« L’heure des indulgences » est sévèrement jugée en cela qu’elle permit à certains clercs peu scrupuleux de s’enrichir : elle fit cependant partie des grandes heures de Lérins.
Après avoir déploré les abus, il est juste de rappeler que l’Eglise (evêchés et monastères) supportait seule la quasi-totalité des charges sociales
Dans toute la Provence, les pélerinages de Saint-Honorat ont excité la ferveur des foules jusqu’au 19è siècle et, rapporte un acte de 1449, « depuis un temps si long que le souvenir en est perdu ». Ce culte populaire reposait sur la réputation du fondateur et sur « l’armée des saints de Lérins », dont on allait vénérer les reliques.
Plusieurs papes, au 12è siècle, accordèrent des « indulgences » : la participation à l’achèvement du monastère fortifié vaudrait la même indulgence qu’un voyage en Terre sainte, le droit d’inhumer dans l’île…
Grégoire XI (en 1376) puis Adrien IV (en 1522) et tous leurs successeurs les confirmèrent en ajoutant que « tous ceux qui visiteraient l’île sept ans consécutifs auraient l’indulgence des pénitences dues pour tous les péchés ». Les sept chapelles extérieures jouirent des indulgences attachées aux sept basiliques de Rome.
Cette faveur populaire culmina au 15è siècle après le retour du corps de Saint-Honorat à Lérins, en 1391 et d’immenses pélerinages se créèrent pour la St-Honorat (le 15 janvier), la saint Benoît, la saint Porcaire et à Pâques.
Pèlerins au repos
Les pèlerins (romieux) chantaient : « Ecoutez, amis très chers, le départ des pèlerins, qui s’en vont pleins d’allégresse vers les îles de Lérins, profiter des indulgences du glorieux Saint-Honorat : imitez la pénitence de ce bienheureux évêque »
L’île était en fête ! C’est bien l’impression de joie exubérante que donnait alors Lérins. Le romérage… la joie populaire ! Tous ceux qui avaient un peu d’argent de côté le donnaient au monastère et la prière montait, joyeuse, fervente, gonflée de foi et de reconnaissance… ce qui n’empêchait pas de faire ripaille.
Représentation de l’ile sacrée dans l’ouvrage de Vincent Barralis « Chronologia Lerinensis » – 1613
La procession faisait le tour de l’île en passant par les sept chapelles pour aboutir à la grande église majeure Saint-Honorat, où l’abbé célébrait un office solennel. Puis il bénissait les fameuses palmes coupées aux palmiers du monastère et les distribuait aux pèlerins qui venaient pour la 7è fois.
Ceux qui n’avaient pas droit à la palme avaient « l’erbo dou pardoun« , l’herbe de l’indulgence, de la cinéraire maritime.
Les Cannois, quant à eux, ayant la possibilité de venir souvent à Lérins, étaient surtout attachés au privilège de la sépulture, et, du 12è au 17è siècle, l’Île des saints fut pour la quasi-totalité d’entre eux, le cimetière d’élection.
La navigatrice Florence Arthaud est enterrée dans ce cimetière communal de Sainte-Marguerite, au côté de son frère Jean-Marie (navigateur qui s’était donné la mort à bord de son bateau au large d’Antibes en 2001).
Après « l’heure des indulgences » vint « l’heure de la commende« .
Dans le régime de la commende, un ecclésiastique (abbé ou prieur « commendataire ») ou un laïc tient une abbaye ou un prieuré in commendam, c’est-à-dire en percevant personnellement les revenus de celui-ci, et, s’il s’agit d’un ecclésiastique, en exerçant aussi une certaine juridiction sans toutefois la moindre autorité sur la discipline intérieure des moines. (Wikipedia)
En 1400, alors que la chrétienté avait deux papes (Boniface IX à Rome et Benoît XIII à Avignon), Boniface IX nomma l’abbé Dom Rostan Monachi, contre l’avis de toute la communauté… qui avait opté pour le pape d’Avignon.
La décadence bénédictine fut accentuée par l’abandon de l’enseignement, qui passa entre les mains des prêcheurs dominicains, ordre mendiant que n’encombrait aucun domaine.
Au 13è siècle, le monachisme gravement atteint ne sera sauvé que grâce à l’admirable réforme cistercienne de Saint-Bernard, qui malheureusement ne touchera Lérins qu’au 19è siècle.
Des moines énergiques tentèrent d’enrayer la décadence, mais une mentalité qui portait à une jouissance égoïste, opposée à la rigueur altruiste de la règle accentua le déclin.
En 1464, le pape nomma abbé l’évêque de Grasse, Isnard de Grasse... le pas fut franchi, on ne choisissait même plus un moine ! A sa mort, en 1482 -la Provence venait d’être annexée à la France- le pape nomma un autre de ses favoris, Jean-André Grimaldi, qui résidait à Rome et délégua ses pouvoirs de…. percepteur à un intendant.
En 1501, il se démit de ses fonctions en faveur de son neveu Augustin Grimaldi. La fonction devenait héréditaire ! Sans doute le nouvel abbé jugeait-il les moines trop turbulents et il rattacha en 1515 l’abbaye à la congrégation italienne Sainte-Justine de Padoue, renonçant théoriquement à sa commende, s’en réservant en fait les revenus jusqu’à sa mort. L’abbaye en viager ! Ainsi Augustin Grimaldi conservait ses bénéfices en se débarrassant des moines.
Après de multiples péripéties… la ronde des commendes continua à tourner dans le fracas des épées, le tintement des écus et le ronflement des titres honorifiques !
En 1645, Anne d’Autriche, à l’instigation de Mazarin, nomme abbé de Lérins Armand de Bourbon, prince de Conti... puis ce dernier ayant, tout « abbé » qu’il était, épousé une nièce de Mazarin, le remercia de cet honneur en lui cédant la commende de Lérins.
Contrairement aux abbayes continentales, Lérins n’avait pas assez de terres irriguées pour permettre à une communauté de vivre autrement que dans la misère. Seize à vint moines, pillés par leurs « abbés » et persécutés par l’évêque de Grasse, s’accrochaient dans cette tour que tenaient quatre compagnies de soldats du roi. Tout le monde vivait de plain-pied : mêmes citernes, mêmes escaliers communs… mélange tout à fait incompatible !
Le 10 août 1787, à la demande de l’évêque de Grasse, Louis XVI signa à Versailles la sécularisation du monastère de Lérins, que Pie VI confirma aussitôt. Les fameuses reliques des saints de Lérins furent aussi dispersées aux quatre vents des paroisses, dans leurs reliquaires d’argent massif, dont les gouvernements révolutionnaires feront bientôt de la monnaie
Et le silence retomba sur l’île, rendue à sa nudité primitive ! La fermeture de l’Abbaye de Lérins fut douloureussement ressentie par la population avoisinante
Malgré les désordres de la décadence des derniers siècles, communs à toutes les abbayes européennes, le bilan de la Lérins bénédictine s’avérait positif. Grâce à Lérins, la population évolua plus vite qu’ailleurs, les abbés, assez libéraux, ayant très tôt accordé des franchises et favorisé l’action municipale de l’instruction
C’est ainsi que, pendant la tourmente révolutionnaire, le passage de la royauté à la démocratie se fit sans drame, malgré l’effondrement de la monnaie et d’affreuses famines.
Le cahier de doléances de Cannes, qui comptait alors 2400 hab, réclama seulement une meilleure organisation des moulins et un port-abri : aucune violence pendant la Terreur.
A partir de 1791, l’île fit l’objet de vente/revente entre particuliers avec moult procès… jusqu’à ce que le 2 janvier 1859, l’Île des saints revienne à l’église pour la somme de 55000 francs, rachetée par l’évêque de Fréjus, Mgr Henri Jordany... mais dans quel état !
Puis arriva « L’heure des cisterciens »
Le 9 février 1859, l’archevêque d’Arles et l’évêque de Fréjus célébraient le premier office religieux dans les ruines de l’abbatiale majeure, au milieu d’une immense foule.
Après 5 années de recherches, Mgr Jordany trouva enfin l’homme du destin, Dom Marie-Bernard Barnouin, abbé des cisterciens de Sénanque, moine austère et pur, vraie figure de missionnaire.
Faire revivre Lérins était une tâche immense, qu’il entreprit dans la plus grande pauvreté avec quelques moines. : tout était en ruine lorsqu’en 1872 ils se mirent au travail, encouragés par Pie IX.
L’ancienne église majeure étant irrécupérable, on en bâtit une nouvelle entre 1875 et 1878, sur les plans et les fondations de l’ancienne, l’architecte étant le lyonnais Laurent Vianay. Pour la façade, il s’inspira d’un dessin de Viollet-le-Duc reproduisant celle de l’ancienne église gothique.
Le cloître, le réfectoire et le chapitre de l’ancien monastère furent restaurés dans leur pureté primitive.
Et les vocations affluèrent, à tel point que Dom Barnouin et ses successeurs durent construire autour du cloître roman de vastes bâtiments abritant les cellules, le noviciat et l’hôtellerie, à l’est la ferme, les ateliers, la distillerie pour la lavande et la liqueur Lérina, enfin une imprimerie destinée aux orphelins.
La chapelle romane fut aussi restaurée.
La clé de la renaissance religieuse était dans cette qualité de la vie intérieure, son approfondissement, et la qualité du travail. Les moines bénédictins du 18è siècle étaient devenus, comme les aristocrates, des parasites. La Révolution les avait éliminés.
Les cisterciens de Lérins furent de rudes travailleurs : lever à 3h du matin, quatre heures de travail, la préoccupation essentielle demeurant axée sur la vie spirituelle. Le silence perpétuel, une nourriture saine, mais limitée (de la viande seulement le dimanche), le coucher à 20h. La règle est faite de prière (ora) et de travail (labora)
En 1901, la loi prévoit d’une part un régime de liberté pour la création des associations, d’autre part un régime d’exception pour les congrégations religieuses, qui dispose que chaque congrégation doit être autorisée par une loi, qu’elle doit se soumettre à l’autorité de l’évêque ordinaire et qu’elle peut être dissoute par un simple décret, selon l’article 13 de la loi (Wikipedia)
Elle aboutit à l’expulsion de la plupart des congrégations religieuses(4 sur 5), celle de Lérins fut épargnée à la demande des Cannois.
Une anecdote savoureuse. L’abbé de Lérins, dom Marie-Colomban « monta » à Paris présenter lui-même le dossier au président Clémenceau, réputé « bouffeur de curés ».
Après avoir examiné toutes les pièces, le Tigre glissa le dossier entre son siège et son postérieur « Ainsi, personne ne me l’enlèvera ! »
Puis il rendit son verdict « Les moines resteront. Vous mettrez seulement en sommeil l’imprimerie, la distillerie et l’orphelinat »
Et comme l’abbé lui exprimait sa reconnaissance : « Allez, mon Révérentissime Père ! Et n’oubliez pas que l’Etat est désormais votre seigneur ! Aussi j’exige chaque année une dîme symbolique… »
L’abbé, qui connaissait l’histoire, sourit : « Un chapon, Monsieur le Président ? »… « Je préfère les citrons », répondit Clémenceau.
Aussi tous les ans, jusqu’à la mort du Tigre, l’abbé de Lérins lui envoya à Paris une corbeille de ses plus beaux citrons !
Jusqu’en 1966, on pouvait voir les moines travailler en habit dans les champs… étonnant spectacle.
Pour plus de facilité, ils travaillent aujourd’hui en vêtements civils dans les champs : pour les offices ils ont heureusement conservé l’habit de Saint-Bernard.
Depuis 1971 le femmes peuvent entrer dans la partie du monastère réservée au public. : musée, église et hostellerie.
Depuis 1965 et Vatican II, le mot d’ordre est « ouverture au monde »… mais la déroute des vocations n’a cessé de s’accentuer et on est en droit de s’interroger.
Aujourd’hui quelque 120000 touristes visitent chaque année, et les trente moines entourant l’abbé subissent l’invasion de la civilisation des loisirs avec une sainteté admirable.
Les 8 hectares du vignoble de Saint-Honorat sont cultivés par les moines de l’Abbaye qui produisent de manière ancestrale leurs vins. 5 micro terroirs ont été définis et permettent un encépagement en rouge et en blanc. La magie opérée entre le cépage, le terroir et le climat permet de produire des vins de grande qualité, dans le respect des hommes et de la nature.
La distillerie, fermée en 1903 pour éviter les expulsions, au moment de la séparation des Eglises et de l’Etat en 1805, fonctionnera de nouveau après la Seconde Guerre mondiale. Elle existe encore aujourd’hui, équipée d’un magnifique alambic de 1948, piloté par le frère Giancardo, maître liquoriste, produisant des liqueurs réputées :
- lérinaverte aux arômes floraux intenses avec des notes de menthe, de verveine et d’anis
- lérinajaune plus empreinte de fleurs sauvages et d’écorce d’agrumes;
- liqueur mandarine,
- lérincello, aux arômes citronés et au nez subtil, fort prisée des voisins transalpins
- marc de Lérins.
Mais surtout, les moines ont développé et exploitent un vignoble de 8 hectares qui produit 12 000 bouteilles de liqueur et 35 000 bouteilles d’un vin d’exception vendu à de nombreux restaurants français étoilés, à l’Hôtel Matignon, au Palais de l’Elysée, à l’Assemblée nationale, mais aussiexporté en Europe et aux États-Unis, grâce au site Web de l’Abbaye.
Le Club des amis du vignoble de Saint-Honorat ne cesse de grandir, avec 1 680 membres dont le chef Alain Passard parmi les fondateurs. (merci à Pistounette – Source : « Les grandes heures des Îles de Lérins« de Jean-Jacques Antier)
Aldona
28 septembre 2021 @ 07:35
Un grand merci Pistounette pour ce reportage, et en plus nous avons droit à des détails « savoureux », concernant le Tigre et ses rapports avec le clergé, je ne savais pas que Florence Arthaud était enterrée dans le cimetière de Sainte Marguerite, au côté de son frère, ce fût fort intéressant à lire, merci
HRC
28 septembre 2021 @ 08:38
Instructif comme toujours, Pistounette.
Antoine
28 septembre 2021 @ 09:39
Reportage très intéressant et bien illustré. Explications claires. Merci ! Le système de la commende fut effectivement une calamité durant des siècles pour le monachisme. A noter que de nos jours les vocations sont plus nombreuses dans les monastères (pas tous certes) que dans le clergé séculier. Les jeunes sont généreux et avides d’exigence. Les moines et les moniales remplissent un rôle essentiel dans l’Eglise, ingrat, méconnu, souvent raillé et incompris. Leur lampe est sans cesse allumée, leur prière monte en un flot ininterrompu et je pense que c’est à eux que l’on doit que la protection divine ne nous fasse pas complètement défaut dans un monde qui se déchristianise au galop.
DEB
28 septembre 2021 @ 10:41
Merci.
Intéressant.
Pascal
28 septembre 2021 @ 10:48
Curieux personnage que Clémenceau aussi attachant qu’agaçant …
On raconte…
» A coté de son domicile parisien se trouvait un établissement de la compagnie de Jésus dans la cour duquel se trouvait un grand arbre , un Platane peut-être , qui faisait beaucoup d’ombre dans la demeure du « tigres » lequel s’en plaignait.
L’ayant su le supérieur fit couper l’arbre .
Clémenceau fut bien obligé de remercier … et il écrivit quelque chose comme :
» Mon père , je peux bien vous appeler mon père puisque vous avez montré pour moi une paternelle attention etc. »
A quoi le Jésuite répondit :
» Mon fils , je peux bien vous appeler mon fils puisque je vous ai donné le jour… »
Ciboulette
28 septembre 2021 @ 15:16
Merci , Pistounette , pour cet article intéressant qui fait vivre l’histoire d’une île que j’aime beaucoup .
JE
28 septembre 2021 @ 15:34
Un amour de réplique au bon mot du »père La Victoire ».
Beque
28 septembre 2021 @ 19:20
Oui, Pascal, cet échange épistolaire est connu. Connaissez-vous le musée Clemenceau à Paris (8, rue Benjamin-Franklin) ? Il a été installé dans l’appartement du rez-de-jardin où vivait le Tigre, de 1896 à sa mort en 1929. L’appartement est resté en l’état.
Pascal
29 septembre 2021 @ 11:29
Oui je le connais de nom et pour en avoir vu des images , notamment dans l’émission télévisée à laquelle je fais allusion dans mon commentaire rectificatif.
Je trouve que c’est très intéressant de l’avoir conservé en l’état .
C’est vraiment un personnage complexe que je n’arrive pas à détester bien que certains aspects de son action , son anticléricalisme en particulier ou ses propos sur la révolution , ne m’enthousiasment guère.
Il semblerait qu’il ait eu envers son épouse américaine une attitude déplorable qui ferait s’évanouir plus d’une « partisane moderne des hommes déstructurés » .
Il reste que beaucoup le considèrent comme un de nos plus grands hommes d’Etat .
Pascal
29 septembre 2021 @ 09:12
Je dois faire amende honorable :
En voulant vérifier cette anecdote que je crois avoir entendue dans une émission télévisée qui fut diffusée un 11 Novembre et qui semble exacte je me suis aperçu d’une imprécision à propos des lettres échangées ; Clémenceau aurait écrit : » Mon père je peux bien vous appeler mon père puisque vous m’avez donné le jour « , ce à quoi le Père supérieur répondit : » Mon fils ,je peux bien vous appeler mon fils puisque je vous ai offert le Ciel » .
Parfois on trouve mention que l’arbre était dans le jardin de Clémenceau , un arbre mort qui aurait fait de l’ombre aux Jésuites mais ça ne me paraît pas vraisemblable que le « tigre » (sans s) ait conservé un arbre mort dans son jardin car il aimait les jardins .
A propos de tigres j’ai aussi trouvé qu’il en aurait abattu trois tigres lorsqu’il séjourna chez le maharadjah de Bikaner , il en aurait offert les peaux à des dames vendéennes…
Pascal
28 septembre 2021 @ 17:57
30 moines par les temps qui courent c’est quand même quelque chose .
Il faut dire que le lieu nous parle des origines du Christianisme en Occident et que le cadre est remarquable .
Je crois que certains trouvent que le vin est un peu cher (je ne l’ai pas goûté) , s’ils ne manquent pas d’argent ils doivent au moins manquer de Foi…
nck
28 septembre 2021 @ 19:08
Merci Pistounette, c’est passionnant !
Beque
28 septembre 2021 @ 21:38
Hormis les moines de Lérins quelques rares religieux ne furent pas expulsés à la suite des lois de 1901 : les hospitaliers de Saint Jean de Dieu, les Pères blancs (du Cardinal Lavigerie) et les Trappistes. La photo la plus connue de ces événements est celle de l’expulsion des moines de la Grande Chartreuse, après que les portes de l’abbaye aient été enfoncées, le 29 avril 1903, à 2 h du matin, par un bataillon du 140e de ligne de Grenoble et deux escadrons du 4e dragon de Chambéry ainsi que des sapeurs de la gendarmerie. Plusieurs pays, entre autres, la Belgique, l’Angleterre, l’Italie et l’Espagne accueillirent ces religieux (et religieuses) français.
Pascal
29 septembre 2021 @ 11:22
Merci de le rappeler , ce moment, illustré par cette photo en effet très connue, reste présent dans nos mémoires.
La bibliothèque de Grenoble y gagna de précieux manuscrits , pour le reste je me demande quelle en était la nécessité , les pères Chartreux menant une vie d’une grande ascèse et très hors du monde.
Il est vrai qu’ils avaient un certain poids économique dans la région ayant été les promoteurs de certaines industries .
Pendant la guerre ils ont hébergé des fugitifs avec la complicité de la population locale , l’un deux me l’avaient raconté .
La même population locale qui s’opposa à leur expulsion ce qui imposa le recours à l’armée et la photo que vous évoquez.
Les ordres que vous citez comme ayant échappé à l’expulsion ça fait quand même très peu de monde !!!
Beque
29 septembre 2021 @ 12:00
Oui, Pascal, presque tous les religieux avaient dû quitter la France. Mon grand’père, qui était élève des Jésuites, s’était retrouvé pensionnaire à Jersey, mon grand’oncle, élève des Dominicains, pensionnaire à Saint Sebastien, les Bénédictins de Solesmes s’étaient réfugiés à l’abbaye de Quarr sur l’île de Wight… On pourrait énumérer tous les lieux d’exil.
Vous avez raison pour le courrier échangé par Clemenceau et le Père supérieur, la première lettre parlait de « jour », la réponse de « ciel ».
Beque
30 septembre 2021 @ 08:44
Pascal, puisque vous aimez approfondir les sujets – et moi de même – j’ajoute ceci :
Il y avait déjà eu une expulsion des congrégations, en particulier des Jésuites, en 1880, et de nombreux magistrats et officiers avaient démissionné.
Après la loi de 1901, la loi du 7 juillet 1904 interdit l’enseignement à tous les religieux. 2.500 écoles doivent fermer, les biens des congrégations sont séquestrés et environ 30. 000 moines ou sœurs sont contraints à l’exil.
Mais la Grande Guerre éclate. Le 2 août 1914, au lendemain de la déclaration de mobilisation générale, ces lois anti-congréganistes sont suspendues par une circulaire du ministre de l’Intérieur, M. Malvy.
Les 9.323 religieux revenus d’exil sont mobilisés. 1.237 d’entre eux seront blessés et 1.571 perdront la vie dans les combats.
Moins de six ans après la fin de la guerre, le nouveau président du conseil, Edouard Herriot, annonce, le 2 juin 1924, l’expulsion des congrégations.
En réponse à ces mesures, deux mois plus tard, la ligue DRAC (Droits du Religieux Ancien Combattant) est fondée, le 2 août 1924, par Dom Moreau (moine bénédictin de l’abbaye de Ligugé, ancien aumônier militaire grièvement blessé et gazé) dont le but est d’obtenir « la reconnaissance des libertés individuelles des religieux anciens combattants ». En octobre, le Père Doncoeur publie une lettre ouverte à Herriot « Pour l’honneur de la France, nous ne partirons pas ». Aucun religieux ne quittera le territoire français.
Ces lois ne seront abolies que durant la seconde guerre mondiale. Le 3 septembre 1940, l’Etat français promulgue une loi levant les interdictions frappant les congrégations. Ce texte reprend un projet préparé à la fin de la IIIe République. Cette loi est maintenue à la Libération.
Nectar
29 septembre 2021 @ 09:04
Y ayant passé une petite semaine à l’occasion d’un camp SUF, nous avions également remarqué dans la partie du monastère dédiée aux expéditions, des caisses estampillées « Palais de Monaco ». Pas bien loin donc !
Aggie
29 septembre 2021 @ 09:55
Quelle histoire ! C’est passionnant, merci Pistounette
Danielle
29 septembre 2021 @ 15:08
Un bon cours d’histoire, merci Pistounette.
JAusten
30 septembre 2021 @ 09:40
ouh quelle histoire ! merci de nous l’avoir racontée
Gérard
30 septembre 2021 @ 16:30
Magnifique reportage merci beaucoup. Pour la tombe de Florence Arthaud elle ne renferme pas la totalité des cendres de celle-ci. Après les obsèques à Saint Séverin à Paris une partie des cendres est allée dans le petit cimetière de Sainte-Marguerite dans le tombeau où reposait déjà son frère mais une partie a été dispersée en mer.