Voici la carte postale du château fort de Blandy-les-Tours par Guizmo. « Le château fort de Blandy-les-Tours est l’un des derniers témoins de l’architecture militaire médiévale d’Île-de-France.
Construit entre la fin du XIIe et la fin du XVIe siècle, c’est un témoin unique de la guerre de Cent ans, place forte des vicomtes de Melun. Entourée de fossés, le château de Blandy a été relevé de ses ruines pour retrouver son panache architectural d’origine.
Une restauration d’envergure, menée par le Département de Seine-et-Marne, propriétaire du château depuis 1992, a redonné vie à la forteresse. L’archéologie et les évolutions architecturales du bâti figurent au cœur du projet muséographique.
Le château se visite. On découvre dans la salle d’exposition permanente l’histoire du château, illustrée par une sélection d’objets archéologiques.
Le site de Blandy est fréquenté dès la préhistoire. Les fouilles archéologiques ont révélé la présence de groupes sédentaires, il y a 5 000 à 7 000 ans. Puis, dans l’antiquité, le site appartient à un dénommé Blandius qui donnera son nom à la commune de Blandy.
En 1216, des manuscrits attestent qu’il appartient au vicomte de Melun, Adam II de Chailly et se réduit à un manoir seigneurial à enceinte irrégulière.
Au XIVe siècle, le château est fortement modifié avec de nouvelles fortifications et structures de défense : un fossé est creusé et une nouvelle tour-porte, avec pont-levis à flèches, est percée dans le mur d’enceinte.
Les rois Charles V ( de 1364 à 1380) et Charles VI (de 1380 à 1422) financent aux propriétaires successifs du château, les aménagements du château fort. Un donjon haut, défendu par deux pont-levis, est édifié. L’enceinte est modifiée par l’ajout de nouvelles tours et de courtines neuves.
Toutes ces modifications ont lieu durant la Guerre de Cent Ans. Le comté de Melun appartient au domaine royal. Une telle place forte est donc l’expression du pouvoir royal, mais occupe aussi une position stratégique pour la surveillance d’une frontière partagée avec l’impétueux comte de Champagne.
Le château de Blandy-les-Tours fut agrandi au XVIe siècle par François II d’Orléans. Le château devient dès lors une demeure de plaisance. La résidence est aménagée au goût de l’époque : galerie, jeu de paume, aménagements de confort, décoration des logis, jardin d’agrément.
Le château de Blandy-les-Tours constitue un lieu de mémoire du protestantisme en France. Au XVIe siècle, le château est un bastion de l’esprit réformé dû à l’émergence, dans le diocèse de Meaux, des tous premiers courants réformés français de l’Histoire et le maintien d’intérêts patrimoniaux des seigneurs de Blandy. Blandy dépend de l’évêché de Meaux.
L’évêque de Meaux, Guillaume Briçonnet, mène une vie qui détonne avec celle des hommes d’église de son temps : il abandonne la vie de cour et décide de vivre dans son diocèse.
En 1521, le cénacle de Meaux est fondé à sa demande par l’entremise de son vicaire et ami Jacques Lefèvre d’Étaples. Cette école de Meaux se donne pour but de réformer la vie d’église par le rétablissement de la discipline ecclésiastique, l’astreinte à résidence des curés dans leur paroisse ainsi que leur formation théologique.
L’instruction théologique des prêtres est en effet essentielle à la mission pastorale qu’ils doivent mener auprès des fidèles. En cela, cette œuvre préfigure les réformes du concile de Trente.
À côté de ces réformes institutionnelles on s’attaque à la traduction des textes de la Bible en langue vernaculaire afin de les rendre accessibles au plus grand nombre; on révise les traductions anciennes des textes et on propose de nouveaux commentaires pour ces nouvelles versions.
Les franciscains alliés aux Docteurs de la Sorbonne s’opposent à ce mouvement de réformes. L’Université de Paris, attachée aux traditions pédagogiques et réflexives médiévales, considère que les réformes engagées sont ambiguës et ouvrent la voie à des interprétations non conformes au magistère de l’Eglise.
Elle parvient à mettre fin aux activités du cénacle de Meaux et provoque la dispersion de ses membres si ce n’est leur disparition. Cette première entreprise de restauration et de réhabilitation des ouvrages de l’esprit et de la Religion trouvera, de manière détournée, sa réalisation dans la création du Collège des lecteurs royaux (notre actuel Collège de France) fondé en 1530.
Lors du mariage de la princesse Marie de Clèves (personnage distinct de La Princesse de Clèves) avec Henri Ier de Bourbon, deuxième prince de Condé, en août 1572, Blandy réunit la fine fleur de l’aristocratie huguenote parmi laquelle se trouvent le jeune prince Henri de Navarre, futur Henri IV, ou encore l’amiral de Coligny.
C’est cette même cour qui, quelques semaines plus tard, est conviée à Paris au mariage d’Henri de Navarre avec Marguerite de Valois, cette cour encore qui périt presque entièrement pendant le massacre de la Saint-Barthélemy.
La fille de Jacqueline de Rohan, Françoise d’Orléans, fait, elle aussi, un mariage protestant en épousant Louis Ier de Bourbon, prince de Condé et duc d’Enghien, le chef du parti calviniste, mais abjure la foi réformée après la nuit du 24 au 25 août 1572. Ainsi le protestantisme dans la Brie s’éteint-il avec Jacqueline de Rohan.
En 1707, le maréchal de Villars, propriétaire du château de Vaux-le-Vicomte, achète la terre et le château de Blandy.
Les communs de Vaux-le-Vicomte ayant essuyé un incendie, le maréchal décide d’utiliser le château de Blandy pour la reconstruction des communs. Non seulement il fait étêter toutes les tours médiévales et réemploie les charpentes à Vaux, mais encore il fait abattre les courtines pour combler les fossés. Le château est transformé en ferme ce qui accélère sa ruine.
Les toitures des corps de logis s’écroulent, les parapets sont détruits, la grande tour-porte éventrée pour agrandir l’accès. Une maquette se situe dans la salle d’exposition permanente, à l’entrée du château, après la boutique. Les parties blanches représentent des anciens bâtiments, ayant été détruits, mais dont les traces au sol sont visibles dans la cour.
En 1764, le château est revendu à Choiseul, ministre de Louis XV. Vient la Révolution française. Le château n’est pas inquiété car il ne présente plus aucun signe de féodalité.
En 1883, la commune de Blandy le rachète grâce à un don généreux de son maire Pierre-Charles Tuot. Cette enceinte ruinée et vide de tout bâtiment est alors classée monument historique en 1889.
Au milieu du XIXe siècle, les ruines du château suscitent l’intérêt des érudits locaux. En 1883, le comte Choiseul-Praslin accepte de vendre le château à la commune. Six ans plus tard, il est classé au titre des Monuments historiques. Mais le château atteint très rapidement un état de ruine critique. Ce n’est qu’en 1986 qu’un projet de restauration est élaboré. Son rachat au franc symbolique par le Conseil Départemental de Seine-et-Marne en 1992 va permettre sa concrétisation.
Rares éléments de confort conservés, les cheminées équipent systématiquement les tours du XIVe siècle. D’autres indices trouvés en fouille permettent d’en localiser dans des bâtiments disparus.
Aujourd’hui, le château en possède encore 17, alors qu’on en comptait
au moins 67 au XVIIe siècle. Les cheminées « intégrées » dans la maçonnerie
sont une caractéristique du XIVe siècle.
De nombreuses latrines accompagnaient les bâtiments et les tours, dès le XIVe siècle et plusieurs ont été fouillées entre 1996 et 2007.Le donjon et la tour des archives étaient pourvus d’une tourelle de latrines et tous les logis sont équipés de latrines du XIVe siècle au XVIIe siècle. Ces latrines sont « sur fosse », avec conduits desservant les étages.
Aucune latrine à encorbellement n’a été retrouvée à Blandy.
En septembre 2007, pendant les journées du patrimoine, le château a ouvert au public après deux ans de travaux.
Le parcours de visite se poursuit par la cour du château qui conduit au sommet du donjon, qui offre un panorama exceptionnel sur la Brie française. Un médiateur du patrimoine ouvre les portes de la prison du château.
Le château de Blandy propose une expérience au cœur d’un Moyen-Âge qui revit à l’occasion de nombreuses manifestations et accueille par ailleurs tout au long de l’année une programmation artistique et culturelle variée destinée à un large public : le May médiéval, le Festival Fetnat le 14 juillet, les Créneaux de la nuit, ciné en plein air en août, le Festival Pains d’Epices et Papillottes en décembre…
A l’issue de la visite du château je vous suggère une balade dans le village : l’église dont certains éléments datent du XVIIIème siècle, la maison du général Schobert tire, elle, son nom d’un Baron d’Empire, commandant de la Légion d’honneur qui s’illustra dans de nombreuses campagnes napoléoniennes. Il repose aujourd’hui au cimetière de Blandy.
Le lavoir public date de la fin du XVIIIème siècle. Il a été aménagé sur un ruisseau qui descend la pente naturelle de la vallée jusqu’au ru d’Ancoeur.
La Place du Colombier. Au centre de cette place, à l’emplacement du broyeur à pommes, s’élevait autrefois un colombier. Les pigeons alimentaient la table du seigneur et les fientes servaient d’engrais pour les champs. Privilège seigneurial, le colombier a été rasé à la Révolution. »
Régine ⋅ Actualité 2022, Cartes postales, Châteaux, France 20 Comments
JE
24 août 2022 @ 04:09
Quel est ce château qui ne correspond pas aux photos du dossier?
J’aime beaucoup les châteaux et j’aimerais bien savoir qui sont ces fortifications urbaines.
Baboula
24 août 2022 @ 07:16
Où est passée la tour carrée de la première photo ?
Charlotte (de Brie)
24 août 2022 @ 07:22
Oui vous avez raison JE, la photo de présentation n’est pas celle de Blandy les Tours
Gatienne
24 août 2022 @ 10:49
Il s’agit du château-musée de Nemours, aisément retrouvable grâce à la fonctionnalité Google Lens. Cette image est issue de la photothèque du lieu accessible sur le site de la ville.
JE
25 août 2022 @ 14:41
Mercis Gatienne, vous avez raison.
Baboula
26 août 2022 @ 08:15
Futée Gatienne ! 😘
DEB
24 août 2022 @ 06:14
Merci, Guizmo.
Très complet et agréable à lire.
Charlotte (de Brie)
24 août 2022 @ 07:18
Guizmo, parfaite carte postale d’un lieu qui est loin de m’être inconnu ( à Val non plus, je crois ) et merci beaucoup pour et le texte et les illustrations.
Juste si vous me permettez, le protestantisme n’est pas éteint en Brie, si après la Révocation de l’Edit de Nantes, beaucoup d’adeptes de la religion « prétendue réformée ont trouvé refuge pour partie dans les Provinces Unies, y emportant leur savoir faire en ébénisterie, tissage et autre vannerie, beaucoup sont revenus après la guerre de 1870. Meaux, Nanteuil les Meaux, Coulommiers ont encore Temples et pasteurs (hommes et femmes) Un hameau près de Coulommiers : Mazagran a non seulement un temple toujours ouvert aux offices, mais un cimetière : le Vautavolnes https://www.landrucimetieres.fr/spip/spip.php?article5638
Le colombier a effectivement été démoli à la révolution, symbole du privilège seigneurial, mais en réalité, les pigeons servaient moins à garnir la table seigneuriale, qu’à comme vous le soulignez amender les terres. D’ailleurs chaque niche correspondait à un arpent de terre, on pouvait donc estimer la surface d’un domaine aux nombres de pigeons.
Quant aux fêtes qui sont données à Blandy, le May médiéval, est un spectacle complet, je crois en avoir déjà parlé, je ne vais donc pas lasser….
Si d’aventure vous passez par là, en septembre, les 17 et 18 venez admirer l’exposition de costumes dans les salles du château et dans la cour, jongleurs, musiciens, équilibristes et chanteurs.
Vous ne résisterez pas à l’odeur des gaufres, l’occasion aussi de goûter au taillis ( sorte de pudding aux pommes, safran et amandes) et de déguster (avec modération) au vin à la sauge ou sans modération au jus de pommes et autre poirée.
Merci encore Guizmo !
val
24 août 2022 @ 11:44
Charlotte (de Brie),
Effectivement Charlotte notre patrimoine seine et Marnais est riche , très riche , nos terres Briardes font parties de l’histoire . Mon village est entouré par l’histoire , Vaux le Vicomte, Blandy, Fontainebleau , Melun et ses racines qui arrivent du font de l’histoire ( pourtant tant dégradé ) Moret sur Loing , Grez sur Loing et sa tour ou est décédée Louise de Savoie, Provins et sa ville Haute et sa tour Cezar si bien conservée ! quelle chance nous avons Charlotte je l’aime notre Département,
Baboula
24 août 2022 @ 07:22
On a bien vu ce château lors d’une étape du récent Tour de France féminin .
Je crois que la première photo avec un cours d’eau ne concerne pas le chateau de Blandy -les -Tours .
Val
24 août 2022 @ 07:47
Je l’ai connu en ruine, il est effectivement magnifiquement restauré, de ses tours le paysage de la Brie est visible à des kilomètres.
Jean Pierre
24 août 2022 @ 08:02
Hasard, coïncidence ou timing excellent, c’est aujourd’hui le 450ème anniversaire du massacre de la Saint-Barthélemy.
Ciboulette
24 août 2022 @ 12:50
J’en suis révulsée à chaque » anniversaire » .
Danielle
24 août 2022 @ 09:53
On m’a recommandé la visite de ce château, c’est chose faite ; merci Guizmo.
Ciboulette
24 août 2022 @ 12:52
Je me souviens avoir lu un très bel article ici-même sur ce château , je croyais qu’il était situé près de Tours ( à l’époque )
Ciboulette
24 août 2022 @ 13:13
Merci , Guizmo , pour cet article où se côtoie l’architecture et les besoins naturels , la tragédie qui couve et qui éclate après le mariage princier .
Plusieurs films ont aussi évoqué au plus près cette période .la reine Margot , la princesse de Montpensier).
Briçonnet et Lefèvre d’Etaples me sont familiers .
Marguerite de Navarre , soeur de François 1er , fut un des tout premiers soutiens ( forcément discret ) des Réformés .
Ciboulette
24 août 2022 @ 13:15
» côtoient » pardon .
Aldona
24 août 2022 @ 10:26
Merci pour cette visite, d’après les descriptions, il n’y a pas de mobilier mais des expositions
Nico
24 août 2022 @ 12:15
La première image n’est pas Blandy mais Nemours …
Gérald
24 août 2022 @ 12:47
Françoise d’Orléans-Longueville…
« C’est à cette princesse que son époux contrefait* disoit, au moment de faire une absence : Surtout, madame, ne me faites pas cocu pendant que vous ne me verrez pas. — Partez en paix, monsieur, répondit-elle ; je n’ai jamais tant envie de vous le faire que quand je vous vois. »
(Tallemant des Réaux, Historiettes, tome 1)
* Louis 1er de Bourbon, prince de Condé (1530-1569)