Il ne reste que des ruines ou des modestes maisons des vastes habitations du XVIIIe siècle, époque de la splendeur de Chios, île grecque située en mer Egée du Nord, proche de Smyrne, éparchie byzantine et lieu d’exil de la haute noblesse avant de devenir protectorat génois (1346-1566), grand centre commercial et ensuite province privilégiée de l’empire Ottoman (1566-1912). La famille de Sybil Chryssoveloni-Manos, mère de la duchesse de Chartres, appartient à la classe dirigeante de l’île, fruit de la noblesse orthodoxe et catholique qui s’enrichit sous le régime favorable aux affaires de l’empire Ottoman grâce à la culture du mastic, au commerce et au transport maritime des marchandises.(Ci-dessus, le blason familial)
Cette strate sociétale construit de grandes demeures dans le château-fort de l’île, la «Chora», la capitale, et la campagne. Aujourd’hui rares sont celles qui sont encore debout mais quelques vestiges de ce passé glorieux et des terrains plantés d’agrumes sont toujours visibles.
Vue de la « Chora », la capitale de l’île, en 1573 (G.Braun & F.Hohenberg, Civitas Orbis Terrarum).
Vue du port de la « Chora ».
Vue de Kampos, à la périphérie de la ville de Chios, en 1800 (aquarelle de Sir William Gell).
La famille Chryssoveloni apparaît pour la première fois dans les sources écrites de Chios en 1608 et sa généalogie commence en 1570. Dès le XIXe siècle ses membres s’installent à Syros, à Athènes, à Constantinople, à Volos, à Bucarest et à Paris où ils s’occupent de commerce, de filage de soie et d’affaires banquières. Parmi les membres de cette famille se distinguent :
- Zannis Meni Chryssoveloni (1709-1773), médecin de l’Université de Pise.
- Lorenzo Zanni Chryssoveloni (1746-1812), historien et homme de lettres.
- Georges Zanni Chryssoveloni (1749-1822) homme des lettres, mort pendant le siège de Nauplie durant la révolution Grecque.
- Lorenzo Andrea Chryssoveloni (1790-1839), théologien.
- Zannis Andrea Chryssoveloni (1792-1870), secrétaire de l’amiral Georges Sachtouris, notable de la ville de Chios, médaille de la Guerre de l’Indépendance et de l’Ordre du Sauveur.
- Zannis Georges Chryssoveloni (1784-1823), médecin, mort à Trikeri pendant la révolution Grecque.
- Leonidas Zanni Chryssoveloni (1831-1900), médaille de l’Ordre du Sauveur.
- Nicolas Zanni Chryssoveloni de la branche Marakanava (1838-1913), fondateur de la Banque Chryssoveloni en Roumanie, médaille de l’Ordre du Sauveur.
- Manolis Zanni Chryssoveloni de la branche Marakanava (1852-1902), médaille de l’Ordre du Sauveur.
- Jean Georges Chryssoveloni (1857-1922), député de Phtiotide, Gouverneur General de l’île de Lesvos.
- Philippe Leonida Chryssoveloni (1876-1945), médaille de l’Ordre du Roi Georges Ier.
- Hélène Nicolas Chryssoveloni de la branche Marakanava (1885-1975), épouse du prince Dimitri Constantin Soutzo, attaché militaire de Roumanie en France, puis épouse de l’écrivain, diplomate et académicien français Paul Morand. Hélène Chryssoveloni brilla dans les salons parisiens à la fin de la Belle Epoque et elle fût une des premières amphytrionnes de Marcel Proust avec lequel elle échangea une longue correspondance. Marcel Proust a écrit dans Lettres Retrouvées qu’elle «ressemblait à Minerve…, ses grâces m’avaient enchanté et je ne bougeais que pour aller chez elle».
- Mae Philippe Chryssoveloni (1886-1937), née Samiotakis, supérieure de la Croix Rouge Grecque, médaille militaire.
La propriété de la famille Chryssoveloni de la branche Marakanava au quartier de Kampos. Ensuite propriété Axiotakis et Xydas pour la partie ouest et Ioannides, Koulatos et Georgiafendis pour la partie est.
La propriété de la famille Chryssoveloni au quartier de Spiladia de Kampos.
La propriété de la famille Chryssoveloni au quartier de Talaros de Kampos. D’abord propriété de la famille Mascha et ensuite Chryssoveloni, elle fut donnée à l’église de Saint Polycarpe.
La propriété de la famille Chryssoveloni au quartier de Talaros de Kampos avec l’église privée de Saint Zacarias.
La propriété de la famille Chryssoveloni au quartier de Kontari de Kampos. D’abord propriété de la famille Chryssoveloni de la branche Marakanava et ensuite Kovas. La propriété fut expropriée pour la construction de l’aéroport en 1968 et la maison démolie. Il ne reste que le puits. La photographie d’archive provient de la collection de la famille Kovas.
La propriété de la famille Chryssoveloni au quartier de Livadia de la ville de Chios. (Un grand merci à Vassili pour ce reportage)
Bibliographie: Philip Argenti, Libro d’Oro de la Noblesse de Chio, 1-2, London 1955, Mihail Dimitri Sturdza, Grandes Familles de Grèce, d’Albanie et de Constantinople, Paris 1999.
Damien B.
19 septembre 2016 @ 05:24
Merci Vassili pour ce reportage inattendu qui nous offre un voyage en des lieux surprenants.
J’aime beaucoup les contributions qui font vivre intelligemment N&R.
Leonor
19 septembre 2016 @ 10:49
Je peux me joindre à votre commentaire, Damien B. ?
Charles
19 septembre 2016 @ 11:40
Damien,
Permettez moi de partager votre commentaire.
Comme vous j’aime les reportages constructifs et j’aime ceux qui font vivre intelligemment Noblesse et Royautés à la manière aujourd’hui de Vassili que je remercie infiniment pour ce sujet.
Pascal
19 septembre 2016 @ 08:14
Oui ! grand merci pour ce très intéressant reportage!
Il est très agréable de le découvrir un Lundi matin , petit moment d’évasion en un endroit qui me plaît beaucoup.
J’aime ces maisons à la fois cossues , simples et solides.
Ainsi la duchesse de Chartres serait issue de la si intéressante noblesse phanariote ?
Mais il semble qu’elle ait opté pour l’Eglise Romaine…
« Quartier de Livadia » m’interroge puisque c’était aussi le nom de la magnifique villa que fit construire le Tsar Nicolas II en Crimée , y a t’il un rapport ?
Sur le blason figure sans doute « l’agneau du Saint Sépulcre » , y avait il une signification particulière à porter cet emblème ou est il particulier à la famille citée ?
Anne-Cécile
19 septembre 2016 @ 14:41
Je crois que le couple Chartres s’est marié selon le rite catholique orthodoxe en occurrence grec et non romain, signifiant ainsi que l’un est bien de confession orthodoxe.
Gérard
19 septembre 2016 @ 15:47
Plus que l’agneau du Saint-Sépulcre nous avons ici l’Agneau pascal, la victime innocente sacrifiée pour sauver le monde du péché et cet agneau bien sûr c’est le Christ.
La duchesse de Chartres descend par son père et par sa mère de familles illustres phanariotes. Elle est née orthodoxe, je ne sais pas si elle s’est convertie mais les enfants sont catholiques.
Merci beaucoup à Vassili pour ce beau et original reportage.
Christine
19 septembre 2016 @ 15:55
Livadia veut dire clairière en grec
Pascal
20 septembre 2016 @ 20:00
Et bien merci à tous pour vos réponses!
Leonor
19 septembre 2016 @ 10:53
Alors, avec les trekkeurs de N&R, on va organiser un voyage type chantier Marpen. On s’arme de nos sécateurs, coupe-branches, échenilloirs, on révise les bandes de nos tronçonneuses, les lames et les fils de nos débroussailleuses, on arme un bateau, et hop, on y va.
Ca ne serait pas une idée, ça ?
Bivouac sous les étoiles, bains de mer pour délasser les muscles endoloris. J’apporte l’arnica et le minimum de cuisine de campagne, chacun sa couverture pour s’enrouler dedans.
Qui en est ?
aubert
19 septembre 2016 @ 11:40
Régulièrement sur N&R apparaît la porteuse d’un grain de folie.
Mary
19 septembre 2016 @ 12:24
Bonjour Léonor,
Perso,je ne viens que pour tester la température de la mer : le bricolage,ce n’est pas mon truc,je ne ferai que vous gêner …
:-)))
Leonor
22 septembre 2016 @ 11:20
Vous êtes nommée responsable de l’organisation des loisirs maritimes . ;-)
Mary
22 septembre 2016 @ 13:15
Flattée !
Je vais essayer d’obtenir un prix réduit pour un lot de paddles …
Christine
19 septembre 2016 @ 15:56
Moi, cela me rappellerait mes chantiers de fouilles quand j’étais étudiante !!
Leonor
22 septembre 2016 @ 11:20
Vous êtes nommée responsable des chantiers de fouilles. ;-)
Corsica
19 septembre 2016 @ 20:50
Leonor, je vous laisse les gros outillages avec qui je ne fais pas bon ménage mais veut bien manier le sécateur et la trousse d’urgence ( plus étoffée que la vôtre, si vous le permettez). Je suis aussi volontire pour faire les repas.
Vassili, merci infiniment pour cette escapade hors du temps et des sentiers battus.
Leonor
22 septembre 2016 @ 11:22
Corsica est nommée Mamma Arnica . ;-)
Et, chic, on mangera méditerranéen !
Corsica
22 septembre 2016 @ 14:02
Mamma arnica, j’adore ! Cela me ferait un super pseudo. Ma chère Leonor, vous mangerez du méditérranéen parfois mâtiné d’asiatique ( j’amènerai mes épices et condiments). J’adore cuisiner et on dit que j’ai un certain talent donc les papilles des internautes ne devraient pas trop souffrir. À moins de ne jurer que par la crème et le beurre .. Je ferai des grosses portions car, d’après certains de vos posts, j’ai l’impression qu’il ne faut pas vous en promettre. Alors si en plus, vous maniez de gros outils … :):)
Cosmo
22 septembre 2016 @ 14:21
Chère Leonor,
Je m’inscris pour raconter des histoires le soir au bivouac et servir l’apéro…pour le reste, je ne suis pas très doué, mais je peux quand même essayer d’apprendre.
Ces maisons me rappellent certaines propriétés de famille, en Corse, qui ont besoin de quelques travaux ( à chiffrer par centaines de milliers…)
Amicalement
Cosmo
Pierre-Yves
19 septembre 2016 @ 11:54
Merci Vassili pour cette balade, que j’ai personnellement trouvée un peu mélancolique, avec ces maisons délaissées et délabrées, sous un ciel hivernal qu’on associe peu aux Iles Grecques.
Mary
19 septembre 2016 @ 12:21
Quel beau et dépaysant reportage : merci Vassili !
will34
19 septembre 2016 @ 12:36
Merci beaucoup pour ce reportage et pour toux ceux qui sortent des sentiers battus….
Jean Pierre
19 septembre 2016 @ 16:01
J’ignorais que les Chryssoveloni venaientde Chios.
J’avais loué il y a quelques années une vieille bicoque à l’ouest de Chios et sur le chemin de rocaille qui menait de la maison au bord de mer, une vieille femme vêtue de noir passait tous les matins sur son âne. En la voyant je pensais à Fernand Braudel et à son temps long dans la Méditerranée à l’époque de Philippe II.
Pour revenir aux Chryssoveloni, et à Hélène Morand, plus j’y pense et plus je me dis que c’était une pauvre femme. Avoir fréquenté Proust ne suffit pas à définir quelqu’un d’aussi ambigüe et sulfureux.
Zeugma
19 septembre 2016 @ 16:14
Un grand merci à Vassili pour ce reportage beau et instructif.
Le monde de ces vieilles familles grecques prestigieuses nous est un peu mystérieux même si de nombreux membres de quelques familles bien connues – Roumaines pour l’essentiel mais pas seulement – s’installèrent à Paris dès le XIXe siècle : Bibesco, Brancovan, Cantacuzène, Comnène et j’en oublie.
Le public cultivé connaît évidemment la terrible Hélène Morand (1879-1975) – née Chrissoveloni souvent évoquée sous le nom de son premier mari Roumain, le prince Dimitri Soutzo (1870-1943) – enterrée aux côtés de son mari Paul (1888-1976) au cimetière de Trieste.
Vassili me fait découvrir le mot « éparchie » qui est l’équivalent de « diocèse ». (J’ai lu ça sur « internet ». A placer dans un dîner en ville si l’occasion se présente.)
Zeugma
19 septembre 2016 @ 19:30
Il faut ajouter que le toutou qui apparaît sur deux photos est très mignon.
Vassili
21 septembre 2016 @ 13:19
Merci, c’est mon chien!
clement
19 septembre 2016 @ 18:21
Reportage très intéressant pour mieux nous faire connaître les ascendants des grandes familles ,c’est même un peu triste de voir ces ruines abandonnées ,cela me fait penser au domaine royal de TatoÎ qui a été laissé longtemps à l’abandon mais qui dit-on serait bientôt réhabilité (mais quand!)
clement
19 septembre 2016 @ 18:28
La duchesse de Chartres a dû probablement se convertir quand elle a épousé le prince d’Orléans catholique ! il n’y a d’ailleurs pas une grande différence entre les dogmes des deux confessions .
Gérard
20 septembre 2016 @ 08:13
Il existe une autre version des armoiries de la famille Chrissoveloni qui est très légèrement différente en ce sens que l’agneau pascal est posé non pas sur une terrasse de sinople mais sur une fasce alésée et fleurdelisée de sinople chargée de trois roses au naturel. L’écu est surmonté d’un heaume taré de trois quarts et lambrequiné d’or et de sinople.
La mère de la duchesse, Sibylle, est la fille de Nicolas (1909-1972), banquier en Roumanie, qui était le filleul de la reine Marie de Roumanie.
aubert
20 septembre 2016 @ 13:23
ce reportage est-il présenté en vue d’une prochaine souscription ?!
Francois
20 septembre 2016 @ 13:28
Très heureux de ce reportage
J’y ajouterai Que Pail Morand marié à la princesse Soutzo née Chrisovrloni
a sauvé la plupart des œuvres d’art de la famille
Il a pour cela fait partir des wagons entiers vers la Suisse
JAusten
20 septembre 2016 @ 17:05
quel reportage original ! Et bizarrement quand on lit les généalogies on peut voir que ce ne sont pas toujours des bergères qui épousent des princes.
Merci Vassili
muscari
11 octobre 2017 @ 14:06
Magnifique Simplement pour le plaisir j’ajouterai que je suis allé en 2013 visiter le Frioul et notamment Trieste pour y voir les cafés, la grande place et surtout les cimetières …où j’ai cherché et trouvé la tombe de Paul Morand.Tout cela suscite une mélancolie indéfinissable. Ironie du sort : l’épitaphe comporte une faute de français qui eut mis en rage l » homme pressé » …