Comme souvent il arrive que la genèse d’une recette présente différentes histoires. Le poulet Albufera est communément attribué au chef Adolphe Dugléré (1805-1884) qui travailla au service de la famille de Rothschild avant de présider les fourneaux du Café anglais à Paris, établissement de très grande renommée où se tint ce qui est passé à la postérité comme le dîner des trois empereurs en 1867.
Toutefois au vu de la correspondance des dates, il semble plus crédible que cette recette ait été créée par Marie-Antonin Carême (1784-1833) dont Dugléré fut un élève.
Ce qui est en tous les cas acquis, c’est que cette poularde farcie en vessie de foie gras, a été dédiée à Louis Gabriel Suchet (1770-1823), maréchal d’Empire, titré duc d’Albufera en 1812.
Cette préparation demande une certaine technicité mais le résultat final est du meilleur effet lorsque l’odeur s’évapore de la vessie farcie.
Albufera était à cette époque une lagune située près de Valence. C’est aujourd’hui un parc naturel qui communique avec la mer Méditerranée.
En 2018, le titre existe toujours et est porté par le 7ème duc, descendant de Louis Gabriel Suchet. La famille possède encore le très beau château de Montgobert dans l’Aisne en lisière de la forêt de Retz.
Cette demeure fut la résidence de la princesse Pauline Bonaparte, sœur de l’empereur Napoléon I, et de son premier époux le général Victoire-Emmanuel Leclerc. Il est ensuite passé dans les familles Davout et Cambacérès avant d’entrer en possession des ducs d’Albufera. Le parc du château fut dessiné par le paysagiste Duchêne qui se chargea aussi de ceux du château de Vaux-le-Vicomte.
Ingrédients pour 4 personnes :
- 1 poule faisane + ses abats
- 100 g de jambon de votre choix
- 140 g de foie de canard mi-cuit
- 2 pommes de terre rattes
- 1 branche de céleri
- 2 navets
- 2 petites carottes
- 1 grosse carotte
- 1 oignon
- 2 clous de girofle
- 1 échalote
- 1 gousse d’ail
- 25 cl de crème liquide
- 50 g de mie de pain
- Poivre en grains
- Gros sel
- 1 bouquet garni de persil, laurier et thym
- 25 g de beurre au piment d’Espelette
Préparation :
Retirer si cela n’est pas déjà fait les abats de la poule. Peler puis hacher l’échalote et la gousse d’ail. Hacher le jambon. Couper 100g de foie gras de canard en morceaux. Mettre la mie de pain dans un bol avec la crème liquide. Laisser tremper quelques instants puis émietter. Hacher les abats (cœur et foie). Dans un grand saladier, mélanger tous ces ingrédients. Assaisonner. Peler la grosse carotte et l’oignon. Couper l’oignon en deux et piquer-le de 2 clous de girofle. Farcir la poule. A l’aide d’une aiguille, brider la poule avec de la ficelle de cuisine pour que la farce reste bien à l’intérieur. Mettre la grosse carotte et l’oignon avec clous de girofle dans une grande casserole d’eau. Ajouter la poule et un bouquet composé de thym, laurier et persil. Verser du gros sel et les grains de poivre. Laisser cuire à feu moyen pendant 1h15. Couper en gros dés les petites carottes, les navets et le céleri. Retirer l’oignon, la carotte et le bouquet garni de la casserole. Ajouter les dés de légumes dans la préparation. Continuer à cuire à moyenne ébullition pendant 15 min. Pour la sauce d’accompagnement, prendre 0,5 l du bouillon de cuisson dans une autre casserole et ajouter de la crème liquide. Laisser réduire à feu vif. Incorporer le reste du foie gras et laisser fondre pendant 7-8 min. Ensuite mixer puis filtrer au chinois. Réserver mais en gardant chaud. Sortir la poule de la casserole et l’égoutter avant d’enlever la ficelle de cuisine. Sortir la farce. Mettre les légumes sortis du bouillon dans une assiette profonde et leur adjoindre une noisette de beurre au piment d’Espelette. Disposer ensuite les blancs de poule et les cuisses puis la farce. Présenter la saucière avec la sauce qui avait été réservée au chaud. Si vous le souhaitez, verser une louche de bouillon de cuisson.
Gérard St-Louis
30 mai 2022 @ 01:56
Comme le faisan à la Sainte-Alliance immortalisé dans le roman « les Boussardel » de Philippe Heriat.
Pascal Hervé 🍄
30 mai 2022 @ 05:37
Prenez une recette intéressante et originale , mouillez la d’un peu de l’histoire d’une famille liée à l’Histoire , parsemez le plat de quelques belles images et vous obtiendrez un article délicieux et nourrissant comme celui-ci.
Merci !
Pascal HERVE
30 mai 2022 @ 09:40
Si j’ai bien compris , l’actuel duc Emmanuel a hérité le titre de son père Napoléon qui le tenait lui même de son frère Louis qui avait eu 6 filles .
Mais comment se fait-il qu’ils aient aussi samble-t’il hérité du château de Montgobert et pas les 6 filles en question ?
L’actuel duc ressemble un peu à un excellent ami de mes parents qui était d’origine espagnole , même moustache !
LPJ
31 mai 2022 @ 11:50
La famille possédait plusieurs chateaux. Il y eut donc partage. Napoléon le cadet eut Montgobert tandis que Louis l’ainé fut propriétaire de Bizy (qui était un château plus important). Une des filles du 5ème duc, Isabelle Vergé est désormais propriétaire du chateau de Bizy.
Pascal HERVE
1 juin 2022 @ 08:54
Merci LPJ .
Je n’avais d’espoir qu’en vous pour me répondre .
LPJ
2 juin 2022 @ 08:57
Merci
Mme Vergé a deux fils. L’un est marié à Véronique de Laguiche (d’où trois filles et un garçon de mémoire), l’autre à une Comtesse de Liedekerke-Beaufort (d’où une fille et deux garçons).
Pascal HERVE
1 juin 2022 @ 09:02
Je découvre grâce à vous ce domaine de Bizy qui est magnifique et possède une longue et riche histoire !
Fanfan
30 mai 2022 @ 06:20
On peut essayer long mais surement divin
JAusten
30 mai 2022 @ 07:30
C’est faisable au cookeo ? Bon je rigole 😉
Carole 007 - Carolus
30 mai 2022 @ 08:57
Hum…
Tout à fait dans mes goûts.
Helas, cela n’est plus d’actualité depuis de nombreuses années, la « norme » des grands chefs français c’est du light, en petite quantité, agrémenté de fleurs déposées délicatement par le chef avec une grande pince…
Nostalgie.
Fleur
31 mai 2022 @ 17:38
Oui et le tarif est inversement proportionnel à la quantité qui se retrouve dans l’assiette. Je n’aime pas du tout les plats trop copieux, mais il y a des limites.
Un étoilé de ma région a le toupet de proposer en entrée une carotte, bio of course, avec quelques épices à côté et c’est tout… Tout ça dans un menu à env. 90 euros, si je me rappelle bien. Des clients ont écrit que si on ne complète pas avec quantité de pain, on sort de là avec la faim.
Et dans le même endroit, le contenu des verres de vin à tarif élevé est égal à quelques gorgées… De tels agissements devraient être sanctionnés par les critiques gastronomiques.
Quand on voit les menus merveilleux que certains proposent à prix très doux (j’en connais un où c’est en dessous de 25 euros les 3 plats raffinés !).
Fleur
1 juin 2022 @ 11:56
Dans mes goûts également.
Beque
30 mai 2022 @ 09:20
Dugléré, après son service chez les Rothschild, reprit la direction des cuisines du restaurant « Les Frères Provençaux » au Palais-Royal, puis, en 1866, celles du « Café Anglais », situé à l’angle de la rue des Italiens et de la rue de Marivaux, où il mit au point le potage Germiny créé pour le comte Germiny, ministre des Finances, la poularde Albufera dédiée au maréchal Suchet, duc d’Albufera, ou le tronçon de barbue et la sole à la Dugléré. C’est dans son établissement, à l’occasion de l’Exposition universelle de 1867, qu’eut lieu le fameux « dîner des Trois Empereurs », le 7 juin 1867, qui réunit le tsar Alexandre II, le tsarévitch Alexandre, le roi de Prusse Guillaume Ier et le prince von Bismarck. Furent servis pendant huit heures : Potage Impératrice et Fontanges, Soufflés à la reine, Filets de sole à la vénitienne, Escalopes de turbot au gratin, Selle de mouton purée bretonne, Poulets à la portugaise, Pâté chaud de cailles, Homard à la parisienne, Sorbets au vin. Puis : Canetons à la rouennaise, Ortolans sur canapé, Aubergines à l’espagnole, Asperges en branche, Cassolette princesse.
Le sommelier Claudius Burdel avait choisi : un madère, un xérès, un Château-Yquem 1847, un Chambertin 1846, un Château-Margaux 1847, un Château-Latour 1847, un Château-Lafitte 1848, et, au dessert, du champagne Roederer frappé.
Le tsar s’étant plaint, à une heure du matin, de n’avoir pu goûter de foie gras. il lui fut répondu qu’on ne servait pas de foie gras, au mois de juin, dans la gastronomie française. Mais Dugléré en confectionna spécialement pour lui en octobre suivant.
Beque
30 mai 2022 @ 09:59
Le Café Anglais avait été nommé ainsi en hommage au traité de paix d’Amiens signé cette année-là avec l’Angeterre. À la fin du Second Empire, le Café Anglais était le plus snob de tous les cafés et le plus couru dans toute l’Europe. L’intérieur était décoré de boiseries d’acajou et de noyer et de miroirs clinquants patinés à la feuille d’or. Ses 22 salons et cabinets particuliers accueillaient une clientèle aisée, « en bonne compagnie ». Le salon du « Grand Seize », de coin au premier étage, vit défiler les plus hautes personnalités parisiennes et étrangères. Stendhal disait : « Trois soupers par semaine au Café Anglais et je suis au courant de ce qui se dit à Paris. »
Alfred de Musset, Alexandre Dumas et Eugène Sue étaient des habitués.
L’établissement a été détruit en 1913.
cerodo
3 juin 2022 @ 02:10
un peu tard mais merci Beque
Beque
3 juin 2022 @ 18:44
merci, Cerodo
lila🌷la vraie
30 mai 2022 @ 11:04
Merci cette recette est une merveille ! Quel régal !
Charlotte (de Brie)
30 mai 2022 @ 12:15
Sur la poularde à l’Albufera tout est dit, reste juste à se mettre aux fourneaux.
En revanche Dugléré amène à certaines découvertes.
Avant d’officier au Café Anglais , il fut cuisinier au « Trois Frères Provençaux » en compagnie de Casimir Moisson connu pour sa timbale à la Nantua, son tournedos Rossini entre autres.
Un mot sur « Les Trois Frères Provençaux » créé en 1786 par trois marseillais, qui étaient beaux-frères, rue Helvétius, aujourd’hui rue sainte Anne dans le 1er arrondissement de Paris.
Leur clientèle y appréciait particulièrement leur morue à l’ail et aux truffes. Barras y entrainait Bonaparte et le duc d’Orléans qui n’était pas encore Louis-Philippe y surprit ses quatre fils : Nemours, Joinville, Aumale et Montpensier dans un salon à l’entresol… salon qui porta par la suite le nom de : « Cabinet des Princes »
Sources : Histoire de Paris rue par rue, maison par maison de Charles Lefeuve 1875
Baboula
30 mai 2022 @ 17:27
Merci Charlotte de citer vos sources .cela donne envie de lire ce livre rue par rue .
Cosmo
30 mai 2022 @ 22:08
Le Café Anglais…mais c’est le restaurant de Babette.
Pascal HERVE
31 mai 2022 @ 09:12
Il me semblait bien …
Livre et film magnifiques tout comme out of Africa.
Charlotte (de Brie)
31 mai 2022 @ 21:41
« Le Festin de Babette », cher Cosmo et les fameuses cailles en sarcophage !
La merveilleuse Stéphan Audran.
Caroline
30 mai 2022 @ 23:32
Je ne peux pas commenter ici parce que je ne mange jamais du poulet.
Christian Lacour
31 mai 2022 @ 07:10
Utilisez une vessie de porc lavée, et préparée à l’eau de vie neutre, introduisez la volaille farcie avec la garniture fermez la vessie de façon la plus étanche possible avec de la ficelle à rôti et réduisez le temps de cuisson de 15 minutes et vous aurez un produit exceptionnel. Surtout procédez à l’ouverture de la vessie et à la découpe devant vos invités. Pour la sauce procédez comme indiqué.
Bien venu dans une cuisine oubliée
Christian
Beque
1 juin 2022 @ 09:34
Au secours !
LPJ
31 mai 2022 @ 11:53
A noter que par les Cambacérès, les Suchet d’Albuféra descendent des Bonaparte et plus précisément de Lucien, frère de l’Empereur Napoléon 1er.