Le princesse Marie de Grande-Bretagne était la fille du second fils de la Reine Victoria d’Angleterre, Alfred duc d’Edimburgh, plus tard duc de Saxe-Cobourg et Gotha (1844-1900) marié à Marie, grande duchesse de Russie, unique fille du tsar Alexandre II de Russie. Elle fut précédée par un frère Alfred (1874-1899) et avait autres trois sœurs : Victoria-Melita (1876-1936) mariée en premières noces, jusqu’en 1901, au grand duc Ernest de Hesse, et en secondes noces au grand duc Kyrill de Russie, Alexandra (1878-1942) mariée au prince Ernest, prince de Hohenlohe-Langenburg et Beatrice (1883-1961) mariée à l’infante Alfonso d’Espagne.
En 1893, elle épousa le prince Ferdinand de Hohenzollern-Sigmaringen, neveu de frère du roi Carol Ier de Hohenzollern-Sigmaringen (1839-1914) prince en 1866, puis roi de Roumanie à partir de 1881, et son successeur, qui régna sous le nom de Ferdinand Ier entre 1914-1927.
Très proche de sa sœur Victoria-Melita, elle fit la connaissance par son intermédiaire de l’œuvre de Mackay Hugh Baillie Scott (1865-1945) qui réalisa pour la cour grande ducale à partir de 1897 le salon et la salle à manger du palais. Baillie Scott et Victoria-Melita ont aussi étroitement collaboré pour la décoration de la résidence d’été de Hesse à Wolfsgarten, où elle recevait les jeunes couples royaux apparentés, le Tsar Nicolas II, le futur roi George V et le prince Ferdinand et la princesse Marie. En janvier 1898, elle lui commanda même une maison nichée dans un arbre dans la proximité de son château de Sinaïa, qui fut exécutée par les ateliers de l’administration de la Cour royale roumaine et suivie par les architectes Lecomte du Nouÿ et Karel Liman. La maison fut détruite par une tempête après la première guerre mondiale, mais les dessins de Baillie Scott subsistent.
Les décors de Hesse inspireront la princesse Marie pour les intérieurs qu’elle créa au palais de Cotroceni , la résidence du couple princier à Bucarest, ainsi qu’au château de Pelisor à Sinaïa, sa résidence d’été. Le palais de Cotroceni, un ancienne monastère du XVIIe siècle, avait été restauré entre 1893 et 1895 par l’architecte français Alfred Gottreau dans le style éclectique de l’époque.
Pour son salon, la princesse Marie a conçu avec l’aide de Victoria Melita, un ensemble qui se voulait inspiré par les chromatique de Baillie Scott. Les murs richement ornés des stucs doré, le sol en carreau de faïence bleu, des meubles conçus d’après les dessins de la princesse et exécuté par les ateliers de Sinaïa et par son entourage, parfois peints ou pyrogravé par elle-même.
Vers 1904, inspirée sans doute par le style néo-roumain environnant, la princesse Marie demanda à l’architecte Karel Liman de lui aménager une petite chapelle de style byzantin au château de Pelisor. Elle fut suivie la même année par une de plus extraordinaires créations d’intérieur de la princesse Marie, sa chambre byzantine en argent. Le plafond voûté évoquait un intérieur d’église roumaine du XVIIe siècle valaque, les murs étaient richement ornés des stucs argentés mélangeant des motifs byzantins, celtes et scandinaves, croix encerclés, dragons réalisés par Franz Elsner. Le sol en carreaux bleus était couvert d’une peau d’ours blanc et des peaux de tigres. La tête de lit était orné d’une croix celte, ainsi que d’autres meubles argentés réalisés par son entourage, sculpté par le roi Carol I, lui-même ou pyrogravés par le prince Ferdinand. C’était pour la première fois que de tels motifs paraissaient dans l’espace roumain. Cette chambre a été remplacée par la Reine après la Première guerre mondiale par une chambre de style Néo-Tudor.
Si le mouvement de revival celtique avait commencé en Angleterre vers 1850, il n’avait pas beaucoup inspiré les ébénistes anglais. Il fut très fort en Norvège à partir des années 1880 et la création du Musée d’arts appliqués à Oslo en 1876 et la publication des ouvrages des modèles des sculptures populaires provoqua un grand intérêt, développant un style du dragon promu par des créateurs tels Gerhard Munthe, Henrik Bull et Lars Kinsarvik. Des chaises sculptées avec des guirlandes d’acanthe, des motifs géométriques populaires et des dragons hybrides. Ces créations attireront une vive attention en Europe. Même si la princesse Marie n’a jamais voyagé en Norvège elle connaissait ces créations grâce au livre de Paul de Chaillu, The Viking Age, 1889, qui se trouvait dans sa bibliothèque, ainsi qu’à la revue The Studio à laquelle elle était abonnée. Les chaises dorées d’inspiration norvégiennes du château Pelisor , la chambre à coucher dorée de ce même château, ainsi que les meubles dorés de Maryhill sont directement inspirés par une chaise de l’église de Tyldalens publiée par The Studio en 1897.
La chambre argentée a un pendant doré au château Pelisor de Sinaïa. Un boudoir dont les murs sont couverts de stuc doré en forme de chardon et dont la voûte est dominée par une croix à bras égaux celte. Ces références la croix encerclée, ainsi qu’au chardons, a une résonance irlandaise et fait référence au fait que son père était le duc d’Edimbourg. Certains chercheurs ont vu dans ces motifs celtes aussi une symbolique spirituelle la croix symbolisant la lumière perpétuelle et les dragons et serpents le mythe de la régénération. Cependant il est peu possible que la princesse Marie avait des connaissances aussi vastes de mythologie celte. Elle écrivait dans ses mémoires, Histoire de ma vie que l’inspiration pour ces créations lui venait des contes, légendes et ballades écossaises et des sagas scandinaves.
En 1906, la princesse Marie écrit dans une lettre conservée aux Archives Nationales de Bucarest, ANIC, Fond Regina Maria, V 2588 : « qu’elle réalise des petits meubles et coffres » en vue de l’Exposition Jubilaire, organisée en l’honneur de 40 ans de règne du roi Carol I, afin de les vendre au profit de ses sociétés de charités. Aucune image de ces artefacts n’a subsisté.
En octobre-novembre 1926 lors de son tour américain elle accepta l’invitation du magnat de chemin de fer Sam Hill de participer le novembre à l’inauguration de son musée construit à Maryhill en lui apportant 21 coffres avec des bronzes, marbres, costumes populaires roumains, aquarelles réalisées par elle, une copie de sa couronne portée au couronnement du 15 octobre 1922, ainsi que des nombreux meubles dorés à présent une salle leurs est dédiée. Maryhill Museum of Art. (Merci à Gabriel Badea-Päun pour cet article – Bibliographie : Marian Constantin, Palate si colibe regale, Arhitectura si decoratia interioara în slujba monarhiei (1875-1925), [Palais et pavillons royaux en Roumanie. L’architecture et la décoration intérieure au service de la monarchie], Bucarest, Compania, 2007-Shona Kallestrup, Art and Design in Romania, 1866-1927, East European Monographs, Columbia University Press, p.44. -Hannah Pakula, Queen of Roumania, New York, Simon & Schuster, 1984.)
Severina
12 février 2014 @ 08:32
Très intéressant, merci Régine.
GBP
12 février 2014 @ 09:21
Le meuble illustré dans cet article est recemment entré (2013) dans les collections du Musée d’Orsay. Il peut être vu dans les salles consacrées aux arts décos de l’Europe Centrale et du Nord.
Pierre-Yves
12 février 2014 @ 09:29
Merci pour ce très intéressant sujet.
Ce qui est bien, c’est d’avoir des partis pris, des inspirations, des goûts innovants, et les moyens de les concrétiser.
Ensuite, pour ce qui nous est montré ici de ceux de la reine de Roumanie, je reste plus que réservé. Cette surcharge de matériaux et de motifs a quelque chose d’oppressant. On peut les envisager pour des décors de théâtre, mais pas vraiment pour un lieu de vie.
Guy Martin
12 février 2014 @ 15:47
Cher Pierre-Yves,
En effet le sujet est très intéressant, cependant en tant qu’ébéniste et restaurateur de meubles, ici nous avons à faire à du mobilier sans attrait pour ne pas dire quelconque, bref de la petite « fourniture très grossière » pour reprendre notre terme de métier et pour finir cela ne m’étonne pas venant de ce genre de pays de l’est.
Belle Journée à tous,
Guy Martin
Guy Martin
12 février 2014 @ 22:50
Après surement une petite erreur de ma part pour l’envois de mon 1er commentaire, cher Pierre Yves, mon humble avis d’ébéniste et restaurateur de meuble va dans le même sens que le vôtre, ici nous avons à faire à des meubles de très petites facture, peu recherchée et naturellement de peu de valeur.
aggie
12 février 2014 @ 09:35
dormir dans une chambre qui ressemble à une chapelle byzantine, quelle horreur ; j’aurais l’impression vivre chaque soir la préparation de la messes de mes obsèques et pourquoi pas un cercueil dans la chambre pour s’entrainer un peu plus
flabemont8
12 février 2014 @ 15:16
:-):-) Bravo pour votre humour ! Cela me semble en effet excessif .
Gustave de Montréal
12 février 2014 @ 17:53
ah! ah! comme Sarah Bernhardt qui dormait dans sa caisse ?
Gibbs
13 février 2014 @ 11:33
Comme Philippe II d’Espagne qui dormait dans son cercueil.
Kalistéa
12 février 2014 @ 11:24
J’ai visité avec enchantement le château de Sinaia où vécut, en vacances la Reine Marie:c’est onirique dans l’extravagance qui ,il est vrai était la marque d’une époque ( ch^teau de la Pena a u Portugal, Châteaux de Louis II de Bavière…)
COLETTE C.
12 février 2014 @ 12:41
Curieux, ces meubles, mais intéressants à découvrir. Merci !
Gibbs
12 février 2014 @ 12:44
Tout ceci n’est pas vraiment mon style !
patricio
12 février 2014 @ 13:26
Sujet très intéressant, merci Régine
amitiés
patricio
Anastasie
12 février 2014 @ 14:05
La Reine Marie semble avoir été une « sacrée bonne femme » qui avait même impressionné Clémenceau ! Elle avait des goûts plutôt étranges et elle-même était à la fois extravagante et fascinante. Son souvenir est loin de s’être effacé en Roumanie. Merci à Régine de ce reportage.
mary71
12 février 2014 @ 16:52
beaucoup d’intérêt dans ce sujet. Merci Régine mais. . . . .attention aux fautes d’inattention ! ! L’enseignante se réveille en moi !
ML
12 février 2014 @ 18:49
Très intéressant et curieux mais j’avoue que je n’apprécie pas ce style.Je n’aimerais pas vivre dans un tel décor.
Zeugma
12 février 2014 @ 19:15
Merci pour cet article riche d’informations, très documenté, qui me permet de découvrir – comme à de nombreux internautes, je pense – ce mobilier royal roumain si loin des traditions de l’ébénisterie française.
A la suite du commentaire de « GBP » je suis allé sur le site du musée d’Orsay.
« L’armoire de 1906 à deux vantaux en bois doré et sculpté à la gouge, orné de motifs de croix celtique et autres ornements d’inspiration personnelle de la reine Marie de Roumanie » que nous voyons en haut de ce reportage y est conservée.
Je vais aller la voir et ce sera un excellent prétexte pour retourner au musée d’Orsay.
J’aime quand « Noblesse et royautés » donne ce genre d’information qui nous instruit et même qui nous élève un peu.
Caroline
13 février 2014 @ 11:12
J’ai aimé lire cet article instructif,tellement plus intéressant qu’un reportage dans un magazine de décoration!lool!