Pour celles et ceux qui sont un jour tombés sous le charme de Venise et à défaut de pouvoir s’y promener dans les prochaines semaines, plongez-vous dans le livre « Sissi et Venise » de la plume d’Amable de Fournoux, un Vénitien d’adoption, journaliste et historien, déjà auteur de « Napoléon et Venise » et de « La Venise des Doges ».
L’impératrice Sissi est jeune mariée et jeune mère de Sophie et Gisèle, lorsqu’elle découvre pour la première fois à l’âge de 20 ans, Venise la Sérénissime alors sous possession autrichienne.
L’empereur François-Joseph et son épouse séjournent dans la Cité des Doges du 25 novembre 1856 au 3 janvier 1857. Ce séjour n’est pas sans appréhension pour la Cour impériale d’Autriche. On sait que Venise vit mal d’être inféodée à Vienne.
Pendant 6 semaines, le couple impérial va multiplier les visites sur le terrain : garnisons militaires autrichiennes, églises, couvent où l’on s’occupe d’orphelins, casernes, hôpitaux et des moments plus culturels avec le palais des Doges, le musée des Beaux-Arts.
François Joseph et Sissi assistent à plusieurs spectacles à la Fenice. Ils subissent aussi les affronts des patriciens de Venise. Sur les 130 familles invitées, 30 daignent se montrer.
Ce séjour à Venise permet à Sissi de prendre pleinement sa place à côté de son époux et de l’orienter dans ses décisions politiques, un rôle jusqu’alors exclusivement exercé à Vienne par l’archiduchesse Sophie, mère de l’empereur.
La jeunesse et la beauté de l’impératrice conquièrent rapidement la population. Le prince Alexandre de Hesse qui est en garnison avec l’armée impériale à Venise, note que « l’impératrice est jolie comme un cœur ».
Cette halte à Venise permet à Sissi de découvrir la ville à son aise, loin du pesant protocole de la Hofburg à Vienne. Elle se promène avec une petite suite restreinte, donne l’aumône sur son passage ou s’arrête pour écouter un joueur de guitare sur un campo, des moments impensables à Vienne.
L’empereur, conscient de la révolte sous-jacente, pose un acte fort, appuyé par la bienveillance de Sissi : il lève le séquestre des biens des exilés, n’applique plus la lèse-majesté et gracie 70 personnes. Ces mesures soulèvent l’enthousiasme.
Les régates en l’honneur du couple n’en sont que plus fastueuses en ce 7 décembre 1856. On a pavoisé les balcons des palais sur le Grand Canal. Le plus somptueux ? Celui du balcon de Ca’ d’Oro. La gondole impériale est vivement acclamée.
Pendant cette période très dense du point de vue de leur agenda officiel et avec deux fillettes à la santé délicate, Sissi ne tient pas de correspondance connue. On ignore donc ses impressions sur ce premier séjour mais sa légende commence à se construire. Lors d’une promenade à deux, l’empereur et l’impératrice sont accostés avant de regagner leur palais par un ancien commandant qui a perdu son droit à la pension pour avoir participé à la révolte de 1848. Agacé, l’empereur lui suggère de se présenter le lendemain auprès de ses bureaux mais l’homme explique avoir déjà tenté de le faire mais sans succès. Sissi lâche alors : « Donnez lui un de vos gants ». Le lendemain, l’homme fut enfin reçu avec ce précieux sésame.
En 1860, Sissi qui a mis au monde l’héritier tant attendu Rodolphe (qui épousera la princesse Stéphanie de Belgique, fille du roi Léopold II), est épuisée. Les médecins diagnostiquent une faiblesse pulmonaire. Ce sont les débuts des grandes escapades de l’impératrice loin de Vienne.
Cette année-là, elle s’absente pas moins de 6 mois. Pour gagner l’île de Madère, le roi Léopold I met à sa disposition à Anvers le bateau à vapeur « Osborne ». Sissi est devenue entre temps la belle-sœur de la princesse Charlotte de Belgique, fille de Léopold I, mariée à l’archiduc Maximilien (frère de l’empereur). Le couple vit à Trieste au château de Miramare. Maximilien a été vice-roi de Lombardie-Vénétie. C’est lui qui a permis l’ouverture d’une première plage au Lido.
En octobre 1861, Sissi est de retour à Venise sur les conseils de ses médecins. Il s’agit d’une visite privée. L’Italie est en passe de se réunifier complètement sous la couronne du roi Umberto, seule reste Venise et les états pontificaux. La période est tendue. La ville ne va pas bien économiquement et la Fenice est fermée.
Pourtant, jamais Sissi ne sera dérangée lors de ses promenades pédestres. On illumine même la place Saint-Marc tous les soirs pour que l’auguste invitée puisse voir cela depuis les fenêtres du palais royal où elle loge.
Un mois plus tard, l’empereur la rejoint avec leurs enfants Gisèle et Rodolphe. Ils repartent en Autriche en mai 1862, pendant cette période François Joseph a fait des allers-retours vers Vienne. Pour meubler ses journées, Sissi se lance dans une collection de photographies uniquement féminines, elle en rassemblera au final plus de 2.500 lors de ses différents voyages en Europe.
Lorsqu’elle quitte Venise en mai 1862, Sissi souffre d’anémie. Elle se rend alors en cure à Bad Kissingen. Elle n’a résidé à Vienne que 3 semaines en 2 ans…
En 1866, suite à la défaite de Sadowa, l’Autriche perd Venise qui intègre le royaume unifié d’Italie.
Sissi connaît au fil des années des drames tels que la mort de son cousin l’anti-conformiste roi Louis II de Bavière et le suicide de son fils Rodolphe. L’impératrice ne se remettra jamais de ces disparitions, errant de plus belle à travers l’Europe.
En 1895, elle revient une dernière fois à Venise où est organisée la première exposition universelle d’art qui deviendra la Biennale de Venise et qui existe encore aujourd’hui. Sissi entend jouer les guides pour sa fille cadette adorée Marie Valérie et son gendre. Le yacht impérial jette l’ancre alors que l’on attend la venue du roi et de la reine d’Italie, ce qui perturbe les plans de l’impératrice.
Sissi se rend à Murano où elle s’adonne à sa passion des emplettes, elle prend le temps de manger des glaces sur la place Saint-Marc, visite incognito l’exposition universelle et rencontre brièvement les souverains italiens qui lui montrent ses anciens appartements du palais royal.
Sissi et sa suite logent sur le yacht impérial qui à la nuit tombée est entouré de gondoles illuminées. Lorsqu’elle quitte Venise, et voit s’éloigner la lagune, l’impératrice sait qu’elle ne reviendra plus jamais. Elle meurt le 9 septembre 1897 à Genève des suites d’un coup de couteau porté par un anarchiste qui cherchait juste une « proie ».
Aujourd’hui, l’ancien palais royal le musée « Correr » est ouvert (en temps normal) au public. Plusieurs appartements ont été restaurés grâce au mécénat et au Comité français pour la sauvegarde de Venise.
« Sissi et Venise », Amable de Fournoux, Editions de Fallois, 2019, 180 p.
Régine ⋅ Actualité 2020, Autriche, Italie, Livres 33 Comments
Roxane
30 mars 2020 @ 07:32
Très intéressant ! Merci pour cet article.
Ghislaine-Perrynn
30 mars 2020 @ 08:59
J’aimerais bien lire ce livre car le destin de Sissi et Venise sont des sujets qui me passionnent depuis longtemps .
Benoite
30 mars 2020 @ 09:16
Jolie promenade dans la très belle Venise, bien calme dorénavant. Récit très intéressant, merci Régine. J’ai visité Venise en 1979, sur le Vaporetto qui nous promenait, je lisais en Italien, « Chinque que védére un uomo al mare, deve cridère « un uomo al mare ». Et tutto ?? , nessuno pour lancer la bouée ? j’avoue celà m’avait fort intriguée, parce que à l’époque, les eaux de Venise, n’incitaient pas trop à la baignade. Je ne savais que penser de cet ordre…
Jean Pierre
30 mars 2020 @ 09:30
Les autrichiens et Venise, revoir Senso, même si c’est très cul-cul.
Léonor va bien nous trouver un morceau de Malher là dessus.
Leonor
30 mars 2020 @ 19:14
Aaah, ben zut alors, je n’y avions point même pensé …
Comment ça, cul-cul,Jean Pierre ?
Senso, le trailer : https://www.youtube.com/watch?v=tJ-26YtYY7Y
Mais y’a qu’à demander, Jean Pierre ! ;-)
Mahler, Symphonie n°5, l’ Adagietto, LA musique du Mort à Venise de Visconti
https://www.youtube.com/watch?v=39OFMgh6JwY
Bon, puis quand même, hein, on n’peut pas oublier ça, Jean Pierre :
https://www.youtube.com/watch?v=hOf20h1CZss
:-)))
Z’auriez pas confondu Senso et cela, l’ami, par hasard ?
N’empêche que les décors, c’est du vrai ;-)
… et qu’en décembre dernier, sur la Piazzetta inondée, il y avait … un sapin de Noël, le pied dans l’eau . Acqua alta.
Ca fait un effet gag.
Le coronatruc encore à ses débuts n’a alors pas voulu de moi ni des copains. Faut dire qu’une certaine Grappa de derrière les fagots devait nous avoir immunisés. Fallait bien qu’on s’humecte le gosier avant de chanter, et qu’on le désaltère après … :-))
Cosmo
31 mars 2020 @ 21:04
Senso, cucul ? Un drame d’amour et de vengeance…
Jean Pierre
1 avril 2020 @ 14:27
Quand même Cosmo, Alida Valli énamourée de Farley Granger faut y croire.
Et pour l’avoir rencontré à la fin de sa vie, Farley était la crème des hommes, délicieux et charmant mais pas du tout crédible dans ces rôles qu’on lui imposait.
Il racontait que le tournage avec Visconti était tellement long …..que celui-ci lui dit : »va faire un tour à Paris, j’ai un ami qui t’hébergera ». L’ami c’était Jean Maris.
Pierre-Yves
30 mars 2020 @ 10:03
Venise qui a été plutôt, au contraire du reste de la Vénétie, épargnée par le covid 19 d’après ce qu’on m’a dit. Et où les canaux ont retrouvé une eau presque pure, comme quoi il y a tout de même quelques rares effets bénéfiques au drame en cours …
Leonor
30 mars 2020 @ 10:56
Inépuisable, le filon Sissi. Alors, quand ça se double du filon Venise…
Bon, voyons voir ça d’un peu plus près.
BECHTEL Catherine
30 mars 2020 @ 11:50
Benoite @ 9:16
Chinque que védére un uomo al mare, deve cridère “un uomo al mare”. Et tutto ?? , nessuno pour lancer la bouée ?
Chiunque che vedese un uomo al mare, deve gridare « un uomo al mare » e basta … nessuno per buttare il salvagente ?
Benoite
30 mars 2020 @ 13:28
merci de remettre la formule convenablement, elle datait de mémoire (mauvaise) de + 40ans, traduisez , je vous prie, Madame, la fin de votre paragraphe. Pour que tous ceux, ici la lisent, si j’ai fait des fautes de la langue Italienne, je m’en excuse, j’aime beaucoup ce pays qui m’a fait découvrir bien des endroits magnifiques. Une population spontanée, et aimable, et une cuisine inimitable et délicieuse.
aubepine
30 mars 2020 @ 11:57
Ça peut être un bon passe-temps en cette période de confinement !
yode
30 mars 2020 @ 11:58
Moi, j’avais gagné il y a une quinzaine d’années un voyage grâce à Brigitte LAHAYE !!!
Myriam Schopfer
30 mars 2020 @ 12:17
Sissi a été assasinnée en 1898 et non 1897.
Leonor
30 mars 2020 @ 14:09
La Musique du Jour, Venise oblige …De fait, je ne résiste pas ;-)
Voilà un p’tit festival Thema Venezia, concocté spécialement pour vous :
Le poignant Pur ti miro de Monteverdi dans l’Incoronazione di Poppea
https://www.youtube.com/watch?v=tGy9fLI2sz0
Une magnifique version.
Mais soyons joyeux, vivons soyons heureux :
Vivaldi,La Stravaganza, I musici :
https://www.youtube.com/watch?v=4b6Yd-k6q5U
I Gondolieri, extrait des merveilleux » Péchés de vieillesse » de Rossini !
https://www.youtube.com/watch?v=C8W4GcNg-4o
https://www.francemusique.fr/concert/interpretation/i-gondolieri
C’est un péché de jouissance que de chanter ça, oh que oui ! :-))
https://www.youtube.com/watch?v=I3HXC7UVM84
Gondolier !
Les Compagnons de la chanson.
Allez, soyez sympa, ne faites pas la fine bouche, CHANTEZ ! Molto di piu !
D’accord, d’accord, il y manque Corelli, Barbara Strozzi…
Ce sera pour une autre fois.
Nous reviendrons toujours à Venise. Toujours.
Haut les coeurs !
Leonor
30 mars 2020 @ 18:42
Euh… c’était de bibi ! :-))))
ciboulette
30 mars 2020 @ 14:20
Un mélange explosif , Sissi et la Sérénissime !
COLETTE C.
30 mars 2020 @ 15:33
Merci pour cet article, très intéressant, je ne me lasse jamais de l’histoire des Habsbourg.
Marine2
30 mars 2020 @ 15:40
Merci de ce bel article! Un détail m’intrigue cependant: il me semblait avoir lu que le Yotte Osborne appartenait à la reine Victoria ( du nom de sa propriété d’Osborne House sur l’île de Whight) qui l’avait prêté à l’impératrice pour gagner Madère. Se pourrait-il que le yacht du roi Léopold de Belgique porte le même nom? Quelqu’un a-t-il une explication?
Marine2
31 mars 2020 @ 11:20
“Yacht” évidemment
Jean Pierre
31 mars 2020 @ 17:58
Je me suis replongé dans le Corti qui explique que le yacht Osborne mis à disposition de l’impératrice Elisabeth l’attendait dans le port d’Anvers. D’où peut-être la confusion.
Marine2
1 avril 2020 @ 13:33
Merci, Jean-Pierre, pour vos recherches et cette précision. Je n’ai pas mon Corti sous la main dans cette étrange période! Mais votre explication fait tout à fait sens.Merci encore.
Teresa2424
30 mars 2020 @ 16:30
Gracias Regine,amo Venecia
Marine2
1 avril 2020 @ 13:34
Merci, Jean-Pierre, pour vos recherches et cette précision. Je n’ai pas mon Corti sous la main dans cette étrange période! Mais votre explication fait tout à fait sens.Merci encore.
Frédéric
30 mars 2020 @ 19:32
Oui bien l’article.
Sauf le montage de la tête de Élisabeth d’Autriche avec le corps de l’impératrice Eugénie.
Pas topissime !
septentrion
31 mars 2020 @ 17:40
Oh non j’étais intriguée par cette photo pas du tout topissime le montage si c’est le cas !
Claude MARON
2 avril 2020 @ 11:30
Ce n’est pas un montage, ce tableau existe bien… mais je ne sais pas s’il est de Winterhalter
septentrion
31 mars 2020 @ 00:22
J’aime bien la couverture.
Venise est le premier voyage que j’ai fait sans mes parents, un voyage scolaire, j’avais juste dix ans, le souvenir d’un émerveillement, l’année suivante la mairie a remplacé Venise par des classes vertes !
C’est aussi vers neuf/dix ans que j’ai commencé à me passionner pour la vie d’Elisabeth d’Autriche, maintenant que j’ai un nombre très important de livres la concernant je suis moins attirée pourtant je m’attarde quand même dès qu’on parle d’elle.
J’ai découvert ce livre dimanche sur mon fil d’actu par un article de dhnet.be/lifestyle signé par …Régine SALENS.
Caroline
31 mars 2020 @ 00:47
Au début , Sissi était froidement reçue par les Vénitiens. Ce serait intéressant de lire ce livre parce que j’ ai beaucoup aimé le film de Sissi joué par la belle actrice Romy Schneider.
PATRICIA
31 mars 2020 @ 11:10
Régine, je vous ai envoyé un mail avec d’autres photos du palais Correr mais je ne sais pas si j’ai utilisé la bonne adresse.
Régine
31 mars 2020 @ 11:26
oui j’ai reçu votre mail
Philippe Gain d'Enquin
1 avril 2020 @ 11:33
Où les détracteurs vont à nouveau se gondoler…
Leonor
1 avril 2020 @ 12:06
:- ))
Tant qu’on y est :
https://www.youtube.com/watch?v=jQyjEaoUPvg ! ;-)
J’en ris encore…