Les éditions Lacurne sont réputées pour exhumer des mémoires de membres de la noblesse notamment de l’ex-empire austro-hongrois. A chaque fois, ces ouvrages permettent de se plonger dans les destinées mouvementées de personnages qui connurent les heures de gloire de la monarchie avant de subir les affres de l’exil, perdre patrie, amis et leurs possessions dont leurs domaines pillés, confisqués ou se retrouvant dans un autre territoire suite à des redécoupes géographiques.
Le comte Jozsef Karolyi (1884-1934) fait partie de ces hommes sincèrement habités par un code d’honneur, un sens profond du devoir et un dévouement sans faille. Dans ce cas, l’histoire n’est point banale : le demi-frère du comte, Mihaly fut le premier président de la République hongroise fraîchement proclamée en novembre 1918 au moment de la chute de l’empire austro-hongrois. Lui figurait dans les manuels d’Histoire.
Le petit-fils de Jozsef, le comte George aujourd’hui (clin d’œil du destin) est ambassadeur de Hongrie à Paris, a souhaité faire connaître la trajectoire de Jozsef resté fidèle jusqu’au bout à l’empereur Charles (1887 – 1922), dernier roi de Hongrie.
Mihaly était « encensé » en Hongrie comme le comte rouge, celui qui avait tourné casaque. Jozsef a essayé d’œuvrer à la restauration-maintien de la monarchie au moins en Hongrie. Après l’échec, il rejoint l’empereur Charles, l’impératrice Zita et leurs enfants en exil sur l’île de Madère.
Lorsqu’il arrive à Funchal le 20 mars 1922 où la famille vit très modestement (elle est partie avec à peine un peu d’argent) sur la colline à la Quinta de Monte, le roi (l’auteur le nomme avec son prédicat hongrois) est déjà souffrant. Les conditions sont dures sur la montagne au niveau climatique, la famille a accepté cette demeure faute de mieux. Le dernier roi de Hongrie s’éteint d’une double pneumonie à l’âge de 35 ans le 1er avril.
Le comte Jozsef sera d’un dévouement sans faille. Il accompagne sa veuve enceinte et les enfants à Madrid où le roi Alphonse XIII les accueille.
C’est le récit de première main de cette présence à Madère jusqu’à la naissance de l’archiduchesse Elisabeth (8ème enfant du couple) le 31 mai 1922 que le comte a pris le soin de conter sans prétention, juste pour la postérité et pour mettre en exergue la grandeur d’âme du roi qui fut déclaré Bienheureux par le Vatican en 2004. Charles était devenu héritier de l’empire après l’assassinat de l’archiduc François Ferdinand à Sarajevo en 1914. Il est monté sur le trône en novembre 1916 suite à la mort de son oncle l’empereur François-Joseph, époux de Sissi.
Le comte qui fut député puis membre de la Chambre Haute (à l’époque ses émoluments étaient destinés aux œuvres caritatives) jusqu’à son décès précoce en 1934 des suites d’un cancer, vit ses propriétés s’éparpiller au gré des accords post-guerre. Le fief familial de Fehérvarcsurgo à 80 kilomètres de Budapest, est aujourd’hui administré par une fondation qui porte son nom et qui a été créée par son petit-fils George. C’est un lieu de recherches universitaires et culturel où il est possible aussi de loger.
Ce grand serviteur de la Couronne, vécut 2 ans à Lequeitio au Pays basque espagnole auprès de la famille impériale, un dévouement moral et financier total pour former l’archiduc Otto, fils aîné du couple impérial, qui devint plus tard député européen.
Par le jeu des changements de frontières, ce fidèle patriote hongrois repose en Transylvanie désormais roumaine. Cet ouvrage a été publié en langue hongroise en 1996.
« De Budapest à Madère. Les dernières heures de la monarchie hongroise », Comte Jozsef Karolyi, Editions Lacurne, 2020, 240 p. – site des éditions Lacurne : www.montbel.com
DEB
13 juillet 2020 @ 08:04
Merci. Très intéressant.
Cosmo
13 juillet 2020 @ 09:38
Merci, Régine, de ce rappel à la fidélité.
ciboulette
13 juillet 2020 @ 10:16
Bel exemple de loyauté et de fidélité .
Malthus
13 juillet 2020 @ 10:32
Quand on parle du dernier empereur d’Autriche, exilé, pauvre et malade, je me demande toujours pourquoi cet homme a continué à procréer. Il ne pensait pas à l’avenir, et qu’il pouvait laisser une veuve chargée d’enfants, démunie, et qui serait obligée de demander de l’aide à des étrangers.
La limitation des naissances, cela devrait venir à l’esprit d’un homme responsable quand il est dans une situation de précarité, et qu’on ne me dise pas que c’est l’église catholique qui l’a poussé à faire un enfant chaque année à sa femme.
Karabakh
13 juillet 2020 @ 11:40
Et pourtant, je crois bien que c’est la foi très profonde de ce couple qui l’a mené à procréer de la sorte.
Menthe
13 juillet 2020 @ 13:01
Je le pense aussi, n’y voyant pas d’autre explication.
Karabakh
14 juillet 2020 @ 14:34
Voilà. Comme vous, je ne vois que cette explication.
MSD
13 juillet 2020 @ 11:47
Il savait que se lèverait un jour nouveau pour les Habsbourg, et il ne s’est pas trompé : son fils a eu droit à un enterrement à Vienne dans la plus pure tradition de la dynastie, accompagné jusqu’à la crypte des capucins par une foule nombreuse. A quand une restauration en bonne et due forme ?
Malthus
14 juillet 2020 @ 14:28
Vous voyez un enterrement dans la plus pure tradition de la dynastie comme « un jour nouveau » ? Une revanche sur le sort ? Otto était un homme bien qui n’avait pas besoin d’un enterrement grandiose pour mener sa vie du mieux qu’il a pu. Il ne l’a pas menée, cette vie laborieuse et intelligente en vue de ses funérailles.
Nicolette
13 juillet 2020 @ 12:13
Le père de Zita,Robert 1er de Parme, était au moins aussi irresponsable : 6 handicapės mentaux de son 1er mariage, il n’en a pas moins continuė à procrėer.
Aramis
14 juillet 2020 @ 09:26
Je me demande toujours quel était le degré réel de pauvreté… pauvreté réelle ? Ou pauvreté seulement au regard de leur ancien mode de vie ?
Parce que les enfants ont quand même manifestement bénéficié de fonds qui ne semblent pas pouvoir résulter de leur seul travail.
Était ce une période de pauvreté provisoire , à la suite de laquelle ils ont retrouvé des biens ?
Laurent
14 juillet 2020 @ 12:29
Tellement pauvre qu’ils n’avaient pas les moyens de se loger correctement.
Si ils ont pu survivre c’est grâce au roi Alphonse XIII.
Ils ont vécu au Pays Basque espagnol après le décès de l’empereur .
La république autrichienne n’a pas seulement pris les biens officiels mais aussi les biens privés des Habsbourg .
Ils n’ont jamais retrouvé ces biens privés.
D’ailleurs la majorité des membres de cette famille travaille.
Karabakh
14 juillet 2020 @ 14:49
Concernant Zita, elle n’a jamais été obligée de voler ou faire la manche (même les plus croyants peuvent s’y frotter) mais, lorsque l’adversité a montré le bout de son nez, elle a du compter sur plusieurs soutiens. Concernant ses enfants, Otto a fait des études politiques et outre ses engagements, il donnait des conférences ; les princes Robert et Rodolphe ont travaillé dans l’économie, la finance. Je ne connais pas les carrières des autres enfants du couple impérial et royal.
Caroline
13 juillet 2020 @ 11:01
Y compris la ville italienne de Trieste anciennement incluse dans l’ empire austro- hongrois disloqué à la fin de la Première Guerre mondiale?
Ce livre sera très intéressant à lire ! 👍
Karabakh
13 juillet 2020 @ 11:43
Ce livre parle uniquement de la monarchie hongroise – l’empereur d’Autriche était aussi roi de Hongrie. L’empire austro-hongrois est un ensemble plus vaste.
beji
13 juillet 2020 @ 12:53
Les enfants de Charles ont été conçus avant qu’il soit malade me semble-t-il.
Karabakh
14 juillet 2020 @ 14:51
Oui, Charles a contracté une pneumonie quelques mois avant la naissance d’Élisabeth (en allant acheter des jouets pour Charles-Louis) mais il était déjà assez faible, bien avant cela. Le choix de l’île de Madère pour résidence n’était pas anodin, son climat était, dit-on, voué à favoriser la santé de l’empereur et roi.
Teresa2424
13 juillet 2020 @ 16:00
Gracias Regine
Leonor
13 juillet 2020 @ 19:34
» Par le jeu des changements de frontières (…) « .
Le Traité de Trianon a dépecé la Hongrie . Ceux parmi les Hongrois devenus roumains de force , en tout cas leurs descendants, n’ont pas avalisé ce changement forcé.
Comme les habitants du Tyrol du Sud n’ont pas avalisé et n’avaliseront pas l’attribution de leur région à l’Italie, alors qu’ils sont autrichiens d’origine. ( Traité de St-Germain-en-Laye).
Nombre de traités internationaux, ceux-ci entre autres, ont ainsi délibérément fait l’impasse sur le sentiment d’appartenance réel et la culture des vrais habitants.
Il en est souvent résulté des acrimonies profondes, voire des catastrophes.
D’autres se sont résignés . Au prix de non moins grands désordres, souvent personnels et tus.
Je pense aussi à Antioche, ancestralement syrienne, rattachée à la Turquie en 1939.
Karabakh
14 juillet 2020 @ 15:34
La question tyrolienne englobe de multiples aspects : géographiques, linguistiques, culturels, économiques, politiques…
Officiellement, le critère essentiel retenu par le Traité de Saint-Germain-en-Laye, fut linguistique ; les habitants de l’actuelle province autonome de Bolzano-Alto Adige (Bozen-Südtirol en allemand) ont toujours parlé le ladin, qui est une langue romane, donc la province a été rattachée à l’Italie. C’est l’aboutissement de la doctrine dite irrédentiste, née justement en Italie (elle a fait des petits depuis). De la même façon, les zones slavisantes de l’empire austro-hongrois se sont retrouvées rattachées à la toute nouvelle Yougoslavie.
La réalité est assurément plus économique car l’Italie et la Yougoslavie gagnaient à récupérer leur part du gâteau ; cette partie de l’empire drainait des ressources plus intéressantes qu’on ne peut le penser. L’aspect culturel a été méprisé (et le reste).
Les habitants du Tyrol du sud ne se sont jamais sentis plus italiens qu’autrichiens. Ils sont tyroliens et leurs revendications tiennent principalement au degré d’autonomie qui leur est accordé ; sous l’empire, ils bénéficiaient de beaucoup plus de latitudes et puis, c’est connu, c’était toujours mieux avant. Sauf que je ne crois pas que l’actuelle Autriche leur garantirait les mêmes coudées franches.
Étant concerné par cette question, j’ai tendance à plaider pour l’entière autonomie sur les plans linguistiques, économique, culturels… mais sans sortir du giron politique italien. L’Italie est quand même plus cool que l’Autriche, sur ce type de permission.
Manon M.
14 juillet 2020 @ 01:40
un homme d’une grande loyauté, de générosité et un homme d’honneur comme il y en a de moins en moins, à mon humble avis dans ce monde de fous. (on peut inclure les femmes). Lorsqu’on regarde les Trump, Bolsonaro, Dutertre, Xi Jinping et Poutine, quel découragement!
jul
14 juillet 2020 @ 06:07
Parce que les enfants sont un bonheur : Un mélange de travail, de peines et beaucoup de joie en voyant leurs progrès et leur attachement ! Ils apportent un sens à la vie des personnes qui aiment avoir des enfants.
Un peu comme un jardin, un champ, une vigne qu’on s’acharne à faire fructifier, une maison qu’on embellit, une église qu’on agrandit etc..la base de notre civilisation donc.
Gérard
14 juillet 2020 @ 12:35
Oui je crois qu’ils ont considéré leurs enfants tous comme des dons du ciel en se disant certainement que Dieu aiderait.
Robespierre
14 juillet 2020 @ 10:58
Un vrai prince charmant, le genre de mec dont rêvent toutes les jeunes filles.
COLETTE C.
14 juillet 2020 @ 14:08
Je vais me procurer ce livre, présenté également cette semaine dans PDV.