unnamed

François-Joseph, Schönbrunn, janvier 1914.

Si l’on réfléchit aux grandes difficultés qui s’opposèrent à la réalisation des objectifs de François-Joseph, on ne pourra en aucune sorte, qualifier son règne d’infructueux. Il y eut les prémices d’un intéressant renouvellement, si bien que même les historiens étrangers en sont revenus à cette conclusion que l’Autriche-Hongrie ne s’était pas démantelée de l’intérieur.

C’est prouvé par le fait que, durant la première guerre mondiale, le vieil empire eut encore la force de défier pendant quatre ans l’oppression d’un ennemi supérieur. Deux décennies plus tard, les états qui ont succédé à la monarchie des Habsbourg n’ont pas opposé à Hitler de résistance notable.

La Tchécoslovaquie capitula en 1938 et 1939 malgré la puissante armée qu’elle avait avant le IIIe Reich. Sans tirer un coup de feu, la Yougoslavie se décomposa, après 4 jours de combat, en ses différentes composantes. La Roumanie se conforma aux injonctions et aux sentences de la Russie soviétique ; le reste de l’Autriche perdit même son nom pendant un certain temps…

Si la question nationale a pu jouer un rôle si destructeur dans la politique intérieure du bassin danubien, elle n’est pas à mettre en dernier sur le compte de nombreux cercles intéressés pour qui elle a été une manœuvre bienvenue de diversion face aux problèmes sociaux. Lorsque François-Joseph vint au monde, l’économie agraire prédominait encore partout en Europe. La population citadine était relativement insignifiante.

C’est au cours des années suivantes qu’éclata la révolution industrielle qui, non seulement changea l’économie de fond en comble, mais transforma aussi de façon radicale les structures sociales de la population.

Face au nouveau phénomène appelé « prolétariat », la majorité des couches sociales au pouvoir était désemparée. C’était pour elle une manifestation qui, dans le cadre de leurs connaissances, n’avait pas eu de précédent, d’autant plus que la dernière révolution sociale, la guerre des paysans, remontait à plusieurs siècles.

Le prolétariat a pu d’abord, ne jeter qu’un faible regard d’ensemble sur sa propre situation. Ce n’est qu’avec la montée des mouvements social-chrétien et social-démocrate que les forces politiques entrèrent dans l’arène, recherchant consciemment une solution.

unnamed19

François-Joseph, Charles, le prince héritier, et son fils, Otto.

Au début de son règne, François-Joseph a déjà affronté la question sociale. En 1871, lors de la formation du cabinet Hohenwart, il a fait venir en Autriche le célèbre sociologue de Tübingen, le professeur Schäffle, un de ceux qu’on appelait les « socialistes en chaire », la fleur des socialistes,  en le chargeant de mettre en place les réformes nécessaires.

Un observateur critique et neutre comme le comte de Saint-Aulaire a mis l’accent dans son grand ouvrage sur le fait que, dans le domaine de la politique sociale, l’Autriche de François-Joseph était bien en avance sur son temps, et avait en tout cas, apporté davantage que l’Empire allemand ou la République française.

Tandis que des éléments réactionnaires essayèrent, en s’appuyant sur l’agitation nationale, de détourner l’attention des problèmes sociaux, l’empereur François-Joseph a pris le chemin inverse.

Il ne lui avait pas échappé que le nationalisme extrémiste était beaucoup plus fort dans les classes supérieures que dans la masse de la population. Il était par conséquent logique que l’empereur pensa, par l’élargissement du droit de vote, à écarter le Parlement du combat linguistique stérile et à l’orienter vers les brûlants problèmes sociopolitiques.

20

« A mes peuples… »

Son projet était d’autant plus révolutionnaire que, de son temps, le suffrage universel passait encore largement comme subversif et était passionnément repoussé par de nombreux états, républiques autant que monarchies. Déjà, sous le gouvernement de Taaffe, les projets pour cette réforme politique avaient été établis. Néanmoins, ce n’est qu’en 1906 que François-Joseph, sous le cabinet de Max Wladimir von Beck parvint à les réaliser. Et même à cette époque, aucun succès n’aurait été obtenu si le souverain n’était pas intervenu pour cette proposition, avec toute son autorité et tout son prestige.

21

Ratification du Traité de Berlin par le sultan Abdulhamid II (13 juillet 1878)

La difficile situation de politique intérieure que François-Joseph affronta durant les 7 décennies de son règne fut aggravée par les puissantes convulsions de la politique extérieure qui influencèrent la monarchie de façon décisive.

Sous le règne de l’empereur eurent lieu l’unification de l’Italie et la transformation de la Confédération germanique en un état fédéral hégémonique sous la direction de la Prusse. Il dut aussi se débattre avec la crise de l’Empire ottoman et aplanir ses rapports avec la Russie, sans tenir compte du rôle de division que la France a joué dans ses relations avec les Habsbourg.

C’est à la fin de son règne qu’apparaissent aussi pour la première fois dans la politique du vieux monde, les jeunes États-Unis d’Amérique avec le voyage qu’entreprit le président Théodore Roosevelt en Europe.

22

Traité de paix avec la Prusse signé à Prague le 23 août 1866

Au début de l’époque de François-Joseph, vivaient des hommes qui avaient connu l’ancien Saint-Empire et qui espéraient en sa résurrection. La politique autrichienne de la Grande Allemagne et son combat contre l’esprit nationaliste primaire servirent cette idée.

Que la tradition impériale soit chez elle à Vienne, c’est ce que montre le projet de Schwarzenberg sur le plan économique visant à redonner vie à l’Europe. Une Union douanière devait être créée, qui devait s’étendre du Rhin jusqu’aux frontières de la Turquie et être le point de départ d’une solution européenne encore plus vaste.

Lorsque ensuite, en 1866, après la victoire de Bismarck, l’Autriche perdit ses assises allemandes, la politique de Vienne porta certes ses regards dans une autre direction, mais le principe essentiel demeura cependant. Même après Nikolsburg et Prague, et jusqu’à sa mort, François-Joseph garda la conviction que, néanmoins, même si cela dut être dans de nouvelles formes, l’Empire d’Occident devait renaître et l’Autriche y devait jouer un rôle important.

C’est pourquoi il essaya de maintenir les vieilles traditions de son pays avec la perspective d’un avenir, quoique encore incertain. Ainsi était-il indispensable de modifier l’État danubien, en tenant compte des nouvelles conditions apparues depuis 1866, et en prenant sa mission en considération. Une nouvelle coexistence devait être trouvée. (Merci à Francky pour cet article)