Si l’opium et ses fumeries sont associés à l’Asie et en particulier à la Chine, l’erreur serait de croire que cette pratique découle d’une tradition millénaire.
Ce n’est qu’au XVIIe siècle sous la dynastie Quing donc tardivement que « l’ivresse bleue » fait son apparition, initiée par des Jésuites portugais. Très rapidement l’addiction gagne toutes les couches de la société chinoise au point, que de nombreuses lois seront promulguées toujours en vain, comme le rescrit de l’empereur Yongzbengen en 1729 condamnant tout vendeur à un mois de cangue (carcan) et au bannissement.
Pour les propriétaires de fumeries, ce sera la mort par strangulation, leurs aides auront cent coups du redoutable bambou vert, fouet flexible entamant profondément les chaires et la déportation 600 kilomètres.
Comme pour les tabatières en Europe avec l’importation de l’herbe à Nicot, la pipe à opium reflète le statut de son propriétaire. Du simple bambou pour le mendiant de dross « résidus d’opium déjà fumés », aux somptueuses pipes en écaille, en corne, en ivoire, véritables joyaux ambrés au fil des ans, décorés d’argent finement ciselé de dragons, de chauve souris (symbole de richesse).
Hérités des conquêtes coloniales, le divin bambou et son invitation au voyage connurent chez nous leur apogée à la Belle Epoque. Une élite vêtue à la chinoise, allongée sur des lits en bois précieux où les reflets sombres des laques de Coromandel, s’illuminaient des fils de soie d’or et d’argent des tentures murales, chassaient le dragon…
Loti, Farrère, Berlioz pour qui dit-on, Euterpe n’était autre que la blanche fleur, Toulouse Lautrec, Colette, Cocteau, Malraux, Picasso et tant d’autres figures emblématiques grilleront quelques pipes. Baudelaire ne disait-il pas : « L’opium agrandit ce qui n’a pas de borne ».
Cette addiction devint rapidement un fléau pour l’armée française. Plus confidentiel est le lourd tribut payé par la Royale au « vice oriental ». Le naufrage de la Nive dû à son capitaine sous l’emprise d’opiacés, ou les deux cents sordides fumeries recensées rien qu’à Toulon en 1905, nous font comprendre l’étendue du désastre. (Merci à Hélène R. – Bibliographie : A. de Leidekerke – photos : V. Godeau – galerie Gerard Levy)
Laure2
16 septembre 2020 @ 06:38
Grand merci pour cet interessant article.
Le pavot était présent en Chine bien auparavant l’apparition des pipes mais sous forme liquide et limité à un usage médical , certains en abusaient déjà .
La pipe présentée est magnifique il est possible évidemment d’en admirer d’autres au musée Guimet .
On ne peut oublier ce chant magnifique …
Opium, poison de rêve
Fumée qui monte au ciel
C’est toi qui nous élève
Aux paradis artificiels
Auberi
16 septembre 2020 @ 06:46
Et Les ravages de la guerre de l’opium sous la dynastie Qing, longue histoire de son commerce lucratif et des échanges commerciaux au XVII entre les Portugais et l’étalement des comptoirs britanniques au XVIII plongeant la Chine dans un déclin irrémédiable. Paradoxalement, l’opium était déjà connu depuis longtemps par les Chinois comme analgésique et ne l’avait jamais utilisé comme drogue…
bételgeuse70
16 septembre 2020 @ 07:02
Aux dernières nouvelles dans ce domaine, notre société actuelle s’est trouvée bien d’autres sources d’addiction du même genre. Les jeunes qui y succombent actuellement sont là pour le prouver.
Leonor
16 septembre 2020 @ 10:52
Intéressant article.
L’ » ivresse bleue » , » initiée par des jésuites portugais » ? Voyez-vous ça. Pourquoi ? Comment ? Qui peut nous en dire plus ?
( Non, je ne suis pas anti-jésuite. Je suis juste curieuse).
ciboulette
16 septembre 2020 @ 14:52
Pour quantité de raisons dont plusieurs me viennent à l’esprit : couper leur faim ; réduire au silence leurs pulsions sexuelles ; élever leur prière à l’aide de » l ‘ ivresse bleue » ; atteindre le nirvana ( même si c’est un emprunt à une autre religion . . .
Croyez-vous que les choses aient tellement changé ?
Teresa2424
16 septembre 2020 @ 21:05
Muy interesante artículo,pero lo usaban mucho antes de la dinastía Qing en el Palacio Real….
Nivolet
17 septembre 2020 @ 13:20
Les Jésuites on fait beaucoup de dégats, regardez, j’ai été élevée chez eux !😉
Muscate-Valeska de Lisabé
16 septembre 2020 @ 11:55
L’ivresse tout court d’un bon vin ou d’un Martini me suffisent,et il est bien rare que j’oublie la modération.
Mais je ne garde pas un mauvais souvenirs des quatre vraies cuites mémorables,en bonne compagnie,que j’ai subi dans ma vie.La véritable ivresse ne s’exprime vraiment qu’accompagnée.Seule,je pense que ça n’aurait pas de sens,si tant est que ça en ait.
Ne jamais oublier la modération…Comme sur N&R😉.
luigi
16 septembre 2020 @ 19:20
« cent coups du redoutable bambou vert, fouet flexible entamant profondément les chaires » : les CHAIRS non ?
Teresa2424
16 septembre 2020 @ 21:06
Muy interesante artículo,pero lo usaban mucho antes de la dinastía Qing en el Palacio Real….
Cosmo
17 septembre 2020 @ 07:18
Étonnant que l’on ne parle pas de la Guerre de l’opium, menée par les Anglais contre la Chine afin de lui imposer la consommation de la drogue produite dans ses colonies indiennes, au milieu du XIXe siècle.