L’abbaye de Maubuisson est l’un des joyaux de Pontoise. En 1236, la reine Blanche de Castille, la mère du roi Saint-Louis, décide d’élever près de Pontoise une abbaye cistercienne de femmes.
Conformément à la règle selon laquelle les moines doivent vivre à l’écart des villages, Notre Dame de la Royale, sera édifiée à proximité de Pontoise. Ces terrains présentent l’avantage d’être situés à proximité de son château qu’elle affectionne tout particulièrement et à côté d’une rivière: la Liesse. L’église abbatiale est consacrée en 1244 en présence de Louis IX.
L’abbaye, Notre Dame de la Royale, de style gothique, est construite sur les terres de la reine, en pierre des carrières de Pontoise. Le sol est recouvert de carrés de mosaïque jaunes et verts, couleurs de Blanche de Castille (jaune, couleur de la foi en Dieu et vert couleur de l’espoir). Le plan de l’abbaye reprend le schéma monastique classique, avec quatre ailes encadrant un cloître. L’église est située au sud, le cellier à l’ouest et le réfectoire au nord.
L’abbaye regroupe un endroit de recueil pour les jeunes filles de bonne noblesse et une nécropole royale : Bonne de Luxembourg y fut inhumée. Son fils Charles V y avait fait préparer son propre tombeau, et Gabrielle d’Estrées sera inhumée en 1599 dans le chœur de la chapelle. L’abbaye de Maubuisson est utilisée comme résidence royale
Du fait du grand intérêt que lui portent la famille royale et la papauté, l’abbaye de Maubuisson connaîtra un rayonnement important tout au long du Moyen-Âge.
L’abbaye devient vite opulente, jusqu’à abriter 120 à 150 personnes : religieuses, novices, converses. Les dames de Maubuisson sont dispensées de prononcer des vœux de pauvreté. Saint-Louis, qui aime se rendre à l’abbaye lorsqu’il réside dans son château de Pontoise, y préparera la septième croisade.
C’est à Maubuisson que Blanche de Castille rend son dernier soupir alors que Saint Louis était en Terre Sainte. Après des obsèques à l’abbaye de Saint Denis, la souveraine sera inhumée, conformément à sa volonté dans le chœur de l’église abbatiale et son cœur transporté plus tard dans l’abbaye du Lys. Sur son magnifique tombeau en cuivre doré et argent, son gisant la représentait en habit de moniale. Profané à la révolution, il fut fondu en 1792.
Philippe le Bel apprécie, lui aussi, les lieux. Le 14 septembre 1307, c’est réunis à Maubuisson que le roi et son conseil décident l’arrestation des Templiers, dont 54 seront brûlés vifs quelques jours plus tard.
En 1314, l’abbaye est le théâtre d’un drame familial : les trois brus du roi – Marguerite, Blanche et Jeanne, princesses de Bourgogne – ont coutume de folâtrer à Maubuisson avec deux gentilshommes de Pontoise, Gauthier et Philippe d’Aulnay. Philippe le Bel, ne supportant pas l’affront fait à ses fils, fait arrêter les deux galants qui seront torturés et décapités. Marguerite et Blanche sont enfermées dans un cachot de Château Gaillard. Pardonnée par son époux Philippe VI, Jeanne, deviendra reine de France.
Du 5 au 8 septembre 1463, le roi Louis XI séjourna à Pontoise et attribua sa protection spéciale à l’abbaye de Maubuisson.
À partir du XVIe siècle, la vie de la communauté religieuse se ressent fortement de la personnalité des abbesses qui se succèdent à sa tête. Des périodes de crise spirituelle et matérielle alternent avec des phases de renouveau et de prospérité. En effet, pendant plusieurs siècles, se succèdent à la tête de Maubuisson des mères abbesses de haute tenue et d’autres aux mœurs plus légères.
Lorsque la Révolution éclate, Maubuisson ne compte plus que dix religieuses. Toute activité religieuse cesse en mai 1787 sur ordre de Louis XVI. L’Abbaye devient temps un hôpital militaire puis les biens sont dispersés aux enchères. L’église fut détruite en 1794 ainsi que le chauffoir qui était la seule pièce, avec les cuisines à être chauffée. Il servait souvent pour les travaux d’écriture des moines, car il s’agissait d’un travail précis qui nécessitait de ne pas avoir les doigts engourdis par le froid.
Au début du XIXe siècle, le site est vendu à des négociants et exploité comme carrière de pierres. Certains bâtiments sont alors détruits à l’explosif, seuls les communs échappent au massacre.
En 1947, les bâtiments anciens sont classés au titre des Monuments Historiques.
En 1979, après être passé de main en main, une bonne partie du domaine sera racheté par le département et après dix ans de fouilles et de restauration, le site a ouvert ses portes au public. Lors de la restauration, la taille de nouveaux chapiteaux a été réalisée en utilisant des techniques et des outils semblables à ceux du Moyen Âge.
Les espaces accessibles à la visite sont :
- la grange à dîme, bâtie au XIIIe siècle, servait de grenier pour les céréales, d’étable et d’aire de battage pour les gerbes. Le bâtiment de forme rectangulaire conserve une charpente de même époque à chevrons portant fermes.
- le rez-de-chaussée du bâtiment abbatial qui comprend la salle capitulaire était la seule pièce où les moniales pouvaient parler mais uniquement de problèmes matériels et spirituels liés à la communauté, l’ancien passage entre cloître et jardin, la salle dite des religieuses, les deux petites pièces correspondant aux anciennes latrines. Les latrines qui surplombaient le caniveau, se composaient de 38 sièges de bois adossés les uns aux autres.
Le parc entoure l’ancienne abbaye. Du temps des religieuses, le parc était un territoire cultivé pour subvenir aux besoins de l’abbaye. Aujourd’hui Ruisseau, canal et miroirs d’eau agrémentent le domaine arboré de dix hectares. Les arbres remarquables jouxtent les constructions de l’art gothique et cistercien.
Certains aménagements hydrauliques remontent à la création du monastère, installé au confluent du ru de Liesse et de l’Oise, sur des terres alimentées par de nombreuses sources.
La création de digues sur le ru de Liesse permit l’installation des quatre étangs de la Vacherie, de Liesse, de Saint-Prix et de Maubuisson. Grace à la proximité du canal les religieuses avaient de l’eau potable, faisait tourner un moulin et avaient du poisson. Le canal collecteur qui court sous le bâtiment des latrines remonte au XIIIe siècle, la rectification du lit de la rivière et le creusement du grand bassin datent de la rénovation des jardins entreprise aux XVIIe et XVIIIe siècles.
Le site abrite deux services départementaux : le service de l’abbaye, chargé de la mise en œuvre du projet artistique et culturel, et le service départemental d’archéologie dont les bureaux, le centre de documentation et les salles d’étude occupent l’étage du bâtiment abbatial.
L’abbaye qui fut jadis l’une des plus riches de France, est aujourd’hui devenue un lieu phare de l’art contemporain en Île-de-France et invite des artistes de renommée nationale voire internationale.
Le jeudi 5 juillet 2018 Stéphane Bern présentait « Secret d’histoire » consacré à Blanche de Castille. L’émission a été tournée dans les différentes abbayes édifiées par la reine au Moyen Âge, dont Maubuisson.
C’est une abbaye découverte à l’occasion d’une visite guidée lors des journées du patrimoine. (Merci à Guizmo)
Gérard
14 février 2021 @ 01:14
Merci Guizmo !
Muscate-Valeska de Lisabé
14 février 2021 @ 16:46
Quel extraordinaire coup de patte!…j’adore .
DEB
14 février 2021 @ 08:06
Merci, Guizmo.
Transformer une abbaye en carrière de pierres .
Hélas ce fut le lot de pas mal de bâtiments.
Heureusement que l’abbaye a, en partie, survécu.
Baboula
14 février 2021 @ 20:05
Depuis la plus ancienne antiquité … les quais le long du Nil sont pavés avec les pierres des temples de Louxor et d’autres . À Rome il y’a des immeubles adossés aux ruines que l’on a pillés pour les construire .
DEB
15 février 2021 @ 13:08
Je sais. L’avidité et la facilité furent ravageuses.
Teddy
14 février 2021 @ 22:02
L abbaye de Cluny III
Jean Pierre
14 février 2021 @ 08:33
Merci Guizmo pour cette évocation d’une abbaye dont je connaissais le nom et le prestige mais dont je n’avais aucune idée de ce à quoi elle pouvait ressembler.
Je crois que c’est Le Goff qui raconte dans sa biographie de Saint Louis que si Maubuisson fût construit à la demande de Blanche de Castille, c’est son fils Louis IX qui paya pour cela.
Pierre-Yves
14 février 2021 @ 09:00
Je l’ai visitée, et découverte, il y a quelques années, et c’est en effet un très beau lieu, qui se prête idéalement à accueillir les oeuvres et installations des artistes d’aujourd’hui. Merci Guizmo de me remettre cette visite en mémoire.
Celia72
14 février 2021 @ 09:40
Merci Guizmo pour cet article tres interessant.
aubepine
14 février 2021 @ 10:02
C’est un endroit très agréable ,j’allais souvent m’y promener quand j’habitais la région parisienne en imaginant l’époque des « rois maudits » !
Phil de Sarthe
14 février 2021 @ 13:10
Moi aussi, c’est grâce aux « rois maudits « , mais je n’en savais rien d’autre.
Merci Guizmo!
Charlotte (de Brie)
14 février 2021 @ 10:07
Merci Guizmo pour cette visite de Notre Dame La Royale de Maubuisson , comme vous évoquez à juste titre l’épisode des brus de Philippe le Bel et de leurs malheureux amants , fait développé par Druon dans « les Rois Maudits » dans le tome : « le Roi de Fer » me semble t il, et connu comme les amants de la Tour de Nesle, avec votre permission et celle de Régine, je voudrais ajouter quelques détails
Marguerite et Blanche de Bourgogne épouses respectives des futurs Louis X dit le Hutin et de Charles IV dit le Bel,seront pour la première assassinée à Château Gaillard vraisemblablement sur l’ordre de son mari qui souhaitait se remarier sans passer par la case annulation, la seconde passa de nombreuses années à Château Gaillard avant de finir ses jours comme moniale , après l’annulation de son mariage, à Maubuisson où elle est enterrée curieusement auprès de son « ex-mari » Charles IV .
C’est en étudiant les ossements de Blanche que l’on y découvrit l’existence d’une quantité anormale de plomb, plomb retrouvé dans divers ossements et ayant certainement contribué à des décès dus au saturnisme. Mais d’où provenait ce plomb, les tuyauteries en terre avaient été remplacées par du plomb au XVIIIè mais la mort des moniales était bien antérieure. On a alors pensé à des céramiques glaçurées au plomb et à de la vaisselle en étain contaminée par du plomb, céramiques dites « très décorées », en effet les dames de Maubuisson étaient souvent de haute noblesse et n’avaient pas fait voeu de pauvreté, elles étaient donc entourées d’objets dits « de qualité »
On a pensé aussi au vin contaminé par le plomb soit via des pesticides (arséniate de plomb et sels de cuivre) soit parce que le plomb était utilisé comme additif pour sucrer le vin.
Il est à noter que les simples moniales non issues de la noblesse et dont on a retrouvé les ossements dans le cimetitère de l’Abbaye ne présentent aucune ou peu de traces de saturnisme, par conséquent à Maubuisson mieux valait être issu de la roture…
Sources pour le saturnisme : » Mémoire des corps qui sont inhumés en l’Eglise Notre Dame La Royale de Maubuisson » A. Depoin et J. Dutilleux
Gibbs ☀️☀️☀️
14 février 2021 @ 13:01
Merci Charlotte pour l’ensemble de ces précisions.
Aussi pour le rappel des faits dans la série les Rois Maudits.
Charles IV était aussi appelé Philippe Le Biau en opposant à son père, Philippe Le Bel compte tenu de son QI.
Il faut ajouter que Philippe V Le Long était l’époux de Jeanne de Bourgogne.
@ Guizmo,
Il s’agit de Philippe V Le Long époux de Jeanne de Bourgogne et non Philippe VI, premier des Valois.
Merci pour ce reportage.
Baia
14 février 2021 @ 13:58
Contente de vous relire Charlotte. J’espère de tout cœur que tout va bien pour vous aujourd’hui et que vous avez récupéré tout votre pep’s et votre joie de vivre.
Menthe
14 février 2021 @ 18:30
Merci pour ce complément, Charlotte !
Ravie de vous retrouver.
La phase la plus difficile est certainement derrière vous ?
Charlotte (de Brie)
16 février 2021 @ 00:23
Merci Menthe et également à Gibbs et Baia, oui disons que le plus dur est derrière moi, mais je dois avouer une immense fatigue et une incapacité à trouver un rythme de vie normal. Mais ayant à mes côtés un médecin compétent et aimant, je ne suis pas à plaindre, non !
Toutefois, depuis ce coup, je ne peux m’empêcher de penser aux autres.
Pascal🍄
14 février 2021 @ 10:19
Très intéressant, une fois de plus.
Je connaissais l’importance de Maubuisson au temps de Philippe le Bel mais j’ignorais que résidence royale et abbaye ne faisaient qu’un!
Ce pavage vert et jaune est magnifique ,on a du mal à croire qu’il est d’époque ?
Cette coutume de nommer abbé ou abbesse des rejetons de grandes familles étaient matériellement compréhensible elle n’en demeure pas moins curieuse à mes yeux .
ciboulette
14 février 2021 @ 12:20
Merci , Guizmo et Charlotte de Brie pour cette re-découverte intéressante et révélatrice des moeurs de l’époque !
Leonor
14 février 2021 @ 10:56
Je commente rarement vos articles, Guizmo, mais les savoure tous avec un grand intérêt.
Je vous remercie à chaque fois de ce qui est souvent une découverte .
Danielle
14 février 2021 @ 12:17
Détruire une abbaye pour en faire une carrière, il faut être complètement fou !!
Encore un lieu que je note pour une prochaine visite.
Merci Guizmo.
Marie Saintonge
14 février 2021 @ 12:56
Merci Guizmo.
Ce fut malheureusement le lot de bien des abbayes de finir en caserne militaire ou d’écurie. Souvent après leur démembrement plus ou moins partiel les habitations environnantes bénéficièrent de belles pierres! on en voit souvent les traces;
Karabakh
14 février 2021 @ 13:48
Belle abbaye.
Françoise2
14 février 2021 @ 15:45
Ayant la chance de m’y promener régulièrement, cette abbaye et son parc sont un havre de paix au milieu des constructions envahissantes mais le calme qui y règne est vraiment agréable. Merci pour ce magnifique reportage. Et si vous venez vous y promener, en partant passez le pont sur l’Oise et allez visiter la vieille ville de Pontoise.
Teresa2424
14 février 2021 @ 19:20
Gracias Guizmo y Charlotte de Brie
Clem
14 février 2021 @ 20:54
Merci pour cette découverte
Pistounette
14 février 2021 @ 21:14
Merci Guizmo.
Article très intéressant
Caroline
14 février 2021 @ 22:31
Je connaissais le nom Maubuisson à l’ école , mais j’ ignorais tous les détails sur cette abbaye.
Merci à Guizmo pour cet article très intéressant !
Jakob van Rijsel
14 février 2021 @ 23:26
Merci pour ce bel article.
JvR