Voici la carte postale gastronomique du Brie de Meaux par Guizmo. « Le Brie de Meaux, le roi des fromages, fromage des rois.
On présume que l’histoire du Brie a pris naissance dans l’abbaye de Jouarre, fondée au VIIème siècle.
Eginhard, moine à Saint-Gall, rapporte dans sa Vie de Charlemagne que, au retour de sa campagne contre les Lombards, l’empereur en goûta au prieuré de Reuil-en-Brie. Et le trouva excellent. Il demanda à l’abbé de lui faire envoyer plusieurs chargements chaque année dans sa ville d’Aix-la-Chapelle.
A son tour Philippe-Auguste le jugeant « escuelent », en fit distribuer à toute la cour au moment des étrennes. Un compte rendu de la cour de Champagne (à l’époque, la Brie faisait partie de la Champagne) établit qu’en 1217 le receveur des foires de Provins avait, sur ordre de la comtesse Blanche de Navarre, envoyé deux cents « galettes de Brie », payées 12 sols l’unité du roi Philippe.
L’histoire du Brie est également chantée par le poète Eustache Deschamps qui fut non seulement un rimeur célèbre, mais aussi un redoutable combattant auprès de Charles V et de Charles VI, pour « bouter l’Anglois hors de France », appréciait beaucoup le fromage de Brie, dont il disait « que c’estoit la seule bonne chose qui provenoit de ce païs ».
Charles d’Orléans, père de Louis XII avait coutume d’en distribuer, lui aussi, à son entourage. Le portier de son hôtel, Guillaume Ligier, a attesté avoir reçu, le 6 décembre 1407, vingt « dozaines de fromages de païs de Brye demandez par ledit seigneur pour donner aux estraines prochennes ».
Il faut rappeler qu’en ce XVème siècle commençant les baux fermiers comprenaient une clause, qui s’est perpétuée jusqu’à nos jours, selon laquelle la redevance au bénéfice des propriétaires habitant consistait dans « la fourniture de quelques dozaines de fromaigres en cresme, secqs, prets à mettre en cave » ou bien des « froumages de grand moule livrable à la Saint-Martin ».
Durant tout le XVIème siècle, l’histoire du Brie continue et on trouve sous la signature d’Antoine Truquet, un ouvrage intitulé Les Cent et Sept cris de Paris, où on peut lire : « Fourmaige de Brye ; Fourmaige à la livre ! ; Fourmaige de Brye ; Tant plus haut je crie. Et moins j’en délivre !»
Henri IV marqua l’histoire du Brie en le découvrant alors qu’il soupait avec la reine au vieux château de Meaux un soir de février 1594.
Au soir de la bataille de Rocroi le Grand Condé, qui venait de tailler en pièces l’infanterie espagnole, demanda du Brie au repas qu’il prit avant de se reposer.
Le Brie de Meaux a lui aussi eu de belles heures de gloire avec Louis XIV qui aurait fait rentrer 50 voitures hebdomadaires à Versailles, Saint-Germain et Paris pour ce fromage et Jean de la Fontaine se serait inspiré du Brie pour sa fable « le corbeau et le renard ».
L’histoire du Brie continue avec Marie Leszcynska qui contribua également à mettre le Brie à la mode au XVIIIème siècle. Elle le découvrit quand elle s’arrêta avec sa suite à Donnemarie-en-Montois, où l’attendaient les émissaires du roi et où lui furent servis des bouchées à la reine avec du Brie dedans.
Louis XVI appréciait également le Brie de Meaux et selon le site de la confrérie, « on raconte que lors de sa fuite vers Varennes, il a fait une halte à Claye-Souilly, pour y déguster du Brie et du vin rouge », ce qui lui aurait faire perdre de précieuses minutes.
Mais c’est après la chute de l’Empire que ce fromage eut son heure de célébrité dans l’histoire de France. Il connut son apothéose à Vienne lors du banquet de clôture du Congrès où l’Europe régla le sort de la France vaincue.
Le comte de Vielcastel, secrétaire du Congrès pour la France, rapporte dans ses Mémoires que lors d’une conversation avec le prince de Metternich, chancelier d’Autriche, le duc de Talleyrand, ambassadeur de Louis XVII, avait soutenu qu’aucun fromage ne valait le Brie de Meaux.
Metternich, agacé de ne pas voir son « Bleu de Bavière » reconnu comme le meilleur, décida d’organiser pour le banquet final du Congrès une dégustation des cinquante-deux fromages régionaux que représentaient les participants des différents pays en présence. La discussion suivit, et le jury, par la voix même de Metternich proclama le Brie « prince des fromages et premier des desserts ». Ces Bries historiques venaient de la ferme des Baulny, vieille famille meldoise habitant l’été sur les terres de Villeroy
Au cours du 19ème siècle, les fromagers livrent leurs produits laitier “frais de sel” non affinés dans la partie Est de l’Ile-de-France grâce à l’apparition du chemin de fer. Ainsi, ils les affinent dans l’Est et commencent à les vendre comme le fromage “Brie de Meaux”.
C’est alors que la fabrication du Brie de Meaux se développa dans la région de Marne, Haute-Marne et la Meuse.
Au début du XXème siècle, il y avait autant de Bries que de fermes briardes. Le département de Seine-et-Marne nourrissait alors plus de 100 000 bovins et produisait des millions de fromages par an.
Au lendemain de la Grande Guerre, en 1927, le commerce du Brie était toujours florissant à Meaux et le cheptel comptait encore 51400 vaches laitières, chiffre qui était tombé à 50 000 en 1950 et à peine à la moitié actuellement.
Le Brie de Meaux est obligatoirement au lait de vache cru. L’emprésurage se fait à l’aide de présure animale naturelle. Comme de tradition, le moulage est fait manuellement en 2 étapes à l’aide d’une pelle à Brie dans des moules en métal par un mouleur qualifié. Le jour suivant, après plusieurs retournements manuels, les fromages sont démoulés et salés au sel sec.
Après plusieurs jours au séchoir, les fromages sont mis en cave, où ils sont retournés au moins deux fois par semaine à une température allant de 7°C à 9°C. Deux mois sont nécessaires pour affiner un Brie de Meaux.
La confrérie des compagnons du Brie de Meaux est née en 1991 de la volonté d’amateurs éclairés et de professionnels de qualité, la confrérie est aujourd’hui une véritable institution meldoise.
Elle regroupe en son sein tous ceux et celles qui se régalent du vrai Brie de Meaux. Animée par un Grand Conseil de l’Ordre, elle est composée de membres éminents : paysans, fromageux, affineurs, marchands, amoureux du terroir briard et de son fromage presque deux fois millénaire ».
Maison du Brie de Meaux -5 Place Charles de Gaulle -77100 Meaux
Régine ⋅ Actualité 2023, Cartes postales, France, Gastronomie 35 Comments
Benoite
23 août 2023 @ 04:43
Guizmo, vous vous êtes fort investie dans cet article Gastronomie, je vous dis merci, pour l’histoire de ce Fromage réputé. Vainqueur reconnu dans les concours et chez les artisans Fromagers. La France terre de Fromages, (l’Italie nous bat peut être) ! mais on a parait il de nos jours, plus d’un fromage Français par jour… je ne boude pas mon plaisir dans vos commentaires, pour les mots « Anciens Français » c’est une partie de notre Histoire, qui se fait par des hommes, des rites et des traditions, des régions et Dieu sait qu’elles sont belles nos régions, et le bon maintien des « recettes » et élaborations de produits alimentaires, depuis la nuit des temps. AOC, et AOP se sont invitées évidemment, pour réhausser le goût d’un produit, protéger son lieu d’origine, sa confection, et sa commercialisation nationale et surtout internationale.
Un grand intérêt de ma part ici, pour notre Art Gastronomique.. Merci beaucoup.
A un forum d’aviation de petits avions à Mandelieu la Napoule dans les années 1980, à la fin du salon de l’aviation (cela ne se fait plus, actuellement) j’étais invitée avec mes parents à une exposition abritée de fromages Français. Je peux vous dire que j’ai vu des Fromagers vêtus avec la blouse grise ou noire, toque en tête, parlant avec un délicieux accent de leurs régions, messieurs pas trop minces non plus, bons représentants de leurs produits présentés sur des tables tréteaux bien recouvertes.. nappes.. et les fromages avec leurs noms. et une dégustation à volonté. un bonheur cet apm là, une carte de France, le brie de Meaux y était sûrement, il y en avait plus de 200 en exposition présentemment. J’en ai fait la découverte de certains inconnus. Une foule curieuse et gastronome faisait honneur, et pépiait de plaisir…
Guizmo, vous êtes un personnage important ici sur NR. Restez y longtemps.
Pelikan
23 août 2023 @ 10:55
A mon humble avis les fromages italiens ne valent pas tripette hormis le parmesan.
J’aime aussi beaucoup le Stilton ,au moins égal aux fromages français comparables.
Il y en a peut-être d’autres outre Manche mais je ne les connais pas tous.
Baboula
24 août 2023 @ 09:20
Les fromages italiens sont d’excellents exhausteurs de goût en cuisine .
Anne-Laure
24 août 2023 @ 11:43
Pelikan : je vous trouve bien sévère avec les fromages italiens.
La tradition italienne est différente (les italiens mangent rarement du fromage entre le plat et le dessert, comme en France, et plus souvent dans des recettes).
Mais entre la mozzarella de bufflonne, le gorgonzola, l’asiago, les multiples sortes de pecorino et de caprino, le taleggio, le castelmagno, le provolone, la scamorza, le squacquerone, le brà, le tomino, etc je trouve que l’Italie est bien « l’autre pays du fromage » comme le disait une ancienne publicité au sujet des Pays-Bas (qui n’ont pas autant de spécialités).
Au sujet des fromages anglais : je les connais mal aussi, mais par exemple les vieux cheddars anglais n’ont rien à voir avec l’espèce de plastique orange utilisé dans les hamburgers… Et j’ai un souvenir ému d’une fromagerie à Londres vers Covent Garden où le fromager nous avait fait déguster d’excellents fromages (hélas bien plus chers qu’en France, et ceux que nous avions pris n’avaient pas forcément bien supporté le trajet retour, même si c’était en hiver…)
Pelikan
24 août 2023 @ 13:39
En cuisine je veux bien le croire .
Baboula
23 août 2023 @ 05:25
Bravo à la Maison du Brie de Meaux de si bien raconter ce fromage qui a un beau passé historique et grand merci à Guizmo de le relayer.
Pistounette
23 août 2023 @ 06:43
Très original, mais intéressant !
Bonne journée, Guizmo
Elodie
23 août 2023 @ 07:19
Effectivement, beaucoup de brie de meaux sont fabriques dans l est de la France, notamment dans la meuse. Vendu a la ferme en roue, miam!
Baboula
23 août 2023 @ 07:46
Dans mon enfance il y avait des petits carrés de l’Est dont la pâte ressemblait beaucoup au Brie .
Val
23 août 2023 @ 07:22
Et vous savez aussi que le fromage que tenait en son bec le corbeau n’était pas un camembert puisqu’il n’existait pas encore … mais bien un Brie de Melun puissant en goût….
Perlaine
23 août 2023 @ 07:40
Val le fromage de Melun n’a pas l’appellation de Brie et pourtant ! quelle saveur plus puissante . Le premier fromage de France restant , il me semble , le comté 36 mois, que la reine Elizabeth eu le privilège de déguster au palais de l’Elysée. Merci Guizmo
Charlotte (de Brie)
23 août 2023 @ 08:06
Le Brie de Melun n’a pas l’appellation de Brie ?
Si la Brie est riche en fromages de même type : Coulommiers, Montereau, Nangis, Provins…seuls deux ont une AOP : le Brie de Meaux et le Brie de Melun et ce depuis 1992.
Perlaine
23 août 2023 @ 11:15
vous me l’apprenez , ma belle-mère propriétaire d’un restaurant à Melun refusait l’appellation de brie de Melun – Merci pour l’info !
Baboula
24 août 2023 @ 15:34
Et elle faisait la loi,comme vous pour toujours séduire son fils .
Val
23 août 2023 @ 10:52
Perlaine,
Bien sur que le Brie de Melun est un Brie …
Perlaine
24 août 2023 @ 12:43
Val ah il fut un temps ou (toujours pas d’accent disponible) cela n’allait pas de soi ! Loll
Passiflore
23 août 2023 @ 07:27
Guizmo, vous nous mettez l’eau à la bouche, comme on dit familièrement !
Le Congrès de Vienne fut l’occasion de banquets et de festins où rivalisèrent Talleyrand et Metternich, ainsi que leurs cuisiniers Antonin Carême et Franz Sacher. On a dit de Talleyrand : « le seul souverain qu’il n’ait pas trahi était le fromage de Brie ». Je ne sais pas si la Sachertorte fut inventée par Sacher lors de ce Congrès ?
Charlotte (de Brie)
23 août 2023 @ 07:32
Magnifique carte postale de la Maison du Brie de Meaux.
Vous signalez à juste titre Guizmo le développement de la fabrication du Brie de Meaux dans la Marne, la Haute Marne etc ce qui fait hurler les Briard.
Maintenant quant à dire qu’il y avait autant de bries que de fermes briardes c’est un peu excessif, pour fabriquer un fromage il faut une cave pour l’affiner, or seules les bâtiments de ferme très très anciens en possèdent en Brie. Quelquefois d’ailleurs étant d’anciens souterrains. Disons que chaque ferme fabriquait son « caillé ».
Vous avez eu raison d’éviter de parler des hérésies actuelles consistant à fourrer le brie de moutarde (fut -elle de Meaux ) de truffe voire d’ail des ours…
Merci encore Guizmo et quand vous reviendrez en pays briard, poussez jusqu’à Jouarre, berceau dit on du brie, et visitez la fromagerie Ganot, une des dernières vraies fromageries pratiquant un affinage digne de ce nom;
val
23 août 2023 @ 13:26
Charlotte (de Brie),
Chere Charlotte ,
Et ils vendent ces Bries tellement chers , moi j’ai une préférence affirmée pour celui de Melun plus puissant en gout et lorsqu’il coule miam une merveille , le petit de Nangis est trop salé pour moi et pas assez fait !!!!!
Bonne fin d’été et bonne reprise !!
Charlotte (de Brie)
24 août 2023 @ 10:40
Merci Val et bonne fin d’été à vous également.
Koko
23 août 2023 @ 07:57
c’est tôt le matin pour un morceau de Brie mais ça fait envie, merci pour ce reportage
Kamila
23 août 2023 @ 08:32
Merci pour article, Guizmo, sur un de mes formages préférés.
Votre texte met fin à l’hésitation que je rencontre souvent sur son genre: à vous lire, c’est donc du masculin.
Auberi
23 août 2023 @ 08:33
Je ne mangerai plus jamais de Brie sans penser à Louis XVI qui fit passer son ventre avant sa tête et qui donc la perdit
Merci Guizmo 😊 un régal votre Brie 👍
Jean Pierre
23 août 2023 @ 10:00
Un maître fromager du Sundgau, qui passait pour le meilleur affineur de Brie de Meaux de toute l’Alsace, m’a un jour déclaré : « Je ne suis pas un affineur mais un éleveur ».
Dont acte.
beji
23 août 2023 @ 11:45
Miam,j’aime ! Merci Guizmo pour cet article intéressant.
Pierre-Yves
23 août 2023 @ 14:11
Un fromage délicieux mais que j’associe, allez savoir pourquoi, davantage à l’hiver. L’été, pour moi, ce sont plutôt les petits chèvres frais, la fêta, la mozzarella, la burrata.
Baboula
24 août 2023 @ 15:32
La meilleure saison pour ces fromages est quand les vaches sont au pré.
L’herbe des pâturages est meilleure que le foin pour le lait donc pour les fromages.
Danielle
23 août 2023 @ 19:55
Merci Guizmo pour l’histoire du brie de Meaux.
Il y a aussi du brie aux truffes qui est délicieux.
Caroline
23 août 2023 @ 22:08
Un grand merci à Guizmo pour son article au nom de notre patrimoine gastronomique en France !
Dommage que ce reportage ne soit pas ‘ olfactif ‘ ! Le Brie de Meaux est effectivement l’ un des fromages les plus forts en odeur !!!
Cosmo
23 août 2023 @ 22:17
Merci pour ce reportage alléchant !
Anne-Laure
24 août 2023 @ 11:45
Merci Guizmo pour ce reportage aussi alléchant qu’instructif !
DEB
24 août 2023 @ 16:08
Je viens de lire.
J’adore le brie et j’ai appris plein de choses, grâce à vous.
Merci Guizmo.
Camille
24 août 2023 @ 19:13
Merci pour ce reportage très intéressant tant gastronomiquement qu’historiquement. On ne degustera plus le brie de Meaux de la même manière. Comme Pierre-Yves, je le réserve plutôt à l’automne et à l’hiver et privilégie fêta, mozarella ou bruccio pour les beaux jours, surtout quand ils sont caniculaires.
Benoite
25 août 2023 @ 14:26
j’ai un souvenir savoureux, d’une collègue Jurassienne de naissance, qui chaque année y allait en famille.. A son retour, toujours un fromage à partager avec un clan qu’elle sélectionnait avec soin, et bonne bouteille également.
Elle nous faisait rire à chaque fois qu’elle disait « Quand au retour, on ouvre les valises toujours ce si bon parfum des fromages, et des fermes. ».
Ma chère Josette, qui nous a quitté pour cause d’asthme aigü, comme çà ! nous laissant tous et toutes désamparés face à cette absence.
Baboula
26 août 2023 @ 15:37
Au sein de la Maison de Brie il y a un atelier initiation pour la savoureuse moutarde de Meaux. Je suis surprise que vous n’en parliez pas .