Il avait beau être affamé d’indépendance et vouloir s’affranchir de toute soumission aux grands de son temps, Mozart n’en a pas moins été au contact étroit de nobles et de royaux pendant toute sa vie, et même après. Il avait commencé par Marie-Antoinette, qu’il avait promis d’épouser lorsqu’il avait 7 ans.
Cet article sera sans prétention : juste un catalogue de certains des nobles et royaux qui ont eu un jour un rapport avec Mozart. Un catalogue un peu comme celui que Leporello présenta à Dona Elvira pour lui comptabiliser les conquêtes de son maître Don Juan. Et à ce propos la pièce de collection de 20 EUR que l’Autriche a dédiée à cet opéra en 2016.
La pièce d’ouverture et la pièce de 20 EUR sont clairement inspirées par le même portrait de Mozart, mais la réalisation est fort différente. Beaucoup de maladresse, me semble-t-il, sur la pièce de 20 EUR.
Mais commençons l’inventaire : Madamina, il catalogo è questo…
- Le Prince Archevêque de Salzbourg
Hieronymus von Colloredo, employeur de Léopold Mozart, et également de Michael Haydn, a toujours entretenu des relations orageuses avec Wolfgang Amadeus. S’il avait commencé par tolérer les tournées européennes que Léopold avait organisées pour faire connaître son fils, il y a rapidement mis fin, et a été jusqu’à lui couper les vivres et à le congédier.
- Marie-Thérèse et Marie-Antoinette d’Autriche
Mozart en 1762 était en tournée à Vienne avec son père et sa sœur Nannerl. Il avait 7 ans. L’Impératrice Marie-Thérèse d’Autriche voulait tester ses capacités et lui avait demandé de jouer du clavecin les mains sous un tissu. Mozart a bien entendu relevé le défi avec panache. Par contre, en quittant la salle, il aurait dérapé sur le sol et Marie-Antoinette, future reine de France, l’aurait aidé à se relever. Il se dit que Mozart à cette occasion lui aurait demandé de l’épouser.
Marie-Thérèse d’Autriche figure sur une quantité de pièces de collection, et justement, l’Autriche vient d’annoncer une série de quatre pièces de collection de 20 EUR figurant Marie-Thérèse avec chaque fois l’illustration d’une des vertus cardinales. Elles seront liées aux divers âges de l’Impératrice : comme jeune femme, comme épouse, comme veuve et comme mère. La première vertu représentée est la force (Fortitudo).
- Madame de Pompadour
L’année suivante, Léopold Mozart présente ses deux enfants à Louis XV et à Madame de Pompadour à Versailles. Mozart murmure à l’oreille de son père que Madame de Pompadour ressemble à leur cuisinière. Contrairement à Marie-Thérèse et Marie-Antoinette, Madame de Pompadour refusera d’embrasser le jeune prodige et la famille Mozart la considérera toujours comme une femme arrogante.
Ici aussi, l’actualité numismatique est au rendez-vous : la Monnaie de Paris vient de mettre en vente une pièce de collection consacrée à Madame de Pompadour dans sa série « Femmes de France ».
- L’Empereur Joseph II
Le fils de Marie-Thérèse d’Autriche était inspiré par l’esprit des Lumières et avait tenté de réformer et d’unifier l’empire des Habsbourg. C’est lui qui avait commandé à Mozart le premier opéra en allemand : « L’Enlèvement au Sérail ». Sous son règne, Mozart a vécu à l’abri du besoin et couvert de faveurs. Il a même pu composer et faire représenter les « Noces de Figaro », opéra inspiré d’un écrit de Beaumarchais qui n’était guère en faveur de la royauté – mais il faut dire que l’opéra de Mozart est beaucoup plus asexué politiquement que la pièce de théâtre de Beaumarchais. Quand Joseph II mourra à 49 ans, son successeur et frère, Léopold II, se désintéressera de Mozart.
- Le Comte Orsini-Rosenberg
Il est représenté de façon tout à fait savoureuse dans le film « Amadeus » de Milos Forman. Historiquement, il était diplomate, politicien, comte puis prince du Saint-Empire. Musicalement, il semble qu’il ait eu des vues assez carrées, en ce sens qu’il avait, par exemple, interdit la présence de ballets dans les opéras – d’où la scène du film, cocasse mais savoureuse elle aussi, où les danseurs se produisent sur la scène sans fond musical. Il semble que la famille Orsini-Rosenberg ait toujours fait preuve d’une loyauté sans faille envers les Habsbourg.
- Nikolaus Harnoncourt
Il avait revu complètement l’interprétation des compositeurs des XVIIe et XVIIIe siècles, donc de Mozart, avec son ensemble le Concentus Musicus Wien et des instruments anciens. Ce n’est qu’à sa mort que j’ai appris que, en plus d’être un fantastique chef d’orchestre, il était aussi Johann Nikolaus comte de La Fontaine et d’Harnoncourt-Unverzagt.
- Herbert von Karajan
Moins mozartien que certains de ses contemporains comme Karl Böhm, par exemple, Karajan n’en reste pas moins une référence dans ses enregistrements de Mozart. Ses lointains ancêtres étaient d’origine grecque, et un ancêtre plus proche, du nom de Karajannis, avait été anobli en 1792 par Frédéric Auguste III de Saxe, avec à la clé le changement du patronyme en Karajan, l’adjonction de la particule « von » et le titre de « Ritter » (chevalier).
Karajan était né à Salzbourg en 1908 et, en 2008, l’Autriche a mis en vente la pièce de collection de 5 EUR ci-dessous à l’occasion du centenaire de sa naissance. La pièce illustre parfaitement le désordre étudié de sa chevelure et un geste typique de sa direction d’orchestre.
- L’Empereur François-Joseph
Pour terminer, je parlerai de cette série autrichienne commencée en 2012 et qui mettait à l’honneur les neuf provinces du pays. La pièce de 10 EUR a clôturé la série en 2016. L’Autriche y a fait figurer les cinq éléments qu’elle jugeait les plus représentatifs du pays autour du drapeau national.
On y trouve le Großglockner, point culminant de l’Autriche, puis l’Empereur François-Joseph, puis Mozart, puis un détail du tableau « Les trois âges de la femme » de Gustav Klimt et finalement une skieuse. En 2016, c’est-à-dire 225 années après sa mort, Mozart partage donc avec François-Joseph le privilège d’illustrer ce qu’est l’âme autrichienne.
Fin de ce petit inventaire désordonné et sans prétention. En imprimerie, il existe un substantif pour désigner un tel catalogue quand il est plié en accordéon : c’est un leporello. Cela ne s’invente pas… (Merci à Sedna pour cet article)
clementine1
17 avril 2017 @ 06:50
sans prétention cet article ? sans doute mais en tout cas bien documenté et qui me ravit.
Une fois de plus, MERCI Sedna.
Baya
17 avril 2017 @ 07:28
En voyage en Autriche il y a une dizaine d’années, j’ai gardé précieusement un euro avec l’effigie de Mozart, je n’en ai plus vu beaucoup après
DEB
17 avril 2017 @ 08:05
Cette pièce de 10€ est étonnante.
Merci pour l’article.
Alinéas
17 avril 2017 @ 09:56
J’apprécie ce petit inventaire de pièces Euro qui permet de rappeler que Mozart a été au contact de Nobles et Royaux. Même après, des séries sont mises à l’honneur !
Alinéas
17 avril 2017 @ 10:05
J’apprécie ce petit inventaire de pièces Euro qui permet de se rappeler « Mozart ».
Merci beaucoup pour cet article !
Jean Pierre
17 avril 2017 @ 10:23
L’Autriche préfère ses héros morts plutôt que vivants. Elle ne les comprend pas.
Mais force est de reconnaître qu’elle sait ensuite bien exploiter le filon jusqu’à plus soif. Mozart ou Sissi même combat !
Sedna
17 avril 2017 @ 16:48
Bonsoir Jean Pierre,
C’est clair: un fond de commerce aussi plantureux, cela s’entretient et l’Autriche l’a bien compris!
Ma B
17 avril 2017 @ 12:17
Encore une fois Sedna, un grand merci.
Pour avoir dû rédiger des articles ou des conférences destinés au grand publique, je me rends compte du travail que cache ce sujet « sans prétention »!
Susciter l’intérêt et le désir d’approfondir est plus difficile que de s’adresser à des spécialistes sur un sujet pointu. Vous y réussissez parfaitement, bravo.
AnneLise
17 avril 2017 @ 12:30
Passionnant article !
Etonnée également mais agréablement, par cette pièce de 10 €, preuve qu’un pays est capable de conjuguer tout ce qui a fait sa force et la fait encore , savoir conjuguer le passé et le présent, ce qui est porteur d’avenir.
De mêler les paysages, les talents artistiques, le rappel historique à travers la figure d’un Monarque, et le sport.
Severina
17 avril 2017 @ 13:02
Un grand merci, Sedna
Claudia
17 avril 2017 @ 14:08
Cet article est en effet un joli catalogue des « rencontres » de Mozart, que ce soit de son vivant que loin après son décès. On en apprend des choses ! Par exemple, et pour choisir, je ne connaissais pas l’anecdote de Madame de Pompadour refusant d’embrasser le jeune Mozart et j’ignorais tout à fait que le chef d’orchestre von Karajan avait de lointaines origines grecques. Je suis toujours sidérée par l’érudition de Sedna et par tout ce qu’on peut lire dans une simple pièce de monnaie !
Juliette
17 avril 2017 @ 14:32
Merci Sedna, une fois encore, pour cet article fort intéressant. Que de liens avec Mozart. Encore merci, et j’attends avec impatience votre prochain article.
Mary
17 avril 2017 @ 14:52
Je découvre ce domaine grâce à vous,merci Sedna !
Margaux
17 avril 2017 @ 16:24
« Beaucoup de maladresse, me semble-t-il, sur la pièce de 20 EUR. »
Non, car il s’agit simplement de Mozart à deux âges différents (et donc pas du même portrait). Sur la pièce de 20 euros, il a aux alentours de 18 ans…
Enfin, la skieuse sur la pièce autrichienne est très probablement Ulrike Maier, décédée en 1994 dans l’exercice de son art. Ce fut une très grande skieuse, doublée d’une âme très humaine. Son décès fut un vrai drame pour les Autrichiens.
Claudia
17 avril 2017 @ 21:13
Je ne pense pas que Sedna parle précisément du portrait de Mozart mais plutôt de l’esthétique générale de la pièce avec en haut la portée musicale sur le fond et le portrait en dessous. Mais c’est Sedna elle-même qui pourra nous le dire.
Sedna
17 avril 2017 @ 22:12
Bonsoir Margaux, et merci beaucoup de votre message,
Il me semble que les deux pièces ( 2 EUR et 20 EUR) sont inspirées du même tableau: la même orientation du portrait, deux rangées de boucles (sur plusieurs autres portraits de Mozart, il n’y en a qu’une), les détails de l’ouverture du vêtement, les cheveux derrière l’oreille et la position de la queue de cheval. Mais je peux me tromper, bien sûr.
Merci surtout pour votre précision concernant la skieuse. En effet, la Monnaie d’Autriche décrit la pièce comme suit: « Die Wertseite der Münze zeigt eine Collage mit fünf Motiven, die für Österreich stehen: den Großglockner, Kaiser Franz Joseph I., den jungen Mozart am Klavier, das Sujet Mutter mit Kind aus Gustav Klimts Gemälde „Die drei Lebensalter einer Frau“ (1905) und eine Schifahrerin. »
Eine Schifahrerin, une skieuse, sans plus d’explication. Votre précision permet de donner un nom à cette skieuse.
Margaux ?
18 avril 2017 @ 17:59
Bonsoir Sedna,
Bonsoir Claudia,
Il est vrai qu’en y regardant bien, il pourrait s’agir d’une même source d’inspiration. J’ai soudainement un doute. Ceci dit, c’est vrai que cette pièce n’est pas très jolie.
J’ai reconnu Ulrike Maier de suite. Je n’ai pas connu cette dame mais mes parents l’aimaient beaucoup, puis quatre années après, j’ai perdu une cousine dans des conditions similaires. Alors c’est un petit peu comme si elle faisait partie de ma vie. ?
ciboulette
17 avril 2017 @ 16:32
Très intéressant , Sedna , merci ! Je n’aime pas trop la pièce de 20 euros . Et j’ignorais l’attitude de Madame de Pompadour .
Toutes les pièces sont d’autant plus belles que je n’ai aucune chance de les trouver dans mon porte-monnaie !
Sedna
17 avril 2017 @ 16:49
Un grand merci à vous toutes/tous pour vos gentils commentaires!
Sedna
17 avril 2017 @ 16:50
Un grand merci à vous toutes/tous pour vos gentils commentaires!
Dubédat
17 avril 2017 @ 16:55
Mozart a aussi joué, enfant, pour le prince de Conti, prince du sang : il existe un tableau de lépoque intitulé » le thé chez le prince de Conti », dans ses appartements au Temple, là même où fut emprisonnée la famille royale des années plus tard.
Jean-Christophe
Dubédat
17 avril 2017 @ 16:56
Mozart a aussi joué, enfant, pour le prince de Conti, prince du sang : il existe un tableau de l’époque représentant son concert, intitulé » le thé chez le prince de Conti », dans ses appartements au Temple, là même où fut emprisonnée la famille royale des années plus tard.
Jean-Christophe
alienor
17 avril 2017 @ 20:22
Une nouvelle fois, bravo, bravo !
Et merci !!!
Val
17 avril 2017 @ 21:16
Attention si cela se trouve on va être obligé de revenir au franc. Oui je sais ce n’est pas drôle.!
Gilles de Bise
18 avril 2017 @ 02:33
Merci, Sedna, pour cet article fort documenté! Lorsque l’on parle de Mozart et de l’empire autrichien, il me revient toujours en mémoire cette anecdote qui se passait en 1782 à Vienne après que Mozart ait présenté l’opéra ”L’enlèvement au sérail” à l’empereur Joseph II et que ce dernier lui ait dit: ”…une musique formidable, mon cher Mozart, mais il y a je pense trop de notes dans cette partition!”. Et Mozart qui ne se laissa pas décontenancer répondit: ”Mais quelles notes voulez-vous donc que j’enlève? ».
Corsica
18 avril 2017 @ 12:55
Article très intéressant, merci Sedna. Y-a-t-il d’autres pays qui ont, comme sur la pièce de 20 euros, représenté sur une même pièce plusieurs personnes ou lieux emblématiques de leurs patries ?
Sedna
18 avril 2017 @ 22:03
Bonsoir Corsica,
Dans les pièces en circulation (courantes et commémoratives), je ne vois aucun exemple aussi explicite de mise en valeur de personnes/lieux emblématiques.
Par contre, il est probable que cela se soit produit sur des pièces de collection d’autres pays, mais ce n’est pas ma spécialité, et je ne pourrais pas vous en indiquer.
Désolée, et merci de votre message
Dominique Charenton
18 avril 2017 @ 21:00
Karajan appartenait à la noblesse du St Empire.
L’illustre chef tenait à ce que son nom ne soit pas amputé de sa particule. Il disait – malgré la législation – aux responsables autrichiens : » pas de « »von » » pas de Karajan »
C’est son arrière grand père Theodor von Karajan ( Wien 09/22 01 1810 – Wien 28 04 1873 ), historien, philologue membre de l’Assemblée Nationale Allemande qui se créa lors des évènements de 1848 à Frankfurt am Main qui fut fait chevalier en Autriche le 11 07 1869, comme chevalier de l’ordre de Léopold. Il était fils d’un grand négociant Georg Johann von Karajan 1745-1813, qui avait reçu – de l’Electeur Frédéric Auguste III de Saxe, comme vicaire du St Empire – la noblesse du St Empire le 01 06 1792, d’origine macédonienne et de confession grecque-orientale, fils lui-même d’un Joanes Karajoannes, décédé avant 1764 qui avait épousé Peristera Stamati..
La grand-mère paternelle du maestro Heinrike von Raindl ( Wien 27 03 1837 – Wien 28 10 1912) était la fille d’un juriste, avocat à la cour d’appel Emmanuel Josef Maria anobli et titré ritter von Raindl de façon posthume le 13 04 1865 ( Wien 29 12 1801 – Wien 10 07 1864)
.
source utilisée :
Genealogie 1989, cahier 12 pages 753 et suivantes
Dominique Charenton
18 avril 2017 @ 21:15
La mère de Johann Nikolaus comte de la Fontaine und d’Harnoncourt-Unverzagt (1929-2016) : Ladislaja (dite Laja), comtesse von Meran, baronne von Brandhofen appartenait à une branche morganatique de la Maison d’Autriche.
Son grand-père :Franz Ludwig Johann Baptist , créé comte von MERAN le 29 04 1844, diplôme du 30 12 1845 à Wien , baron von Brandhofen, fidéicommissaire auf Schönna conseiller intime impérial et royal, chevalier de l’ordre de la Toison d’Or, né le 11 03 1839 à Wien paroisse St Peter tome V folio 101, décédé le 27 03 1891 à Abbazia était le fils du fameux archiduc Johann (1782-1859) qui avait épousé en 1829 la belle Anna Maria Josefa Plöchl (1804-1885) , fille d’un maître de poste, créée baronne von Brandhofen pour elle et ses descendants le 14 03 1834 par son beau-frère l’empereur François Ier d’Autriche
Leonor
19 avril 2017 @ 07:58
Mozart, Mozart…. Mozart de mes amours…. Mozart au plus haut des cieux des musiciens… Mozart à l’égal de tous les rossignols de la Création ….
https://www.youtube.com/watch?v=DlIPyey3_YY
Julia Lezhneva , « Exsultate, jubilate, K165 », DeccaClassics
J’ai rarement entendu chanter l’Exsultate jubilate avec une telle …. jubilation.
Cette jeune mozartienne, Julia Lezhneva, est extraordinaire.
Albane
19 avril 2017 @ 13:40
Merci infiniment pour ce lien YouTube ! Julia Lezhneva est sublime ! Je suis montée bien haut en l’écoutant !!! Il y a une autre vidéo où on l’entend chanter l alléluia de Mozart : avec la mise en scène et son visage souriant et paisible, j’ai eu l’impression d’avoir eu affaire à un ange !!!
https://youtu.be/-PewvXeEv9w
Musique intemporelle….
Albane
19 avril 2017 @ 13:41
Message adressé à Leonor.