La chevalerie médiévale sera à l’honneur le 19 juin prochain au château de Windsor pour la traditionnelle cérémonie de l’ordre de la Jarretière. Ce sera la première pour Charles en tant que roi.
Le cérémonial de l’Ordre fut organisé en grande pompe au château de Windsor pour la première fois le 23 avril 1349 (certains disent 1348), quelques années après son institution.
Selon la version en quelque sorte officielle, c’est en janvier 1344, en effet, au cours d’un bal donné au château de Windsor qu’Edward III, dansant avec la belle comtesse de Salisbury, ramassa la jarretière de sa partenaire et, pour couper court aux sourires ironiques et aux commentaires déplacés de ses courtisans, s’écria : » Honi soif qui mal y pense ! Tel qui s’en rit aujourd’hui s’honorera de la porter ! «
Le plus ancien texte qui nous soit parvenu sur l’origine de l’ordre de la Jarretière remonte à 1463, soit cent dix-neuf ans après sa création. C’est le » Tractatus ordinis serenissimi domini regis Anglicis vulgariter dicti la Gerretière » du bénédictin Mondonus Belvaleti.
Il ne rapporte pas d’ailleurs l’épisode galant qui y serait attaché, n’y faisant qu’une allusion très vague, sans fournir aucune précision. Et c’est dans l’ » Anglicae Historicae » publiée à Bâle en 1534 sous la signature de Polydore Virgile, un Italien d’Urbin qui passa la plus grande partie de sa vie en Angleterre, que l’on trouve le premier récit complet de l’histoire, mais sans mention du nom de la dame. De même dans les » Holinshed’s Chronicles » de 1572
Au cours des siècles suivante la version se complète en précisant la personnalité de l’héroïne. Pour les uns c’est Jeanne Plantagenet; pour d’autres enfin c’est la comtesse de Salisbury, dont on fait la maîtresse d’Edward III. Un érudit a pu reconstituer la genèse de la légende. La ville de Salisbury, assiégée par les Écossais en 1342, lut délivrée par Edward III et le roi, mis en présence de la comtesse – dont le mari était pour lors prisonnier, – lui déclara sa flamme à deux reprises, sans aucun résultat d’ailleurs. D’autre part un autre livre des » Chroniques » nous décrit les fêtes splendides organisées en janvier 1344 par Edward III à l’occasion de la création de l’ordre en son » grand chastiel de Wyndesore » et de l’investiture des quarante premiers » chevaliers dou Bleu Gartier « , sans citer aucunement la présence de la comtesse de Salisbury, dont le mari d’ailleurs venait d’être tué, quelques semaines auparavant, en joutant dans un tournoi organisé à Windsor.
Il est peu vraisemblable et en tout cas contraire à l’esprit courtois de l’époque que le souverain ait ainsi compromis la veuve d’un de ses fidèles vassaux.
De plus l’héraldiste Ashnole a fait remarquer que l’épisode de 1342 était lui-même sujet à caution, la comtesse de Salisbury étant d’un âge assez avancé.
Une autre tradition rattache la création de l’ordre de la Jarretière non à une chronique galante, mais à un épisode de courage militaire. Selon le Liber Niger, écrit sous Henry VIII, c’est le roi Richard Cœur de Lion qui, lors du siège de l’île de Chypre, aurait conféré à ses vassaux, qui s’étaient distingués au cours de l’assaut une courroie de cuir qu’il attachait lui-même au mollet gauche de ceux qu’il voulait honorer. C’est d’ailleurs cette version qui fut donnée en 1527 quand Henry VIII fit de François 1er un » chevalier compagnon du très noble ordre de la Jarretière « .
L’historien Camden, au dix-septième siècle, donna un récif différent de cette tradition : Edward III reprenant à son compte une habitude paternelle avait, paraît-il, l’habitude de fixer sa jarretière au bout de sa lance pour donner le signal des combats.
La jarretière devenait ainsi un signe de ralliement, comme le panache blanc du bon roi Henri. Et l’on précise que la devise » Honi soit qui mal y pense » aurait été lancée pour la première fois au cours de la bataille de Crécy, le 26 août 1346. Cette explication, si elle était prouvée, détruirait donc la légende du bal de 1344.
Mais comment justifier la devise ? Symbole de l’attachement des chevaliers à leur roi, en même temps que protestation éventuelle contre ceux qui voudraient taire des commentaires déplacés ? Moins de vingt ans auparavant en effet Edward II avait été assassiné ignominieusement en châtiment de ses mœurs scandaleuses, dont ses favoris Gaveston et Spencer avaient d’ailleurs été les premières victimes.
Nous en sommes réduits aux hypothèses, mais avouons que l’histoire de la jarretière de la jolie comtesse de Salisbury correspond mieux à l’idée que nous nous faisons de la galanterie chevaleresque de la cour des Plantagenet. (merci à Bertrand Meyer)
Pelikan
6 juin 2023 @ 06:46
Bertrand Meyer n’est pas qu’un humoriste malicieux (ce qui me ravit) ,c’est aussi un érudit.
Qu’on se le dise !
(Le siège et la conquête du royaume de Chypre par Richard 1er , cette fondation assez exceptionnelle des Lusignan ,ne m’évoque pas quelque chose de bien mais mes souvenirs auraient besoin d’être rafraîchis)
DEB
6 juin 2023 @ 06:56
Cette cérémonie a quand même du panache !
Caroline
6 juin 2023 @ 08:46
Merci à Bertrand Meyer pour cet article très bien commenté !
Qui seront les invités d’ honneur à cette cérémonie historique ?
particule
6 juin 2023 @ 09:06
Les Anglais et leurs traditions » Honni soit qui mal y pense » ..
Menthe
6 juin 2023 @ 09:47
Donc libre à chacun de croire ce qu’il préfère ! Moi j’aimais bien l’histoire de la jarretiere de dame Salisbury. Bien que, en réfléchissant, un peu excessif d’en créer un ordre de chevalerie ?!
Danielle
6 juin 2023 @ 15:56
Bertrand Meyer, merci pour ces explications.
J’aime cette cérémonie et ses beaux costumes et plumets.
Fanie
8 juin 2023 @ 05:19
Avec le couronnement du roi Charles, je me suis demandé si Harry en faisait parti, visiblement non. C’est pour ça qu’il ne portait pas la tenue contrairement à Andrew.