Situé au cœur du centre historique, l’hôtel de Mauroy est l’un des monuments emblématiques de Troyes. La première mention d’un hôtel particulier (dit de l’Aigle) sur le site date de 1409. Le premier propriétaire connu est Pierre des Marest, issu d’une grande famille troyenne, seigneur de Payns, Brantigny, Creney et Saint-Phal.
Après être passé entre plusieurs mains, l’hôtel est détruit en 1524 lors du grand incendie qui touche Troyes. Trois jours durant, le quartier des foires est ravagé par les flammes. Jean Mauroy achète et rénove l’hôtel de l’Aigle en 1556/
C’est un notable troyen du XVIème siècle, issu d’une riche famille de marchands. Il a été échevin, c’est à dire conseiller municipal. Il a également acheté plusieurs offices, c’est-à-dire des charges de fonction publique exercées au nom du roi.
Ainsi, il est garde des monnaies auprès de la Cour des monnaies de Troyes, chargé de surveiller la qualité des monnaies ainsi que la contrefaçon, contrôleur des recettes, des aides (impôt indirect sur différents produits ou sur les péages) et des tailles (impôt direct et personnel).
Jean Mauroy est aussi chef d’une partie de la milice en charge de protéger et surveiller la ville. Suspecté d’appartenir à la Réforme protestante, il est démis de ses fonctions d’échevin avant d’être réintégré en 1564.
Les locaux servent de commerce avec une boutique, des comptoirs et des lieux de stockage de différentes marchandises. On y trouve également une chapelle. On parle désormais d’hôtel Mauroy.
Jean Mauroy dans son testament demande que soit fondé après sa mort et celle de sa femme, l’Hôpital et le Collège de la Trinité pour donner aux enfants pauvres et aux orphelins une éducation et un métier.
En 1582, l’hôtel accueil les premiers enfants qui sont occupés à la filature au rouet de la laine puis du coton. Dès lors, l’Hôtel Mauroy se transforme en un lieu de transmission des savoir-faire de la ville.
L’orphelinat est le lieu d’installation de la première manufacture de métiers à tricoter.
Cependant, tous les enfants ne travaillent pas sur les métiers par manque de force physique et il devient nécessaire de faire appel à de la main d’œuvre extérieure.
Des ouvriers sont alors employés, ce qui ne manque de créer des tensions avec les bonnetiers troyens. En 1750, 10 000 paires de bas sont produites sur 26 métiers et en 1772 c’est 20 à 25 000 paires de bas qui sont produites sur 65 métiers. En 1794, l’orphelinat est fermé et les enfants sont réunis à ceux de l’orphelinat Saint-Nicolas.
En 1837, la ville de Troyes doit loger des soldats et loue l’hôtel Mauroy pour le transformer en caserne, puis les hospices civils de Troyes décident de vendre l’hôtel Mauroy à Edme-Charles Huot.
Le bâtiment sert de logement, de magasin de commerce et de lieu de stockage des produits de ses filatures. Des travaux de restauration sont entrepris et l’hôtel Mauroy est classé monument historique en 1862.
Alors l’hôtel Mauroy devient tour à tour un internat pour les élèves du collège Urbain IV (aujourd’hui Saint-Bernard) jusque dans les années 1920. Durant la première guerre mondiale, Il devient un internat pour les élèves du collège ecclésiastique de Saint-Dizier dont les bâtiments sont réquisitionnés par l’armée et le petit séminaire de Troyes dont le bâtiment est converti en hôpital.
A partir de 1923, s’installe la rédaction et le lieu de production d’un journal catholique local : l’Express de l’Aube, devenu L’Indépendant de l’Aube après la deuxième guerre mondiale puis le Courrier de l’Aube de 1960 à 1962. Le bâtiment appartient alors à André Valton, industriel à la tête de la marque Petit-Bateau.
En 1966, l’hôtel Mauroy est racheté par la ville de Troyes et est attribué à l’Association des compagnons du devoir qui assurent sa restauration et en 1974 il devient la Maison de l’outil et de la pensée ouvrière afin d’exposer la collection d’outils de Paul Feller.
Paul Feller, homme d’Église né en 1913, va parcourir la France tout au long de sa vie pour compléter sa bibliothèque et sa collection d’outils. Pour lui, le travail manuel, grâce à l’outil, valorise la matière mais surtout l’homme de métier lui-même.
Le remplacement de l’outil par la machine a inversé le rapport entre l’homme et le produit de son travail. Pour lui, l’idée n’est pas de refuser le progrès scientifique ou technique, mais de le remettre au service de l’humanité.
L’expérience physique lui paraît être le meilleur garant de l’équilibre psychique de l’adolescence propice à l’illusion. Il propose
donc l’apprentissage d’un métier comme « rite de passage » entre l’enfance et la vie adulte.
En 1969, convaincu que son œuvre doit être poursuivie, il lègue sa collection aux Compagnons du Devoir, qui l’installeront dans l’hôtel Mauroy.
Aujourd’hui, l’hôtel Mauroy qui est un joyau du patrimoine troyen dont il reprend de nombreuses spécificités architecturales, expose une collection unique avec 12 000 outils de façonnage à main datant des XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles, répartis dans 65 vitrines.
Le ce site se divise en 4 sections : le bois, le fer, l’animal et le minéral. À chaque partie ses outils sont exposés par genre (les limes, les marteaux, les truelles…). La MOPO accueille également une bibliothèque et une librairie spécialisées.
Avec 32 000 ouvrages anciens et contemporains, la bibliothèque du musée est, aujourd’hui, la deuxième bibliothèque technique de France, derrière la Bibliothèque nationale de France. (Merci à Guizmo)
7, rue de la Trinité, 10000 Troyes
😀Pistounette
29 novembre 2023 @ 07:34
Guizmo, j’attendais avec impatience ce reportage que vous avez fait lors de votre séjour à Troyes… très intéressant, comme d’habitude. Merci
JAusten
29 novembre 2023 @ 09:35
Superbe Guizmo ! Merci
Marie DM
29 novembre 2023 @ 12:07
Troyes est une très jolie ville un peu méconnue mais qui vaut un petit séjour.
Caroline
29 novembre 2023 @ 12:12
J’ ai lu d’une traite cet article très intéressant et émouvant à la fois, un de mes ancêtres y avait vécu avant son installation en Alsace et en Allemagne.
Il y avait plusieurs incendies, bien avant en 1524 !
Perlaine
30 novembre 2023 @ 20:25
Merci Guizmo je découvre magnifiquement cette ville que je ne connais pas .
Danielle
30 novembre 2023 @ 21:05
Troyes est une très belle ville que j’ai visitée il y a de nombreuses années et j’aimerais beaucoup y retourner.
Merci Guizmo pour ce reportage.
Passiflore
30 novembre 2023 @ 21:57
Merci, Guizmo, dire que j’ai visité Troyes mais trop rapidement puisque je ne savais rien de l’hôtel Mauroy.
Actarus
30 novembre 2023 @ 23:17
Savez-vous si Pierre Mauroy, plus ou moins affectueusement surnommé « Gros Quinquin » à Lille dont il fut le bourgmestre, c’est-à-dire le maire, descend de ce sieur Mauroy ?
Bourgmestre, échevin… ces termes avaient de l’allure. J’aimerais qu’ils reviennent en usage.
Hervé J. VOLTO
30 novembre 2023 @ 23:56
Intéressentissime, Guizmo ! Merci beaucoups.
Anna H
1 décembre 2023 @ 06:09
Très beau reportage que j’apprécie car Troyes est ma ville natale, où j’ai toujours ma famille.
Baboula.
1 décembre 2023 @ 15:01
J’ai cru que vous n’alliez qu’à Doha ,voir votre copine tant admirée la sheikha.
JE
1 décembre 2023 @ 15:39
Merci Guizmo pour cette halte au voyage dans les hôtels particuliers anciens.
tristan
3 décembre 2023 @ 13:40
Encore un superbe article, merci Guizmo, c’est un musée original et l’architecture de cette maison est très belle Cet escalier !!