En février 2011, Noblesse et Royautés consacrait un sujet à la renaissance du domaine de Fehérvarcsurgó près de Budapest en Hongrie. Construit en 1844 par le comte Gÿorgy Karolyi dans un style néoclassique, le lieu devient la résidence d’été de la famille. Fehérvarcsurgó a dû être délaissé par ses propriétaires contraints à l’exil et nationalisé en 1945. Lieu de villégiature pour les employés de la compagnie nationale du gaz « maison d’enfants » pour les enfants de partisans communistes grecs et enfin un orphelinat occupèrent le domaine. Fin des années 70 par manque d’entretien, il menaçait ruine.
Quelques années après le changement de régime, l’arrière-arrière-petit-fils du bâtisseur du domaine, le comte Georges Károlyi et son épouse Angelica décidèrent d’emblée de tout mettre en œuvre pour restaurer Fehérvarcsurgó.
Le comte et la comtesse diplômés de Sciences Po à Paris, ont mené des négociations avec l’Etat hongrois en vue d’obtenir un bail emphytéotique de 99 ans leur permettant de remettre en état les bâtiments. Pour rappel, la loi hongroise ne permet pas la restitution des biens aux anciens propriétaires comme dans d’autres pays de l’ancien bloc de l’Est. Les forêts du domaine ont été réduites à 50 hectares.
Le comte et la comtesse ont ensuite créé un Centre culturel de rencontre à vocation européenne par le biais de la Fondation Joseph Karolyi mise en place en 1994. Le comte Joseph Karolyi fut très proche de la famille impériale autrichienne qu’il soutint en exil. C’est lui qui apprit la langue hongroise à l’archiduc Otto d’Autriche.
Avec leurs fonds personnels et l’aide de sponsors, le comte et la comtesse ont pu restaurer la chapelle du château dès 1999. L’Etat hongrois, propriétaire a financé la rénovation de la toiture et le ravalement. La Banque de Développement du Conseil de l’Europe ainsi que la banque hongroise de développement ont contribué à injecter les moyens nécessaires pour restaurer le château où fonctionne aujourd’hui, à côté du Centre culturel de rencontre avec les Bibliothèques Szabolcs de Vajay et François Fejtö, un hôtel de 21 chambres et un restaurant.
Pour tous renseignements complémentaires : www.karolyi.org.hu – contact : kastely@karolyi.org.hu
Entretien avec la comtesse Angelica Karolyi.
Noblesse et Royautés : Vous souvenez-vous de votre première visite à Fehérvarcsurgo ?
Comtesse Károlyi : Oui, en 1984 avec trois de nos enfants
Noblesse et Royautés : Auriez-vous imaginé une telle renaissance d’un domaine laissé à l’abandon en moins de 20 ans de travaux et de démarches administratives ?
Comtesse Károlyi : Nous pensions que cela irait bien plus vite…
Noblesse et Royautés : Pourriez-vous nous parler des activités récentes du Centre culturel de rencontre à vocation européenne ?
Comtesse Károlyi : Nous avons organisé cette année un important colloque international sur les Constitutions en Europe, nos habituelles Journées des plantes et de l’art des jardins.
Noblesse et Royautés : La Fondation Joseph Karolyi dispose d’une bibliothèque qui compte plus de 6.000 ouvrages en français, hongrois, anglais, italien et allemand. Pouvez-vous nous en parler ?
Comtesse Károlyi : Elle contient le double, puisque aussi bien celle de François Fejtö que celle de Szabolcs de Vajay contiennent à peu près ce nombre sans compter les innombrables dossiers de recherche de l’un et de l’autre et l’immense collection de coupures de presse de François Fejtö sur l’actualité politique et les relations internationales entre 1945 et 2006 ainsi que ses archives, sa correspondance et ses manuscrits.
Noblesse et Royautés : La bibliothèque dispose aussi de plus de 50.000 cartes postales de la Hongrie, un fonds d’archives de presse et de périodiques en plusieurs langues. Avez-vous régulièrement des chercheurs qui viennent s’y documenter ? Quelles nationalités vous visitent ?
Comtesse Károlyi : Nous avons peu de chercheurs en sciences sociales. La collection de cartes postales en intéresse un certain nombre. Essentiellement des hongrois. C’est la bibliothèque de généalogie de Szabolcs de Vajay qui commence à être connue et que les spécialistes souhaitent consulter.
Noblesse et Royautés : Le domaine est-il accessible toute l’année ? Existe-t-il des visites guidées ?
Comtesse Károlyi : Oui, toute l’année et visites guides en hongrois, allemand, anglais, italien et français.
Noblesse et Royautés : Au départ de Budapest, quels sont les moyens de transport pour arriver à Fehérvarcsurgo ?
Comtesse Károlyi : En train direct de la gare du sud de Budapest (Déli Palyaudvar) jusqu’à Székesfehérvár où nous pouvons venir chercher les voyageurs (15 min de voiture), sinon bus : arrêt au portail du château
Noblesse et Royautés : Quelles sont les visites que vous pourriez conseiller aux alentours du domaine ?
Comtesse Károlyi : Il y en a de nombreuses : la ville royale de Székesfehérvar, l’abbaye Pannonhalma (NDLR : où repose la princesse Stéphanie de Belgique, comtesse Elmer de Lonyay, qui fut l’épouse de l’archiduc héritier Rodolphe d’Autriche), la ville de Herend (porcelaine), le Balaton bien sûr avec la presqu’ile de Tihany,…et d’innombrables routes cyclables.
Noblesse et Royautés : Des séminaires, des conférences, des mariages peuvent être organisés au vu de l’infrastructure dont est aujourd’hui pourvu le domaine. En 2011, un hôtel et un restaurant ont été inaugurés. Pouvez-vous nous parler de cette nouvelle étape dans le rayonnement du domaine ?
Comtesse Károlyi : L’hôtel et le restaurant fonctionnent depuis 2008, ce sont les grandes pièces de réception, les salons, la salle pour les concerts du bâtiment central dont la restauration a été achevée 2011 qui accroissent considérablement nos capacités d’accueil pour des mariages et conférences. C’est dans le cadre de cette série de restaurations qu’a aussi été réalisée la bibliothèque du généalogiste bien connu Szabolcs de Vajay.
Noblesse et Royautés : Quels sont vos futurs projets ?
Comtesse Károlyi : La reconstruction d’une partie des communs près du portail d’entrée et surtout la restauration du parc avec la remise en eau du lac , la reconstruction de la gloriette et des ponts qui y conduisent, le rétablissement des « vues ». Début des travaux septembre 2013. A côté de ces travaux, nous préparons nos programmes culturels 2014 : une conférence internationale sur le thème « Sport, politique et histoire » et nos Journées européennes des plantes et de l’Art des jardins avec pour invités d’honneur l’Italie et la Grèce et des conférences sur les parcs historiques et le développement durable ainsi que sur l’art des jardins méditerranéens.
Noblesse et Royautés remercie la comtesse Comtesse Károlyi pour cet entretien ainsi que Cosmo qui avait permis de découvrir ce lieu en 2011. (Copyright photos : Comtesse Károlyi)
Francine du Canada
29 juillet 2013 @ 07:55
Merci Régine (et Cosmo), cet entretien avec la comtesse Karolyi est vraiment très intéressant et les photos du château de Fehervarcsurgo sont magnifiques; ça donne vraiment envie d’aller en Hongrie. Bonne journée, FdC
HRC
29 juillet 2013 @ 08:22
ah, François Feijtö, pas rencontré mais lu.
sa thèse étant que l’empire austro-hongrois était viable, et même en train de créer un modèle de cohabitation des langues et des religions sous l’autorité Habsbourg, chose incompréhensible pour Clémenceau et la diplomatie (et opinion) française de l’époque.
Ceci dit, les évènements après 38 ont montré que ce n’était pas gagné d’avance.
Cosmo
29 juillet 2013 @ 15:15
Chère HRC,
Il faut savoir que François Fejtö avait été marxiste dans sa jeunesse, puis socialiste. En 1938, il dût quitter la Hongrie de Horthy et se réfugia en France.
Après la guerre, il tenta un retour en Hongrie mais le nouveau pouvoir ne pouvait convenir à un esprit libre.
Sa réflexion sur la monarchie austro-hongroise, contenue dans « Requiem pour un Empire défunt » est un constat. D’une part, tant de peuples, cultures et religions diverses ne pouvaient vivre unis que sous le sceptre d’une dynastie indépendante des uns et des autres – même si les Habsbourg étaient perçus comme des princes allemands, après 1848, François-Joseph donna une impulsion multinationale à son pouvoir – et d’autre part, la monarchie danubienne n’était pas condamnée à périr, car elle contenait plus de ferment d’unité que de dissensions, et ce malgré l’attitude des Hongrois après 1867. Elle fut donc condamnée non seulement par la France mais aussi par le Royaume-Uni et accessoirement – mais de façon définitive – par les Etats-Unis.
Ce n’est pas tant le modèle de cohabitation qui gênait les Alliés que le désir d’étendre leurs zones d’influence au dépens de l’Empire des Habsbourg, comme cela fut fait également sur les décombres de l’Empire Ottoman.
Le legs par François Fejtö de sa bibliothèque à Fehervarcsurgö est significatif de son désir de réconciliation avec son pays de naissance et de renouveau de l’esprit européen.
J’ai eu la chance de connaître ce grand monsieur, un intellectuel véritable, qui sut, tout socialiste qu’il était resté, reconnaître les vertus de la monarchie, du moins dans son modèle danubien fédérateur.
Amicalement
Cosmo
HRC
29 juillet 2013 @ 22:10
cher Cosmo, je ne connaissais pas ses choix politiques, je me demande s’il ne voulait pas surtout marquer sa distance avec « un » parti politique en s’engageant dans un autre. Supposition simple. Ou revenir aux débats de la première internationale, où Marx et Engels combattaient les réformistes allemands.
Sur les méthodes de prise du pouvoir après 45, il était inégalable, il me semble ! il a dù prendre des coups de certains confrères à son arrivée en France..
en parlant de 38, je pensais à l’Anschluss, mais la crise avait frappé dè 1918, cela change le regard. Après 40 tout est dans un tel contexte que c’est à part…
je viens de lire que les états issus de l’ex-Yougoslavie plus l’Albanie se sont réunis en Slovénie. Incroyable non ? on s’entre-tue et on réfléchit après, je me sens vraiment âgée quand je lis ça.
Philippe
30 juillet 2013 @ 09:19
Merci à vous, HRC, et à Cosmo, pour votre échange très intéressant.
Il donne encore plus d’intérêt à ce beau reportage.
flabemont8
31 juillet 2013 @ 22:23
Vous l’êtes, assurément !
flabemont8
1 août 2013 @ 18:06
On joue, comme cela, à la dame instruite, certainement bien née, cultivée …mais sans éducation ! Méchanceté et aigreur …dommage !
HRC
29 juillet 2013 @ 22:16
2.
pour le don de sa bibliothèque s’il a choisi des Karolyi, et je suis sûre que d’autres aimeraient comme moi que vous nous parlez plus de ette famille.
HRC
29 juillet 2013 @ 23:54
3 (oubli)
et tout le monde dans l’orbite économique de l’Allemagne grâce à Helmut et Angela, héritiers spirituels de Otto von Bismarck
flabemont8
30 juillet 2013 @ 11:14
Tout ce que vous dites là m’intéresse beaucoup…Otto et Angela, héritiers de Bismarck ? Pangermanistes, donc, si je comprends bien ?
HRC
30 juillet 2013 @ 15:43
et si je répondais « miaou »……
jul
29 juillet 2013 @ 08:50
Magnifique !
Merci de nous faire découvrir ce château.
Anais
29 juillet 2013 @ 09:49
Merci Régine pour ce beau reportage. Cela donne vraiment envie d’y aller.
Le château est en tous les cas superbe après rénovation.
Jean Pierre
29 juillet 2013 @ 10:17
Posséder la bibliothèque et les archives de François Fetjö, voilà le vrai trésor de ce château.
flabemont8
29 juillet 2013 @ 10:34
Bel exemple de reconstruction du patrimoine ! Je suis toujours admirative devant le travail, l’opiniâtreté, l’amour de leur bien familial que montrent ces héritiers de grandes familles qui reconstituent patiemment palais et parcs…Bonne chance au comte et à la comtesse, merci pour ce reportage intéressant !
Philibert
29 juillet 2013 @ 11:10
En lisant cet article, je me fais la réflexion que le comte et la comtesse Georges Károlyi sont davantage gestionnaires de domaine que châtelains.
Comment, sinon, expliquer que ce château soit partiellement transformé en un hôtel de 21 chambres et un restaurant ?
Yannick
29 juillet 2013 @ 14:03
Il leur fallait bien trouver des fonds pour rénover le château et l’entretenir de façon pérenne.
Cosmo
29 juillet 2013 @ 15:21
Il n’y avait aucun autre moyen pour pouvoir vivre dans le château de leurs ancêtres car l’Etat hongrois refuse la restitution des biens.
Les cousins du comte et de la comtesse Georges Karolyi, le comte et la comtesse Lazlo Karolyi, se trouve dans une situation similaire avec leur château de Föt, près de Budapest. Ils peuvent y vivre sans en avoir la propriété.
Le comte et de la comtesse Georges Karolyi ne seront pas les premiers aristocrates à être obligés de transformer leur logis en hôtel restaurant. L’essentiel est que ces belles demeures puissent continuer à vivre.
Bien à Vous
Cosmo
HRC
29 juillet 2013 @ 22:18
et sans les terres, comment feraient-ils autrement ? la partie hôtel est dans les communs semble t il.
flabemont8
31 juillet 2013 @ 22:24
Bravo, Haut Rayonnement Culturel !
gustave de montréal
29 juillet 2013 @ 12:29
bon succès aux comtes, saletés ces maudits gouvernements bolchéviques qui volaient les proprietés des citoyens.
COLETTE C.
29 juillet 2013 @ 14:06
Heureusement que ce château a pu être restauré! Il est proche de sites intéressants comme l’Abbaye de Pannonhalma.
Caroline
29 juillet 2013 @ 16:38
Chère Régine,votre article m’a particulièrement intéressé!Justement,nous avons pensé partir à Budapest à la mi-aout pour une semaine,mais nous avons décidé de ne pas le faire en raison de la forte chaleur à cause du climat continental en Hongrie!Peut-etre en octobre prochain!
JAusten
29 juillet 2013 @ 17:40
rhooo j’avais bien aimé le premier article et le reportage télé qui était passé quelques mois avant. Cette demeure a retrouvé un beau visage. Il manque peut-être quelques tableaux de famille pour décorer les murs (la salle a manger me parait un peu vide)
C’est très gentil de la part de la comtesse d’avoir accordé une interview à notre site préféré. C’est un beau projet de famille que d’avoir restauré ce château et de le faire vivre
Charlanges
29 juillet 2013 @ 20:05
J’apprends avec plaisir que la bibliothèque de Szabolcs de Vajay (1921-2010) se trouve désormais à Fehervarcsurgo dont la restauration semble exemplaire. Ce très grand monsieur qui fut président de la confédération internationale de généalogie et d’héraldique était un homme charmant toujours prêt à faire bénéficier qui le lui demandait de ses vastes connaissances et de son immense documentation. Je me souviens de lui comme d’une personne de très grande qualité.
Christian Rochefort
30 juillet 2013 @ 03:02
La Hongrie doit adopter une loi qui permet de remettre aux propriétaires légitimes ,les bien immobiliers que les communistes ont volés dans le passé .Cela pourrait se faire facilement avec le gouvernement de droite en place actuellement en Hongrie.
Prions pour que cette injustice soit réparée.
Cosmo
30 juillet 2013 @ 11:11
Christian Rochefort,
Le problème de la restitution est extrêmement complexe, en Hongrie comme dans les autres pays de l’ancien bloc communiste.
Le premier problème est de savoir quel droit il faut appliquer, le droit ancien avec les majorats ou le droit nouveau avec la répartition entre tous les héritiers.
Le deuxième problème est que des droits ont été acquis, certes plutôt mal, mais il n’en reste pas moins que pendant soixante ans ces biens ont fait l’objet d’une exploitation par d’autres, parfois les anciens paysans des domaines.
Le dernier, et pas le moindre, concerne la restauration nécessaire des bâtiments. Qui va financer ? L’état qui a spolié ou le propriétaire à qui le bien a été restitué.
La solution offerte à Fehervarcsurgö n’est pas mauvaise car le bien reste public mais est mis à la disposition de la famille autrefois propriétaire. Cela s’approche un peu de la solution anglaise du National Trust.
Cela dit, je ne crois pas qu’il faille mêler nos prières à ces histoires purement matérielles. Il y a sur terre bien d’autres misères que celles-là.
Bien à Vous
Cosmo