Le 15 mars 2017, le château de Schönbrunn à Vienne accueillera une exposition consacrée à l’impératrice Marie Thérèse dont on commémore les 300 ans de la naissance. Fille aînée de l’empereur Charles VI et de Elisabeth Christine de Brunswick-Wolfenbüttel, Marie-Thérèse a régné 40 ans de 1740 à 1780. Mère de 16 enfants, dont 11 filles et 5 fils dont 10 seulement atteignirent l’âge adulte, elle est la mère de Joseph II (1741-1790) empereur et successeur de Marie-Thérèse, comme régent de la monarchie des Habsbourg et de Marie-Antonia(1755-1793), devenue Marie-Antoinette, reine de France. (Merci à Michèle)
Philippe
19 septembre 2016 @ 05:39
La dernière des Habsbourgs. Depuis, tous ceux qui se présentent comme tels ne sont en fait que des princes
de Lorraine habilement recasés.
Point.
Cette capacité, autrichienne autant que familiale, à occulter
le glissement d’une dynastie à une autre, apparait même aujourd’hui dans la présentation de l’article ! On y rappelle que Marie-Thérèse est la fille de son père, et la mère de ses enfants, mais elle semble n’avoir jamais eu besoin de donner un géniteur à ces derniers ! Quelle femme !
Pascal
19 septembre 2016 @ 09:53
Je ne sais pas ce qu’ils vous on fait les Habsbourg-Lorraine mais…!
Une question de béotien encore : sans la pragmatique sanction la couronne n’aurait elle pas échue à sa cousine ?
Dans ce cas la situation aurait été la même quant à la pureté de la filiation habsbourgeoise non ?
Pascal
19 septembre 2016 @ 11:04
« ne serait elle pas échue » !!!
Dominique Charenton
19 septembre 2016 @ 21:21
Si Charles VI par la Pragmatique Sanction de 1713 réserva la succession
des Etats héréditaires de la Maison d’Autriche à sa fille Marie Thérèse,
c’est tout simplement qu’elle n’était pas l’héritière de la maison.
En 1703 l’empereur Leopold I (1640-1705) prévoyant au cas ou que les archiducs ses fils [ les futurs Joseph I (1678-1711) et Charles VI (1685-1740) ] n’auraient que des filles, régla le problème successoral par la disposition Léopoldine de 1703 : si aucun des deux princes n’avait de fils , Charles succéderait à Joseph, mais les filles de Joseph passeraient avant celles de Charles.
Les filles de Joseph I : Marie Joséphe (1699-1757) épouse de l’Electeur de
Saxe, roi de Pologne , grand parents maternels de Louis XVI, Louis XVIII,
Charles X ,Charles IV d’Espagne et Ferdinand I des Deux Siciles, et Marie
Amélie (1701-1756) épouse de l’Electeur de Bavière, empereur des Romains,
petit fils du roi de Pologne Jean Sobieski, sauveur de Wien, dont postérité,
étaient donc les héritières de leur maison .
A la mort de Charles VI il y eut donc une guerre de Succession d’Autriche
qui dura 8 ans de 1740 à 1748 pour se terminer par le Traité d’Aix la
Chapelle
NB Le trône de Hongrie n’était héréditaire dans la maison d’Autriche que
depuis….. 1687 !!!!
Philippe
20 septembre 2016 @ 06:07
Oui Pascal, la situation aurait été absolument identique.
Je vous précise que mon propos n’est pas de déplorer qu’une femme ait régné sur l’Autriche, ce dont je me fiche complètement, mais de constater qu’on glisse
discrètement sous le tapis le changement effectif de dynastie.
Marie-Thérèse est une Habsbourg, mais ses enfants n’en sont pas. Point. A moins de considérer la Maison de Lorraine pour du beurre …
Marie-Antoinette elle-même, vous le constaterez dans beaucoup d’écrits, était encore souvent présentée comme
Marie-Antoinette de Lorraine, archiduchesse d’Autriche, ou éventuellement comme Marie-Antoinette de
Lorraine-Habsbourg, mais jamais comme
Marie-Antoinette de Habsbourg …
Jusqu’à preuve du contraire, et encore plus au XVIII° que maintenant, on porte le nom de son père.
Vous noterez d’ailleurs qu’une récente loi française,
qui prétendait donner le choix entre les deux noms
des parents, ne rencontre strictement aucun succès.
Je crois même que tout le monde l’a oubliée.
Quant à la question de savoir ce que m’ont fait les Habsbourgs … à moi, rien !
Mais à la France, beaucoup.
Et comme ils sont, de fait, en compétition permanente avec les capétiens, à qui sera la plus ancienne dynastie, ou la plus liée au grand ancêtre Charlemagne, etc, etc,
et qu’ils affichent depuis toujours la certitude d’être les gagnants desdits concours, je crois qu’il est bon de rappeler les faits.
Les faits.
Et les faits, c’est qu’il n’existe plus de Habsbourg véritable depuis bientôt deux siècles et demi.
Et que, par surcroît, le lien desdits Habsbourgs avec Charlemagne relevait davantage du mythe que d’autre chose.
Même par les femmes …
J’appartiens à une génération où les manuels d’histoire
nous apprenaient encore la lutte incessante que les rois de France avaient dû mener contre l’encerclement du pays par les Habsbourgs, ainsi d’ailleurs que le rôle détestable qu’avaient pu jouer dans le royaume, à plusieurs reprises, les cadets de Lorraine qu’étaient les ducs de Guise …
C’est certainement à cette source que j’ai appris à ne pas aimer les Habsbourg-Lorraine à la folie !
Bien à vous.
Philippe
21 septembre 2016 @ 23:43
Bonjour cher Cosmo,
Jamais je n’ai dit que les lorrains était des princes de seconde zone …
Non, je m’impatiente seulement des arrangements avec la réalité.
Et la réalité est que Marie-Thérèse était la dernière des Habsbourgs.
On aura beau faire le tour de la question dans tous les sens, et même
si ses descendants se font appeler comme ils veulent, il reste
qu’ils ne sont pas des Habsbourgs …
Comme la réalité est que les Romanov ne descendent pas de Pierre le
Grand, que les Nassau ne sont pas des Nassau mais des Bourbons de Parme, ou que Charles Windsor, quand il coiffera sa couronne,
amènera une dynastie danoise sur le trône d’Angleterre …
C’est bien aussi, la vérité !
Je finirai juste, cher Cosmo, en vous faisant une demi-confidence.
Pour des raisons personnelles, qu’il serait déplacé d’évoquer ici,
je suis très sensible à la question du nom, et très attaché à sa
transmission par le père.
Après tout, les pauvres hommes n’ont bien que cela à donner …
Cordialement
Philippe
PS. Je ne reconnais qu’un seul titre de gloire aux Habsbourgs, celui d’avoir repoussé les turcs.
Pour le reste, bof … des petits joueurs à côté des capétiens !
Leonor
19 septembre 2016 @ 10:42
On rappelle, bis et ter repetita, que les gamètes masculins et féminins sont à égalité dans le cheptel de machins qu’on hérite dans son code génétique.
Autrement dit, une notion de » dynastie » qui n’a été et ne serait basée que sur les gamètes masculins n’est qu’une fumisterie macho, élaborée dans l’ignorance de ce que la science nous a appris depuis.
Non mais !
Corsica
19 septembre 2016 @ 20:44
Léonie, j’adore quand vous montez sur vos trois grands lamas ! :):)
Effectivement, d’un point de vue physiologique et génétique nous sommes ce que nos deux parents, à parts égales, nous ont légué. D’ailleurs la France prend en compte cet état de fait puisque la loi autorise les parents à donner à leurs enfants soit le nom du père, soit le nom de la mère, à une seule condition : que toute la fratrie porte le même nom. Dans le même registre, un mari peut choisir comme nom d’usage celui de son épouse.
Corsica
19 septembre 2016 @ 21:34
Oups, il fallait bien évidemment lire Leonor mais ma correction automatique apparemment préfère Léonie, allez donc savoir pourquoi !
Petite précision, la loi qui autorise les enfants à prendre le nom du père ou de la mère ou des deux date du 4 mars 2002.
it eu
20 septembre 2016 @ 13:32
En effet, Corsica .
Leonor
22 septembre 2016 @ 13:19
It eu = Leonor. Sorry, car faute de frappe.
Dominique Charenton
19 septembre 2016 @ 21:10
Lorsque l’impératrice Marie-Thérèse apprit la mort de Charles de Lorraine (1712-1780) [ frère de l’empereur François] son » lieben Herrn Schwagers » elle écrivit à une de ses belle-fille : » Nun ist das illustre Haus Lothringen erloschen »
in Fred Hennings, Und sitzet zur linken Hand, Franz Stephan von Lothringen,1961, page 285
Pascal
20 septembre 2016 @ 20:40
On m’a aussi raconté qu’un jour , installée tranquillement avec son époux au milieu de leurs nombreux enfants elle lui aurait déclaré ; « comme c’est triste deux maisons comme les nôtres qui sont en train de s’éteindre » .
Cosmo
20 septembre 2016 @ 08:57
Philippe,
Votre « que des princes de Lorraine habilement recasés » est étonnant. Vous semblez oublier que la Maison de Lorraine est une des plus anciennes d’Europe ( remontant à Hortar, duc des Alamans, au Vème siècle), bien plus que la Maison de Habsbourg. Le mariage de l’archiduchesse Marie-Thérèse avec le duc François-Etienne était parfaitement égal. Et ce fut lui l’empereur et non elle !
Il est possible que Habsbourg soit mis en avant car François-Etienne avait abandonné tous ses droits au duché de Lorraine pour agréger sa descendance à la Maison de Habsbourg dite d’Autriche.
Habsbourg, Lorraine ou Habsbourg-Lorraine, quelque soit le nom, la gloire est la même.
Cordialement
Cosmo
Zeugma
20 septembre 2016 @ 19:51
Mutatis mutandis,
Victoria avait épousé un prince Allemand : Albert de Saxe Cobourg Gotha (1819-1961)
Elisabeth est marié à un prince dano grec : Philip Schleswig-Holstein-Sonderbourg-Glücksburg qui prit le nom de sa mère (Moutbatten) dont le nom d’origine était Battenberg,
quant au fils de Charles et Zita que j’ai eu le bonheur de rencontrer, il était appelé le Dr Habsburg ( 1912-2011) au Parlement européen mais la famille impériale (et royale) se faisait appeler « Habsbourg Lorraine », la Lorraine étant un territoire prestigieux – la Lotharingie (ou Lothringen) – résultant du partage de l’héritage de Charlemagne.
En épousant Marie-Thérèse, le dernière duc de Lorraine renonca à ses droits sur les duchés de Lorraine et de Bar dans le contexte diplomatique compliqué du traité de Vienne de 1738.
La Lorraine est devenue française.
Pascal
19 septembre 2016 @ 09:50
Marie-Thérèse , impératrice d’Autriche et reine de Hongrie avait comme on peut s’en apercevoir une attitude altière et un buste généreux.
On dit que le profil ainsi réalisé qui figurait sur de très belles pièces d’argent que l’on peut encore facilement trouvé , appelées » thaler de Marie Thérèse » séduisait tout particulièrement les populations d’Afrique de l’Est et d’Arabie qui raffolaient de cette monnaie , pesante dans biens des sens du terme .
Ainsi servit elle de monnaie dans l’empire éthiopien je crois et l’explorateur Wilfrid Thesiger payait ses guides avec la même monnaie .
Il en allait de même partout où il n’y avait pas encore d’Etat pour battre une monnaie qui lui fut propre , ainsi dans les premières colonies américaines , apporté par des colons européens le « Thaler » aurait donné le mot « Dollar ».
Les Thalers de Marie Thérèse furent frappés bien longtemps après son règne et la monnaie autrichienne en frappe encore.
Pour le reste cette femme accéda au pouvoir dans des conditions difficiles et devint « la grande impératrice » ce qui à mon avis démontre qu’elle fut une femme en tout point remarquable.
Pierre-Yves
19 septembre 2016 @ 11:50
Marie-Thérèse est ausi le prénom du personnage central du somptueux opéra de Richard Strauss, un des plus beaux opéras jamais écrits: La Maréchale du Chevalier à La Rose, femme amoureuse d’un très jeune homme et qui s’efface pour le laisser vivvre son amour pou une autre. Peu de points communs avec l’Impératrice sus citée, si ce n’est un certain sens de la grandeur.
Mary
19 septembre 2016 @ 12:15
16 enfants ! Misère !
Merci à ( aux ) bienfaiteur(s) de l’humanité qui ont inventé la pilule …
Kaiserin
19 septembre 2016 @ 13:13
Maria Theresia a organisé l’Etat
Comme Napoléon le fit plus tard en France
Nous vivons toujours avec le cadastre de Marie-Therese, le système scolaire de Marie Thérèse, les services météo de Marie-Thérèse, les codes de Marie-Thérèse. Alors Habsbourg ou Lorraine, ce fut un « grand homme d’Etat » !!
Philippe, que pensez-vous des Windsor et des Grimaldi ? La transmission du patronyme y est très aléatoire :)
Antoine
19 septembre 2016 @ 17:41
Marie-Thérèse entretenait avec Marie-Antoinette une correspondance soutenue. Elle ne lui ménageait ni les conseils ni les remontrances. La Reine eut été bien inspirée d’en faire un plus grand cas…
Albane
19 septembre 2016 @ 20:33
Quelle femme !
Dominique Charenton
20 septembre 2016 @ 20:41
A propos du nom de la dynastie :
Dans son élévation au titre d’empereur d’Autriche François I indique : » ….haben wir….beschlossen….Titel und Würde eines erblichen Kaisers von Oesterreich ( als den Nahmen unserer Erzhauses)….anzunehmen »
traduit dans « la Gazette nationale ou le Moniteur universel » année 1804 n°339 page 1487 :
» nous sommes déterminés….d’adopter…pour nous…le titre et la dignité d’Empereur héréditaire d’Autriche ( conformément au nom de notre maison ) »
D’ailleurs en 1919 le mot Autriche était la bête noire des nouveaux dirigeants. Ils voulaient que le nouvel état se nomme : » Deutsche Alpenland »
Depuis lors le nom des membres de l’ex maison impériale est « Habsburg-Lothringen » ce qui normalement ne se traduit pas en « Habsbourg Lorraine » un Monsieur Schäfer arrivant à Orly ne devenant pas un Monsieur Berger.
****
Dominique Charenton
20 septembre 2016 @ 21:05
François I n’était pas Empereur d’Autriche ( titre impérial créé en 1804 par son petit fils ) mais il était selon la terminologie officiel :
» Empereur élu des Romains, toujours Auguste » et ce titre est celui des chefs du St Empire depuis au moins Ferdinand Ier
avant d’accéder à l’Empire François fut
duc de Lorraine et duc de Bar
duc de Teschen [que son père Léopold ( 1679-1729) avait reçu en 1722 en compensation de la succession de Mantoue/Montferrat) ]
après l’abandon de la Lorraine à laquelle il fut contraint par l’Empereur Charles VI, il eut l’expectative
de la Toscane dont il fut Grand duc après le décès du » dernier Médicis » Jean Gaston
François détestait la France à cause de la Lorraine, comme Marie Thérèse détestait la Prusse à cause de la Silésie.
François fut un homme d’affaire avisé il est à l’origine de l’énorme fortune privé de l’Archi -maison. Il commerça même avec la Prusse !
A sa mort le duché de Teschen revint à son fils ainé Joseph qui le revendit 377 000 Gulden à sa mère Marie Thérèse ( à son grand dam, elle pensait le recevoir « gratos ») qui le donna à sa fille Marie Christine (1743-1798) dite Mimi et à son gendre Albert de Saxe
Peu avant sa mort à la Hofburg (d’Innsbruck) pendant les noces de son fils Léopold, François lui donna le Grand duché de Toscane
Marie Thérèse fut souverain Apostolique de Hongrie par bref de SS Clément XIII du 19 08 1758 : » …. notra deque pontificiae auctoritatis plenitudine majestatem tuam apostolicam tamquam Hungariae reginam in illo regno successores titulo , appellatione , nomine Apostolici Regis…… »
****
François possédait le prédicat d’Altesse Royale en tant que duc de Lorraine & Bar
alors que Marie-Thérèse n’était qu’Altesse Sérénissime
Ci dessous extrait des Mémoires de St Simon sur le mariage des parents de François et sur le prédicat d’Altesse Royale pris par son père le duc Léopold :
CHAPITRE XIV.
1698
DOT DE MADEMOISELLE POUR ÉPOUSER LE DUC DE LORRAINE. — VOYAGE DE FONTAINEBLEAU. — DOULEUR ET DEUIL DU ROI D’UN ENFANT DE M. DU MAINE, QUI CAUSE UN DÉGOÛT AUX PRINCESSES. — TENTATIVES DE PRÉSÉANCE DE M. DE LORRAINE SUR M. LE DUC DE CHARTRES. — MARIAGE DE MADEMOISELLE. — DIVISION DE PRÉSÉANCE ENTRE LES LORRAINES. — DÉPART DE LA DUCHESSE DE LORRAINE ET SON VOYAGE. — TRACASSERIES DE RANG À BAR. — COURONNE BIZARREMENT FERMÉE ET ALTESSE ROYALE USURPÉE PAR LE DUC DE LORRAINE. —
Aussitôt après la paix et la restitution convenue de M. de Lorraine dans ses États, son mariage fut résolu avec Mademoiselle. Sa dot fut réglée à neuf cent mille livres, du roi comptant en six mois; et quatre cent mille livres moitié de Monsieur, moitié de Madame, payables après leur mort; et trois cent mille livres de pierreries, moyennant quoi pleine renonciation à tout, de quelque côté que ce fût, en faveur de M. le duc de Chartres et de ses enfants mâles. Couronges vint tout régler pour M. de Lorraine, puis fit la demande au roi, ensuite à Monsieur et à Madame, et dans la suite présenta à Mademoiselle, de la part de son maître, pour quatre cent mille livres de pierreries. Je ne sais si elle avait su qu’elle aurait épousé le fils aîné de l’empereur sans l’impératrice, qui avait un grand crédit sur son esprit, qui haïssait extrêmement la France, et qui déclara qu’elle ne souffrirait point que son fils, déjà couronné et de plus destiné à l’empire, devint beau-frère d’une double bâtarde. Elle ne fut pas si difficile sur le second degré; car ce même prince, en épousant la princesse d’Hanovre, devint cousin germain de Mme la Duchesse. Quoi qu’il en soit, Mademoiselle, accoutumée aux Lorrains par Monsieur et même par Madame, car il faut du singulier partout, fut fort aise de ce mariage, et très peu sensible à sa disproportion de ses soeurs du premier lit. Ce n’est pas que, mettant l’Espagne à part, je prétende que M. de Savoie soit de meilleure maison que M. de Lorraine; mais un État à part, indépendant, sans sujétion, séparé par les Alpes, et toujours en état d’être puissamment soutenu par des voisins contigus, avec le traitement par toute l’Europe de tête couronnée, est bien différent d’un pays isolé, enclavé, et toutes les fois que la France le veut envahi sans autre peine que d’y porter des troupes, un pays ouvert, sans places, sans liberté d’en avoir, sujet à tous les passages des troupes françaises, un pays croisé par des grands chemins marqués, dont la souveraineté est cédée, un pays enfin qui ne peut subsister que sous le bon plaisir de la France, et même des officiers de guerre ou de plume qu’elle commet dans ses provinces qui l’environnent. Mademoiselle n’alla point jusque-là: elle fut ravie de se voir délivrée de la dure férule de Madame, mariée à un prince dont toute sa vie elle avait ouï vanter la maison, et établie à soixante-dix lieues de Paris, au milieu de la domination française. Les derniers jours avant son départ, elle pleura de la séparation de tout ce qu’elle connaissait; mais on sut après qu’elle s’était parfaitement consolée dès la première couchée, et que du reste du voyage il ne fut plus question de tristesse.
La cour partit pour Fontainebleau, et, six jours après, le roi et la reine d’Angleterre y arrivèrent, et on ne songea plus qu’au mariage de Mademoiselle. Quatre jours avant le départ pour Fontainebleau, M. du Maine avait perdu son fils unique. Le roi l’était allé voir à Clagny, où il se retira d’abord, et y pleura fort avec lui. Monseigneur et Monsieur, l’un et l’autre fort peu touchés, y trouvèrent le roi, et attendirent longtemps pour voir M. du Maine que le roi sortit d’avec lui. Quoique fort au-dessous de sept ans, le roi voulut qu’on en prit le deuil; Monsieur désira qu’on le quittât pour le mariage, et le roi y consentit. Mme la Duchesse et Mme la princesse de Conti crurent apparemment au-dessous d’elles de rendre ce respect à Monsieur, et prétendirent hautement ne le point faire. Monsieur se fâcha; le roi leur dit de le quitter; elles poussèrent l’affaire jusqu’à dire qu’elles n’avaient point apporté d’autres habits. Le roi se fâcha aussi, et leur ordonna d’en envoyer chercher sur-le-champ. Il fallut obéir et se montrer vaincues, ce ne fut pas sans un grand dépit.
M. d’Elboeuf avait tant fait qu’il s’était raccommodé avec M. de Lorraine. Il était après lui et MM. ses frères l’aîné de la maison de Lorraine, et comme tel il fut chargé de la procuration pour épouser Mademoiselle. Cette cérémonie enfanta un étrange prodige qui fut d’abord su de peu de personnes, mais qui perça à la fin. Il entra dans la tête des Lorrains de rendre équivoque la supériorité de rang de M. le duc de Chartres sur M. le duc de Lorraine, et ces obliquités leur ont si souvent réussi, et frayé le chemin aux plus étranges entreprises, qu’il leur est tourné en maxime de les hasarder toujours. L’occasion était faite exprès pour leur donner beau jeu: il ne s’agissait que d’exclure M. et Mme de Chartres de la cérémonie. Mademoiselle, fille ou mariée, conservait son même rang de petite-fille de France, et sans aucune difficulté précédait, après son mariage comme devant, les filles de Gaston de même rang qu’elle, et les princesses du sang toutes d’un rang inférieur au sien. Le chevalier de Lorraine, accoutumé à dominer Monsieur, osa le lui proposer, et Monsieur, le plus glorieux prince du monde, et qui savait le mieux et avec le plus de jalousie tout ce qui concernait les rangs et les cérémonies, partialité à part pour les Lorrains, Monsieur y consentit. Il en parla à M. son fils, qui lui témoigna sa surprise, et qui fort respectueusement lui déclara qu’il ne s’abstiendrait point de la cérémonie et qu’il y garderait son rang au-dessus de Mme sa soeur. Monsieur, qui eut peur du roi si l’affaire se tournait en aigreur, fila doux et tâcha d’obtenir de l’amitié et de la complaisance ce qu’il n’osait imposer par voie d’autorité. Tout fut inutile, encore que Madame favorisât la proposition de Monsieur, parce qu’elle était en faveur d’un prince qu’elle regardait comme Allemand, et ils se tournèrent sourdement à la ruse. Pendant toutes ces menées domestiques, M. de Couronges se désolait de la fermeté qu’il rencontrait sur beaucoup de points qui tenaient M. de Lorraine fort en brassière dans son État, principalement celui de l’exacte démolition des fondements mêmes des fortifications de Nancy. Dans le désespoir de rien obtenir par lui-même, il s’adressa à Mademoiselle, qui lui promit qu’elle y ferait de son mieux. Elle tint parole, mais elle ne fut pas plus écoutée que l’avait été Couronges. Elle en conçut un tel dépit contre le roi, qu’avec la même légèreté qui lui avait fait embrasser cette affaire, elle s’emporta avec Couronges jusqu’à le prier de se hâter de la tirer d’une cour où on ne se souciait que des bâtards, sans réflexion aucune que toutes vérités, quoique exactes, ne sont pas bonnes à dire. D’autre part il se trouva des gens bons et officieux qui lui dirent toutes sortes de sottises de M. de Lorraine, et lui en firent une peur épouvantable qui lui coûta plus de larmes que les regrets de son départ, mais qui, grâce à sa légèreté, se séchèrent, comme je l’ai déjà dit, dès la première journée.
Enfin, le dimanche 12 octobre, sur les six heures du soir, les fiançailles se firent dans le cabinet du roi, en présence de toute la cour, et du roi et de la reine d’Angleterre, par le cardinal de Coislin, premier aumônier, le cardinal de Bouillon, grand aumônier, étant à Rome. Mme la grande-duchesse porta la queue de Mademoiselle. M. d’Elboeuf en pourpoint et en manteau lui donnait la main, et signa le dernier de tous le contrat de mariage. Le roi et Mme la duchesse de Bourgogne séparément avaient été voir Mademoiselle avant les fiançailles, et il y eut beaucoup de larmes répandues. Les rois et toute la cour entendirent le soir une musique, le souper ne fut qu’à l’ordinaire de tous les jours. Mademoiselle ne parut plus de tout le reste du jour après la cérémonie, et le passa à pleurer chez elle, au grand scandale des Lorrains. Le lendemain sur le midi toute la cour s’assembla chez la reine d’Angleterre, dans l’appartement de la reine mère, comme cela se faisait tous les jours, tant qu’elle était à Fontainebleau tous les voyages. Les princesses n’y osaient manquer, Monseigneur et toute la famille royale pareillement, et Mme de Maintenon elle-même et tout habillée en grand habit. On y attendait le roi qui y venait tous les jours prendre la reine d’Angleterre pour la messe, et qui lui donnait la main tout le chemin allant et revenant, et faisant toujours passer le roi d’Angleterre devant lui. Ce ne fut donc ce jour-là que le train de vie ordinaire, si ce n’est que Mademoiselle y fut amenée par le duc d’Elboeuf, vêtu comme la veille. Un moment après qu’elle y fut arrivée, on alla à la chapelle en bas, où M. le duc de Chartres alla et demeura; mais ce fut inutilement pour son rang. Mademoiselle n’y pouvait être dans le sien. Elle était entre le prie-Dieu du roi et l’autel, sur un fort gros carreau, à la droite duquel il y en avait un fort petit pour M. d’Elboeuf, représentant M. de Lorraine. Le cardinal de Coislin dit la messe et les maria, aussitôt après on se mit en marche, dans laquelle les princes allaient, comme tous les jours, devant le roi et les princesses derrière. À la porte de la chapelle, le roi, le roi et la reine d’Angleterre et les princesses du sang embrassèrent Mme de Lorraine et l’y laissèrent. M. d’Elboeuf la ramena chez elle se déshabiller, et tout fut fini en ce moment. Mme la duchesse de Chartres demeura à la tribune quoique tout habillée. C’était elle dont le rang eût été marqué, en revenant le long de la chapelle, au-dessus de Mme de Lorraine, ce qui fut évité par là. Toute la cour en parla fort haut; mais à ce qu’était Mme de Chartres, et à la façon dont elle avait été mariée, que pouvait-elle faire contre la volonté de Monsieur et de Madame ? C’était à M. le duc de Chartres à soutenir cet assaut et à la faire venir en bas. La fin répondit mal au commencement que j’ai raconté, et le roi toujours embarrassé, avec Monsieur et Madame, sur sa fille, n’osa user de son autorité. Mais ce qui fut évité en public ne le fut pas en particulier. J’appelle ainsi un lieu publie, mais où la cour n’était pas. Mme de Lorraine dîna chez Monsieur avec Madame, et M. et Mme la duchesse de Chartres, qui tous deux prirent toujours partout le pas et la place à table sur elle; et Monsieur apparemment embarrassé du grand murmure qui s’était fait de Mme de Chartres à la tribune, et qui avait duré toute la cérémonie, s’expliqua tout haut à son dîner; qu’il ne savait pas ce qu’on avait voulu imaginer, que M. de Lorraine n’avait jamais prétendu disputer rien à M. de Chartres, et que lui-même ne l’aurait pas souffert. Après dîner, Monsieur monta dans un carrosse du roi avec sa fille, Mme de Lislebonne et les siens et Mme de Maré gouvernante de Mademoiselle, Madame dans son carrosse avec ses dames, et M. le duc de Chartres dans le sien avec des dames de la cour de Monsieur, et s’en allèrent à Paris. Mme la duchesse de Chartres, sous prétexte d’incommodité, demeura à Fontainebleau.
Cette cérémonie fit un schisme parmi les Lorraines. Mme de Lislebonne prétendit les précéder toutes, comme fille du duc Charles IV de Lorraine; Mme d’Elboeuf, la douairière, et cela soit dit une fois pour toutes, parce que la femme du duc d’Elboeuf ne paraissait jamais, Mme d’Elboeuf, dis-je, se moqua d’elle; et, comme veuve de l’aîné de la maison en France, et du frère aîné de M. de Lislebonne, se rit de sa belle-soeur et l’emporta, malgré les pousseries et les colères dont Mme de Lislebonne, quoique fort inutilement, ne se contraignit pas. Il y avait eu sur cela force pourparlers où la duchesse du Lude s’était assez mal à propos mêlée, qui n’aboutirent qu’à aigrir et renouveler les propos de la bâtardise de Mme de Lislebonne, qui se voulait toujours porter pour légitime et qui en fut mortellement offensée. Je ne sais ce qui arriva à Mme d’Armagnac sur tout cela, mais elle demeura à la tribune avec ses filles et sa belle-fille.
La ville, mais sans le gouverneur, alla saluer Mme de Lorraine au Palais-Royal. Elle en partit le jeudi 16 octobre, dans un carrosse du roi, dans lequel montèrent avec elle Mme de Lislebonne, chargée de la conduire, ses deux filles, Mmes de Maré, de Couronges et de Rotzenhausen, une Allemande favorite de Madame, et mère d’une de ses filles d’honneur. Desgranges, maître des cérémonies, l’accompagna jusqu’à la frontière, et elle fut servie par les officiers du roi. À Vitry, où elle coucha, M. de Lorraine vint, inconnu, voir souper Mme la duchesse de Lorraine; puis alla chez Mme de Lislebonne qui le présenta à Mme son épouse. Ils furent quelque temps tous trois ensemble, puis il s’en retourna.
En arrivant à Bar ils furent remariés par des abbés déguisés en évêques, au refus du diocésain qui voulut un fauteuil chez M. de Lorraine. M. le Grand, le prince Camille, un de ses fils, le chevalier de Lorraine et M. de Marsan y étaient déjà. L’évêque d’Osnabrück, frère de M. de Lorraine, s’y trouva aussi, et mangea seul avec eux. Ce fut une autre difficulté: comme souverain par son évêché, M. de Lorraine voulait bien lui donner un fauteuil, mais comme à son cadet, il ne lui donnait pas la main. Comme frère, nos Lorrains lui auraient déféré bien des choses, mais cette distinction du fauteuil les blessa extrêmement. Cela fit bien de la tracasserie, et finit enfin par les mettre à l’unisson. M. d’Osnabrück se contenta d’un siège à dos, et les quatre autres en eurent de pareils, moyennant quoi, ils mangèrent avec M. et Mme de Lorraine. Ce siège à dos fut étrange devant une petite-fille de France; les princes du sang n’en ont pas d’autres devant elle; mais il passa, et de là vint que les ducs en prétendirent, lorsqu’ils passèrent depuis par cette petite cour, ce qui fut rare; et que M. de Lorraine en laissa prendre et en prit devant Mme sa femme, d’autant plus volontiers, et manger sa noblesse avec elle, que cette confusion était l’égalité marquée avec lui, sans laquelle aucun duc n’eût pu le voir. Je dis égalité, parce qu’il était raisonnable que ceux de sa maison lui déférassent la main et ce qu’il voulait, ce qui ne pouvait pas régler les autres. Aucun duc de Guise, jusqu’au gendre de Gaston inclus, n’a jamais fait difficulté de toute égalité avec les ducs; et en même temps n’a jamais donné la main chez lui à aucun de la maison de Lorraine. C’est un fait singulier que je tiens et de ducs et de gens de qualité qui l’ont vu. Ces tracasseries firent que M. le Grand et les trois autres qui avaient compté accompagner M. et Mme de Lorraine jusqu’à Nancy prirent congé d’eux à leur départ de Bar, et s’en revinrent. Mme de Lislebonne et ses filles allèrent avec eux, et y passèrent l’hiver. Le roi ne laissa pas de trouver ce dossier fort mauvais devant sa nièce, et M. d’Elboeuf, qui alla à Nancy quelque temps après que M. et Mme de Lorraine y furent établis, en sut bien faire sa cour et dire au roi qu’il se garderait bien, devant Mme de Lorraine, de prendre un autre siège qu’un ployant, qui est ce que les petites-filles de France donnent ici aux ducs et aux princes étrangers. M. le Grand en fut fort piqué.
Le jour du mariage, Couronges présenta, de la part de M. de Lorraine, son portrait enrichi de diamants à Torcy, qui avait dressé le contrat de mariage. On fut surpris de la couronne qui surmontait ce portrait; elle était ducale, mais fermée par quatre bars, ce qui, aux fleurs de lis près, ne ressemblait pas mal à celle que le roi avait fait prendre à Monseigneur. Ce fut une invention toute nouvelle que ses pères n’avaient pas imaginée, et qu’il mit partout sur ses armes. Il se fit donner en même temps l’altesse royale par ses sujets, que nul autre ne lui voulut accorder, qui fut une autre nouvelle entreprise, et Meuse qu’il envoya remercier le roi de sa part, après son mariage, n’osa jamais lui en donner ici. Je ne sais s’il voulut chercher à s’égaler à M. de Savoie, et sa chimère de Jérusalem à celle de Chypre, mais M. de Savoie en avait au moins quelque réalité par le traitement d’ambassadeur de tête couronnée déféré aux siens à Rome, à Vienne, en France, en Espagne, et partout où jamais on n’avait ouï parler de simples ambassadeurs de Lorraine. Cette clôture de couronne, pour être ingénieuse et de forme agréable pour un orfèvre, était mal imaginée. M. de Lorraine, comme duc de Lorraine, était un très médiocre souverain, mais souverain pourtant sans dépendance; comme duc de Bar, il l’était aussi, mais mouvant et dépendant de la couronne, et toutes ses justices à lui (à plus forte raison celle de tous les Barrois) soumises au parlement de Paris, et ce fut des armes de Bar qu’il fit la fermeture de sa couronne. Ce ridicule sauta aux yeux. Ses pères ont eu l’honneur d’être gendres de rois et d’empereurs: un, de roi du Danemark; un autre, de notre Henri II; et le père de M. de Lorraine était gendre et beau-frère d’empereurs, et mari d’une reine douairière de Pologne. C’était, de plus, un des premiers capitaines de son siècle, un des plus capables du conseil de l’empereur son beau-frère, et qui avait le plus sa confiance, et d’autorité et de crédit à sa cour, et dans tout l’empire, duquel, ainsi que de l’empereur, il était feld-maréchal ou généralissime, avec une réputation bien acquise en tout genre et singulièrement grande. Jamais il ne s’était avisé, non plus que ses pères, ni de couronne autre que la ducale, ni de l’altesse royale. Moi et un million d’autres hommes avons vu sur les portes de Nancy les armes des ducs de Lorraine, en pierre, avec la couronne purement ducale et le manteau ducal, apparemment comme ducs de Bar, car en Allemagne, dont la Lorraine tient fort sans en être, les manteaux de duc ne sont pas usités autour des armes. Ce duc-ci le quitta aux siennes. Je ne sais ce que sont devenues ces armes sur les portes de Nancy, où je n’ai pas été depuis ce mariage. Ces entreprises furent trouvées ridicules, on s’en moqua, mais elles subsistèrent et tournèrent en droit. C’est ainsi que s’est formé et accru en France le rang des princes étrangers, par entreprises, par conjonctures, pièce à pièce, ainsi que je l’ai déjà fait remarquer. Cette couronne était surmontée d’une couronne d’épines, d’où sortait une croix de Jérusalem. C’était, pour ne rien oublier, enter le faux sur le trop faible.
Ce faible, qui était les bars, fut tôt ressenti par ce duc. Sa justice principale à Bar s’avisa, dans l’ivresse de ses grandeurs nouvellement imaginées, de nommer le roi dans quelques sentences le roi très chrétien. L’avocat général d’Aguesseau représenta au parlement la nécessité de réprimer cette audace, ce furent ses propres termes, et d’apprendre aux Barrois que leur plus grand honneur consistait en leur mouvance de la couronne. Sur quoi, arrêt du parlement qui enjoint à ce tribunal de Bar diverses choses, entre autres de ne jamais nommer le roi que le roi seulement, et ce à peine de suspension, interdiction et même privation d’offices, à quoi il fallut obéir. M. de Lorraine en fit excuse et cassa celui qui l’avait fait.