Voici la carte postale de Cormatin par Guizmo. « Cormatin est une localité située en Saône-et-Loire. De 1022 jusqu’à la Révolution française, Cormatin fut la propriété de la famille du Blé, nom tiré du hameau « Les Ublaies » à Massy.
Déjà considérés comme « nobles hommes » en 1022, les du Blé deviennent seigneurs de Cormatin au début du XIIe siècle. En 1280, Henri du Blé construit une maison-forte pour contrôler le chemin menant à l’abbaye de Cluny, par le bord de la rivière de Grosne.
A la fin du XVIe siècle, les guerres de religion permettent à Antoine du Blé d’accroître son influence et sa fortune. Il se rend maître du sud de la Bourgogne au nom de la Ligue catholique avant de « tourner casaque » et de ramener la rive droite de la Saône sous l’autorité d’Henri IV, face à la Franche-Comté espagnole.
En récompense, il devient lieutenant général et gouverneur de Chalon sur Saône, alors place forte stratégique. La forteresse médiévale disparaît alors et Antoine du Blé entreprend l’édification d’un château, qui doit témoigner de sa réussite à la sortie des guerres de religion.
Il conserve l’assise médiévale pour utiliser les fondations mais aussi pour garder la trace de la maison des ancêtres et attester l’ancienneté de sa famille. Le château se trouve sur une île, constituée par deux bras de la rivière Grosne.
Son fils Jacques est reçu à la Cour de France. Dès 1610, il est un des familiers de la reine-régente Marie de Médicis. En 1617, à 35 ans, il épouse Claude (13 ans), fille de Raymond Phélypeaux, Trésorier de l’Epargne, Secrétaire d’Etat, un des hommes les plus influents du moment.
En 1618, Jacques du Blé reçoit un des premiers titres de marquis créés par le jeune Louis XIII. Le roi Louis XIII et le cardinal de Richelieu séjourneront au château une nuit de 1629.
Connu pour ses réussites militaires et son échec en 1628 face à Charles-Emmanuel de Savoie, celui-ci sera finalement tué en mai 1629 d’un coup de mousquet aux abords des murailles de Privas. Son fils Louis Chalon du Blé, alors âgé de 10 ans, lui succède.
Les générations suivantes résident peu en Bourgogne. Cependant Nicolas du Blé, maréchal de France, gouverneur de l’Alsace et membre du Conseil de régence à la mort de Louis XIV y est exilé en 1722, pour son opposition à l’alliance avec l’Angleterre.
Son neveu et héritier, Henri-Camille de Béringhen, Premier Ecuyer du roi Louis XV, laisse ensuite tout le marquisat d’Huxelles à sa fille naturelle, Sophie Verne. Avec elle, le château retrouve vie à la belle saison.
Pendant la Révolution, il devient le chef des Chouans de Bretagne, sans que sa femme, restée à Cormatin avec ses six enfants, ne soit inquiétée. Le château traverse sans dommage la tourmente.
En 1812, Lamartine séduit la fille des propriétaires, Nina Dezoteux, épouse du comte de Pierreclau et un fils nait de ces amours. Le poète revient souvent au château à partir de 1843, lorsqu’un de ses proches, Henri de Lacretelle, en hérite. Il y écrit une importante partie de « L’histoire des Girondins », grâce aux archives familiales.
En 1898, le domaine est vendu à Raoul Gunsbourg, directeur pendant plus de 50 ans de l’opéra de Monte-Carlo. Puis le château est revendu à plusieurs reprises. Après cette période brillante, plus de 50 années de négligence amènent Cormatin au bord de la ruine.
En septembre 1980, Anne-Marie Joly, Marc Simonet-Lenglart et Pierre-Albert Almendros font l’acquisition de ce chef-d’œuvre en péril.
Depuis, ils se consacrent à sa restauration et à sa mise en valeur, grâce au soutien des 60 000 personnes qui visitent le château chaque année.
Le château a maintenant deux ailes, mais a été construit à l’origine dans une forme de fer à cheval avec trois ailes, et puis le quatrième côté fermé par créneaux. Cet aspect fermé était symbolique à l’époque et signifiait que le seigneur était le maître dans sa propre maison.
Avec l’augmentation de l’importance de la monarchie, le quatrième côté a été démoli et le château ouvert – un signe symbolique de soumission au roi Louis XIV.
La troisième aile du château est tombée en ruine à la suite des dépenses excessives de l’une des filles de la maison vers 1815, et maintenant le château a deux ailes et un aspect ouvert sur la campagne environnante.
Le château renferme une prouesse architecturale, un escalier à cage vide de 21 m de haut, le plus ancien et le plus vaste dans cette technique.
Commandé par contrat signé à Paris en janvier 1624, construit en pierre sur quatre niveaux, et terminé en dix mois, il reprend les dispositions de l’escalier du palais du Luxembourg, élevé par Salomon de Brosse pendant l’année 1623 (détruit au début du XIXe siècle).Il est particulièrement remarquable pour ses larges arcs rampants supportant les volées de pierre et pour ses magnifiques balustres « posez de la mesme distance et de semblable architecture que ceulx de l’hostel du Luxembourg » (contrat de 1624).
La visite permet aussi de découvrir le plus fastueux appartement Louis XIII conservé en France. L’appartement de la marquise d’Huxelles a conservé la distribution habituelle à l’époque dans la haute noblesse : suivant un ordre croissant d’intimité, on passe de l’antichambre à la chambre et son somptueux plafond à la française, puis au cabinet.
L’antichambre de la marquise d’Huxelles est la seule pièce de France a avoir conservé des boiseries de hauteur sur la quasi-totalité des murs, ou encore la salle des miroirs, ancien cabinet des curiosités.
Cheminées, plafonds et boiseries ont été peints, sculptés et dorés avec une magnifique exubérance pour le favori de la reine Marie de Médicis avec des tableaux, tapisseries et meubles d’époque.
Le cabinet de Sainte Cécile qui célèbre la régénération de l’âme, grâce au Blé mystique (allusion au nom de la famille), aux vertus et à l’Harmonie personnifiée par Ste Cécile, une cuisine du XVIIIème siècle.
Plus récentes, les salles 1900 ont été aménagées à la fin du XIXe siècle par le propriétaire de l’époque, directeur de l’opéra de Monte-Carlo. Elles présentent un style éclectique s’inspirant de l’Antiquité, de la Renaissance, du style gothique ou encore de Byzance.
Le jardin, dans l’esprit de l’époque baroque, propose sur 12 ha parterres fleuris, grand labyrinthe de buis avec volière-belvédère, théâtre de verdure, pièces d’eau et arbres remarquables.
Le potager à l’ancienne, détruit au début du XIXe siècle lors du comblement des douves, a été reproduit au début des années 1990.
Le château est classé monument historique en 1862 et 1903 et diverses parties du parc sont inscrites en 2019.
Sur une petite place qui fait face au château, et sur laquelle se trouve le monument aux morts, l’église paroissiale de l’Assomption est légèrement en retrait de la route principale. L’église Notre-Dame de l’Assomption, de style néogothique a été construite en 1855 (à l’emplacement des anciennes Halles devenues trop vétustes) sur les plans de l’architecte départemental et diocésain M. Berthier.
L’église présente une nef à bas-côtés, ornée de chapiteaux à feuilles d’acanthe et de croix de consécration, une abside semi-circulaire de couleur ocre et des absidioles prolongeant les bas-côtés.
L’inauguration de l’église restaurée en 1997 s’est faite en présence de Monseigneur Seguy, alors évêque d’Autun. La chapelle de droite est dédiée à la Vierge Marie, celle de
gauche au Sacré-Cœur.
En entrant, à droite dans la nef de l’église, grand tableau du Christ en croix, copie de Prud’hon, offert par l’Etat en 1875. Un monument aux morts est placé entre deux stations du Chemin de Croix.
Une découverte inattendue à Cormatin est le Musée du Poilu où vous pouvez voir de nombreux objets de la première guerre mondiale, y compris les articles fabriqués à la main par les soldats dans les tranchées, à partir de munitions diverses : des briquets, des encriers, des tabatières, des bagues, des crucifix, des figurines, des petits avions…
L’imagination et l’habileté des soldats n’avait semble-t-il pas de limite, et aussi une reconstruction d’une partie des tranchées.
Pour le plaisir des yeux où pour l’achat coup de cœur d’une pièce visitez à la Galerie Les Communs et ses céramistes ou autres ateliers d’art du village, bâtiment historique et un haut lieu du made in France depuis 1984.
À l’époque moyenâgeuse, cet ancien bâtiment aurait abrité la boucherie des moines de Cluny qui tuaient moutons et chevaux, non essentiellement pour se nourrir mais afin de récupérer les peaux pour en faire des parchemins. Au cours des siècles, l’espace fut utilisé comme taillanderie, fabrique de faux, lames, armes de guerre et outils agricoles tranchants, puis réaménagé vers 1850 par un tanneur du nom de M. Vers.
Après la Première Guerre mondiale, Messieurs Audry et Gaulier l’ont acquis pour en faire une filaterie revendue par la suite aux Ets Burlet de Chalon-sur-Saône. Le crin brut de chevaux, ainsi que les queues de vaches et autres animaux leur arrivaient par rail en gare de Cormatin. C’est finalement en 1978 que Roger et Henriette Chavanne ont acheté le bâtiment et installé la galerie artisanale et gourmande.
La Galerie artisanale et gourmande est installée dans les quatre salles en pierres taillées chacune d’environ 200 m2, voûtées avec parfois croisées d’ogives.
Le moulin existait déjà au 13ème siècle. Au 18ème siècle il possède deux roues à aubes. Il fut transformé en papeterie. Plus rien ne subsiste des machines, sinon le mécanisme de la turbine à palles orientables qui entraîne un multiplicateur et un alternateur. »
Régine ⋅ Actualité 2022, Cartes postales, Châteaux, France 34 Comments
Mimine
10 août 2022 @ 01:37
Merci Guizmo pour votre carte postale très complète. Joli château et joli village!
😀Pistounette
10 août 2022 @ 02:40
Comme toujours, chère Guizmo, un plaisir de vous lire : reportage très riche… Merci
J’aime particulièrement l’escalier à cage vide, impressionnant !
Bien qu’appréciant peu le style Louis XIII, je reconnais la beauté de l’appartement de la marquise d’Huxelles.
Raoul Gunsbourg a en effet laissé une trace notable dans l’histoire de l’opéra de Monte-Carlo : il a notamment favorisé Caruso, Chaliapine… au début du XXè siècle.
Mes parents, lors d’un séjour en Saône-et-Loire, m’avaient parlé d’un « Musée du Poilu » dans le village de Sivignon : est-ce un autre que celui dont vous traitez ?
Je vous ai laissé un message à Sydney 14 juillet
Amicalement. Pistounette
Guizmo
10 août 2022 @ 08:14
Je viens de vous répondre. C’est une excellente idée si Régine est d’accord bien sûr. Bonne journée.
😀Pistounette
11 août 2022 @ 12:19
Je vois avec Régine dès septembre, quand les cartes postales sont finies et qu’elle est un peu plus « tranquille »
tristan
10 août 2022 @ 03:02
Passionnant comme toujours, une de mes rubriques préférées.. Merci Guizmo, vous êtes un magnifique atout pour participer au travail de Régine.
Frederic
10 août 2022 @ 04:34
Merci Regine pour cet excellent article , pas très loin du Jura, il me semble que les propriétaires ont acquis aussi le château de Flechere dans l Ain, qu ils ont restauré en une pure merveille
Philippe H.
10 août 2022 @ 05:36
C’est exact
Ciboulette
10 août 2022 @ 16:11
Quel joli château , quels beaux jardins , et des propriétaires fantasques , n’ hésitant pas à retourner leur veste !
Florence-Marie
10 août 2022 @ 06:19
Merci beaucoup, Guizmo, pour cet article. J’ai visité le château l’an dernier et en ai gardé un excellent souvenir; Par contre, le musée du Poilu m’était inconnu; il faudra y retourner, avec plaisir!
Nicolette
10 août 2022 @ 06:51
C’est å Cormatin que l’on a découvert rėcemment des partitions inédites d’Offenbach, certainement détenues autrefois par Raoul Guinsbourg.
celia72
10 août 2022 @ 06:54
Lorsque des amis viennent nous voir, nous les conduisons presque toujours à Cormatin, ce joli château restauré sans relâche par ses propriétaires avec beaucoup de goût. Dernièrement j’ai beaucoup aimé le cabinet des curiosités.
Merci Dame Régine et Guizmo de nous faire partager ces belles visites que vous expliquez et détaillez si bien.
Bambou
10 août 2022 @ 06:56
Je ne connaissais pas ce château que je vais essayer de le visiter rapidement. Moi qui cherche toujours des idees de sorties pas trop loin d’Orleans…Il semble vraiment charmant et ce musée du poilu m’intéresse vivement.
Lamartine, le puritain, a donc eu un fils adulterin….
Merci pour ce bel article, très bien documenté et riche en photographies, Guizmo.
Bambou
10 août 2022 @ 06:58
Je pensais qu’il se situait à Massy…..😏 non, en fait en Saône-et-Loire….
Mais j’irai quand même le visiter.
Beque
10 août 2022 @ 07:30
Bravo, Guizmo ! C’est vous qui avez pris ces magnifiques photos ?
Beque
10 août 2022 @ 08:45
Dès son retour d’Italie, en 1812, Lamartine va voir son ami Guillaume de Pierreclau et son épouse Nina. Il devient l’hôte assidu du château de Cormatin et l’amant de la jeune femme.
Leur fils Léon nait, le 1er mars 1813, sous le nom de Pierreclau. Lamartine s’en occupera jusqu’à sa mort, à 28 ans, assurant ses études et lui donnant en mariage sa nièce, Alix de Cessiat. Leur fille, Marie-Thérèse Léontine de Pierreclos (deux orthographes pour le patronyme) se maria, en 1859, à Pierre de Lacretelle, frère de Pierre-Henri, secrétaire de Lamartine.
Alice
10 août 2022 @ 07:36
Merci, très intéressant!
tigrette
10 août 2022 @ 08:51
Ayant visité ce château dernièrement, je vous en recommande vivement la visite.
Magnifiques jardins et cadre reposant.
Aldona
10 août 2022 @ 08:51
Merci pour cette belle visite, j’aime ces articles de l’été qui me font découvrir les régions , les beautés de la France
Dinora
10 août 2022 @ 09:12
Très intéressant. Merci de m’avoir fait découvrir ce beau château et ses magnifiques jardins (toujours avec les plants de Buis ! Ici il a presque complètement disparu à cause du parasite maléfique).
Une question sur le mobilier : ayant subi près de 50 ans d’abandon, le mobilier du château est-il ou a-t-il été refait à neuf ?
Hormis les interventions du maître Raoul Gunsbourg.
Merci
Jean Pierre
10 août 2022 @ 09:31
Merci Guizmo.
Il faudrait relire le portrait que fait Saint-Simon du maréchal d’Huxelles, alias Nicolas du Blé, dans ses Mémoires, il l’a habillé pour l’hiver.
Je vais rechercher ça.
Aristocrate
10 août 2022 @ 09:44
Je n’ai pas encore eu le temps de lire mais les photos sont très belles, ça donne envie.
JAusten
10 août 2022 @ 09:53
Un petit bijou !
Benoît-Henri
10 août 2022 @ 10:58
Merci Guizmo pour cette belle carte postale. Excellente idée de braquer les projecteurs sur Cormatin : la visite, conduite par les propriétaires, est l’une des plus passionnantes qui soit.
aubert
10 août 2022 @ 11:19
En 1983 1984, installé récemment à Mâcon, je visite Cormatin ouvert depuis peu au public. Nous devons être au plus une dizaine de personnes sous la conduite de monsieur Almendras. Les années suivantes je proposerai régulièrement à ma famille et mes amis lyonnais et ardéchois venus me voir dans mon exil mâconnais la visite de Cormatin. Cette entreprise de rénovation, aidée d’après la rumeur, par la bienveillance de personnalités proches du pouvoir de l’époque est un modèle de ce qui peut-être entrepris pour sauver notre patrimoine. Je me réjouis donc qu’aujourd’hui 60 000 personnes se rendent à Cormatin, consécration du travail des deux propriétaires qui depuis ont fait de Fléchère un autre édifice digne d’un détour.
Pierre-Yves
10 août 2022 @ 11:23
J’ai visité ce chateau il y a quelques années. Les propriétaires l’aiment infiniment, en parlent avec passion, et consacrent beaucoup de soin et d’attentions à sa restauration et son entretien. On voit le résultat, très réussi.
Pascal Hervé 🍄
10 août 2022 @ 11:30
Il me semble que notre ami Aubert l’avait évoqué dans un commentaire.
Patrick JACQUES
10 août 2022 @ 12:36
Je l’ai visité, avec plaisir, il y a quelques années. On peut y voir des photos du château d’avant 1980, qui ne peuvent que nous rendre admiratif du travail de restauration accompli.
Danielle
10 août 2022 @ 14:14
Je ne connaissais pas l’histoire de château, ni l’existence de ce musée.
Merci Guizmo pour cette découverte bien documentée.
Claude Patricia
10 août 2022 @ 17:00
Merci beaucoup pour la visite.
Claude Patricia
10 août 2022 @ 18:09
Mais quelque chose m intrigue car ce n est pas Comartin ou je me trompe de châteaux ??
Hervé J. VOLTO
10 août 2022 @ 21:19
Merci bien Guizmo. Très interessant.
Chateau de Cormatin
https://chateaudecormatin.com/
Caroline
10 août 2022 @ 23:02
Guizmo,
Toujours très intéressant grâce à votre belle plume !
Ça nous change des nombreux châteaux de la Loire !
Olivier AM de Tokyo
12 août 2022 @ 15:13
Merci Guizmo pour ce récit passionnant et cette carte postale qui nous permet de voyager dans le temps!
lila🌷la vraie
12 août 2022 @ 19:46
Merci Guizmo pour cette passionnante lecture et ces jolies photos .