Voici la carte postale de l’ancienne abbatiale Saint Maur de Bleurville dans les Vosges par Guizmo. « L’ancienne abbatiale Saint Maur (XIe s) s’élève au centre du village à proximité de la place du Prince.
En 766, le prêtre Berthaire et son neveu le diacre Athalein, en route pour les tombeaux des saints Pierre et Paul à Rome, furent assassinés par des gens de Menoux.
On retrouva leurs corps décapités près de Saint-Rémy. Les têtes furent remontées des eaux de la Lanterne par un pêcheur qui les prit dans ses filets et les porta à l’abbesse de l’abbaye de Faverney. Celle-ci rassembla les corps des voyageurs infortunés et les fit ensevelir sur le lieu-même du crime, dans une chapelle qu’elle construisit pour eux. L’endroit prit le nom de Saint-Berthaire et devint un lieu de pèlerinage.
Au cours du Xème siècle, le clerc Mérannus fit transférer chez lui, à Bleurville, les reliques des deux pèlerins.
Il semble que l’on profita de la nuit pour mener l’entreprise à bien. Il édifia une chapelle de bois pour les abriter ; le pèlerinage reprit et grandit en renommée.
Dans la première moitié du XIème siècle, Raynard, comte de Toul et seigneur de Fontenoy-le-Château et Bleurville, fit bâtir sur l’édifice de Mérannus l’église abbatiale Saint-Maur. Il y installa un monastère de bénédictines auxquelles il confia la vénération des saints martyrs.
L’abbatiale sera consacrée en 1050 par le pape Saint Léon IX. Malheureusement, St-Maur devait pâtir de l’avidité de ses « bienfaiteurs », et peut-être aussi de la gestion du pèlerinage par les religieuses. Elles quittent le monastère en 1128, moins d’un siècle après sa fondation.
Commence un long et terrible déclin : Le monastère devient un simple prieuré dépendant de l’abbaye Saint-Mansuy de Toul qui envoie des moines. Très tôt, la communauté des habitants s’émancipera de l’autorité du prieur et elle se dotera d’un maire et d’échevins qui géreront les affaires de la communauté villageoise.
Cependant, le prieuré possédait la quasi-totalité des forêts du lieu en indivis avec le duc de Lorraine, ainsi que le four à pain banal et le moulin. Les habitants payaient au prieur et au receveur des comptes de la prévôté du Bassigny Barrois mouvant de Lamarche, des redevances pour l’usage du moulin, du four et de la halle.
Il subit de graves déprédations durant la Guerre de Bourgogne. Après un incendie au tournant du XVIe s., de grands travaux sont néanmoins entrepris : on installe notamment des voûtes gothiques sous les plafonds de l’époque romane. Nouvel incendie en 1627.
Deux ans plus tard, St-Maur est rattaché au prieuré de St-Nicolas-de-Port qui en utilise les revenus pour restaurer la basilique St-Nicolas et construire la primatiale de Nancy.
Bleurville est plusieurs fois est mis à sac durant la Guerre de Trente Ans. Le prieur de St-Nicolas porte alors à St-Maur un coup de grâce incompréhensible : en 1671, pour mettre fin aux reproches des habitants qui se plaignent du retard des réparations, il fait abattre tout l’ouest de la nef ! L’édifice en est défiguré. La restauration qui commence enfin en 1704 réduit encore la hauteur de l’église et celle de son clocher.
A la Révolution, le monastère, qui comprenait outre l’église, un logis prieural, des engrangements et un pigeonnier est vendue au titre de bien national à un paysan qui fait de l’église une grange et garde le logis comme habitation.
Symbole du premier art roman en Lorraine, son architecture intègre les influences du roman ottonien et du roman bourguignon. Elle conserve une partie de la nef du XIe siècle avec une alternance de piliers ronds et carrés, l’abside, voûtée en cul-de-four, a été recouverte d’une voûte gothique. Absidioles, bras du transept et bas-côtés ont aujourd’hui disparus.
L’ église fut transformée aux XVI et XVIII siècles. L’église avait une nef de cinq travées, avec deux bas-côtés. Le transept les débordait de part et d’autre ; il comprenait trois absides qui répondaient aux espaces du vaisseau, celle du centre étant plus importante. L’édifice était aussi plus élancé qu’il n’y paraît aujourd’hui car les bas-côtés étaient plus bas que la nef et une tour s’élevait au dessus de la croisée du transept.
L’ensemble devait être sobre et de proportions harmonieuses ; les volumes en étaient ponctués par les seuls éléments de l’architecture, comme les beaux chapiteaux que l’on voit encore pris dans la maçonnerie.
La crypte est une des particularités de St-Maur et constitue un rare exemple d’œuvre carolingienne. Elle fut vraisemblablement construite du temps de la nef puisqu’on y retrouve un modèle de chapiteau semblable. Plus vaste qu’aujourd’hui, elle s’étendait sous tout le transept et les trois absides. Les colonnes, assez petites, ont des fûts ronds, hexagonaux ou carrés, et sont de diamètres variés.
Elles sont disposées de façon régulière, mais serrée. On circule ainsi dans une forêt de colonnes, une impression que renforce encore l’absence d’arcs doubleaux et formerets pour souligner les principales lignes de l’architecture.
Le logis du prieuré, à côté de l’église abbatiale, est une maison lorraine de la fin du XVIIIe s. dont les pièces donnent sur l’ancien jardin des moines. Le bâtiment abrite le Musée de la Vie Religieuse, une intéressante collection d’habits sacerdotaux, de livres liturgiques et autres objets du culte catholique. On remarquera particulièrement un fort bel ensemble de bénitiers de chevet.
C’est en 1974 que l’abbé Pierrat rachète les bâtiments et entame une vaste campagne de sauvetage poursuivie aujourd’hui par l’association des Amis de Saint-Maur.
Depuis 1991, c’est l’association des Amis de Saint-Maur 17 qui est propriétaire du lieu, qui y organise des manifestations culturelles. Un musée de la piété populaire a été installé dans l’ancien logis prieural. Un petit jardin monastique a été aménagé entre église et prieuré.
La Crypte est classée Monument historique en 1942 et l’église haute classée en 1984.
Cour de l’Abbaye – 4 rue des Ecoles – 88410 Bleurville » (merci à Guizmo)
Régine ⋅ Actualité 2021, Cartes postales, Eglises, France 9 Comments
framboiz 07
29 août 2021 @ 01:12
A signaler à S Bern, car les croisées d’ogive semblent à revoir …
Ciboulette
29 août 2021 @ 15:27
Quelle tristesse de voir un si bel édifice ruiné par les guerres et le temps !
Pistounette
29 août 2021 @ 06:49
Merci Guizmo… pour la passionnée d’Histoire que je suis, vos récits sont toujours un régal. Bon dimanche
Aldona
29 août 2021 @ 07:10
Très intéressant, et les photos nous détaillent bien l’histoire de cette ancienne abbatiale, merci Guizmo
cerodo
29 août 2021 @ 09:20
Merci Guizmo, vos cartes postales sont toujours une mine de renseignements historiques sur des lieux méconnus.
Marie DM
29 août 2021 @ 11:07
Un grand merci à Guizmo qui nous fait connaître des lieux cachés et participe à enrichir nos connaissances.
Gérard
29 août 2021 @ 12:37
Merci beaucoup Guizmo.
Trianon
29 août 2021 @ 15:19
Merci Guizmo, je ne connaissais pas …pourtant les Vosges me sont très familières ( Punerot, Domremy, Charmes, La Bresse , Moyenmoutiers etc…)
Mille mercis pour ces idées de futures balades
Danielle
30 août 2021 @ 17:52
Un lieu dont je n’ai jamais entendu parler.
Guizmo, vos cartes postales proviennent elles de vos circuits touristiques ? vous pourriez en faire de très beaux livres.
Merci.