son premier ministre Amir Hoveyda qui sera exécuté par les barbus….
Pascal
29 août 2016 @ 18:03
En fait il semble que ce soit une légende cette histoire d’ Hoveyda et de l’avion mais pourquoi me la suis-je ainsi mise dans la tête ?
Cette « révolution » iranienne ne fut elle pas avant tout une question de gros sous entre le pouvoir impérial d’une part et le clergé iranien et les marchands du bazar de l’autre?
Plus comme d’habitude la main invisible et pas très déterminée dans ce qu’elle doit faire des américains.
Claude MARON
31 août 2016 @ 11:00
N’était-ce pas Chapour Bakhtiar le 1er Ministre ?
Leonor
31 août 2016 @ 12:05
Hoveyda avait été Premier Ministre de 1965 à 1977.
Pascal
31 août 2016 @ 16:48
Hoveyda avait été son premier ministre pendant de nombreuses années , Chapour Bakhtiar a été nommé sur la fin mais ça n’a pas réussi à les sauver tous.
Il paraît que Hoveyda puisait dans les fonds secrets de quoi « arroser » les mollahs et imams afin de les cosoler des pertes que la réforme agraire voulue par le Shah leur avaiit fait subir.
Ainsi ils se tinrent longtemps tranquilles .
Son successeur n’aurait pas eu la même sagesse orientale provoquant le basculement du « clergé » shiïte dans l’opposition au régime ce qui fut fatal.
Gérard
3 septembre 2016 @ 11:11
Hoveyda était intelligent et très cultivé mais il faut dire aussi qu’il était agnostique et franc-maçon et cristallisait de ce fait beaucoup de haine en Iran.
Gérard
31 août 2016 @ 17:26
Rappelons au sujet d’Hoveyda, que certains conseillers du shah avaient suggéré au souverain, puisque le ministre était très attaqué, de lui demander sa démission dans l’espoir de satisfaire l’opinion ou en tout cas de donner des gages à l’opposition. Avec le recul on considérera que ce fut une erreur politique et une faiblesse.
En septembre 1978 Hoveyda démissionna de sa fonction de ministre de la Cour. Il écrira plus tard qu’il avait démissionné pour protester contre des massacres. Le jour même le shah lui proposa l’ambassade de Belgique pour laquelle il pourrait partir en avion immédiatement mais il refusa. Certains pensent cependant que cette proposition était plus ancienne et avait déjà été refusée par l’intéressé.
Claude de Kémoularia lui proposa de venir avec lui en France où il aurait pu l’héberger dans sa maison de campagne en attendant et il lui répondit : « Je vous remercie, mais j’ai travaillé avec une équipe et je ne veux pas l’abandonner dans la tourmente pour sauver ma peau. ». Et il ajouta
« j’aurais certainement été le dernier chef de gouvernement iranien à parler français. »
Le 7 novembre il fut arrêté avec 60 autres anciens fonctionnaires et placé en résidence surveillée à Téhéran dans une maison utilisée par la Savak et le shah pensait qu’il serait rapidement libéré après avoir reconnu ses erreurs. Le roi l’avait appelé au téléphone en lui disant que c’est là qu’il serait le plus en sécurité en attendant. Mais après le départ du souverain les gardes quittèrent les lieux qui devaient bientôt être sous le contrôle des forces révolutionnaires.
Ses parents et ses amis avaient fait le siège d’Hoveyda en le pressant de quitter l’Iran rapidement mais il ne voulut pas pensant qu’il serait acquitté par un tribunal islamique car il n’avait rien à se reprocher. En outre il était inquiet pour la santé de sa mère Afsar-ol-Molouk Fatmeh, fille de l’ancien ministre Hossein al Adib, d’une famille de hauts fonctionnaires liée aux Qadjar (et petite-fille de la princesse Ezzat Al-Dawlah, sœur de Nasser-al-Din Shah, et du prince Abdol Hossein Mirza Farmanfarma), et pour ses collaborateurs et ne souhaitait pas quitter le pays.
Il fut emmené par les révolutionnaires à l’école pour filles de Refah, où siégeait l’avant-garde de la révolution et il était alors après le départ de nombreux dirigeants le plus important dignitaire retenu par les révolutionnaires.
Le 15 mars 1979, de nuit, il comparut devant le tribunal révolutionnaire qui se réunissait pour la première fois. Dans l’intervalle il avait préparé sa défense d’un point de vue juridique. C’est aussi pendant ce laps de temps qu’il fut interviewé par la journaliste Christine Ockrent dans un entretien qui fut largement diffusé et dont on se souvient encore avec colère. Christine Ockrent posa à cet homme fatigué et désabusé des questions que le tribunal révolutionnaire devait lui poser et en quelque sorte se transforma en accusateur public aux yeux du monde entier mettant son interlocuteur prisonnier en grande difficulté. Cet exercice un peu sadique la journaliste s’est toujours refusé à en avoir le regret et pourtant après la diffusion de l’entretien l’opinion mondiale avait la certitude que désormais rien n’arrêterait la main du bourreau.
Dans la série d’entretiens que Patrick Germain a eue avec le frère du shah le prince Gholam-Reza, celui-ci rappelle que le roi en août 1977 avait remercié son premier ministre Hoveyda parce qu’il n’était pas sourd aux rumeurs et aux conseils et qu’il estimait qu’Hoveyda avait fait son temps et le prince ajoute : « Il n’était pas lui-même corrompu, je le répète, mais durant ces années s’était installé un état d’esprit préjudiciable à la bonne marche de l’État. N’oublions pas cependant qu’il avait été aussi le Premier ministre de la Révolution blanche. »
Le 7 avril 1979 Hoveyda qui n’avait donc pas voulu fuir quand il en était encore temps comparut à nouveau devant le tribunal révolutionnaire. Lors d’une suspension de séance de ce prétendu procès, il fut blessé puis achevé, ou bien fut-ce parce qu’Hoveyda épuisé avait fait savoir qu’il n’avait plus l’intention de se défendre devant ce tribunal fictif, que dès lors une condamnation fut prononcée à la sauvette, dans des termes écrits à l’avance, après laquelle on le fit sortir dans la cour et l’un de ses geôliers dit: « Alors vos amis français s’occupent de vous ? » Et il fut tué, dans d’atroces souffrances.
En 2011 le docteur Ebrahim Yazdi, qui avait été le traducteur de Khomeiny et son ministre des affaires étrangères, déclara qu’Hoveyda avait reçu deux balles dans le cou, en cours de procès, par un mollah nommé Hadi Ghafari, pour qu’il ne parle pas. L’ex-premier ministre sexagénaire, à l’agonie mais lucide, implora un dénommé Karimi de l’achever : « Je n’étais pas censé finir ainsi. » L’homme tira le coup de grâce dans le crâne.
Dans son livre sur la chute du shah Fereydoun Hoveyda retient que son frère Amir Abbas n’a pas voulu abandonner le shah dans la tempête.
Pascal
2 septembre 2016 @ 10:51
Gérard ce sont des précisions très intéressantes que vous nous apportez!
Je dirai que je n’ai jamais eu une très bonne opinion de Mme Ockrent sorte de diva autoproclamée et suffisante des médias de bons tons.
Je ne la changerai donc pas après avoir lu votre commentaire.
Gérard
3 septembre 2016 @ 11:09
Oui Pascal je me souviens de cette interview au moment où elle a été diffusée, j’étais jeune et comme tout le monde nous étions révoltés, c’était une sorte de mise à mort presque en direct d’un homme épuisé et qui avait le sentiment sans doute justifié d’avoir agi pour le mieux et qui ne voulait accuser personne. Cet entretien fit scandale dans le monde entier.
Robespierre
29 août 2016 @ 17:59
Le titre est bien choisi. Il y a deja pas mal d’années, j’avais lu une interview du fils qui plus tard s’est suicidé, et j’avais été surpris par l’amertume des propos du prince. On aurait dit qu’il parlait du paradis perdu, et il soulignait l’inanité de son existence. Son frère ainé, lui, n’avait pas ce genre de discours, il était serein et optimiste.
Quand le second fils de Farah a mis fin à ses jours, je n’étais pas étonné, mais j’étais très triste pour la pauvre maman qui ne méritait pas ça.
Gérard
30 août 2016 @ 10:06
Rappelons sur le sujet, et en français ce qui ne gâte rien, l’excellent Mon père, mon frère les Shahs d’Iran (Éditions Jean-Yves Normant, 2004), livre d’entretiens avec le prince Gholam-Reza Pahlavi, frère cadet du Shah, qui parle de son père, Reza Shah, et de son frère, en évoquant en détail les causes et les événements de la chute du régime impérial.
Livre d’entretiens avec notre ami Patrick Germain.
Leonor
31 août 2016 @ 12:06
Ah, je ne connaissais pas ce livre. Merci pour la référence, Gérard.