Sur la rive droite et suisse du Doubs, peu après Villers-le-Lac et les Brenets, juste avant le fameux Saut-du-Doubs, se trouve la Grotte du Roi de Prusse. Cette cavité a été creusée naturellement dans le calcaire de la falaise. Elle a été visitée par les rois de Prusse Frédéric-Guillaume III, puis Frédéric-Guillaume IV, tous deux princes de Neuchâtel, lors de leurs visites dans leur fief au XIXe siècle.
En effet, étrangement, Neuchâtel fit appel aux Hohenzollern pour succéder aux Orléans-Longueville (dont Marie de Nemours est décédée sans postérité) comme suzerains dès 1707. De cette façon, les Neuchâtelois, réformés, pouvaient s’assurer d’avoir un souverain qui respecterait leur confession.
On dit aussi que l’éloignement géographique de Neuchâtel par rapport à la Prusse leur permettait une relative autonomie… Etrangement, Neuchâtel jouissait à la fois du statut de principauté et de canton suisse de 1815 à 1848. Sept rois de Prusse ont régné sur la Principauté de Neuchâtel, de 1707 à 1861. (Merci à Gilles B. pour ce reportage)
Gibbs ?
29 novembre 2016 @ 10:39
L’endroit est très joli.
Lorenz
29 novembre 2016 @ 13:35
Intéressant résumé de l’histoire de la principauté de Neuchâtel que je connaissais pas.
Gilles de Bise
29 novembre 2016 @ 17:10
C’est un magnifique canton allant du Doubs au lac de Neuchâtel, berceau de l’horlogerie suisse. Un des inventeurs de la montre automatique, Abraham Louis Perrelet, est né en 1729 au Locle, ville toute proche de la grotte.
Gilles de Bise
29 novembre 2016 @ 17:42
En résumé, après avoir été placé sous domination de rois de Bourgogne puis germanique, le comté de Neuchâtel fut repris par la famille d’Orléans-Longueville dès 1458. En 1707, le comté, puis principauté, sont placés par le choix de ses habitants sous domination du roi de Prusse et restent en mains Hohenzollern jusqu’en 1848, date à laquelle la république est déclarée. Entre-temps, elle rejoint la Confédération suisse en 1815, après un intermède durant lequel la Prusse avait fait un échange de territoire avec Napoléon. Neuchatâtel devenait ainsi canton suisse tout en restant principauté prussienne! Son dernier prince fut Frédéric-Guillaume IV.
aubert
29 novembre 2016 @ 16:43
Il faut ajouter aux souverains prussiens, le maréchal Berthier lui aussi un moment prince de Neufchâtel.
Gilles de Bise
30 novembre 2016 @ 09:20
Oui parfaitement; Louis-Alexandre Berthier, général fidèle de Napoléon Bonaparte, a été désigné par ce dernier prince de Neuchâtel en 1806, alors que, comme je l’avais fait remarquer, la Prusse avait fait un échange de territoire avec la France. A la chute de l’Empereur, le congrès de Vienne reconnut Neuchâtel canton suisse et remit sa souveraineté au roi de Prusse, Frédéric-Guillaume III en l’occurrence.
Gérard
29 novembre 2016 @ 18:23
Merci en effet à Gilles.
Marie d’Orléans, connue d’abord comme Mademoiselle de Longueville, fille d’Henri II d’Orléans-Longueville et de Louise de Bourbon-Condé, Mademoiselle de Soissons, était restée veuve après deux ans de mariage, de son cousin Henri II de Savoie, duc de Nemours, de Genevois et d’Aumale.
Elle avait été comtesse de Saint-Pol, elle était duchesse d’Estouteville, comtesse de Tancarville, comtesse de Dunois, comtesse de Dreux. Elle n’avait pas d’enfant.
Le premier duc de Nemours avait épousé une Longueville dont la mère était Bade de la branche d’Hochberg, héritière par la sienne de Neuchâtel.
Saint-Simon dit d’elle : « […] aussi était-elle altière au dernier point, et avait infiniment d’esprit avec une langue éloquente et animée, à qui elle ne refusait rien ». « Elle était extraordinairement riche, et vivait dans une grande splendeur et avec beaucoup de dignité ; mais ses procès lui avaient tellement aigri l’esprit qu’elle ne pouvait pardonner. Elle ne finissait point là-dessus ; et quand quelquefois on lui demandait si elle disait le Pater, elle répondait que oui, mais qu’elle passait l’article du pardon des ennemis sans le dire. On peut juger que la dévotion ne l’incommodait pas. »
À la mort de Marie d’Orléans, duchesse de Nemours, le 16 juin 1707, à Paris en son hôtel de la rue des Deux-Écus, devait s’ouvrir le procès d’investiture de la principauté souveraine de Neuchâtel et Valengin dans lequel quinze prétendants se présentèrent.
« Le roi, ni Monseigneur, ni par conséquent la cour, ne prirent point le deuil de Mme de Nemours, quoique fille d’une princesse du sang ; mais Monseigneur et Mme la duchesse de Bourgogne le prirent à cause de la maison de Savoie. »
Les prétendants à la succession neuchâteloise étaient François-Louis de Bourbon, prince de Conti, Louise-Jacqueline-Léontine de Bourbon, fille du chevalier de Soissons, Paule-Françoise de Gondy, duchesse de Lesdiguières, Jacques, comte de Matignon, Emmanuel-Philibert-Amédée de Savoie, prince de Carignan, Frédéric Ier, roi en Prusse, Jeanne de Mouchy, marquise de Mailly et de Nesle, Ives, marquis d’Allègre, Léopold-Eberhard, duc de Wurtemberg-Montbéliard, Frédéric Magnus, margrave de Bade-Hochberg, les princes de Fürstenberg, Béat-Albert-Ignace, baron de Montjoie, et le canton d’Uri, qui fondait ses prétentions sur l’opposition qu’il avait faite à la restitution du comté saisi par les Ligues. Puis s’ajoutèrent le prince de Nassau-Siegen et Juliane-Catherine d’Amont, épouse de Henri de Martines, seigneur de Sergy et de Baisenaz, qui tiraient tous deux leurs droits de la maison de Chalon. Certains furent rapidement jugés irrecevables pour des questions de forme ou parce qu’ils venaient aux droits d’autres héritiers.
Six d’entre eux furent donc éliminés ou se désistèrent au début du procès ; neuf restèrent en ligne, ils se rangeaient en trois classes :
ceux qui invoquaient en leur faveur des dispositions testamentaires des derniers souverains, à savoir Conti et Mlle de Bourbon,
ceux qui invoquaient leur parenté avec la maison de Longueville, à savoir Lesdiguières, Matignon et Carignan,
ceux qui venaient à la succession du chef de la maison de Chalon en vertu d’un droit de suzeraineté datant de 1288, à savoir le roi de Prusse, Allègre, Mailly et Wurtemberg-Montbéliard.
Parmi ces derniers se trouvait donc le roi de Prusse, Frédéric 1er, auquel son oncle Guillaume III d’Angleterre, mort en 1702, avait laissé ses droits de la maison de Chalon.
Le plan des héritiers testamentaires et des héritiers du sang, soutenus par Louis XIV, était de faire échouer les prétentions des successeurs des Chalon dont le plus redoutable était le roi de Prusse. Mais les Français étaient alors trop nombreux et ils se démolirent les uns les autres.
Trois mois après l’ouverture de la succession de la duchesse de Nemours, soit au moment où le débat s’engageait sur le fond, le tribunal n’avait plus à prononcer qu’entre deux concurrents : Emmanuel-Philibert-Amédée de Savoie, prince de Carignan, et Frédéric ler, roi de Prusse.
Ce résultat était l’œuvre du comte Ernest de Metternich, l’habile diplomate du monarque allemand. Pour que l’affaire ne paraisse pas truquée Metternich fit demander à Carignan de se maintenir et par un traité secret du 16 octobre 1707 il obtint la renonciation du prince en faveur du roi de Prusse, moyennant 33 100 écus et 100 louis d’or à Charles Fortis, avocat du prince, qui rendit le service à Metternich de plaider contre lui et même de protester pour la forme lorsque fut rendue la sentence du 3 novembre 1707 par laquelle l’investiture de la principauté était donnée à Frédéric 1er pour être par lui possédée comme État indépendant, inaliénable et indivisible.
La Prusse souhaitait avoir Neuchâtel qui pouvait être utile dans un conflit armé contre la France du fait de son voisinage avec la Franche-Comté.
D’un point de vue pratique comment les droits de Jean de Chalon, adversaire malheureux de Rodolphe de Hochberg étaient-ils ainsi réapparus et comment étaient-ils représentés par l’électeur de Brandebourg ? Ce fut l’œuvre de Georges de Montmollin, chancelier du comté de Neuchâtel et conseiller des Longueville. Il estimait que le prince de Conti et le chevalier de Soissons étaient inhabiles à succéder en vertu de dispositions testamentaires à une souveraineté inaliénable et pensait que c’est dans la descendance d’Antoinette d’Orléans, épouse d’Henri de Gondy, que se trouvait le légitime successeur. Il pensa au prince d’Orange Guillaume-Henri de Nassau comme représentant de l’ancienne maison de Chalon-Orange. Guillaume III mourut en 1702 en laissant pour successeur dans ses droits à cet égard son cousin Frédéric Ier l’électeur de Brandebourg.
On pourra lire les détails de l’affaire dans : Paul Jacottet, Le Procès de 1707, Musée Neuchâtelois 1881.
Le 3 novembre 1707 le tribunal des Trois-États (première État : la noblesse, deuxième État, les officiers et châtelains, Tiers-État : la bourgeoisie) adopta la position du roi de Prusse ce qui fut généralement accueilli favorablement par la population car cette solution permettait le maintien des institutions et l’indépendance religieuse et politique de la principauté.
Gérard
30 novembre 2016 @ 11:43
On connaît notamment de la duchesse de Nemours une belle huile peinte en 1705 par Hyacinthe Rigaud où elle pose la main sur la couronne fleurdelisée. Une version de ce portrait est conservée au Musée cantonal de Lausanne, l’autre est ou était peut-être au château de Dampierre chez les Luynes et on connaît la gravure qui en a été tirée par Pierre Drevet avec l’inscription Marie, par la Grâce de Dieu, Souveraine de Neuchâtel et Valangin, Duchesse de Nemours, au-dessus des armes, surmontées de la couronne fleurdelisée, accolées de Savoie et d’Orléans-Longueville qui sont d’Orléans brisé d’une cotice en bande d’argent. On voit qu’elle est selon le mot de Saint-Simon « altière au dernier point ». Avec elle s’éteignit la maison d’Orléans-Longueville issue du beau Dunois.
La duchesse a laissé d’intéressants Mémoires publiés en 1709 et dont la dernière édition me paraît être celle du Temps retrouvé, au Mercure de France en 2006.
Cette princesse aurait pu être reine d’Angleterre car il fut question qu’elle épouse le duc d’York futur Jacques II alors qu’elle était le plus beau parti de France et les négociations étaient bien annoncées mais la cour de France refusa.
Gilles de Bise
30 novembre 2016 @ 21:14
Merci, Gérard, de ces explication détaillées de l’histoire de Neuchâtel, mon canton d’origine! Ce pays mérite qu’on s’y arrête.
Gérard
2 décembre 2016 @ 20:02
Merci à vous Gilles.
AnneLise
29 novembre 2016 @ 19:28
Très intéressant reportage sur cette principauté de Neuchâtel dont l’histoire m’était inconnue.
Merci à vous Gilles B