Voici la carte postale de l’abbaye de Chelles par Guizmo. « Chelles est une commune de Seine-et-Marne située sur la rive droite de la Marne à 20 km à l’Est de Paris.
Au pied d’une butte témoin, à l’intérieur d’un ancien méandre, le bourg s’est développé autour d’une abbaye de fondation mérovingienne. Les recherches archéologiques menées à l’occasion de l’aménagement de l’hôtel de ville ont révélé l’évolution de ce prestigieux monastère.
Dans ce qui n’était qu’un village, lieu de passage du roi des francs et de sa suite, la Reine Clothilde, femme de Clovis 1er, fonda une église dédié à Saint Georges. Par la suite la reine Bathilde, femme de Clovis II fonda une abbaye pour des Bénédictines venues de l’abbaye de Jouarre dont sainte Bertille qui sera la première abbesse.
L’abbaye faisait partie de l’ancien diocèse de Paris, aujourd’hui diocèse de Meaux. A la mort de son mari, elle s’y retira et y fût inhumée.
La reine Bathilde était de petite naissance. Esclave saxonne au service du maire du palais, Erchinoald, sa vive intelligence en avait fait l’échanson du ministre royal.
Veuf, il l’aurait bien épousée. Elle se voulait pure, tournée vers Dieu et se retira de la vue de son maître. Celui-ci, homme de cœur, respecta sa retraite. Ce fut, cependant, pour mieux l’orienter vers de plus hautes destinées et lui faire épouser le jeune roi Clovis II en 649.
Mais la mort du roi, en 657, laisse la jeune reine de 27 ans seule au pouvoir. Veillant à l’avenir de ses fils, elle gouverne d’une main ferme, favorisant ces abbayes dont les moines défrichent la terre et dont la prière est si utile au royaume. Elle leur donne à pleines mains les immunités, ces droits spéciaux qui exonèrent d’impôts les hommes ou les terres qui en sont titulaires.
Elle s’appuie également sur des évêques fidèles, comme Éloi et Ouen. Combattant l’esclavage, réformant l’impôt pour en épargner les plus pauvres, elle multiplie les correspondances avec l’épiscopat pour inciter au respect scrupuleux de la règle dans les abbayes et prieurés du royaume.
La première Abbesse fut Sainte Bertille, amie de Berthilde. Durant l’époque mérovingienne, les souverains firent, à Chelles de fréquents séjours. Elle appartenait au cercle des abbayes royales. Des archives et trésors royaux y furent conservés pendant cette période.
A la fin du siècle suivant, l’Abbesse Gisèle, soeur de Charlemagne fit construire un nouvelle édifice et dota l’Abbaye d’un scriptorium où de nombreux ouvrages furent recopiés par les religieuses. En 798, l’abbaye devint le lieu de villégiature de Charlemagne et de sa famille.
Pendant la Guerre de Cent ans, la ville et l’abbaye furent pillées et les religieuses durent fuir à Paris. A leur retour elles obtinrent du roi Charles VI de faire fortifier la ville.
Après un grand incendie en 1226, un cloître d’aspect plus classique mais rectangulaire apparaît. C’est de cette époque que remonte les arcades du chapitre. Au 14e siècle, la reconstruction du réfectoire permettra d’étendre la cour vers le sud et de créer une cour carré.
En 1405, ce sont les Bourguignons qui envahissent la ville et font fuir les religieuses puis en 1411 les Armagnacs.
Au XVIIIème siècle, avec à sa tête, la fille du Régent, Louise Adélaide, l’abbaye devient un véritable lieu de résidence royal. Le compositeur Jean-Baptiste Morin y est nommé maître de musique en 1719.
Elle est fermée en 1790, puis vendue en 1796 comme bien national et partiellement détruite. Anne de Clermont-Chaste de Gessans en fut alors la dernière Abesse.
Sa bibliothèque et les archives furent pillées ou brûlées mais les reliques de sainte Bathilde sauvées par les habitants de la ville furent mises à l’abri dans l’église Saint André où sa chasse se trouve toujours. Le cloître est partagé entre plusieurs propriétaires après la Révolution.
Après l’obturation des baies, les murs du chapitre et du réfectoire deviennent de simples limites entre parcelles. En 1928, un particulier désire acheter et exporter les arcades mais le projet n’est pas mené à son terme. L’année suivante, la colonnade est dégagée et restaurée
Le site comportait un cloître, au sous-sol de l’actuelle mairie, une ferme, un potager et de nombreuses dépendances. Les arcades du chapitre, du milieu du 13e siècle, limitent le cloître vers l’est.
Décors et structures sont gothiques mais les arcs en plein cintre évoquent encore l’art roman. L’angle nord-est de la galerie entourant le cloître est la seule travée a avoir conservée sa voûte remontant au 16e siècle. L’abbaye est accessible uniquement aux religieux : Les profanes n’ayant accès qu’à l’abbatiale pour les offices et aux celliers pour la livraison de marchandises.
La disposition de l’Abbaye était la suivante :
- Une galerie adossée à l’église avec un accès proche du transept
- Une galerie à l’ouest ayant une entrée depuis le dehors ou sur des bâtiments accessibles aux étrangers
- Une galerie est donnant sur la sacristie, la salle du chapitre et le vestibule menant au dortoir à l’étage
- A l’opposé de l’église, le réfectoire pour les repas en commun.
Les églises Saint-Georges et Sainte-Croix mitoyennes faisaient partie intégrante de l’ancienne abbaye royale de Chelles. Saint-Georges aurait été fondée au VIe siècle, à l’emplacement d’une villa royale mérovingienne, tandis que Sainte-Croix a vu le jour au VIIe siècle.
Plusieurs fois remaniées, les deux églises échappent miraculeusement à la destruction après la Révolution française. Elles sont reconverties en auberges, greniers à grains, logements, et même en magasin d’ameublement. Désaffectées dans les années 1970, elles sont classées monuments historiques en 1984. Aujourd’hui, elles accueillent le centre d’art contemporain de la ville.
L’angle nord-ouest du cloître sert au 19e siècle d’appentis puis de forge à un maréchal- ferrant. Au 20e siècle, il est transformé en «chambre-froide» d’une boucherie-charcuterie. Les murs épais permettant de maintenir la pièce fraiche.
En 2009, des fouilles dévoilèrent de précieux indices sur les conditions de vie des religieuses et sur l’architecture chez les mérovingiens.
Les scientifiques de l’Inrap (Institut national de recherches archéologiques préventives) ont retourné 1 700 m 2 de terrain entre la mairie et le collège Weczerka et découvert les vestiges des parloirs de l’abbaye Sainte-Bathilde.. Les nouvelles découvertes étaient attendues avec impatience par les archéologues.
« Il est assez rare de mettre au jour les annexes des abbayes qui recèlent, plus que les monuments, des indices sur la vie quotidienne de l’époque, explique Christian Charamont, le directeur de ces recherches pour le compte du musée municipal. «
Par ailleurs, une borne avec l’échelle à cinq barreaux des Abbesses de Chelles avec à son sommet la crosse abbatiale emblème de la puissance de la première abbaye royale de France a permis de délimiter le territoire de l’Abbaye. Elle est daté de 1530. En voici l’explication : « Un arrêt du parlement daté de 1518, confirmant une sentence du Prévôt de Paris par laquelle les héritiers de Louis de Graville sont tenus d’abandonner aux religieuses de Chelles 80 arpents de terre en la seigneurie de Noisy et du Vaudoué…. »
Ce document indique la délimitation de l’Abbaye de Chelles dans les seigneuries de Noisy et du Vaudoué en mentionnant les bornes limitant ces possessions…
( copie du texte provenant des recherches du GERSAR)
Le jardin du cloître de l’ancienne abbaye royale a été restauré en 2007 par la Municipalité. De nombreux monastères et abbayes possédaient un jardin s’inscrivant dans la conformité du Capitulaire De Villis.
Dans cet acte législatif datant de la fin du 8ème siècle ou du début du 9ème siècle, Charlemagne avait indiqué une liste de 94 végétaux (73 plantes et herbes, 16 arbres fruitiers, 3 plantes textiles et 2 plantes tinctoriales, autrement dit employées en teinture) devant être obligatoirement cultivés dans les domaines royaux.
Aujourd’hui, le seul exemplaire de ce texte est conservé à la bibliothèque de Wolfenbüttel en Allemagne. Il permet de connaître les végétaux cultivés à l’époque.
Le jardin des simples ou jardin des plantes médicinales est situé à proximité de l’infirmerie pour faciliter les soins. L’infirmerie est sous la responsabilité d’un moine ou d’une religieuse rompus aux vertus thérapeutiques des plantes. Elles sont utilisées en infusions, pommades, onguents, cataplasmes. Dans le jardin des simples, les plantes sont regroupées en fonction du type de maux qu’elles soignent.
On retrouve un bouquetier dans le jardin du cloître de l’ancienne abbaye royale de Chelles réaménagé. Le bouquetier est le jardin des fleurs ornementales, propice à la méditation. Les fleurs cultivées servent à décorer l’autel et la chapelle.Certaines fleurs sont particulièrement appréciées pour leur symbolique : les roses et lys blancs symbolisent la virginité et les roses rouges représentent la passion du Christ.
Le potager contient toutes les plantes qui assurent la subsistance de la communauté, et dont on mange soit la racine, soit les feuilles. Il est lui aussi organisé par types de plantes potagères : plantes à cuire (chou, betterave, chicorée…), plantes dont on consomme la racine (carottes, panais, poireaux…), légumes et graines (lentilles, pois, fèves…),aromates et condiments (aneth, persil, ciboulette, thym…), cucurbitacées (melon, concombre…),céréales (épeautre, seigle…) et enfin des arbres fruitiers
Les vestiges de l’ancienne abbaye royale de Chelles sont classées monuments historiques en 1984,.
Chilpéric Ier, roi des Francs, est assassiné à Chelles en 584, au retour d’une chasse. Un monument symbolise cet événement. Ce vestige est nommé la « Pierre ou Borne de Chilperic » ou « Croix de Sainte Bautheur ». Il ne reste qu’une portion de colonne posée sur un socle. Cette pierre symbolise l’assassinat de Chilperic 1er, souverain de la Dynastie des Mérovingiens, petit fils de Clovis et a été classée aux Monuments Historiques en 1862.
Régine ⋅ Actualité 2021, Cartes postales, Eglises, France 12 Comments
Aldona
26 août 2021 @ 06:37
Merci Guizmo pour ce documentaire très instructif
Pistounette
26 août 2021 @ 06:42
Article passionnant… mais « dense » : j’ai dû relire deux fois très attentivement !
Merci Guizmo, comme d’habitude 😊
Marie Francoise
26 août 2021 @ 07:14
Quel passionnant récit que celui de cette abbaye dont je n’avais jamais entendu parlé ! Meeci Guizmo . J’aime ces lieux chargés d.Histoire comme également l’abbaye de La Celle dans le Var où j’ai eu l’occasion de fêter un Noël inoubliable dans les plus pures traditions provençales il y a QQ années de cela !
JAusten
26 août 2021 @ 07:51
passionnant comme toujours. Merci Guizmo
cerodo
26 août 2021 @ 08:10
article passionnant ! Comme je le dis toujours, la réalité -et ici l’Histore- dépasse la fiction. Merci Guizmo.
Alice
26 août 2021 @ 09:55
Merci Guizmo pour cette visite guidée d’un site extrêmement intéressant que j’ai visité il y a plusieurs années. Pour se replonger dans l’atmosphère mérovingienne, j’invite à relire “My Brother Chilperic” de Paul Murray Kendall. Le livre a plus de 40 ans mais n’a pas pris de rides et 40 ans, ce n’est pas grand chose depuis l’époque des petits fils du Roi Clovis.
Ciboulette
26 août 2021 @ 17:46
Merci , Guizmo , voici le genre d’articles que j’apprécie , très intéressant et instructif .Je suis passée à Chelles , mais j’ignorais l’existence de cette abbaye .
Danielle
26 août 2021 @ 13:46
Merci Guizmo, je n’aurais jamais pensé à une telle histoire à Chelles.
Brigitte - Anne
26 août 2021 @ 20:16
Merci Guizmo, je ne connaissais pas. Très intéressant, je vous relirai avec plaisir.
Juste
26 août 2021 @ 22:31
Merci Guizmo. J’envie votre érudition.
Beque
27 août 2021 @ 16:12
La Princesse Palatine écrit, à propos de sa petite-fille, le 13 septembre 1719 : « … Il faut que demain… j’aille à Chelles où se fera la bénédiction de notre jeune abbesse. Ce sera une journée bien désagréable pour moi, car premièrement je suis fort chagrine de ce que cette jeunesse se soit fourrée dans un couvent, ce dont nous retirerons, je le crains, peu de joie et peu d’honneurs ; secondement, la cérémonie durera deux heures entières, et troisièmement, il me faudra voir force nonnes et novices, ce qui m’est contraire aussi. »
D’autres lettres suivent, la correspondance de la Princesse Palatine a été éditée au Mercure de France.
bambina
27 août 2021 @ 22:08
La Palatine, sacré personnage !!!