Nous sommes dans la nuit du 16 décembre 1916. Dans les sous-sols du Palais Youssoupov, cinq personnes complotent pour assassiner Raspoutine : le prince Félix Youssoupov, le grand-duc Dimitri Pavlovitch, le député Vladimir Pourichkevitch, le lieutenant Sergueï Soukhotine et le docteur Stanislas Lazovert.
Des personnages de cire en reconstituent les différentes scènes
Grigori Raspoutine mort
Paysan du village de Pokrevskoïé (Sibérie), Raspoutine est venu à Saint-Pétersbourg en 1904. Jouissant d’une réputation de starets, il se rapprocha de la famille impériale dont il devint en quelque sorte le maître spirituel. Il se révéla seul capable de soulager les souffrances du tsarevitch Alexis, atteint d’hémophilie.
Peu à peu les relations devinrent publiques entre le couple impérial et Raspoutine, qui eut l’audace de se mêler non seulement des affaires de la famille mais aussi de celles d’importance publique. Un scandale éclata dont le dénouement dramatique ne tarda pas.
Pous sa participation au complot menant à l’assassinat de Raspoutine, Félix fut exilé dans son domaine de Rakitnoïé (près de Koursk) qu’il quitta peu après pour la Crimée. Après la révolution d’octobre 1917 il partit en émigration à l’étranger.
Le palais fut laissé aux soins de personnes de confiance. En 1917, il abrita le consulat de Suède, le consulat d’Allemagne dirigé par le comte Mirbach et la Commissions allemande de l’échange des prisonniers de guerre.
Le 22 février 1919, le journal Severnaïa Kommouna publia un décret du gouvernement soviétique signé par le commissaire de l’instruction publique Anatoli Lounatcharski, qui stipulait « Le palais de l’ancien prince Youssoupov, 92/94 quai de la Moïka, qui est un monument d’art et d’histoire et qui renferme une collection de tableaux d’importance artistique, est proclamé bien national et passe sous la juridiction du Commissariat de l’instruction publique, Département des musées et de la sauvegarde des monuments d’art et d’histoire »
Une commission spéciale formée pour dresser l’inventaire du palais découvrit dans les dépôts secrets plus d’un millier de tableaux signés des plus grands artistes européens, une collection d’instruments de musique comptant 128 pièces dont des violons faits par les plus grands maîtres italiens des 16è-18è siècle, un riche ensemble d’armes anciennes…. et des milliers d’oeuvre en tous genres.
L’archive littéraire également était conséquente : en tout 111 manuscrits rares, dont la valeur historique ne peut-être surestimée, furent remis le 26 septembre 1919 aux soins de Boris Modzalevski, conservateur en chef de l’Institut de la Littérature russe près de l’Académie des Sciences de Russie.
Plus tard, le 12 octobre 1925, on découvrit dans le cabinet du vieux prince, dans une niche secrète dissimulée par une étagère, 27 lettres d’Alexandre Pouchkine, dont 26 adressées à la fille de Koutouzov. En 1927, toutes ces lettres firent l’objet d’une publication spéciale.
Les livres de la bibliothèque, qui comptait plus de 8000 volumes, furent répartis entre la Bibliothèque Publique et la Bibliothèque de l’Académie des Sciences qui, entre autres livres, reçut une bible manuscrite datant de 1462.
Le 20 septembre 1919, une première exposition d’art fut organisée dans le palais transformé peu après en palais de la vie de la noblesse. Après la fermeture du musée en 1923, les pièces de cette collection unique furent réparties entre le musée de l’Ermitage, le Musée Russe, le Musée des Beaux-Arts Pouchkine de Moscou et d’autres musées.
En juillet 1925, le palais fut remis au syndicat des professeurs d’école de la ville de Leningrad et de sa région. Dès lors et jusqu’à aujourd’hui, il abrite le Palais de culture des enseignants.
Le 20 mars 1925, une résolution du Comité Exécutif Central de la République de Russie mit le palais sous la protection de l’Etat en tant que monument d’art et d’histoire d’importance nationale.
Il n’y a aucun doute que le palais Youssoupov a eu un destin heureux.
A partir de septembre 1941, le palais abrita un hôpital. Le bombardement nazi de septembre 1941 endommagea plusieurs salons et, en décembre 1941 un obus perça le toit et les combles du théâtre.
Le drame historique que subit la ville engendra un puissant mouvement visant à la sauvegarde et au renouveau de ses trésors d’art et d’architecture.
Au palais Youssoupov, les premiers mesurages eurent lieu dès l’automne 1941 et en 1943 l’architecte A. Krotierieva réussit à mesurer le Salon Vert complétement détruit, tandis que I. Misak exécuta les dessins de fixation de nombreux autres salons
Diorama du siège de Leningrad, dans le Musée de la Grande Guerre patriotique Moscou
Esquisses du mobilier et des ornements du palais.
Le Salon Vert
En juillet 1945 commença l’activité de l’atelier de restauration et en 1946 l’administration du palais Youssoupov obtint du gouvernement russe le premier million de roubles destiné à la restauration de l’édifice.
Au cours des travaux de restauration effectués de 1946-1955 sous la direction des architectes I. Benois et V. Saskov et du peintre N. Pertsev, on réussit à reconstituer le décor de nombreuses salles, de l’escalier d’honneur et du Foyer du théâtre.
En 1947, on aborda le problème de l’extraction de l’obus qui demeurait toujours dans le cintre du théâtre….. la tâche fut réalisée avec brio, préservant ainsi le théâtre de la destruction totale. La Salle Mauresque, sous la direction de F. Vassiliev, retrouva toute sa splendeur exotique.
A la fin des années 1960 et au début des années 1970 les travaux de restauration effectués ont reçu un caractère planifié : décapage, emploi de méthodes et technologies modernes…
Ainsi, lors de la restauration du théâtre, la brigade de doreurs dirigée par E. Chichalova découvrit une tonalité particulière de la dorure primitive et utilisa de l’or mussif d’une rare teinte verdâtre.
Les travaux effectués dans les années 1980-1990 permirent de reconstituer dans le Salon des Tapisseries le décor des murs imitant les boiseries sculptées, ainsi que les moulures du plafond.
Dans le cabinet du vieux prince, les restaurateurs dirigés par R. Bytchkov découvrirent, sous plusieurs couches de repeints postérieurs, la peinture originale du plafond exécutée un siècle auparavant par l’artiste français Auguste Rouilly
Certaines salles du palais furent restaurées en plusieurs étapes : ainsi la Salle de Danse, dont tout le décor relève du classicisme pur, commença en 1946 puis dans les années 1950 pour terminer en 1989.
On réussit à reconstituer le dessin original du sol marqueté en bois de chêne, de noyer, de bouleau et d’acajou. Les murs portent de grandes glaces qui créent une illusion d’infini, et les maîtres verriers de la Verrerie de Léningrad reconstituèrent les balustrades qui les flanquaient à partir d’une seule.
Le travail des doreurs fut aussi primordial. Un magnifique lustre en bronze doré à 132 branches disposées en 6 rangées, décoré de pendeloques en cristal ainsi que huit appliques à 15 branches chacune furent reconstitués par une groupe de restaurateurs dirigé par G. Yanovski. L’éclairage de la salle est complété par 94 lampes dorées installées le long des murs et au-dessus de la corniche
La restauration du palais a continué… il est fréquenté par ceux qui aiment la musique classique, les spectacles au théâtre du palais, bals, réceptions, salons musicaux et poétiques…
Aliona Permiakova, historienne et guide au palais, affirme que les touristes sont avant tout frappés par l’ambiance. Ici, il est en effet possible de ressentir l’atmosphère spéciale d’une demeure aristocratique.
« Un grand nombre des objets exposés appartenaient non seulement aux princes Youssoupov, mais ont aussi conservé leur agencement dans les intérieurs, comme avant la Révolution et l’émigration de leurs propriétaires. Et c’est justement cette impression d' »espace de vie » que la plupart des visiteurs reçoivent lorsqu’ils viennent au palais et apprennent son histoire », souligne-t-elle. (Merci à Pistounette – Le texte de ce sujet est inspiré du livre « Le Palais Youssoupov – 94, quai de la Moïka -Saint-Pétersbourg » de Galina Svechnikova, Directrice du Palais Youssoupov)
Robespierre
29 avril 2021 @ 07:44
Magnifique.
Leonor
29 avril 2021 @ 08:13
Pistounette, rien d’autre à vous dire que merci, et encore merci.
Trianon
29 avril 2021 @ 08:25
Splendide reportage, merci infiniment
aubépine
29 avril 2021 @ 08:37
Il fallait avoir une fortune considérable pour être propriétaire d’un tel palais , et se marier avec une nièce du tsar était encore un plus !
Léa 33
29 avril 2021 @ 08:58
Bonjour
Merci pour ce reportage très intéressant. C’est passionnant de découvrir ainsi la vie de ce palais, les aléas de l’Histoire.
DEB
29 avril 2021 @ 09:03
Merci Pistounette.
« Raspoutine eut toujours soin de se faire très exactement renseigner sur tout ce qui se passait à la Cour et sur les sentiments intimes des souverains. Ses paroles prophétiques ne venaient donc, le plus souvent, que confirmer les vœux secrets de l’impératrice. De fait, sans s’en douter, c’était elle qui inspirait « l’inspiré », mais ses propres désirs en passant par Raspoutine prenaient à ses yeux la force et l’autorité d’une révélation. » extrait du livre Raspoutine d’Alexandre Sumpf page 137.
Menthe
29 avril 2021 @ 09:52
Superbe reportage sur ce palais, merci.
Donc j’en déduis que la famille Youssoupov a dû tout abandonner à l’état russe?!
Bambou
29 avril 2021 @ 12:23
Ils ont dû en mettre un bon paquet de côté pour partir en exil…….
Laurent
29 avril 2021 @ 22:26
Faux archi faux
Ils ont tout perdu ou presque
Toutes les collections tous les bijoux tous les biens de la famille en Russie ont été confisqués
Le prince Youssopov et sa famille ont vécu grâce au livre sur l’assassinat de Raspoutine écrit par le prince
La majorité des russes en exil ont vécu dans la misère
Gérard
30 avril 2021 @ 15:48
La nuance est dans le presque mais vu la fortune qu’ils avaient avant la révolution on peut considérer en effet qu’ils ont frôlé le dénuement. En tout cas ce couple a été courageux.
tristan
29 avril 2021 @ 12:00
Excellent reportage, vous nous faites voyager en cette période immobile, alors merci, c’est un beau cadeau.
Kaloutine
29 avril 2021 @ 12:27
Merci beaucoup pour cet article très intéressant, et les illustrations qui l’accompagnent.
Francois
29 avril 2021 @ 13:26
Ce palais est une de leurs résidences
A Moscou leur palais etait aussi extraordinaire
leur proprété d’ archangelskoié un univers genre Versailles
les youssoupov furent une des familles les plus riches de tous les temps
Le fameux Prince Félix qui assassina Raspoutine etait beau
très intelligent , un goût absolu , épousa la nièce du tsar
devenu l’héritier de la plus grosse fortune d’europe apres la mort
en duel de son frère .
Personnage de roman un peu !!
Gérard
29 avril 2021 @ 15:10
Xenia la petite fille du prince n’a jamais pu obtenir du président Poutine une indemnisation pour les pertes de sa famille néanmoins le président lui a fait donner la nationalité russe.
Gatienne
29 avril 2021 @ 15:12
En attendant de pouvoir voyager à nouveau et de visiter ces merveilles, vous guidez notre imaginaire dans de bien beaux décors, Pistounette ! 🤩
Merci à vous.
Cosmo
29 avril 2021 @ 16:32
Merci Pistounette !
Au risque de me répéter, je vais raconter une petite anecdote. le prince et la princesse Youssoupov étaient invités à une grande soirée à New York. L’hôtesse avait été prévenue, les invités aussi, qu’il ne fallait surtout pas parler de Raspoutine. Dans son émoi, à l’arrivée des Youssoupov, elle annonça « le prince et la princesse Raspoutine »…
Je ne sais pas si c’est vrai « ma si non é vero, ben trovato ».
Ciboulette
30 avril 2021 @ 15:31
Votre histoire en effet ne manque pas de sel , Cosmo !
Il suffit souvent qu’on s’interdise de dire quelque chose . . .pour le dire , en effet !
Robespierre
30 avril 2021 @ 18:55
Eclat de rire ! Très drôle mais finalement plausible.
Danielle
29 avril 2021 @ 17:10
Quel travail pour cette reconstruction d’un magnifique palais !
Merci Pistounette.
nck
29 avril 2021 @ 17:12
Merci à Pisounette pour ce reportage très complet.
Vitabel
29 avril 2021 @ 19:45
Merci pour cet article.
Caroline
29 avril 2021 @ 23:23
Très intéressant avec beaucoup de détails historiques ! Quand même effrayant avec Raspoutine !
j21
30 avril 2021 @ 13:01
Merci pour ce reportage que j’ai pris plaisir à lire.
Ciboulette
30 avril 2021 @ 15:37
Je ne suis pas du tout convaincue de la nécessité de tuer Raspoutine , et ce , de leurs propres mains . Ces nobles voulaient se substituer au pouvoir pour garder leurs privilèges et leurs richesses . Raspoutine a été mis à mort d’affreuse façon , et ils n’avaient pas à jouer les justiciers .Je n’ai jamais aimé le prince Youssoupov .
Gérard
1 mai 2021 @ 19:30
Il y avait aussi une inquiétude sans doute pour la Russie compte-tenu de l’influence de Raspoutine.
Nana
30 avril 2021 @ 18:19
Un grand merci pour ce magnifique reportage !
Agnese
2 mai 2021 @ 09:22
Je me souviens que le guide nous avait raconté comment Raspoutine avait été tué dans le sous sol du palais mais qu’il avait vraiment résisté avant de rendre l’âme. Dans un premier temps, ils l’avaient poignardé mais il ne meurt pas puis ils l’ont étranglé, Raspoutine résiste toujours…ensuite ils l’ont jeté dans la Neva glacée mais il résiste encore avant d’être achevé: une vraie force de la nature!!!