Voici la carte postale du Lion de Belfort par Guizmo. « Le Lion de Belfort est une sculpture monumentale réalisée de 1875 à 1880 par Frédéric-Auguste Bartholdi, sculpteur alsacien réputé, à l’origine de la statue de la Liberté.
Il fait aujourd’hui partie intégrante de l’identité de la ville. Il possède des dimensions gigantesques : 22 mètres de long pour 11 mètres de haut. À la nuit tombée, le Lion se pare de lumières pour éclairer et protéger la ville. Il commémore la résistance de la ville assiégée par les Prussiens durant la guerre de 1870-1871. C’était il y a 150 ans.
La France de Napoléon III s’effondrait comme un soufflé face aux armées prussiennes. Une ville faite place forte résistait. Seule. Belfort, sous-préfecture du Haut-Rhin à l’époque, ne lâcha rien. Elle tint sous la mitraille pendant des mois, comptant ses morts et les jours, rare parcelle d’honneur militaire qui subsistât lorsque la France fut amputée du reste de l’Alsace.
Un événement marquant pour la ville puisque c’est cet acte héroïque qui lui permettra de rester française, contrairement aux communes alsaciennes avoisinantes.
Bartholdi n’est ni un revanchard ni un va-t-en-guerre. Il offre de créer à Belfort, gratuitement, un monument qui symbolisera le courage, la résistance, mais certainement pas la vengeance. Dans un courrier du 16 mars 1872, Bartholdi insiste sur l’importance du choix de son emplacement « il faut que le monument soit bien en vue et s’identifie à la ville ».
C’est de là que lui vient l’idée du Lion, symbole de fermeté, de résistance et de vaillance.
Un fauve majestueux, comme né de la paroi meurtrie dans laquelle il va s’insérer. Bartholdi l’écrit au maire de Belfort : son œuvre ne veut rappeler « ni une victoire, ni une défaite » mais « une lutte glorieuse dont il faut transmettre la tradition pour la perpétuer ».
Il faudra cinq ans à Bartholdi pour achever sa sculpture monumentale. Bartholdi dans un souci d’harmonie de couleur, préfère le grès rouge des Vosges. Les blocs sont travaillés individuellement, puis déplacés sous la citadelle de Belfort pour y être assemblés un à un. La roche est taillée derrière le monument pour que le fauve se détache mieux de la paroi. Il semble prêt à se dresser contre l’ennemi, et prouve sa force en maintenant sous sa patte une flèche qu’il vient d’arrêter.
Allongé, il tourne symboliquement le dos à l’est, et regarde, imperturbable, l’ouest et le sud. Malgré la situation, il garde son sang-froid. Son expression est empreinte de sérénité et de sévérité. Son Lion ne défie pas l’Allemagne. Son regard embrasse la France et il montre dédaigneusement sa croupe à l’ennemi. Son attitude, calme et puissante, une patte sur une flèche qu’il vient de stopper, n’a pas besoin de discours. Ici, on ne passe pas.
En août 1880, le retrait des échafaudages dévoile le Lion. C’est une avalanche de critiques. Les choix esthétiques de l’artiste sont raillés à Paris. Outre-Rhin, la presse, qui estime que l’Allemagne s’est fait rouler dans la farine par le président de république Adolphe Thiers en laissant Belfort à la France, se déchaîne contre ce qu’elle considère comme une provocation belliqueuse.
L’incident diplomatique se profile et le gouvernement de Charles de Freycinet donne les ordres les plus stricts pour faire annuler toute inauguration officielle qui pourrait être mal reçue par le chancelier impérial Otto von Bismarck. Un samedi soir d’été, les Belfortains du centre-ville voient le Lion s’illuminer. C’est Bartholdi, seul, qui leur offre une inauguration privée avec les quelques feux de Bengale qu’il a apportés.
La municipalité décide de construire un second monument avec le reliquat de la souscription publique pour le Lion, alors que les abords de ce dernier ne sont pas terminés.
Bartholdi est écarté de ce nouveau projet. L’affaire finit en justice. L’artiste perd au bout d’une longue procédure et en sort profondément meurtri. Son honneur ne sera rétabli que bien plus tard, en 1913, après sa mort, lorsque le monument des « Trois sièges », face à la préfecture, sera inauguré en présence de sa veuve.
Pendant trente ans, le Lion sera dans le cœur des Français mais, pour des raisons essentiellement diplomatiques, ne sera jamais mis en avant par le pouvoir politique. Tout changera après l’été 1914. 24 km séparent le Lion de Belfort de Joncherey, petit village belfortain où tombe le 2 août 1914 le caporal Peugeot, premier soldat français tué dans cette nouvelle guerre.
Le Lion de Belfort fut élu le monument préféré des français en 2020. »
Régine ⋅ Actualité 2022, Cartes postales, France, Statues 56 Comments
Mimine
28 juillet 2022 @ 01:44
Très intéressant Guizmo. Cette statue doit se voir de loin. Vous décrivez bien le contexte politique et patriotique.
Bambou
28 juillet 2022 @ 18:49
Non, on ne voit cette statue qu’en arrivant dans la citadelle, car cette sculpture est posée devant un rocher.
Mimine
29 juillet 2022 @ 12:45
Ha, d’accord!
Adélaïde de B.
1 août 2022 @ 22:00
Cette semaine deux pages dans Point de Vue sur le même sujet…
will34
28 juillet 2022 @ 01:49
Le modèle du Lion de Belfort est Brutus, magnifique lion de l’Atlas appartenant au grand dresseur de fauves Jean-Baptiste Pezon, propriétaire du crique du même nom.
Pezon arrivait même à le chevaucher.
Pascal HERVE
28 juillet 2022 @ 14:42
Merci de cette précision , j’irai voir si Henry Thétard en parle !
Ce lion m’évoque le lion héraldique emblème de l’empire éthiopien et pourtant les lions de l’Atlas (hélas aujourd’hui disparus , ils avaient paraît-il une magnifique crinière noire ) n’ont guère de ressemblance avec les lions d’Abyssinie eux mêmes très menacés .
Pistounette
28 juillet 2022 @ 04:32
Itou la Citadelle : vu enfant le lion mais sans connaître l’histoire détaillée
Merci Guizmo
JAusten
28 juillet 2022 @ 07:53
Magnifique !
Beque
28 juillet 2022 @ 08:35
Bien que sans aucun rapport avec Bartholdi, son monument me fait un peu penser au lion de Lucerne sculpté par le danois Thorvalsen, en 1819, et dont le modèle fut transféré par le tailleur de pierre Ahorn dans le rocher de grès de Lucerne, en 1820. Cette sculpture représentant un lion mortellement blessé avait été érigée en hommage aux quelque 800 Suisses de la garde de Louis XVI dont 300 furent massacrés lors de la prise des Tuileries, le 10 août 1792, 200 gravement blessés ou guillotinés les 2 et 3 septembre suivants. Pour Mark Twain « c’est le plus triste et le plus bouleversant morceau de roche du monde » et, effectivement, on est broyé par l’émotion en le voyant. Le lion, haut de 6 mètres, long de 10, est mourant mais continue avec sa patte de protéger l’écu aux trois fleurs de lys des rois de France. En 1789, 40.000 Suisses (à ne pas confondre avec la garde suisse pontificale fondée en 1506) étaient au service des puissances étrangères de l’époque.
Baboula
28 juillet 2022 @ 10:34
Oui ,sans rapport , des fois qu’on vous oublie . Si encore vous aviez mis une photo .
carmina burana
28 juillet 2022 @ 10:49
Ben si il y a un rapport,chaque fois c est une sculpture de lion qui symbolise la France,et la mort de ses soldats.
Beque
28 juillet 2022 @ 15:21
Merci, Carmina, vous êtes bien aimable.
Beque
28 juillet 2022 @ 11:37
Baboula, toujours aimable ! Récemment vous m’écriviez : « j’étais excédée par vos logorrhées ». Je ne pense pas être la seule à élargir les sujets.
Pascal HERVE
28 juillet 2022 @ 14:45
Elargissez Bèque , élargissez!
Ce n’est pas moi qui vous jetterai la première pierre .
Mais la question de l’élargissement est peut-être un vrai sujet , y compris sur N&R ?
Beque
29 juillet 2022 @ 10:04
Merci, Pascal
L’internaute en question s’est déchaînée sur le sujet « Henri de Vibraye » du 25 juillet. Incompréhensible, cette haine soudaine.
Framboiz07
29 juillet 2022 @ 02:11
Merci ,Guizmo et merci à Vous, continuez Beque !
Puisqu’on est dans les animaux, laissez pisser le mérinos,comme on dit par chez moi !
limaya
1 août 2022 @ 17:12
Laissez tomber Beque , je dis souvent on méprise les gens par le silence . Quant à Baboula elle devait s’ennuyer de ne rien dire et ds ce cas on choisit de se distinguer par n’importe quoi c’est connu…….
comme vous Berlioz, j’ai connu le lion de Belfort à travers les souvenirs de guerre de 14 racontées par mon père. Bien plus tard je suis venue faire sa connaissance.
limaya
1 août 2022 @ 17:15
« racontés » bien sûr , en cas de grincement ! !
Beque
2 août 2022 @ 09:34
Merci, Limaya, l’étonnant dans l’histoire c’est qu’une internaute m’a écrit à moi : « du calme ! » Heureusement que quelques internautes sympathiques m’ont « soutenue » si je puis dire.
Horace
29 juillet 2022 @ 04:59
Baboula!!
Si cela ne vous intéresse pas, n’en dégoûtez pas les autres…
Merci Beque. Il est toujours bon d’apprendre.
Beque
29 juillet 2022 @ 09:48
Merci, Framboiz07 et Horace,
J’avoue que j’étais un peu décontenancée.
Ciboulette
29 juillet 2022 @ 20:42
Du calme , Beque ! Vos apports sont souvent appréciés , un peu longs parfois , dans ce cas je ne lis pas tout . . .
Et les autres qui aboient par derrière , laissez Baboula tranquille , elle aussi connaît beaucoup de choses ( qu’elle partage volontiers ) , vous êtes contents de lui demander des détails ( gemmologie ) .C’est une dame très sympathique qui ne mérite pas le moindre reproche . Qui , parmi vous , parmi nous , n’a que de bons jours ?
Esquiline
28 juillet 2022 @ 12:08
Pour satisfaire votre curiosité
https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/7/72/Löwendenkmal_-_The_Lion_Monument_%28Lucerne%29_02.jpg
Effectivement sans aucun rapport du point de vue émotionnel et artistique. Un lion, symbole de la force, est rarement représenté vaincu et souffrant.
Pascal HERVE
28 juillet 2022 @ 15:38
Avec la permission de Régine :
https://www.youtube.com/watch?v=AguK4YXGJS8
Esquiline
30 juillet 2022 @ 19:14
Effectivement les lions meurent aussi dans la nature et pas toujours de mort naturelle hélas.
Achille
29 juillet 2022 @ 05:43
Baboula,
Une camomille pour vous détendre?
Julien
29 juillet 2022 @ 09:03
Mais si Baboula et c’est souvent enrichissant de s’évader du sujet premier grâce aux commentaires des intervenants.
Beque
29 juillet 2022 @ 09:49
Merci à vous aussi, Achille et Julien
Pascal HERVE
29 juillet 2022 @ 14:01
Baboula,
En confidence (mais que cela reste entre nous) je ne lis pas toujours tout ce que Bèque écrit , tout comme beaucoup doivent en faire de même pour moi voire pour vous.
Ciboulette
29 juillet 2022 @ 20:35
Celui que nous voyons ici n’est certes pas mourant , il tourne son c..à l’ennemi et nous incite à nous battre
RRROOOOAAAAAARRRR !
Menthe
30 juillet 2022 @ 13:26
Tu me ferai presque peur, féline Image😘
Kalistéa
28 juillet 2022 @ 16:16
Chère Beque , justement un ami m’a envoyé il y a peu une photo représentant le lion de Lucerne et… j’avais aussitôt pensé au lion de Belfort !
Mat
28 juillet 2022 @ 20:34
C’est vrai, ce sont des lions qui « remuent », on ne peut pas les regarder sans émotion..
Un grand MERCI, Guizmo: vous avez, comme souvent, comblé mes lacunes pour des endroits que je connais bien ! Vos anecdotes valent le détour ☺️
Gael
29 juillet 2022 @ 08:58
Merci à Guizmo, Beque et Ghislaine.
Beque
29 juillet 2022 @ 09:50
Merci, Gaël
Ghislaine
29 juillet 2022 @ 13:25
Merci Gaël et merci à Beque qui m’a fait connaître le lion de Lucerne .
Beque
29 juillet 2022 @ 16:26
Merci, Ghislaine
Kalistéa
28 juillet 2022 @ 09:49
Je me souviens de l’émotion ressentie la première fois que je me suis trouvée sous cette étonnante et gigantesque sculpture. Sur la place Denfert-Rochereau à Paris un autre lion bien plus modeste par la taille rappelle l’héroïque colonel qui défendit la place de Belfort « comme un lion ».en 1870 .71 .
Ghislaine
28 juillet 2022 @ 14:18
Merci Guyzmo – sujet intéressant
Puisque Kalistea évoque la place Denfert-Rochereau , je me permets de signaler que c’est cette place qui situe les catacombes de Paris (ossuaire) Pendant la dernière guerre mondiale , le PC du Colonel Rol-Tanguy se tenait dans ces catacombes à 26 Mètres sous terre – Les allemands l’ignoraient .On peut le visiter.
Hortense
29 juillet 2022 @ 05:05
En toute saison une longue file d’attente…
La première fois que je l’ai remarquée, il y a fort longtemps, j’attendais le bus menant à Orly.
Au retour du voyage, ma curiosité a été satisfaite.
Brrr.
Calliopé
28 juillet 2022 @ 10:41
Merci beaucoup pour toutes ces informations sur cette superbe statue ! Je n’en connaissais que le symbole, et suis ravie d’avoir comblé mes lacunes sur son histoire.
Claude Patricia
28 juillet 2022 @ 10:43
Superbe
carmina burana
28 juillet 2022 @ 10:46
Et bien Guizmo merci pour vos explications detaillees,car jamais je n aurai vu que la croupe du lion etait tournee vers l Allemagne,et sa tete vers le sud de la France.
Leonor
28 juillet 2022 @ 11:23
On peut rigoler un p’tit coup – si j’ose dire ?
Voyez plutôt :
https://www.youtube.com/watch?v=BYx2k1k_Kk4&ab_channel=NationalGeographicWildFrance
😮🤩🤩🤗🤗🤗🤗🤗 !
Mimine
28 juillet 2022 @ 15:41
Houla! 😄
Ciboulette
30 juillet 2022 @ 13:50
Carré blanc pour les chats !
Carole 007 - Carolus
31 juillet 2022 @ 12:46
Ah Leonor, vous êtes unique ! 😂
Danielle
28 juillet 2022 @ 12:31
Un souvenir d’août 1979, merci Guizmo de me le remémorer.
Je suis étonnée par ce monument préféré des français en 2020 car il y en a d’autres qui le surpassent.
Berlioz
28 juillet 2022 @ 14:17
L’an passé, de passage dans la région,j’ai souhaité faire un détour par Belfort pour voir ce Lion dont mon père ,ayant fait son service militaire dans cette ville,nous avait beaucoup parlé.J’ai retrouvé quelques cartes postales de l’époque et ce passage:
Belfort le 16 Juillet 24…depuis quelques jours il fait une chaleur terrible,le vent souffle très fort…Lundi 14 nous avons vu le Tour de France.
Caroline
28 juillet 2022 @ 22:44
Très intéressant ! 👍👍👍
Merci à Guizmo pour cet article instructif !
Florence Bouchy-Picon
28 juillet 2022 @ 22:47
le lion de Belfort a été érigé pour célébrer l’héroïque défense de Philippe Denfert Rochereau face à la Prusse en 1870. Défense que les Prussiens ont eux-mêmes honorée . Car Belfort devait tomber dans leur escarcelle après la défaite et ils l’ont laissé à la France. Ils ont exigé Metz en compensation car le Roi de Prusse avait dit que c’était le « tombeau de sa garde' ». . Il y a eu une cérémonie en l’honneur des Suisses massacrés aux Tuileries à la Chapelle Expiatoire, organisée par Jean Raspail en 1992; J’ai eu l’honneur d’y être présente.
Beque
29 juillet 2022 @ 10:19
Florence, vous avez vu le monument du Lion à Lucerne ? On en pleure. Esquiline nous a envoyé un lien (je ne sais pas faire ce genre de manoeuvre sur mon ordinateur).
carmina burana
30 juillet 2022 @ 13:50
Beque,oui ce lion de Lucerne est très émouvant,je suis soufflée…merci pour cette découverte.
Florence Bouchy-Picon
29 juillet 2022 @ 23:51
Cher r(ou chère ?) Beque, je viens d’ouvrir’ le lien d’Esquiline sur le lion de Lucerne symbolisant le sacrifice des Suisses. C’est poignant en effet.
Beque
31 juillet 2022 @ 20:52
Merci, Florence, je suis une femme donc vous pouvez écrire « chère ».
l'Alsacienne
30 juillet 2022 @ 06:40
Merci Guizmo pour ces reportages.
Belfort ne serait pas Belfort sans son lion, visible de loin.