Voici la carte postale de Jeanne MV qui va vous présenter le cimetière roumain du Schaefertal en Alsace. « Le cimetière roumain du Schaefertal honore la mémoire de 678 soldats roumains décédés en captivité dans 35 communes d’Alsace pendant la Grande Guerre. Ces prisonniers de guerre ont été victimes de sévères représailles de la part des soldats allemands après l’engagement de la Roumanie aux côtés des Alliés en 1916, et furent déportés par l’armée allemande en Alsace.
1917 – Arrivée des prisonniers roumains à Soultzmatt
Soultzmatt est une commune de 2400 habitants située à mi-chemin entre Colmar et Mulhouse, à la limite de la plaine d’Alsace et des Vosges. C’est une étape de la célèbre route des vins alsaciens.
Les premiers soldats roumains y arrivent au début de 1917. Entassés dans des wagons cadenassés, aux ouvertures garnies de barbelés, ils ont été amenés depuis la Transylvanie jusqu’à la gare de Rouffach. Exténués, affamés et malades, ils rejoignent la vallée à pied, puis sont dirigés vers le camp militaire allemand installé au Schaefertal, qui se situe dans la partie boisée du village, au pied des Vosges.
Les prisonniers logent dans deux baraques humides et froides à l’extérieur du camp et sont surveillés par une quinzaine de gardiens. La journée, ils sont astreints à la coupe de bois, à l’entretien des chemins, et au nettoyage du camp, et sont encadrés par des chefs d’équipe civils et un garde forestier.
Le froid glacial de 1917 rend leurs conditions de survie encore plus difficiles et nombre d’entre eux meurent d’épuisement et de faim dès leur arrivée au camp, malgré l’aide apportée en cachette par la population locale. Entre janvier 1917 et décembre 1918, on recense le décès de 176 prisonniers de guerre roumains internés au Schaefertal.
1920 – Création du cimetière militaire du Schaefertal
À la fin de la guerre, le comité d’Alsace des tombes roumaines est chargé de réunir les sépultures. En 1919, le conseil municipal de Soultzmatt met à disposition du gouvernement roumain par donation en jouissance perpétuelle, le terrain occupé par l’ancien camp militaire allemand au lieu-dit de la Gauchmatt ou Val-du-Pâtre.
Le cimetière est créé à partir de 1920 dans le respect du culte et de la tradition orthodoxe et est considéré comme national par le peuple roumain. C’est l’unique cimetière roumain spécifique du front, caractérisé par ses stèles tréflées.
Cette nécropole rassemble 678 corps dont 553 en tombes individuelles ainsi que deux grandes fosses communes renfermant 125 victimes, mortes de froid lors de la tragédie de la grange de Steinbrunn-le-Haut la nuit du 27 au 28 janvier 1917.
1924 – Inauguration par le roi et la reine de Roumanie
En 1924, le roi Ferdinand et la reine Marie de Roumanie viennent se recueillir au cimetière. Après l’inauguration du monument, la reine Marie dépose, au pied de la grande croix du cimetière, une immense couronne d’arums et de roses.
Puis, parcourant les allées qui séparent les tombes, elle place sur chaque tombe un bouquet d’œillets rouges et blancs, que lui tendent de petites Alsaciennes.
En 1931, les croix en bois d’origine sont remplacées par des croix en ciment.
Les canons offerts par le gouvernement français seront repris en 1940 par les Allemands.
Par la suite, la reine Marie effectue chaque année un pèlerinage au Schaefertal. En 1933, une statue en bronze à son effigie est dressée dans le cimetière. Elle est inaugurée en 1936, lors d’une visite du couple royal à Soultzmatt.
La nécropole constitue toujours aujourd’hui un haut-lieu de pèlerinage où des officiels roumains viennent se recueillir au moins une fois par an. Un pèlerinage est organisé chaque année le premier dimanche qui suit l’Ascension.
En 2017, l’association franco-belge « Paysages et Sites de mémoire de la Grande Guerre » propose l’inscription du cimetière militaire roumain de Soultzmatt sur la Liste du patrimoine mondial de l’UNESCO, au titre des sites funéraires et mémoriels de la Première Guerre mondiale. »
clémentine1
19 juillet 2017 @ 05:13
merci Jeanne VM, vous avez comblé une lacune de ma mémoire d’Alsacienne. J’ignorais tout de ce lieu et de son histoire.
Baboula
19 juillet 2017 @ 05:16
Sombre histoire oubliée et surtout supplantée par les horreurs qui suivirent.Triste merci à Danielle de nous la faire connaître .Camp de travail forcé devenu camp de la mort .On comprend d’où vient l’idée des camps d’extermination.Triste,triste d’apprendre cela si tard .
DEB
19 juillet 2017 @ 07:00
Merci à Jeanne MV.
Vous évoquez un épisode que je ne connaissais pas et, grâce à vous, j’ai appris les détails de cette tragédie.
Sylvie-Laure
19 juillet 2017 @ 07:09
Une leçon d’histoire, avec la connaissance de cette carte postale venue d’Alsace.
Un territoire Roumain, « sacré » en terre Alsacienne, et des photos sobres pour cet hommage au peuple Roumain. Merci pour ce reportage émouvant.
Severina
19 juillet 2017 @ 07:50
Merci, Jeanne VM, je ne connaissais pas di tout ce cimetière et son histoire.
Augustine
19 juillet 2017 @ 09:04
Merci pour ce moment d’histoire très émouvant
Corsica
19 juillet 2017 @ 09:55
Merci à Jeanne MV pour cette carte postale intéressante, bien illustrée et surtout émouvante qui m’a fait découvrir l’existence de ce cimetière et de ce camp de prisonniers roumains.
Si je comprends bien la plus grande partie des 678 soldats sont décédés de froid, d’épuisement et de malnutrition mais pour savoir quel fut le prorata de décès, j’aimerais connaître le nombre total de Roumains internés.
J’aimerais aussi savoir en quoi à consister cette tragédie de la nuit du 27 au 28 janvier 1917 qui, d’un seul coup, a fait 125 victimes, soit 1/6 des soldats décédés . Est-ce qu’elles sont simplement mortes de froid dans leur grange et que leur nombre, trop élevé, n’a pas permis aux autres prisonniers déjà épuisés de leur donner des sépultures individuelles ? Ou bien en essayant de lutter contre le froid, ces hommes sont-ils morts brûlés vifs en mettant involontairement le feu à leur grange cadenassée, ce qui expliguerait l’impossibilité d’identification des corps et donc la fosse commune ? Merci d’avance à la personne qui me donnera ces réponses et merci encore une fois à Régine pour cette rubrique estivale qui nous fait découvrir plein d’endroits, proches ou lointains.
JeanneMV
19 juillet 2017 @ 19:36
Concernant l’histoire de la grange, je vais faire des recherches complémentaires car je me suis posé les mêmes questions. A ce stade, je n’ai pu que vérifier qu’il s’était effectivement produit un épisode particulièrement dramatique.
Pour le nombre total de prisonniers roumains, c’est plus compliqué car les morts venaient de toute l’Alsace (et pas que du camp du Schaefertal) et je pense que la réponse se trouve dans les archives soit roumaines soit allemandes. Cependant, j’ai compris que le taux de mortalité avait été très élevé surtout en raison de la malnutrition.
JeanneMV
19 juillet 2017 @ 20:41
J’ai trouvé des éléments complémentaires (mais je crois avoir épuisé les ressources des bases en accès public sur le net). Pour aller plus loin, j’ai repéré un livre : « Le calvaire des prisonniers roumains en Alsace-Lorraine » de l’historien Jean Nouzille, paru en 1991 (qui me semble totalement épuisé). La mairie de Soultzmatt semble également entretenir la mémoire de cette histoire avec beaucoup de soin.
Le nombre de prisonniers de guerre roumains morts dans les camps d’internement en Alsace s’élève à 2344. Seuls 678 sont enterrés au Schaefertal, les autres sont répartis en Alsace. Je n’ai pas trouvé le nombre total de prisonniers, mais une estimation du taux de mortalité : 40% des prisonniers ne seraient pas rentrés chez eux. Ceux qui ont survécu ont bénéficié de l’aide des habitants qui les nourrissaient en cachette des Allemands.
Voici des compléments sur la grange : « dans la nuit du 26 au 27 janvier 1917, des prisonniers roumains (au nombre de 71) qui étaient logés dans la mairie de Steinbrunn-le-Haut en ont été sortis pour être parqués dans une grange mal fermée où régnait un froid mortel (entre -10 et -20 degrés). Il s’agissait de libérer la mairie afin d’y célébrer l’anniversaire de la naissance de Guillaume II. Au matin, tous les Roumains étaient morts. Les crânes de sept d’entre eux portaient des traces de coups, comme si l’on avait achevé les survivants, témoins gênants. » Le nombre de morts ne coïncide pas cependant pas avec celui de la fosse commune. Je n’ai pas trouvé d’où pouvaient venir les autres.
Et enfin, une dernière anecdote inattendue : le cimetière roumain a été construit à partir de 1919 en employant 25 travailleurs … chinois !
Corsica
20 juillet 2017 @ 17:47
Jeanne VM, merci infiniment pour vos recherches qui apportent de précieuses précisions permettant d’en savoir plus sur le sujet ( livre) et notamment sur l’horreur de cette nuit où pour fêter l’anniversaire de l’empereur, on n’a pas hésité à libérer une mairie en jetant dans une grange glaciale des hommes dénutris et épuisés. Symbole de la bêtise et de l’inhumanité des petits chefs ayant pris cette décision mais aussi immense lâcheté qui les a poussés à achever les survivants.
Malheureusement ces horreurs ont continué lors de la Seconde Guerre Mondiale où, volontairement, les Allemands ont laissé mourir de froid et de faim des prisonniers soviétiques simplement parqués dans des champs, notamment dans les Landes de Lunebourg. Seule solution : creuser des trous dans la terre ou arriver à faire une hutte pour espérer survivre au-delà des quelques semaines habituelles.
Olivier d'Abington
19 juillet 2017 @ 10:04
Chère Jeanne MV,
Merci pour cette page d’histoire oubliée fort intéressante!
Ces cartes postales d’été sont vraiment sources de connaissance et c’est passionnant.
COLETTE C.
19 juillet 2017 @ 10:14
Encore un épisode douloureux de la Grande Guerre.
Caroline
19 juillet 2017 @ 10:26
Jeanne MV,
Ignorant totalement l’existence de ce cimetière, j’ai été impressionnée par la lecture de votre article très intéressant d’autant plus que mes deux grand-pères alsaciens de souche ont miraculeusement survécu en combattant contre les boches durant la Grande Guerre!
Par curiosité, j’ai consulté chez Tonton Google la liste des nécropoles et cimetières militaires étrangers en France, mais comment cela se fait-il que le cimetière roumain de Schaerfertal ne soit pas mentionné dans cette liste ?
Merci pour votre carte postale émouvante !
JAusten
19 juillet 2017 @ 10:27
Alors là JeanneMV brava brava ! pan de l’Histoire bien méconnue en ce qui me concerne, bien documenté et bien expliqué.
Merci beaucoup
l'Alsacienne
19 juillet 2017 @ 10:59
Merci Jeanne pour votre reportage sur les heures sombres de notre histoire.
Ces hommes ont été pris dans les griffes de la guerre, et sont morts sur le sol français.
Une sépulture digne dans le respect et le souvenir est la moindre des choses.
patricio
19 juillet 2017 @ 11:16
reportage très émouvant.
merci Jeanne MV et Régine de nous faire connaitre de tels lieux chargés d’histoire et souvent méconnus.
amitiés
patricio
Carole 007
19 juillet 2017 @ 13:10
Merci Jeanne pour votre travail.
Quelle tristesse…
Alinéas
19 juillet 2017 @ 13:19
Merci beaucoup à Jeanne MV pour ce reportage très détaillé sur cet épisode de la Grande Guerre que je ne connaissais pas ou très mal.!
Nicole
19 juillet 2017 @ 14:05
Merci Jeanne MV pour ce reportage très bine documenté.
Sarita
19 juillet 2017 @ 14:30
Merci Jeanne ! Je suis alsacienne et mon mari est roumain et je suis toute honteuse de reconnaître que j’ignorais tout de ce lieu. Grace à vous, j’y emmenerai un jour mes enfants pour tisser des liens entre leurs cultures :-)
Mary
19 juillet 2017 @ 14:35
Très intéressant ,merci Jeanne VM.
guizmo
19 juillet 2017 @ 16:48
Merci pour cette page d’histoire que je ne connaissais pas. Merci aussi pour ces »cartes postales » variées et intéressantes.
Danielle
19 juillet 2017 @ 19:09
Merci Jeanne MV car je n’avais jamais entendu parler de ce cimetière.
AnneLise
19 juillet 2017 @ 21:15
Merci infiniment, Jeanne MV pour cette émouvante carte postale.
J’ignorais cet épisode de la Grande Guerre et le drame vécu par ces malheureux.
Merci à Régine par le biais de ces cartes qui outre la découverte de lieux magnifiques nous permettent aussi de découvrir des pans d’histoire, hélas trop méconnus.
cisca1
20 juillet 2017 @ 07:13
Passionnant. Merci Jeanne pour cet article qui eclaire un peu la tragédie des prisonniers de la Grande Guerre. C’est un pan inconnu de l’histoire de notre temps.
Gérard
20 juillet 2017 @ 20:14
Merci pour ce reportage et toutes ces précisions Jeanne. C’est une affaire peu connue et très émouvante.
Dora Duta
21 juillet 2017 @ 15:40
Merci Jeanne MV pour cette page d’histoire… triste, emouvante, dramatique…Je suis roumaine, je me suis beaucoup interessee a l’histoire de la Grande Guerre, mais je ne connaissais pas le sort tragique de ces soldats.
Il y a sans doute encore d’autres cimetieres militaires, a travers l’Europe, apres ce carnage de la Grande Guerre . Ces heros tombes, seraient-ils tous honores par les habitants ou les officiels d’aujourd’hui? Au moins si on les connaissaient…Merci encore d’avoir reussi a presenter et faire connaitre ce cimetiere. DD
Marin
22 juillet 2017 @ 14:20
Thanks for this info. My father fought that war and told us its devastating effect. May their souls rest in peace!
RATEAU Michel A.
24 juillet 2017 @ 13:38
Yes ! Merci à Jeanne et, sans aucun doute, du fond du cœur, merci à tous ces soldats Roumains, dont les descendants sont toujours nos grands amis d’aujourd’hui (les miens, en tous les cas) de nous avoir permis de découvrir cette nouvelle horreur de guerre. Pourquoi donc, nos livres d’Histoire sont-ils si muets sur le plus important ? Certes, les esprits de propagande, les partis-pris, les orientations politiques, les ordres politisés donnés aux « historiens à la solde », toujours prêts à réécrire l’Histoire… Tout cela joue et notre devoir de citoyens, chaque jour un peu plus, est de nous souvenir des nôtres, car celles et ceux qui ont combattus et qui sont morts pour que nos parents et grands-parents vivent, ont été et resterons, à jamais des nôtres.
Merci, aussi, au Prof. Oliviu FELECAN, de l’Université de Baia Mare – Nord, Roumanie, de m’avoir fait suivre cet important document
Michel A. RATEAU
Historien et linguiste