La Slovaquie a fait de son blason le sujet de ses pièces courantes de 1 et 2 EUR. Il s’agit d’un motif d’origine byzantine arrivé en Europe via la Hongrie et qui représente une double croix sur le pic central d’un groupe de trois collines.
Le Roi Béla III Arpad de Hongrie avait été envoyé à Byzance pour son éducation au XIIe siècle, et c’est de là qu’il aurait ramené ce symbole de la double croix et l’aurait imposé sur les armes du Royaume de Hongrie, c’est-à-dire sur un territoire peuplé non seulement de Hongrois mais aussi, dans certaines parties du royaume, d’une majorité de Slovaques. Ci-dessous les armes actuelles de la Hongrie.
La double croix est posée sur une couronne qui repose sur trois collines vertes, le vert étant une des couleurs du drapeau hongrois. Dans la partie supérieure figure la couronne de saint Étienne avec sa croix inclinée caractéristique, qui est la couronne des Rois de Hongrie.
Après bien des péripéties historiques et politiques, les armes de la Slovaquie se présentent actuellement comme suit, la double croix posée sur des collines bleues, le bleu étant, ici aussi, une des couleurs du drapeau national.
Ce blason figure sur toutes les pièces courantes en euros, dans un graphisme qui évoque un cachet, un peu comme s’il s’agissait de frapper ces pièces au coin de l’identité slovaque.
On le voit ci-dessus sur les pièces de 1 c à 5 c qui représentent le mont Krivan.
On le voit aussi sur les pièces de 10 c à 50 c qui représentent le château de Bratislava : le blason est frappé sous la tour de gauche. Ce château a longtemps été en territoire hongrois, et il est intéressant de noter que, entre 1552 et 1784, il a été, précisément, le dépositaire de la couronne de saint Étienne qu’on trouve sur les armoiries hongroises. Marie-Thérèse d’Autriche a passé beaucoup de temps dans ce château, fidèle à sa promesse d’avoir une résidence en Autriche et une résidence en Hongrie.
La Slovaquie a également fait figurer son blason sur la pièce commémorative de 2013, ci-dessous.
Cette pièce que beaucoup de collectionneurs ont plébiscitée comme l’une des plus belles de 2013 représente les saints Cyrille (sous le nom de Constantin qu’il portait avant sa retraite dans un monastère) et Méthode. Elle célèbre le 1150e anniversaire de leur mission en Grande-Moravie, laboratoire, pourrait-on dire, du très bel alphabet glagolitique puis de l’alphabet cyrillique.
On y trouve le blason slovaque presque grandeur nature : la double croix est réelle, tenue comme une crosse par Méthode, et les trois collines semblent lui servir de support. Cyrille tient un livre, Méthode porte une église.
Cette pièce a fait polémique parce que deux éléments gênaient la Commission européenne au motif de la neutralité religieuse : l’auréole des deux saints et la présence de croix sur l’étole de Méthode. La Commission a donc demandé à la Slovaquie d’y renoncer. La Slovaquie a refusé, mais la pression, la carrure politique des intervenants et surtout le chaos dans la communication de la Commission et des banques centrales concernées ont été tels que certaines personnes ont fini par croire à l’existence de la pièce ci-dessous.
Il ne s’agit que d’une construction graphique de la pièce telle que la Commission l’aurait souhaitée. Je m’empresse de la biffer, mais elle circule toujours sur la toile, parfois même sur des sites sérieux. Cependant, cette pièce biffée n’a jamais existé : la Slovaquie a tenu tête à la Commission et, à la fin du bras de fer, c’est son projet initial (l’avant-dernier visuel de ce billet) qui a été frappé et qui, comme je l’ai dit, a suscité l’enthousiasme d’un grand nombre de collectionneurs. (Merci à Sedna pour cet article)
aggie
23 février 2015 @ 07:25
cachez ce saint que je ne saurais voir…
Aliénor
23 février 2015 @ 10:21
Très intéressant.
Un grand merci.
Francine du Canada
23 février 2015 @ 11:21
Un grand merci à Sedna pour ce reportage super intéressant. Les pièces slovaques sont très belles. FdC
Lorenz
23 février 2015 @ 11:56
Le christianisme étant l’une des plus importantes racines culturelles de l’Europe, je suis contre l’effacement de ses symboles.
Le fonctionnement de la Commission européenne a de nombreux points critiques.
Gérard
23 février 2015 @ 21:23
Ils ont bien fait de résister.
Francine du Canada
24 février 2015 @ 01:00
Je suis tout à fait d’accord Lorenz; il est grand temps que, comme ça a été fait en Australie, quelqu’un se lève et dise : « Voici ce que nous sommes et ceux qui ne sont pas contents peuvent toujours aller voir ailleurs… » FdC
Gérard
24 février 2015 @ 13:40
Peut-être un jour l’Union européenne demandera-t-elle à plusieurs pays d’Europe de modifier leurs drapeaux : le Royaume-Uni, le Danemark, la Suède, la Finlande, la Grèce, puisqu’ils comportent des croix, voire Malte à cause de la George Cross, l’Espagne pour la croix de la couronne des armoiries, donc la Slovaquie…
Si la Norvège était à nouveau candidate, si la Suisse l’était, les admettrait-on avec leurs drapeaux ?
Parmi les pays candidats, l’Islande pour la croix de son drapeau, le Monténégro et la Serbie pour les croix de leurs armoiries sur les drapeaux, la Turquie pour le croissant?
Et pourtant le symbole de l’Europe est l’origine chrétienne.
Son créateur a déclaré lui-même en avoir conçu le dessin sur le modèle de la médaille miraculeuse de la Chapelle de la rue du Bac, à Paris, qui représente la Vierge avec la corona stellarum duodecim ou couronne de douze étoiles.
Arsène Heitz (né en 1908 à Strasbourg et mort en 1989) était un peintre strasbourgeois, bon catholique, agent au Conseil de l’Europe. L’idée même du drapeau lui vint à la lecture de l’introït du 15 août, fête de l’Assomption de Marie :
« Un signe grandiose est apparu dans le ciel, une femme revêtue du soleil, la lune sous ses pieds, et sur sa tête une couronne de douze étoiles » (Apocalypse XII, 1).
Il ajouta le fond bleu pour la couleur traditionnelle du manteau de la Vierge.
Et si le comité des ministres du Conseil de l’Europe adopta officiellement le drapeau le 9 décembre 1955, c’est la veille, le 8 décembre, jour qui a été choisi en 1859 par le pape Pie IX pour la célébration du culte de l’Immaculée Conception de Marie, que l’adoption fut acquise. Si la référence à Marie n’est pas officielle le texte n’est pas dénué de connotations religieuses : « Sur le fond bleu du ciel, les étoiles forment un cercle en signe d’union. Elles sont au nombre invariable de douze, symbole de la perfection et de la plénitude, qui évoque aussi bien les apôtres que les fils de Jacob, les travaux d’Hercule, les mois de l’année ».
Il faut rappeler que beaucoup des dirigeants chrétiens-démocrates qui ont été à l’origine de l’Europe, dont Robert Schuman, Alcide De Gasperi ou Konrad Adenauer, étaient de fervents chrétiens.
L’Europe a d’ailleurs offert à la cathédrale de Strasbourg un vitrail de Max Ingrand le 21 octobre 1956 en remplacement du vitrail d’abside détruit par les bombardements en 1944. C’est la Vierge aux bras étendus, avec l’Enfant Jésus sur les genoux qui tient une fleur de lys, et au-dessus d’eux la couronne de douze étoiles.
flabemont8
23 février 2015 @ 12:18
Sedna, vous nous enchantez toujours par l’histoire, parfois les péripéties , toujours la beauté de ces pièces !
Nathetvoila
23 février 2015 @ 14:14
Merci pour cet article fort intéressant
Jean Pierre
23 février 2015 @ 14:55
Merci Sedna de nous faire partager vos connaissances de numismate. C’est pour moi plus facile à comprendre que l’héraldique.