Neuf-Brisach est une petite ville d’Alsace située à l’est de Colmar, tout près du Rhin et de la frontière allemande. Neuf-Brisach est connue pour ses fortifications réalisées au 17e siècle par le célèbre Vauban et classée à ce titre au Patrimoine Mondial de l’Unesco.
1697 marque la fin de la guerre de la ligue des Augsbourg avec un traité. A ce titre, la France perd la place forte de Brisach sur la rive allemande du Rhin. Pour cette raison, Louis XIV décide de faire construire une nouvelle place forte juste en face, pour prévenir toute invasion.
Les travaux commencent en 1699 et la place forte est en état de défense en 1703. Les terrassements sont réalisés par quatre régiments d’infanterie, en même temps que la maçonnerie et la charpente ; le décor des quatre portes fait l’objet d’un concours de l’Académie d’architecture, remporté par Mansard.
Vauban a mis en place trois systèmes de défense. Ces perfectionnements sont désignés sous le nom des « trois systèmes de Vauban« .
Ses principes de la guerre de siège – occuper rationnellement le terrain, employer judicieusement l’artillerie et épargner le plus de vies humaines – restent en usage durant deux siècles. Ses trois systèmes de fortification, qu’il élabore par touches successives en fonction des progrès qu’il apporte aux techniques d’attaque des places fortes, se distinguent par la multiplication des ouvrages extérieurs afin de renforcer la défense et de retarder la brèche dans le corps de place.
Le premier système consiste dans la reprise cohérente des théories de son prédécesseur, Blaise de Pagan, avec la mise en place d’un système de bastions se protégeant les une les autres, chaque face d’un ouvrage est protégé par les tirs du bastion voisin. Mais si l’un des bastions tombe, un trou s’ouvre alors dans la défense.
Le deuxième systèmemultiplie les enceintes de défense, met en place une enceinte extérieure, dite de combat et une enceinte intérieure, dite de sûreté. Le corps de la place et les remparts sont ainsi détachés des bastions, qui forment une sorte de ceinture défensive indépendante.
Cette enceinte extérieure est d’élévation supérieure à l’enceinte intérieure : ainsi, l’adversaire ne peut lancer l’artillerie que sur la première enceinte, qui cache la seconde. De plus, ce système intègre une nouvelle innovation : les tours bastionnés sur les remparts. Chaque élément du système défensif a sa mission de défense, en fonction de l’étagement des feux, tir rapproché ou action lointaine. Besançon constitue un des premiers exemples de ce système.
Le troisième système consiste en le simple perfectionnement du système précédent, visant à augmenter encore la résistance de la place. Neuf-Brisach est la seule mais magnifique illustration de ce système..
L’œuvre de Vauban témoigne de son implication forte et évidente dans la conception et le suivi de ses projets. Le roi Louis XIV seul en décidait la réalisation. Malgré ses nombreux déplacements, Vauban exigeait d’être parfaitement informé de l’avancement des travaux et défendait avec conviction ses propositions face aux ingénieurs sur place ainsi qu’à ses supérieurs.
C’est Louis XIV lui-même qui, parmi les trois projets soumis par Vauban, choisit le plan octogonal qui est parvenu jusqu’à nous et qui lui coûta 4 millions de livres. Un canal est spécialement creusé jusqu’aux Vosges pour acheminer le grès rose nécessaire à la construction.
L’objectif était de multiplier les ouvrages extérieurs afin de renforcer la défense et de retarder la brèche dans le corps de place. Vauban considérait que chaque projet nécessitait une adaptation constante au terrain.
Sur le plan urbanistique, des principes simples régissent l’organisation interne : offrir des circulations pratiques pour que lieux du commandement, du combat et de l’activité civile s’intègrent harmonieusement sans se gêner.
Quarante-huit îlots de maisons s’organisent autour de la place d’arme centrale, distincte de la place du marché. Les casernes encadrent le lotissement. La petite cité tirée au cordeau annonce clairement la couleur : c’est une place-forte militaire et il lui faut des soldats ! On promet des privilèges et des exemptions d’impôts dès 1698 aux familles qui viendraient s’installer. Dans les casernes, on pouvait loger plus de 3 000 soldats et plus d’une centaine de chevaux !
Il faudra attendre le 11 octobre 1731 pour voir la pose de la première pierre de l’église Saint-Louis (terminée en 1736). La mairie sera est achevée en 1758.
Durant sa vie, Vauban aura passé 53 années au service de Louis XIV, construit 130 places fortes et villes fortifiées, participé à plus de 50 sièges et parcouru 108 000 kilomètres. Neuf-Brisach est la dernière ville fortifiée créée par Vauban sur ordre de Louis XIV pour la sécurité de l’Alsace.
Proche de l’Allemagne, elle sera investie en 1814 et 1815 par ses voisins allemands puis assiégée en 1870. Le 10 novembre 1870, après 33 jours de siège, Neuf-Brisach hissait le drapeau blanc au sommet de l’église. Au matin, ordre fut donné par le commandement supérieur de mettre hors service toutes les pièces de 24 qui armaient le corps de la place de Neuf-Brisach. Cette besogne qui privait définitivement la ville de tout moyen de défense fut exécutée sous une effroyable pluie d’obus.
La veille, l’abbé Soenhlin, envoyé parlementaire, avait sollicité en vain auprès de l’ennemi l’autorisation de faire sortir les femmes et les enfants, car la prise du bastion avancé en face de Vieux-Brisach, le Fort-Mortier, le 7 novembre et la mort, sur les remparts, du commandant d’artillerie Marsal, le 6 novembre, ne laissaient plus aucun doute quant à l’issue de la bataille.
La Citadelle est partiellement détruite par les bombardements. La garnison de 5500 hommes ne parviendra pas à lutter contre les assaillants allemands. Le traité de Francfort est signé entre la France et l’Allemagne le 10 mai 1871 et met fin à la guerre franco-allemande de 1870-1871, ce qui entraîne la perte de l’Alsace et d’une partie de la Lorraine.
Devenue allemande la garnison de Neuf-Brisach abrite le 142ème régiment d’infanterie badois, le 66ème régiment d’artillerie badois et l’école des sous-officiers. La citadelle est reconstruite et sera modernisée par les allemands dès 1875 pour s’adapter à l’évolution de l’artillerie et des stratégies militaires avec notamment la pose d’une couche de 80 cm de béton sur les tours bastionnées.
Trois bastions sont équipés de tourelle de guet en acier blindé. La citadelle est complétée par un ensemble de forts et d’ouvrages d’infanterie disposés en arc de cercle dans un vaste périmètre autour de ses remparts. Ce régiment occupa les lieux jusqu’à l’ouverture des hostilités en 1914.
En novembre 1918, c’est le retour de l’Alsace et de la Moselle à la mère patrie.
Se succéderont alors diverses unités, de 1919 à 1928 les 2ème et 4ème Bataillon de Chasseurs à Pieds, de 1928 à 1934 le 4ème Bataillon de Chasseurs à Pieds, remplacé de 1934 à 1936 par le très glorieux 152ème Régiment d’Infanterie surnommé par les allemands « Les diables rouges », puis à la veille du second conflit en 1938, c’est la formation du 42ème et 28ème Régiment d’Infanterie des Forteresses.
Le 15 juin 1940, les allemands franchissent le Rhin entre Marckolsheim et Neuf-Brisach après de violents combats. La zone la plus puissamment défendue est celle de Neuf-Brisach, qui présente les ponts et points de passage sur le Rhin les plus importants, ainsi qu’un route et une voie-ferrée directe vers Colmar. La population civile ayant été évacuée, l’armée allemande fit de Neuf Brisach l’un des plus grand camp de prisonnier de France. Le 21 juin 1940, l’auteur, Marcel Poisot, un officier de l’Armée française, est fait prisonnier par les Allemands à Corcieux (Vosges). Dans son ouvrage « Prisonniers à Neuf-Brisach « il décrit ses conditions de détention au camp tristement célèbre de Neuf-Brisach. rr
En février 1945, Neuf-Brisach redevient à nouveau une ville française après avoir « accueilli » l’ Ecole des sous-officiers du Génie Allemand. Mais la citadelle paiera un lourd tribu des bombardements alliés. Elle sera en grande partie détruite par les américains cette fois-ci. La commune a été décorée le 11 novembre 1948 de la croix de guerre 1939-1945 avec étoile d’argent.
S’ensuivent plusieurs vagues de reconstruction et de restauration dont la plus ressente en 2017 concernait l’amélioration de l’accès aux casemates et leur sécurisation, l’aménagement d’une tour bastionnée pour y accueillir des manifestations, et la continuité de la restauration des remparts, ceinture intérieure et extérieure, la rénovation extérieure de l’Hôtel de Ville et des réparations de toitures de l’église Saint Louis
Une ligne de chemin de fer locale sera construite au dessus du glacis des fortifications. Elle est aujourd’hui désaffectées et réservée à un train touristique. L’enclavement de la ville derrière ses fortifications reste encore aujourd’hui un frein à son extension. La garnison est fermée en 1992.
La visite de la ville fortifiée à la forme parfaitement octogonale laisse imaginer l’ampleur qu’ont pu prendre les travaux lors de la construction de celle-ci avec les moyens de l’époque. Ses impressionnants remparts, sa place d’Armes, ses tours bastionnées, son fossé, son enceinte de sûreté, ses tenailles, ses contre-gardes et son canal Vauban élaboré tout spécialement pour acheminer directement les pierres en grès nécessaires à sa fondation depuis les Vosges sont à ne pas manquer.
Le Musée Vauban retrace le passé de la ville. Y sont expliquées l’histoire et la construction de la forteresse par de nombreux plans et documents sur les techniques de construction.
L’Église Royale Saint-Louis possède un calvaire du XVIIème siècle et surtout un très beau maître d’hôtel baroque.
Un Musée d’art urbain et de street art (MAUSA), le 2e en France, a été installé dans les remparts Vauban! Le marché de Noël de Neuf-Brisach est très réputé. L’authentique Marché de Noël de l’an 1700 y est reconstitué chaque année. Il s’agit d’une crèche vivante, de 80 artisans en costume d’époque.
Visite guidée au départ sur la Place d’Armes, en face de l’Office de Tourisme, organisée par Office de Tourisme Pays Rhin Brisach. (Merci à Guizmo)
Nycrab
18 octobre 2021 @ 08:08
Je n’ai jamais vu une ville aussi morte que Neuf-Brisach.
Jean Pierre
18 octobre 2021 @ 11:24
J’allais l’écrire.
Allez donc de l’autre côté à Breisach, c’est plus sympa.
Aldona
18 octobre 2021 @ 08:41
Merci Guizmo, j’apprends plus avec votre reportage que lors de ma visite dans la région
Caroline
18 octobre 2021 @ 10:14
Très intéressant et fort instructif !
Merci à Guizmo pour ce reportage historique !
Leonor
18 octobre 2021 @ 10:59
Loouis XIV avait voulu l’Alsace ( Traité de Westphalie 1648) essentiellement pour s’en servir comme d’un glacis.
Ce qui fut fait, d’où la construction de structures défensives comme Neuf-Brisach, de la Citadelle (Vauban) à Strasbourg, de Fort-Louis (*), entre autres, que je n’ai pas en mémoire.
(*) http://www.fort-louis.fr/la-commune/fort-louis.html
Cependant, ou justement à cause de cela, Louis XIV a soigneusement évité de » toucher aux affaires d »Alsace » . Exemple majeur : la révocation de l’Edit de Nantes ne s’appliqua pas à l’Alsace.
Il n’y eut pas non plus de réelle pression sur la langue. Hormis les cercles aristocratiques, l’Alsace resta essentiellement germanophone.
Ce ne fut sans doute pas par magnanimité, mais plus probablement par intelligence politique.
Intelligence politique que n’eut pas la IIIe Républlique en 1918.
J’avoue ignorer comment Louis XIV en décida ainsi, si c’est de lui-même, ou sur un bon conseil. De qui ? Intéressante question.
Karabakh
18 octobre 2021 @ 11:17
« le décor des quatre portes fait l’objet d’un concours de l’Académie d’architecture, remporté par Mansard. »
Nos yeux remercient l’Académie d’architecture mais, paradoxalement, qui d’autre que Mansard aurait pu remporter ce concours, en étant le protégé du Roi? Heureusement que l’homme avait beaucoup de talent ; ce serait aujourd’hui, j’aurais plus de craintes sur le résultat final…
Comme le dit @Nycrab, Neuf-Brisach est une ville morte. C’est sans doute le plus grand mouroir d’Alsace!
Merci pour cet article, malgré mes doutes sur l’originalité du texte (comme toujours), et des tournures orthographiques et grammaticales qui font un peu mal aux yeux.
HRC
18 octobre 2021 @ 11:51
J’ignorais une bonne partie de l’histoire de Neuf-Brisach. Merci Guizmo.
Jean Pierre
18 octobre 2021 @ 12:57
Continuez d’ignorer chère Mayg, le touriste n’est pas le bienvenu à Neuf Brisach.
HRC
19 octobre 2021 @ 22:26
Mayg. ?
Jean Pierre
20 octobre 2021 @ 11:25
Gloups !
Mais vous m’êtes tout aussi chère.
Ciboulette
18 octobre 2021 @ 13:48
Je suppose qu’il faut lire » maître-autel baroque » , la présence d’un maître d’hôtel en ce lieu me paraissant plutôt loufoque !
COLETTE C.
18 octobre 2021 @ 16:48
Merci de nous faire connaître cette oeuvre de Vauban.Magnifique !
l'Alsacienne
18 octobre 2021 @ 18:07
En effet, Neuf-Brisach, ville morte.
En face, Vieux-Brisach (Breisach), plus animée, offre de belles promenades avec vue sur le Rhin.
Guy Coquille
19 octobre 2021 @ 10:37
« L’Église Royale Saint-Louis possède un calvaire du XVIIème siècle et surtout un très beau maître d’hôtel baroque. » Erreur de transcription pour « un très beau maître-autel baroque. »
HRC
19 octobre 2021 @ 11:48
Bien sûr, et franchement quelle importance ?
Merci à Guizmo.