Deuxième volet de la série consacrée aux derniers mariages politiques Habsbourg-Bourbon, l’union de Pierre-Léopold de Habsbourg-Lorraine et Marie-Louise de Bourbon, Infante d’Espagne par Patrick Germain.
Pierre-Léopold Habsbourg-Lorraine, Leopold II du Saint-Empire, est né à Schönbrunn le 5 mai 1747, fils de François-Etienne de Lorraine et de Marie-Thérèse de Habsbourg. Il est le huitième enfant du couple impérial et le troisième garçon. Ci-dessus, Léopold par Jean-Étienne Liotard en 1762
Léopold fut d’abord destiné à l’état ecclésiastique, et on pense que ce sont justement les études théologiques auxquelles on le contraignit qui l’influencèrent défavorablement envers l’Église. À la mort de son frère aîné Charles, en 1761, il fut décidé qu’il succéderait à son père comme grand-duc de Toscane ce qu’il devint en 1765.
Résidant à Florence, et devenu maître de ses états en 1770, Marie-Marie-Thérèse ayant mis fin à sa tutelle, il entreprit dans son petit état des réformes, durant ses vingt années de règne, qui marquent encore le souvenir des Toscans. La liste de ses réformes est telle qu’il serait fastidieux de les énumérer toutes.
Léopold II par Anton Raphael Mengs, 1770
Dans un premier temps, il libéra le commerce et le la liberté de travail en abolissant les corporations. La transformation du système fiscal fut entreprise dès les premières années de son règne et en 1769 il abolit le coûteux système de la ferme générale pour laisser place au recouvrement direct des impôts. Il instaura le cadastre permettant de prendre la propriété foncière comme base de l’imposition. Il s’attaqua à la dette publique.
Il entreprit de grands travaux d’utilité publique comme la mise en valeur des marécages de la Maremme, plaine insalubre le long de la côte méditerranéenne au sud du grand-duché. Son système était simple. Ces terrains étant sans propriétaires, il les attribua à de riches toscans avec l’obligation de les exploiter.
Dans le cadre de sa vaste réforme sanitaire, il promeut le thermalisme en s’appuyant notamment sur le traité consacré aux propriétés des eaux de Montecatini Terme commandé à son médecin personnel et professeur à l’hôpital Santa Maria Nuova, Alessandro Bicchierai.
Thermes de Montecatini en Toscane
Le 30 novembre 1786, après un moratoire de fait sur les exécutions (dont la dernière remontait à 1769), Léopold promulgua la réforme du code pénal qui abolit la peine de mort et ordonna la destruction de tous les instruments destinés aux exécutions sur son territoire.
Léopold ne fut toutefois jamais populaire auprès de ses sujets. D’un naturel froid et réservé avec des manières simples, il touchait presque à l’avarice. C’était faux mais il était perçu ainsi par des Toscans habitués aux fastes des Médicis dont ils abusaient parfois. Comme son frère Joseph II, il s’attaqua à l’Eglise en supprimant les couvents et monastères et en limitant le pouvoir du pape sur ses Etats mais devant la résistance de ses sujet, beaucoup plus religieux que lui, il renonça à ces réformes.
Dans la période 1779-1782, Léopold, toujours dans l’esprit des Lumières, entama un projet de constitution pour fonder les pouvoirs du souverain sur une relation contractuelle. Là encore cette politique suscita de vives oppositions et son accession au trône impérial l’obligea à remettre ce projet.
Léopold II et Joseph II par Pompeo Batoni
Il était très attaché à Joseph II, dont il imitait la volonté de réformes mais dont il constatait aussi les échecs. Aussi son règne fut-il plus nuancé, n’imposant pas la force pour arriver à ses fins. Il ne réussit pas tout, mais son administration stable, cohérente et intelligente, qui savait progresser pas à pas, mena le grand-duché à un niveau élevé de prospérité.
Son accession au trône de Toscane fut une des conditions posées à son mariage avec l’Infante Marie-Louise d’Espagne, célébré le 5 août 1765. ce mariage satisfaisait les ambitions de la politique matrimoniale de sa mère.
Marie-Louise de Bourbon infante d’Espagne au moment de son mariage
Marie-Louise de Bourbon, née le 24 novembre 1745 en Campanie, est la cinquième fille de Charles III d’Espagne et de Marie-Amélie de Saxe, alors souverains de Naples et de Sicile. Elle était donc la petite-fille de Philippe V d’Espagne et d’Elisabeth Farnèse.
Charles III d’Espagne par Anton Raphael Mengs
Marie Amélie de Saxe, reine d’Espagne
Devenue grande-duchesse de Toscane, peu de temps après son mariage, Marie-Louise était considérée comme une beauté. Elle avait en outre un tempérament agréable, étant généreuse et simple.
Palais Pitti à Florence
Installé au Palais Pitti, à Florence, le couple eut une vie heureuse. Consciente de ses devoirs de femme et de souveraine, Marie-Louise les accomplit en mettant au monde seize enfants. Léopold ne lui était pas fidèle mais cela n’a pas nui à leur relation conjugale, la grande-duchesse continuant à être fidèle et loyale à son mari.
Marie Louise de Bourbon, grande-duchesse de Toscane, impératrice
A peine arrivés en Toscane, elle secourut les malheureux, victimes de la famine, ce qui lui gagna les faveurs de ses sujets. Le couple menait une vie simple et retirée, lui dans son cabinet de travail et elle à s’occuper de ses enfants qu’elle éleva simplement au plus proches des réalités de la vie et de la nature. La vie de cour était réduite au stricte nécessaire, quelques amis intimes composant leur cercle.
Palais Pitti
On peut noter parmi leur seize enfants, Marie-Thérèse (1767-1827) reine de Saxe, François II du Saint-Empire et premier empereur d’Autriche (1768-1835), Ferdinand III (1769-1824), grand-duc de Toscane, Charles d’Autriche (1771-1847) duc de Teschen, vainqueur de Napoléon, Joseph (1776-1847), Marie-Clémentine, princesse héréditaire de Naples (1777-1801), mère de la duchesse de Berry, Antoine (1779-1835) Grand-Maître de l’Ordre Teutonique, Jean (1782-1859) marié morganatiquement à Anna Plochl, fille d’un maître de postes et Rainier (1783-1853). Nés en Toscane ces enfants reçurent une éducation italienne. Ils parlaient italien entre eux, langue qu’ils conservèrent leur vie durant.
La famille grand-ducale de Toscane par Johann Zoffany
Léopold accède à l’Empire au décès de Joseph II, en 1790. Son règne ne dura que deux ans car il mourut le 1er mars 1792. Marie-Louise le suivit de trois mois.
Couronnement de Léopold II comme roi de Hongrie à Presbourg
Ce couple s’il ne fut pas exemplaire, du moins de sa part à lui, fut une réussite diplomatique et personnelle. Il est amusant de noter qu’il était archiduc d’Autriche et empereur et qu’elle était infante d’Espagne, mais c’est en Italie qu’ils passèrent l’essentiel de leur vie.
Grandes Armes de Léopold II
Robespierre
12 mars 2019 @ 07:55
Maintenant je comprends pourquoi François II, le père de Marie-Louise, seconde femme de Napoléon parlait Italien à la maison. Tout en connaissant d’autres langues.
Marina
12 mars 2019 @ 08:46
Il est à mentionner que le mariage de l’archiduc qui avait eu lieu par procuration à Madrid eu lieu à Innsbruck. Le père du marie mourut quelques jours après la célébration a la Hofburg d’Innsbruck et le fils devint à ce moment grand-duc de Toscane. L’arc de triomphe (Innsbrucker Triumphpforte) érigé pour commémorer l’évènement a de ce fait un côté joyeux (le mariage) et un autre triste (la mort). Il existe aussi à Grosseto une statue de l’archiduc qui écrase de son pied le serpent de la malaria. La malaria faisait de la Maremme un territoire pratiquement inhabitable. Les travaux d’assanage des marécages transformèrent les plaines du sud en champs fertiles et servirent aussi à réduire les méfaits des bandes de brigands dont la région pullulait.
http://www.tripwolf.com/de/guide/show/138297/Osterreich/Innsbruck/Triumphpforte
https://it.wikipedia.org/wiki/Monumento_a_Canapone
Esquiline
12 mars 2019 @ 13:40
« Maremma amara » un des morceaux les plus connus du riche répertoire des chansons populaires italiennes, ici interprétée par Amalia Rodrigues.
https://www.google.it/search?biw=1280&bih=693&ei=0qSHXMSNIM-MlwTzopXwBQ&q=maremma+amara+amalia+rodrigues&oq=maremma+amara+rodrig&gs_l=psy-ab.1.0.0i22i30.15767.23235..26847…0.0..0.95.657.8……0….1..gws-wiz…….0i71j0i67j0.Efg1jRPB0UE
Pierre-Yves
12 mars 2019 @ 10:37
Si l’on comprend bien, Marie-Louise, contrairement à sa belle soeur Isabelle, épouse de l’empereur Joseph, se conforma sans difficulté particulière à ce qu’on attendait d’elle dans la position qui était la sienne. Il faut croire qu’elle était d’un caractère accommodant puisque les infidélités de son mari ne l’empêchèrent pas de lui être agréable et loyale. Peut-être, d’ailleurs, que cela la soulageait après avoir enduré seize grossesses et accouchements…
Jean Pierre
12 mars 2019 @ 10:38
Le Palais Pitti est un vaste capharnaüm assez fatigant à visiter du coup.
Stéphane G.
12 mars 2019 @ 10:57
merci infiniment! Qui est l’auteur du portrait de Marie Louise photo 9? Il est extraordinaire je trouve, le cadre, la pose; à comparer avec Madame Vigée Lebrun à l’époque et sa distance respectueuse pour Marie Antoinette (et sans regalia ou colonne pompeuse à l’arrière plan, juste un rideau tiré juste le temps de prendre la photo!). On dirait du Annie Leibovitz toutes proportions gardées. Johann Zoffany encore?
Sébastien
12 mars 2019 @ 13:27
Mengs ?
Baboula
13 mars 2019 @ 08:08
Oui Stéphane ,ce portrait est d’un grand réalisme ,on pourrait croire voir une photo.
Guyard
12 mars 2019 @ 11:00
Leopold II, Kaiser des Heiligen Römischen Reiches est un cousin issu de germains d’un parent de María Luisa, principessa di Napoli.
En effet, Leopold I, Kaiser des Heiligen Römischen Reiches (1640-1705) et son épouse Eleonora Magdalena, Pfalzgräfin von Neuburg (1655-1720) sont en même temps
des ancêtres à la 4e génération de María Luisa, principessa di Napoli
des arrière-grands-parents de Leopold II, Kaiser des Heiligen Römischen Reiches
Trianon
12 mars 2019 @ 11:05
merci beaucoup Cosmo!
vraiment très agréable et instructif!
Damien B.
12 mars 2019 @ 11:47
Un excellent sujet – comme d’habitude !
C’est assez amusant car sur la première illustration, le prince est occupé à dessiner ce qui ressemble à des éléments de fortifications. Les princes étaient très tôt initiés à l’art de la guerre …
Mayg
12 mars 2019 @ 14:14
Du coup, l’empereur François II a du sang Bourbon qui coule dans ses veines, puisque l’arrière petit-fils de Philippe V et petit-fils de Charles II d’Espagne.
Par contre, je ne compte que 9 enfants cités parmi les 16 qu’a eu le couple. Les autres sont ils morts en bas âge ?
Clara
12 mars 2019 @ 14:25
Pietro-Leopoldo, comme disent les toscans, laissé une trace qui ne peut être effacée en Toscane et au delà des limites géographiques du Grand duché. L’abolition de la peine de mort, première en occident, et tout un arsenal de changements sociaux et politiques, dont le plus fertile fut peut être le transfert de nombreuses matières du droit civil jusque là gérées par l’église aux tribunaux non ecclésiastiques. Sous son gouvernement naquit une classe moyenne de « serviteurs de l’Etat », administrateurs des ressources et des missions gouvernementales qui n’existaient pratiquement pas auparavant et qui servit de modèle jusque aux gouvernances de l’état unitaire…
COLETTE C.
12 mars 2019 @ 14:49
On découvre de nouveaux personnages. Merci !
Laure-Marie Sabre
12 mars 2019 @ 18:32
Merci beaucoup pour ce récit. Pierre Léopold est un personnage passionnant, qui est à l’origine du développement économique de la Toscane et de la philanthropie qui l’a accompagné. Outre son opposition à l’emprise du catholicisme (on est bien loin des générations de Habsbourg grenouilles de bénitier qui ont suivi), il s’est attaché à améliorer l’éducation de sa population, y compris par le théâtre.
Danielle
12 mars 2019 @ 19:00
Léopold et Marie Louise étaient deux belles personnes, de plus le 1er a fait de bonnes réformes, tandis qu’elle avait un grand cœur, dommage que le mari ne soit pas fidèle.
16 enfants, quelle prouesse !
Corsica
12 mars 2019 @ 19:03
Patrick Germain,
Un grand merci pour cet article très instructif magnifiquement illustrée. C’est un réel plaisir de vous lire. La première œuvre fait partie de la commande faite à Liotard par Marie Thérèse d’Autriche afin qu’il réalise les portraits de tous ses enfants, portraits qui devaient obligatoirement être de petite taille pour qu’elle puisse les emporter facilement lors de ses déplacements. Elle fut tellement satisfaite qu’elle écrivit à l’épouse du peintre qu’elle lui rendait son époux et qu’elle serait la marraine de l’enfant qu’elle portait.
Cordialement
Corsica
mousseline
12 mars 2019 @ 20:06
j’ aime beaucoup ces minis reportages, bien écrits, instructifs et avec des photos intéressantes. merci beaucoup
Caroline
12 mars 2019 @ 23:52
Merci pour cet article fort intéressant avec de superbes illustrations !
Ces princes de Habsbourg ont-ils tous la bouche préominente ?
Caroline Mathilde
13 mars 2019 @ 03:31
Merci beaucoup Patrick pour votre manière de transmettre votre passion.
J ai une question :
L’une ou l un d entre vous peut elle (il)me dire combien de petits -enfants eurent François -Étienne de Lorraine et Marie Thérèse de Habsburg ?
Marie -Antoinette fut ,me semble-t-il, une des rares à n avoir eu « que « quatre enfants.
Merci
framboiz 07
14 mars 2019 @ 02:28
16 enfants de 1737 à 1756 ,10 arrivèrent à l’âge adulte !
Claude-Patricia
13 mars 2019 @ 07:18
Bonjour Cosmo,
Tout ceci est très intéressant et donne des envie de voyages!!
Les tableaux sont superbes.
Baboula
13 mars 2019 @ 08:11
Pas facile de décrypter les grandes armes de Léopold ll . Quelle richesse !
Rose
13 mars 2019 @ 08:35
Merci Cosmo pour vos articles si riches et intéressants.
Ce qui me frappe ici c’est le contraste entre Joseph et Léopold, ouverts, modernisateurs, visiblement intelligents et instruits et leurs sœurs: Marie Antoinette si légère et qui arrive en France quasi ignorante, Marie Caroline arc-boutée sur une monarchie ultra conservatrice ( du moins c’est l’idée que l’on s’en fait).
Certains Habsbourg aujourd’hui semblent aussi éloignés des idées novatrices de leurs ancêtres…
Belle journée
Rose