Carte postale de la saline royale d’Arc et Senans par Guizmo. « Ancienne manufacture de sel du XVIIIe siècle, inscrite sur la Liste du patrimoine mondial par l’UNESCO, la Saline royale est le chef-d’œuvre de Claude Nicolas Ledoux et constitue un témoignage rare dans l’histoire de l’architecture industrielle. La Saline royale est à la frontière du Jura et du Doubs.
Au XVIIIe siècle, le sel, utilisé comme conservateur pour les aliments, est une denrée essentielle dont la valeur était bien plus importante qu’aujourd’hui. L’Etat, en particulier, en tirait une source de revenus très conséquente à travers un impôt : la Gabelle.
Or à cette époque, la Franche-Comté, annexée au Royaume de France sous le règne de Louis XIV, possède un sous-sol très riche en sel. C’est pourquoi Louis XV décide d’en industrialiser son exploitation. Il ordonne donc la construction de la Saline d’Arc-et-Senans en 1774.
L’édification de la saline est confiée à Claude-Nicolas Ledoux, architecte du roi bénéficiant du précieux appui de Madame du Barry, maîtresse de Louis XV. Ledoux est un homme de son siècle, bercé par les principes des Lumières.
Il voit dans le chantier d’Arc-et-Senans l’occasion pour lui d’appliquer cette pensée en construisant une cité industrielle idéale avec l’assentiment royal. Claude Nicolas Ledoux conçoit donc l’une des plus grandes salines d’Europe, pour y extraire le sel de sources souterraines, et y loger les ouvriers ; une usine modèle, sûre et hygiénique, qui doit être prolongée par une ville, la ville de Chaux.
Ledoux décide de construire la saline non pas à proximité des sources d’eau salée, mais de la forêt de Chaux, distante de 13 km à vol d’oiseau. Il y trouvera ainsi le bois nécessaire pour faire bouillir les eaux salées et en tirer le sel, mais aussi de vastes espaces pour construire une saline aérée et étendue. La saline fut mal acceptée par la population : on lui reprochait d’être un véritable palais royal à finalité industrielle.
La forêt de Chaux fut profondément transformée, car tout le bois fut employé pour construire et faire fonctionner la saline, au détriment des habitants des environs.
Construite en forme d’arc de cercle, avec au centre du système la maison du maître lui permettant ainsi de voir l’ensemble de l’exploitation, la Saline est construite principalement avec la pierre claire extraite dans la région. Mais la brique cuite est employée dans le bâtiment de la Gabelle. Recouverte d’un enduit, elle est ensuite peinte d’un dessin qui reproduit les lignes horizontales et verticales d’une maçonnerie.
La maison du maître et celle des gardes sont scandées de colonnes d’ordre dorique, très sobre, jugées en adéquation avec le sérieux d’une exploitation industrielle.
Ledoux s’inspire des fermes de la région pour dessiner de grandes toitures à forte pente des bâtiments. Sur les toits, des lucarnes permettent d’éclairer les combles. Dans les ateliers où l’on fabrique le sel, ces lucarnes sont en réalité des cheminées permettant d’évacuer les vapeurs de la cuisson des eaux. Ce choix permet de préserver l’unité esthétique des toitures.
Les sauniers vivent sur place, en autarcie presque complète, notamment grâce à des potagers aménagés derrière leurs logements. Les 11 bâtiments disposés en arc de cercle servaient ainsi de lieux d’habitation ou de production. Il sont dénommés: la Maison du Directeur, les Ecuries, les bâtiments des Sels Ouest et Est, les Commis Ouest et Est, les Berniers Ouest et Est, la Tonnellerie, le bâtiment des Gardes et la Maréchalerie.
Il fait construire un « saumoduc » (canalisation pour la saumure, ou eau salée) pensé pour acheminer les eaux vers l’usine.
Afin de permettre l’écoulement des eaux, le saumoduc suit les cours des deux rivières, la Loue et la Furieuse, et subit ainsi un dénivelé de 143 m. C’est un géomètre, Dez, qui dresse les plans des terrains acquis par le roi pour y installer les canalisations. Le saumoduc est enterré afin d’être préservé du gel, mais aussi des voleurs ! Car le sel est une denrée précieuse, et les contrebandiers percent régulièrement les canalisations pour recueillir la saumure. Au final, 135 000 l de saumure sont envoyés quotidiennement depuis Salins.
Le saumoduc est constitué de troncs de sapins évidés à la tarière et taillés en cônes, qui sont ensuite insérés les uns dans les autres. Les troncs sont maintenus les uns avec les autres par des cercles de fer, nommés « frettes ». 15 000 troncs ont été nécessaires pour réaliser le saumoduc.
Tout au long du parcours, des points de contrôle vérifient le débit dans le saumoduc.
Mais les troncs en sapin présentent beaucoup de fissures qui provoquent la perte de presque 30% des eaux salées. À partir de 1782, ils sont remplacés par des tuyaux en fonte.
Elle continua de produire jusqu’en 1895, date de fermeture du site et de l’apparition de nouvelles technologies prenant la relève.
Abandonnée, pillée, endommagée par un incendie en 1918, elle est rachetés en 1927 par le Département du Doubs sauvant ainsi de la ruine le site laissé à l’abandon depuis 1918. Les trois campagnes de rénovation s’achèvent en 1996, faisant renaître le charme du bâtiment. Il connaît tout au long de la saison culturelle des expositions permanentes :
- L’exposition « Histoires de sel » : est une synthèse sur le sel dans la vie des hommes : origines, géographie, modes d’exploitation, élément essentiel de la fiscalité sous l’ancien régime, rôle symbolique et rituel, usages d’hier et d’aujourd’hui…
- Le musée Ledoux et ses 55 maquettes : seul musée d’Europe consacré à un architecte
- L’exposition « Mémoires du lieu »: la Saline royale de 1895 à nos jours
- des concerts, et des animation pour les plus jeunes.
A l’emplacement des anciens jardins ouvriers conçus par Ledoux, soit plus de quatre hectares, se découvrent une dizaine d’espace aux infinies variations de formes et de couleurs.
Chaque année depuis plus de dix ans, la Saline royale propose un Festival de Jardins sur un thème différent. «
Régine ⋅ Actualité 2020, Cartes postales, France 30 Comments
tristan
9 août 2020 @ 01:38
Magnifique reportage, merci Guizmo.
Gisèle T
9 août 2020 @ 03:23
Très joli site; bous l »avons visité avec nos enfants il y a très longtemps ce moment là nous étions sur Annecy; par contre le festival des jardins n’existait pas
Karabakh
9 août 2020 @ 23:40
Annecy – Arc-et-Senans, ça fait une trotte. Belle promenade.
Gisèle T
9 août 2020 @ 04:09
Je viens de voir que j’ai eu une erreur de frappe s’est nous au lieu de bous et j’ai oublié ensuite à ; je m’en excuse
Pascal🍄
9 août 2020 @ 06:03
Magnifique article/reportage , par le sujet et le style on dirait du Guizmo .
Voila qui redistribue un peu la vision qu’on peut avoir du règne du bien aimé et du rôle des favorites , enfin de certaines d’entre elles .
Si tous les sites industriels avaient été et étaient conçus avec ce soin …
La grogne des habitants …. je vois que la jalousie ne date pas d’hier , c’est le » ils n’ont qu à rouler en 2 CV comme tout le monde » des carnets du major Thompson ; mais elle était sans doute attisée par le fait que , à ce qu’on m’a dit , la gabelle n’était pas vraiment « populaire » .
Pascal🍄
9 août 2020 @ 07:45
Oups ! J’avais lu en diagonale , je cherchais le traditionnel » merci à Guizmo » en fin d’article et ne le trouvant pas …..
Je précise donc que ma première phrase n’avait rien d’ironique, il vaut mieux le faire par les temps qui courent.
Olivier Kell
9 août 2020 @ 08:06
Merci Très intéressant
Bambou
9 août 2020 @ 06:15
Magnifique endroit qui relate une partie de notre histoire plutôt méconnue, comme par exemple aussi la Corderie Royale de Rochefort…
Visites de tous ces endroits aussi intéressantes que des châteaux.
Olivier Kell
9 août 2020 @ 08:07
Bel endroit que la Corderie de Rochefort
miloumilou
9 août 2020 @ 06:45
Merci Guizmo pour ce reportage très complet sur un magnifique endroit!
Phil de Sarthe
9 août 2020 @ 07:14
Splendide!
Benoite
9 août 2020 @ 07:20
« Le charme du bâtiment » que c’est bien dit.. Excellent reportage et commentaire idem. Nous sommes passés à proximité, mais ne pouvant faire la visite, j’ai manqué ce lieu plein de prouesses architecturales, et sociales. C’était un défi que de faire une réalisation à but économique , en ce temps là. Il fut réussi, et bien exécuté. De lire tout ce qui a été fait techniquement, est fort intéressant. Sous terre, et au sol, des détails intéressant, sur ce sel, qui était une rentrée négligeable à cette époque. Les salines sont toujours une source de visites estivales, par ce qu’elles sont ludiques, et que le sel fait partie de notre quotidien culinaire, heureusement réduit, mais incontournable.
Merci Guizmo, vous êtes pour NR, un guide précieux et vos photos sont belles. Ces toits .. me plaisent . Cette région est magnifique.
HRC
9 août 2020 @ 07:38
Alors là, il y a tout, l’architecture et les techniques de production.
Guizmo, merci (une fois de plus)
Menthe
9 août 2020 @ 10:09
Mon amie voyagiste me propose une visite de jardins dans le Jura avec les Salines d’Arc et Senans au programme, j’hésitais, votre carte postale, Guizmo, a fait pencher la balance du bon côté, merci !
ciboulette
9 août 2020 @ 17:05
Merci , Guizmo , j’ai eu l’occasion de la visiter plusieurs fois , et ce qui frappe , quand on arrive , c’est l’impression d’harmonie absolue qui se dégage de l’ensemble . Elle a été construite selon les proportions du nombre d’or .
Charlotte (de Brie)
9 août 2020 @ 07:55
Cette carte postale de Guizmo est comme d’habitude d’une grande richesse tant iconographique que descriptive.
La première photo est impressionnante de par sa conception architecturale, on comprend que la population ait considéré cela comme « un palais royal » !
J’y ai vu aussi comme une moitié de cadran solaire, mais ça c’est mon imaginaire qui galope.
La technique du saumoduc est assez impressionnante,
En fait Ledoux a précédé dans sa conception de cité idéale, Godin à Guise et Stiring-Wendel en Lorraine voire Le Corbusier et sa cité radieuse.
Dernière remarque : d’où provient cette eau salée ? y eut -il autrefois une mer à cet endroit ?
Celia72
9 août 2020 @ 07:55
Merci Guizmo. Nous l avons visitée (revisitée) l an passé, c est un endroit grandiose, beau, agreable avec ses jardins differents, une belle visite. A compléter avec Salins les Bains et sa grande poele classée dont Guizmo nous parlera certainement. Bon dimanche !
Baboula
9 août 2020 @ 08:53
A quand Guizmo rédactrice à « des racines et des ailes « ?
🍀 💐
Pascal🍄
10 août 2020 @ 10:45
Guizmo est une femme ???😲😲😲
Baboula
12 août 2020 @ 13:44
Mais enfin ! C’est évident ! Une telle richesse de choix ,une telle curiosité !
Je serais là plus surprise que ce soit un homme 😳
Jean Pierre
9 août 2020 @ 08:56
Ce site fait partie des superbes endroits de France. Il est au milieu de nulle part.
Il y règne une quiétude absolue.
Cette tranquillité ne m’a pas empêché d’y être un jour de très mauvaise humeur et de m’y être comporté comme un nul.
Pascal🍄
10 août 2020 @ 10:46
Et bien mon cher cela est arrivé à certains d’entre nous et cette confession vous honore.
Valérie R.
9 août 2020 @ 09:36
Merci beaucoup pour ce beau reportage sur cet endroit très intéressant que vous m’avez fait découvrir! Beau dimanche!
Danielle
9 août 2020 @ 09:59
Très beau lieu que j’ai visité deux fois, je recommande ; merci Guizmo.
Alienor33
9 août 2020 @ 10:12
Merci Guizmo pour ce très beau reportage. Je n’ai pas oublié ce site superbe visité il y a quelques années….
Naucratis
9 août 2020 @ 11:13
Très beau reportage ! Merci !
Léa 33
9 août 2020 @ 13:22
Bonjour
Ces lieux historiques sont à visiter, il n’y a pas que les châteaux !
AnnieDurThé
9 août 2020 @ 21:16
C’est un endroit magnifique…. et les jardins !!! Nous y sommes allés il y a 3 ou 4 ans, et en gardons un excellent souvenir. Cela me fait plaisir de le voir ici sur Noblesse et Royautés.
AnnieDurThé
9 août 2020 @ 21:24
Na pas manquer aussi la visite des mines de sel à Salins-Les-Bains Arc et Senans, pas très loin de la saline Royale.
Teresa2424
10 août 2020 @ 03:14
Gracias Guizmo muy completo e interesante informe!!!cuando pueda volver a viajar-este año por covid2 es la primera vez que no viajo -está en mi lista