Depuis plusieurs siècles, à l’occasion de la veillée de Noël, la coutume voulait que soit brûlée une bûche d’arbres fruitiers : cerisier, pommier, prunier, olivier ; ou de bois francs : chêne ou hêtre.
D’après certaines croyances, avant que la bûche ne flambe, elle portait malheur à ceux qui l’enjambaient ou s’assoyaient dessus car elle avait le pouvoir de les couvrir de furoncles.
La bûche de Noël devait être placée dans l’âtre avec quelques morceaux conservés de la bûche de l’an passé, symbolisant le temps sans cesse renouvelé. Au retour de la messe de minuit, la famille se réunissait autour de la flambée afin de recueillir les bénédictions de cette lumière sacrée.
La bénédiction de la bûche existait depuis fort longtemps dans les pays du Nord. C’était la fête du feu, le « Licht » des anciens Germains, le « Yule Log », le feu d’Yule des forêts druidiques, auquel les premiers chrétiens ont substitué la fête de sainte Lucie, le 13 décembre.
Cette coutume était aussi un impôt en nature payé au seigneur par son vassal. A la Noël, on lui apportait du bois, à Pâques, des œufs ou des agneaux, à l’Assomption, du blé, à la Toussaint, du vin ou de l’huile.
Les pauvres gens qui ne pouvaient se procurer des bûches convenables pour la veillée de Noël se les faisaient donner. Cette grosse bûche devait se consumer pendant les trois jours de fêtes pour protéger la maisonnée du malheur.
Selon les régions, la bûche était arrosée de vin, comme en Provence, d’eau bénite, de miel, de lait ou d’huile, ou saupoudrée de sel en Poitou-Charentes. L’officiant se signait tout en récitant des prières.
Dans les Ardennes, on ne la mettait à brûler qu’après l’avoir fait bénir à la messe de minuit. Ensuite, on en gardait un bout sur le buffet pour se porter chance ou bien, pour la même raison, on en jetait un morceau le jour de l’An dans le puits de la maisonnée.
Les Lorrains expliquaient que la » queue » de la bûche qui dépassait de la cheminée permettrait à un jeune homme, s’il se plaçait à côté, de dévoiler qu’il était épris d’une des demoiselles de la maisonnée.
En Auvergne, on dessinait une croix sur la bûche avant de la mettre à brûler, pour protéger la famille tout au long de l’année à venir.
En Touraine, on plaçait une chaise près de la cheminée, car, disait-on, la Vierge venait parfois se chauffer à la bûche de Noël pendant la messe de minuit.
En Charente-Poitou, la bûche était bénie par le plus jeune membre de la famille. Avant de la mettre à brûler, elle était l’objet d’une lutte rituelle entre deux groupes représentant les bons anges et les mauvais esprits. Je vous laisse deviner quels étaient les vainqueurs.
Dès qu’elle commençait à flamber, chaque membre de la famille venait la frapper car pour chaque étincelle, un voeu était exaucé.
En Limousin, on ne coupait la bûche que le soir même. On conservait religieusement les copeaux et les cendres que l’on répandait dans les champs pour favoriser les récoltes.
Les cendres étaient aussi dispersées dans les étables, les champs et les vergers pour protéger des maladies, faire croître les semences, apporter la prospérité. Certains assuraient que les cendres empêchaient les renards d’entrer dans les poulaillers et les sorciers dans les maisons.
Pour d’autres, elles avaient le pouvoir de protéger de la foudre, d’abréger l’agonie des mourants. Déposées dans le cercueil d’un défunt, elles portaient chance dans l’au-delà. Jetées au fond du puits, elles éloignaient les serpents et les mauvaises langues. Les foyers ouverts des cheminées d’antan ont petit à petit fait place aux poêles en fonte, au chauffage central. La tradition s’est perdue. La bûche de bois a été remplacée par une bûche pâtissière, dessert incontournable de Noël. Son origine est confuse.
Certains affirment qu’un apprenti pâtissier parisien d’une chocolaterie du quartier de Saint Germain des Prés aurait eu l’idée de ce dessert, vers 1834.
Pour d’autres, ce serait une création lyonnaise datant des années 1860.
Quant à Pierre Lacam, pâtissier glacier du prince Charles III de Monaco, il aurait été le premier en 1898 à proposer une bûche glacée. Aujourd’hui, on en trouve un éventail complet au rayon surgelé. Et l’on privilégie la bûchette pâtissière tout au long des fêtes. En attendant la galette des rois ! (Merci à Bertrand Meyer)
Solenn
9 décembre 2024 @ 01:04
Oh comme c’est joliment conté ! Le soir de Noël, je lirai ce texte à ma famille.
Joelle Iemma
10 décembre 2024 @ 07:47
Voir le récit de la bûche de Noël rédigé par Frédéric Mistral.
Solenn
10 décembre 2024 @ 13:36
Merci Joëlle. Oui Frédéric Mistral évoque très bien ses souvenirs de bûche provençale.
Kalistéa
11 décembre 2024 @ 21:52
Merci Bertrand Meyer pour ce charmant récit instructif. Cela me rappelle un souvenir précis: un jour d’été mon grand père qui rentrait ses bûches dans le bûcher m’en montra une très belle et grande en me disant: « ce sera la bûche de Noêl ; Si tu viens passer Noël avec nous , tu la verras dans la cheminée et tu la reconnaitras. »
Je vins effectivement passer Noêl avec mes grands parents . Mon grand père tint sa promesse et mit la grande bûche dans la cheminée où nous devions faire griller les « figatelli » en rentrant affamés de la messe de minuit, car en ce temps -là , la messe se disait à minuit et on jeûnait afin de pouvoir communier. Nous n’étions pas des sybarites comme de nos jours et du coup la moindre petite coutume avait de l’importance et réjouissait.
Je me rappelle le joyeux carillon de cloches à minuit et le retour à la maison sachant qu’il y aurait un feu exceptionnel avec la grosse et belle bûche gardée depuis l’été … et un repas délicieux en pleine nuit. Il n’y avait aucun clinquant de
pacotille : pas de guirlandes dorées ,ni de cadeaux empaquetés dans du papier décor…et pourtant j’ai gardé un merveilleux souvenir de ce noël chrétien simple mais grandiose à sa façon.Voilà ce que c’était « la bûche de Noël » dans la montagne en Corse Il y a plus d’un demi-siècle .
Lucia
9 décembre 2024 @ 05:29
Merci pour votre passionnante recherche .Elle montre tout ce que le feu avait de sacré, d’inquiétant.La transmission du feu a fait naître toutes ces croyances bénéfiques. Et nous y avons gagné une pâtisserie qui peut être délicieuse.
Celia72
9 décembre 2024 @ 08:11
Mon Père a suivi longtemps cette tradition, avec une buche de grand chene exactement comme racontée par M. Meyer. Elle s est eteinte avec lui.
Merci Dame Regine
Catherine
9 décembre 2024 @ 16:58
Dommage. Ce sont des traditions pleines de charme. Il a du voir son père et son grand père faire du même avant lui. De quelle région venait votre père? Était il paysan?
Erato deux
9 décembre 2024 @ 08:39
Merci pour ce récit sur l’histoire étonnante de cette tradition.
Catherine
9 décembre 2024 @ 08:58
Eh bien au vu de leurs puissances protectrices de la médisance, il faut absolument jeter quelques cendres dans le puits du carnet. Qui sait si les miettes feront l’office aussi?
J’adore l’idée d’une Marie frigorifiée venant se réchauffer en cachette pendant que les autres sont à la messe dans une église toute froide. Elle mélange la tradition du passage des morts, pour se reposer ou pour se nourrir, avec celle de Noël. La lutte pour la bûche rappelle les Kallikantharoi de la tradition grecque qui scient l’arbre de la vie presque jusqu’au bout tout au long de l’année mais doivent s’arrêter quand la nouvelle année arrive. Traditions fort intéressantes.
L’église a étouffée bien de choses…
Perlaine de Bretagne
9 décembre 2024 @ 09:46
MERCI B. Meyer pour cet article intéressant , le sapin chez les celtes étaient un arbre dédié à la fécondité . Quant à la bûche dans mon Ouest natal : »Une belle pâtisserie aujourd’hui, la bûche de Noël était, de fait, un énorme bois de chêne, hêtre, orme, arbre fruitier…. un bois dur à combustion lente. Appelée Kef nedeleg, kod an nedeleg, an etev nedeleg ou encore tos an nedeleg, la bûche était aspergée d’eau bénite et de sel avant d’être brûlée. La combustion pouvait durer plusieurs jours, mais devait surtout chauffer la veillée de Noël après la messe… Les braises étaient recueillies, car elles avaient des vertus médicinales, mais on prétendait aussi qu’elles protégeaient de la foudre, des serpents et qu’elles purifiaient l’eau de pluie. Les invités repartaient parfois chez eux avec un sabot plein de braises, ce qui leur permettait d’allumer le feu à leur retour chez eux…. »
Kod ou coat veut dire bois et nedeleg Noël que je vous souhaite excellent.
FMarie Françoise
9 décembre 2024 @ 10:48
Chez moi en Provence c’est le plus jeune qui jetait le vin cuit sur la bûche de la cheminée, en disant » A l’an que venne si nous ne sommes pas plus que nous ne soyions pas moins pour l’année à venir « ..
La tradition voulait qu’on attende le retour de la messe de minuit pour déguster un souper maigre ( poisson aux olives et gratin de cardes) avant les délicieux treize desserts avec un verre de vin d’orange !
Le festin en famille c’était pour le ,25 à midi tous réunis autour de la dinde aux marrons et la bûche au chocolat confectionnée par ma grand mère ! Tout était fait maison bien sûr !
Avant de recevoir notre cadeau ( un seul et pas 36) caque enfant récitait une poésie ou jouait un morceau de musique pour nos grands parents, c’était » notre » cadeau !
La crèche aux personnages de 35 cm tous habillés de tissus provençaux, était confectionnée avec de gros cailloux, du bois et de la mousse de la forêt …
A la messe de minuit nous étions les petits anges de la crèche vivante, avec nos petites ailes en carton accrochées dans le dos, le bébé nouveau né dans son berceau de paille, les moutons et l’âne des voisins ! Je m’y vois encore…que de merveilleux souvenirs !
Catherine
9 décembre 2024 @ 17:07
Oui, merveilleux. Pas de 36 cadeaux peut-être mais treize desserts, on était gâtés tout de même. Quels sont ces treize desserts?
anakim
9 décembre 2024 @ 23:58
Merci d’avoir partagé ces beaux souvenirs avec nous !
Antoine1
9 décembre 2024 @ 12:06
Article détaillé et très intéressant. J’ai appris bien des choses. Merci !
Esquiline
9 décembre 2024 @ 15:21
Moi aussi qui connais peu les coutumes du nord.
Danielle
9 décembre 2024 @ 17:50
B. Meyer, merci pour ces explications fort intéressantes.