En voici le descriptif : « La richesse du Cabinet des livres du château de Chantilly en recueils de fables permet de revisiter tout un pan de l’histoire littéraire universelle et de la tradition écrite. La fable enseigne un certain art de vivre et génère des types de livres illustrés variés, dont le duc d’Aumale a préservé des exemplaires emblématiques et rares.
En se dotant peu à peu d’une identité propre, le recueil de fables acquiert une forme de légitimité. Les frontispices constituent le miroir de cette évolution d’un genre qui déploie ses lettres de noblesse au XVIIIe siècle. Le charme du fablier est dès lors accru par des formes particulières de partage, cadeaux d’étrennes, livres distribués comme « prix » ou trésors bibliophiliques.
Enfants et parents peuvent au fil de l’exposition redécouvrir des fables familières dans leurs atours d’origine. Les amateurs d’art peuvent quant à eux admirer, entre autres, de magnifiques dessins attribués à des collaborateurs de Jean Pucelle ou Dierik Bouts ainsi que de très belles sanguines de Claude Gillot, le maître de Watteau. » (Merci à Bertrand Meyer)
Ci-dessus, Photo RMN (Domaine de Chantilly) / Michel Urtado.
Fables de Bidpaï, Allemagne du sud-ouest, vers 1480. Manuscrit 680
Guizmo
17 février 2020 @ 08:36
Merci beaucoup de nous parler de cette pépite « livresque » du 19e siècle,Des costumes de princes, princesses, marquis ou marquises peuvent être endossés par nos petits aussi pour une visite inoubliable du château
Gérard
17 février 2020 @ 23:54
La fable qui est ici illustrée est très répandue et depuis fort longtemps sous divers cieux. Il y a des variantes notamment sur la fin de l’histoire qui en général n’est pas glorieuse.
Cette version semble venir d’Ésope et la morale en est qu’il faut se contenter de ce que l’on a.
La Fontaine a écrit La Tortue et les deux Canards inspirée de Bidpaï, qu’il appelle Pilpaï ou Pilpay (Le Livre des Lumières ou la Conduite des Rois) et qui serait l’auteur de ce recueil indien de fables appelé le Pañchatantra qui daterait du VIe siècle de l’ère chrétienne. C’était D’une tortue et de deux Canards.
Ésope répandait cependant déjà une fable de la tortue et de l’aigle.
Il existe aussi des versions africaines de cette fable et la morale diffère selon la manière de raconter l’histoire.
Une tortue se lie avec deux oies qui lui promettent de l’emmener par les airs au loin, et dans la version indienne, vers
l’Himalaya.
Deux oies tiennent donc dans le bec le bout d’un bâton et au milieu la tortue s’agrippe par la bouche audit bâton, mais au cours du voyage des enfants se moquent d’elle et pour leur répondre elle ouvre la bouche ce qui lui est fatal.
Toutes ces versions sont très pessimistes sur le sort de la tortue mais il existe une version moderne et russe et c’est celle de Vsevolod Garshin (1855-1883), d’une famille issue du prince tatar Garsha, version intitulée La Grenouille voyageuse qui a été adaptée en 1965 en dessin animé et où la grenouille est moquée par des enfants, alors la grenouille veut dire à ses congénères restées dans la mare que c’est elle qui a eu l’idée du voyage et non pas les canards. Mais la grenouille tombe non pas sur le sol mais dans un étang.
La morale de La Fontaine dans La Tortue et les deux Canards :
« Elle tombe, elle crève aux pieds des regardants.
Son indiscrétion de sa perte fut cause.
Imprudence, babil, et sotte vanité,
Et vaine curiosité,
Ont ensemble étroit parentage.
Ce sont enfants tous d’un lignage. »
En l’espèce ce manuscrit illustre Pilpaï et il a été peint en 1480siècle pour le comte Eberhard V puis duc Eberhard Ier de Wurtemberg-Urach (1445-1496), comte de Montbéliard, et pour son épouse la riche Barbara de Gonzague de Mantoue. Il illustre une traduction allemande de la fable par Antonius von Pförr.
Le duc et la duchesse n’eurent qu’une fille Barbara née le 2 août 1475 et morte le 15 octobre.
Eberhard le Barbu était un humaniste dont la bibliothèque était fameuse. On le disait le plus riche des princes allemands car il n’avait rien à craindre pour sa vie et ses biens d’aucun de ses sujets. Il était chevalier de la Toison d’or et chevalier du Saint-Sépulcre qui fut adoubé le 12 juillet 1468 à Jérusalem. Le pape lui donna la Rose d’or. Il avait été adoubé chevalier par Louis XI à l’occasion du sacre royal.
On l’appelait le Barbu parce qu’il avait fait le vœu après Jérusalem de ne plus raser sa barbe.
Son épouse (1455-1503) était la fille de Louis III margrave de Mantoue et de son épouse Barbara de Brandebourg.
Pascal
18 février 2020 @ 17:50
Merci Gerard !
Je me demandais qui était ce Bidpaï vous avez comblé ma curiosité.
Y aurait-il dans votre citation de la sentence de la fable de La Fontaine un message à nous tous (ou presque) destiné ?
Voilà une confirmation du goût exceptionnel avec lequel le duc d’Aumale a su utiliser sa fortune.
Gérard
19 février 2020 @ 12:33
Peut-être Pascal mais ici stricto sensu nous parlons peu et l’essentiel est de ne pas perdre la main.
Gérard
17 février 2020 @ 23:54
Lire peint en 1480.
Menthe
18 février 2020 @ 17:28
On ferait, tous, bien de relire régulièrement les fables de Jean de la Fontaine, et d’essayer de suivre sa morale.
Pascal
19 février 2020 @ 12:18
Je crains que les écoliers d’aujourd’hui n’en entendent plus guère parler , c’était pourtant la base de l’apprentissage de ce qu’on appelle aujourd’hui le « vivre ensemble » et elles sont indispensables pour comprendre un certain » fond psychologique » français .