Décès du couturier Azzedine Alaïa né à Tunis en 1930. Il a habillé de nombreux stars tout au long de sa carrière. Ici, la princesse de Venise assistant à l’un de ses défilés de mode en 2013. Azzedine Alaïa sera inhumé ce lundi à Tunis. (merci à Gibbs)
Mary
20 novembre 2017 @ 06:28
Il était sympathique ce couturier . Paix à son âme.
Marcel
20 novembre 2017 @ 06:32
Azzedine Alaïa (arabe : عز الدين عليّة), né un 26 février à la fin des années 1930 ou au début des années 1940 à Tunisie et mort le 18 novembre 2017 à Paris est un styliste et grand couturier franco-tunisien
Il aborde la couture durant sa jeunesse à Tunis et suit des études de sculpture. Il arrive à Paris à la fin des années 1950. Hébergé en échange de petits travaux, il apprend les techniques de la confection et développe une clientèle privée. En pleine période de renouveau de la mode à l’aube des années 1980, il décide finalement de créer la marque Azzedine Alaïa. Ami des plus célèbres mannequins, dont Stephanie Seymour et Naomi Campbell, il est rapidement remarqué puis « adulé » par les magazines de mode pour ses créations le plus souvent sexy. Il se fait connaitre plus largement par le public en une dizaine d’années. Vers le milieu des années 1990, il est moins présent sur la scène de la mode mondiale, la presse se montrant critique puis absente. Dans les années 2000, au moment où les grandes marques de la mode sont rachetées par les groupes du luxe, Azzedine Alaïa s’associe pour quelques années avec la marque italienne Prada, pour ensuite se lier à Richemont sept ans plus tard. Après diverses rétrospectives dans plusieurs musées du monde, il entre dans la très stricte haute couture en 2011.
Peu prolixe et répondant rarement aux interviews, il reste indépendant de la mode, sans jamais se soucier des impératifs de tempo ou des tendances liés à ce domaine. Azzedine Alaïa est devenu en un demi-siècle, sans publicité ni promotion pour ses vêtements qu’il présente le plus souvent de façon privée, internationalement reconnu avec ses robes sculpturales.
Azzedine Alaïa naît à Tunis de parents agriculteurs d’origine espagnole4 qui finiront par se séparer. Il passe une jeunesse heureuse et fréquente assidument le cinéma Ciné Soir de Tunis. Sa grand-mère, qui l’élève a l’habitude de préparer le repas pour toute la famille, tout en dressant la table avec quelques couverts de plus. Cette habitude lui reste tout au long de sa carrière où il établira des relations privilégiées avec ses invités, ses proches, ses amis, ses partenaires de travail, à sa table. Très jeune, il doit travailler : ce sera ses débuts en couture. Il apprend le français, puis ment sur son âge pour débuter à quinze ans des études de sculpture aux Beaux-Arts de Tunis, dont il sort diplômé. En parallèle, il travaille avec sa sœur Hafida, dont il apprend le métier en la regardant faire, pour une couturière qui a besoin d’aide afin d’effectuer des finitions. Il reproduit, pour ses voisines et les femmes des grandes familles de Tunis des modèles de robes de Dior ou Balmain. Une succession de rencontres féminines lui fait trouver une place en France, chez Christian Dior.
C’est la fin de la guerre d’Algérie, Azzedine Alaïa arrive à Paris durant une période compliquée pour les personnes venant d’Afrique du Nord. Il s’installe dans une chambre de bonne que lui prête la comtesse de Blégiers en échange de petits travaux ; il y reste plusieurs années, alternant couture et baby-sitting. Dès son arrivée dans la capitale, alors que Christian Dior venant de mourir est remplacé par Yves Saint Laurent, il intègre la maison Dior comme tailleur pendant « à peine cinq trois jours d’après les archives de Dior à coudre des étiquettes, puis est renvoyé : « Vous êtes étranger, vous n’avez pas de papier. Une fois de plus par un hasard de rencontres, il fait la connaissance de Simone Zehrfuss, puis de Louise de Vilmorin qui l’invite chez elle. De là, il rencontre toutes les grandes familles parisiennes et commence à se constituer une clientèle privée.
Pour apprendre professionnellement son métier de tailleur, Azzedine Alaïa part travailler durant deux ans chez Guy Laroche qui dispose alors d’un véritable atelier de couture et aide Thierry Mugler qui lui fera rencontrer Izet Curi. Il réalise sa première collection pour le compte du chausseur Charles Jourdan, une petite collection de prêt-à-porter décorée de pièces métalliques, d’œillets et de zip : la plupart des acheteurs n’aiment pas, qualifiant celle-ci de « sadomasochistes » ; la collection est refusée par le chausseur, mais celle-ci lui permet de se faire remarquer par quelques rares journalistes. À l’époque, la mode est encore symbolisée par la haute couture de l’ancienne maison Givenchy, ou Saint Laurent ; mais une nouvelle génération de stylistes arrive et le couturier décide de fonder son entreprise : Simone Zehrfuss lui prête l’argent nécessaire pour s’installer, il trouve une petite surface rue de Bellechasse.
C’est dans ce petit appartement transformé en atelier, avec des machines à coudre partout y compris dans la salle de bains ou la cuisine, qu’Azzedine Alaïa continue à habiller de nombreuses clientes, le « Tout-Paris à titre privé et de façon confidentielle : Garbo, Claudette Colbert, ou les danseuses du Crazy Horse et Mathilde de Rothschild plus tard. L’une de ses premières petites robes noires zippées est réalisée vers 1970, pour l’actrice Arletty dont il s’inspire pour une collection une vingtaine d’années plus tard. Il réalise même le prototype de la Robe Mondrian d’Yves Saint Laurent. Ses vêtements, qu’il esquisse rapidement préférant confectionner le modèle sur mannequin vivant, ne sont commercialisés à cette époque nulle autre part que dans son atelier : il n’est possible de les acheter que par relation et connaissance. En 1979, par ailleurs année où il rencontre sa « sœur Carla Sozzani, Michel Cressole écrit dans Libération le tout premier article sur le couturier qui précise plusieurs années après que « c’est le premier journaliste d’un grand quotidien qui est venu me voir. À l’époque, je ne faisais pas de collections. Je cousais pour des clientes. Il n’a pas posé beaucoup de questions. Il a compris et a analysé. L’article est sorti en octobre 1979 et ça s’appelait « Les Deux Solitaires ». Il parlait de moi et de Serge Lutens. Son papier a tout déclenché. Son ami Thierry Mugler le pousse à se lancer sous son propre nom4.
Le début des années 1980 est une époque où il est facile de se lancer dans la mode, même avec une toute petite collection, car le prêt-à-porter suscite l’intérêt. La tendance de ces années voit des vêtements larges, aux épaules démesurées, parfois unisexes, sauf pour Azzedine Alaïa avec ses lignes moulantes, prêt du corps comme un corset, héritage de ses études de sculpture. « Je continue d’être fasciné par le corps, tout le corps, et en particulier la chute des reins et le derrière, qui est souvent plus intéressant que la poitrine ». Il lance sa griffe, Azzedine Alaïa, et sa première collection poussé par Thierry Mugler. Déjà, le couturier communique peu, n’affiche pas sa marque et ses interviews sont rares. Les rédactrices de mode Brigitte Langevin, Nicole Crassat, et Carlyne Cerf De Dudzeele apparaissent pour un premier reportage majeur, photographiées par Bill Cunningham pour WWD, la « bible » américaine de la mode, en novembre 1981. À la suite de quoi les créations du couturier font la couverture d’un numéro de Elle ; l’article est suivi d’un autre réalisé par l’influent magazine français de l’époque : Depeche Mode. Les acheteurs d’outre-atlantique se précipitent : ses collections sont désormais vendues par les grands magasins américains : Bergdorf Goodman en tout premier, puis Barneys New York, qui « a été avec moi depuis le début » précise Alaïap 6. Barneys le suit durant toutes les décennies suivantes : « il a orchestré la rencontre entre le sexe et la mode » et l’a rendu « chic » dira du couturier Simon Doonan (en) du grand magasin new-yorkais. Bergdorf Goodman à New York et Beverly Hills, à la suite du précédent reportage de WWD, et au hasard d’une rencontre entre Andrée Putman et un acheteur de cette enseigne se transforment en clients fidèles ; puis Maxfield de Los Angeles suit, ainsi que le londonien Harrods.
Son premier défilé de prêt-à-porter printemps-été, basé sur le noir, le blanc et la transparence et sa maitrise du cuir, est mis en avant ; il abordera de façon récurrente par la suite, dans une palette très foncée, d’autres couleurs comme le vert émeraude ou le pourpre. Les créateurs en vogue que sont Kenzo, Gaultier, Montana, ou Mugler organisent de grands spectacles aux Tuileries, mais Azzedine Alaïa maintient ses défilés intimistes hors de la Semaine de la mode.
Les premiers mannequins, qui ne sont pas encore des top-models, investissent l’appartement ; ce lieu devient leur « incubateur » : Seymour, Iman, Jerry Hall, Evangelista, Turlington qu’il est le premier à faire travailler, CampbellN, Patitz, Cindy Crawford, Yasmin Parvaneh, Veronica Webb (en) qui deviendra très proche de Lagerfeld également. Les lieux sont tellement petits qu’Azzedine Alaïa est obligé de multiplier les mini défilés où il invite « qui il veut ». Grace Jones fait les essayages. Il marque, à l’intérieur de chaque robe, le nom du mannequin qui l’a portée. Certaines ne demandent pas de salaire pour leur travail auprès du couturier, préférant des vestes, des robes, des vêtements.
Dîner dans la cuisine d’Azzedine Alaïa devient le plus chic endroit de Paris ; les artistes et personnalités se côtoient : Grace Jones qui deviendra sa muse, Andrée Putman qui décorera son futur atelier, Tina Turner qui possède une robe en perle et or créée par le couturier, Jean-Paul Goude, et Farida Khelfa, l’autre muse du couturier qu’il décrira comme « la nouvelle Arletty ». Plus tard, ce sera Michel Rocard, Patrick Modiano, Julian Schnabel, Jean-Louis Froment ou Carla Sozzani sa fidèle alliée.
Azzedine Alaïa déménage rue du Parc-Royal dans le quartier du Marais en 1984. Mugler et Gaultier triomphent, mais c’est lui qui reçoit des mains de Cher deux Oscars de la mode de la Fédération française de la couture, du prêt-à-porter des couturiers et des créateurs de mode comme « Oscar du créateur de l’année » et « Prix spécial du jury ». La cérémonie a lieu à l’Opéra Garnier en présence de Frédéric Mitterrand comme maître de cérémonie, Jack Lang, Catherine Deneuve, Yves Saint Laurent qui sera également récompensé tout comme Pierre Cardin et Claude Montana, Hubert de Givenchy, Audrey Hepburn… Grace Jones, qui accompagne Alaïa, chante lors de la cérémonie, puis le pousse : il doit littéralement être « trainé sur la scène » pour recevoir ses prix.
Guillemets. Des robes très sexy qui épousent le corps au plus près en maille fluide rebrodée de paillettes qui donnent l’impression que le corps est mouillé.
« Les classiques sexy d’Alaïa sont désormais une institution » écrit la presse. Ce style « sexy » déjà « adulé » par le secteur de la mode s’affirme petit à petit auprès du grand-public : ses grandes silhouettes fines aux robes droites, parfois zippées, parfois lacées, ses vêtements qui semblent littéralement « collés » au corps comme une seconde peau, les matières stretch serrant les hanches, les tailles soulignées par des coupes en biais inspirées de Vionnet, les courtes jupes à la forme trapèze, les maillots de bain en lycra, son goût pour des matières innovantes, ou pour le cuir qu’il travaille parfois comme la dentelle.
L’historien de la mode Olivier Saillard dit du créateur que « si un couturier c’est quelqu’un qui refaçonne les corps, alors aujourd’hui il n’y a qu’Azzedine qui sait faire ça […] Ses robes sont hors du temps, hors la mode […] Ses vêtements, c’est des caresses pour les filles ». Mais la reconnaissance publique apparaîtra vraiment lorsque les magazines Elle, qui lui consacre en 1992 jusqu’à dix pages, Marie Claire ou L’Officiel Paris depuis le début de la décennie, lui rédigent des articles réguliers, publient des pages de photos, ou affichent ses réalisations en couverture.
Sa réputation grandit aux États-Unis : Azzedine Alaïa habille Grace Jones d’une sculpturale robe rose pour Dangereusement vôtre. Il dessine les costumes des serveuses du Palladuim, et y organise un défilé. Celui-ci est mis en scène par Jean-Paul Goude avec plus de cinquante mannequins, dont Farida qui ouvre l’évènement, et un arc de triomphe comme décor. C’est l’une des rares présentations organisée en dehors de son atelier parisien où elles ont lieu habituellement de façon privée, à l’écart de tout calendrier officiel. À New York, il rencontre Basquiat, Clemente, Haring. À Los Angeles, Tina Turner achète une robe signée Alaïa sans le connaitre : elle se déplacera à Paris pour le rencontrer, deviendra son amie, et s’affichera sur la pochette de son album Private Dancer dans une petite robe noire du couturier. Paquita Paquin décrit, de façon élogieuse, les réalisations de cette époque comme des créations destinées à des femmes « séduisantes » et « conquérantes ». Mais quelques mois plus tard, le respecté magazine WWD lui accorde sa couverture sous le titre « La gloire et la chute d’Azzedine Alaïa4 », et dans un article critique, dit que « la mode s’est éloignée d’Alaïa ». Les critiques, qui font suite à celles de WWD, se font entendre de plus en plus : son habitude de sortir ses collections en dehors de toutes dates précises, le peu d’attention qu’il porte aux détaillants de sa marque, sa mode élitiste qui semble taillée uniquement pour les femmes au corps parfait. Malgré tout, il ouvre deux boutiques, à New York et Beverly Hills la boutique de SoHo, ouverte par Jacqueline, la femme de Julian Schnabel qui fournira des œuvres pour décorer la boutique, devient un lieu de mode mais aussi d’art. Elle fermera cinq ans plus tard, faute d’approvisionnements réguliers.
Pour le Bicentenaire de la Révolution française, lors de son interprétation de La Marseillaise durant le défilé mis en scène par Jean-Paul Goude, la cantatrice Jessye Norman est drapée d’une robe aux couleurs du drapeau national24, qu’Azzedine Alaïa a créée.
« Il aimait l’endroit et a planté le décor de sa boutique et celui de son appartement dans le même hôtel particulier » souligne la presse ; pourtant, il cherche déjà un nouveau lieu pour s’installer
Azzedine Alaïa achète un ancien entrepôt de plusieurs milliers de mètres carrés à l’angle de la rue de Moussy et de la rue de la Verrerie dans le 4e arrondissement de Paris, qu’il fait rénover entièrement, puis décorer par Julian Schnabel : deux grands bâtiments de plusieurs étages, séparés par une cour intérieure avec une verrière. Showroom, boutique, studio de création, bureaux, podium de défilé qui voit passer entre autres Naomi Campbell et Linda Evangelista, ateliers, et appartement au dernier étage composent cet ensemble. « Pas de vitrine. Une plaque discrète. Une sonnette ». Comme de tradition chez Azzedine Alaïa, il reçoit amis, relations, presse, dans sa spacieuse cuisine personnelle équipée d’un grand piano et d’une grande table. « Sa cuisine, c’est son atelier, là où il travaille et reçoit ».
Dans les années 1990, bien qu’il conserve sa fidèle clientèle privée, Azzedine Alaïa se fait plus discret, son activité est nettement en retrait. Il décide de faire moins de collections. Depuis le début de sa carrière, il ne livre les vêtements que lorsque ceux-ci sont « prêts », ne cédant jamais aux impératifs des saisons ou des délais. Il présente une collection utilisant l’imprimé pied-de-poule de Tati et dessine quelques accessoires pour l’enseigne expliquant que « ce qui m’excitait, c’était d’accoler mon nom, l’univers de la haute couture, avec cette marque qui était alors la moins chère de toutes ». À New York, centre de la mode américaine où il connait un succès immense dans les années 1980, il n’est plus commercialisé que par l’enseigne Barneys qui ira jusqu’à supprimer de son magasin la marque française Hervé Léger, souvent comparée à Alaïa avec ses robes zippées ou en bandages, pour satisfaire le couturier. Finalement, Bergdorf Goodman, qui avait arrêté de commercialiser la marque depuis plusieurs années par faute d’approvisionnements réguliers, reprend ses commandes. Mais sa sœur Hafida meurt, le temps semble s’arrêter pour le couturier qui ne renouvèle plus ses créations comme le précise Simon Doonan de Barneys : « Gene Pressman [le coprésident] et moi sommes allé le voir dans les années 1990, et c’était la même robe sur la même forme […] le temps s’était arrêté ». La dernière grande présentation des collections Alaïap, pour les années à venir, a lieu ; ce sera également le tout dernier défilé de mode pour sa muse Farida Khelfa qui l’accompagne depuis une dizaine d’années ; elle devient directrice du studio couture. Travaillant « à l’instinct », indépendant, il ne veut pas vendre sa maison, soutenu par ses lignes de prêt-à-porter et chaussures qui restent un succès commercial durant toutes ces années où l’on voit Gaultier ou Lacroix sur le devant de la scène.
Une première rétrospective est organisée au musée de Groningue aux Pays-Bas ; elle est suivie deux ans plus tard du musée Guggenheim de SoHo qui lui consacre une exposition, sur mannequins transparents pour faire ressortir ses robest que WWD qualifiera de « superbe ». Sa marque compte alors plus d’un centaine d’acheteurs de boutiques et grands magasins internationaux. Mais l’époque est aux regroupements : LVMH, Gucci intégré plus tard à PPR, Richemont achètent et recyclent les marques du luxe. Voulant conserver son indépendance, Azzedine Alaïa signe un partenariat avec le maroquinier italien Prada en 2000, lui permettant de développer des accessoires à forte valeur ajoutée, dont des chaussures, tout en conservant sa liberté de création : il garde la propriété de son nom en tant que marque, son autonomie, en ne se focalisant pas sur l’aspect financier de son activité. La très proche et influente Carla Sozzani supervise l’opération. Prada finance la rénovation de ses locaux rue de Moussy dont une boutique dédiée aux accessoires, mais aussi son projet de fondation : depuis plusieurs années, le couturier souhaite créer une structure afin de conserver ses archives personnelles : ses réalisations sur plusieurs décennies, mais également sa collection de costumes du cinéma, des pièces de design, des vêtements de nombreux couturiers comme Madeleine Vionnet et Balenciaga ses couturiers préférés, Paul Poiret, Schiaparelli, ou plus récents avec Margiela, Comme des Garçons, ou encore Junya Watanabe (en). « Plus des collections d’amis » dira-t-il sans autre précision, dont la collection de photos de Bettina Graziani. Collectionneur d’art contemporain et de photographies, Azzedine Alaïa ouvre rue de la Verrerie, une galerie d’art décorée par Julian Schnabel où sont exposées des œuvres liées au design ou à la photo, dont des créateurs de meubles comme Pierre Paulin, Shiro Kuramata, Marc Newson, l’architecte Andrea Branzi ou la peintre Candida Romero. Mitoyen à ses locaux de la rue de Moussy, Alaïa fait aménager, avec l’aide de Carla Sozzani qui reproduira ce petit Bed and Breakfast à Milan prêt de son propre concept store Corso Como, un tout petit hôtel, le Rooms composé de trois chambres. Une table de Jean Prouvé, des sièges Pierre Paulin, ou d’autres objets de design émanant de la collection du couturier, meublent ces trois appartements à la décoration épurée.
Mais le mariage Alaïa – Prada semble contre nature : le travail artisanal du « petit » couturier, face à la marque de luxe à la communication de masse et au marketing développé. En juillet 2007, Azzedine Alaïa rachète à la maison italienne toutes les parts58, pour s’allier à la Compagnie Financière Richemont, toujours sous le suivi de Carla Sozzani. « Richemont est un bon groupe. Ils devront seulement mettre leur nez dans mes affaires si je ne travaille pas, ce qui n’arrivera jamais » dit-il. Alors qu’historiquement Alaïa travaillait à ses débuts avec Massaro pour les chaussures, ses collections d’accessoires de cuir sont toujours réalisées par Prada.
Après avoir déjà décliné deux fois les années passées, Azzedine Alaïa est nommé en 2008 chevalier de la Légion d’honneur mais refuse sa médaille : « Je l’ai fait uniquement parce que je n’aime pas les décorations, sauf sur les femmes ». Alors que le créateur est connu et reconnu dans le monde entier, ses robes étant portées par de nombreuses personnalités, Michelle Obama apporte une autre dimension en affichant à de nombreuses reprises des robes Alaïa, tout comme Carla Bruni-Sarkozy, durant des réceptions officielles. Lors d’une interview, le couturier critique publiquement l’inépuisable Karl Lagerfeld et la puissante Anna Wintour ; la presse en fait écho, tout comme le fait qu’il soit un temps pressenti pour succéder à John Galliano chez Christian Dior Couture. Mais Azzedine Alaïa refuse le poste, comme il l’avait déjà fait plusieurs années auparavant à la suite du départ de Gianfranco Ferré.
Azzedine Alaïa devient « membre correspondant » de la Chambre syndicale de la Haute Couture : le créateur, qui réalise une à deux collections par an présentées uniquement dans son showroom « en tout petit comité » et « quand il veut » organise en 2011 dans ses locaux son premier défilé simultanément à la Semaine de la haute couture parisienne. Ne remplissant pas tous les critères de la haute couture et adepte de la tendance de la « demi couture », il définit celui-ci comme « semi couture ». Cela fait de nombreuses années qu’il n’a pas défilé officiellement, Azzedine Alaïa le « perfectionnistet 1 » restant éloigné des tendances, des diktats du prêt-à-porter, ainsi que de tout calendrier. Sont présentes moins de deux-cents personnes, dont la journaliste Suzy Menkes qui suit Azzedine Alaïa depuis longtemps, le styliste Nicolas Ghesquière, grand admirateur du couturier, l’Italienne Donatella Versace, la réalisatrice Sofia Coppola, ou le proche Olivier Saillard, historien. Tellement ému par l’ovation à la fin de la présentation, Azzedine Alaïa ne peut venir saluer le public. Quelques mois plus tard, une rétrospective des dix dernières années de son travail est organisée pour la seconde fois au musée de Groningue au nord des Pays-Bas, elle-même suivie fin 2013 par une exposition au Palais Galliera.
En 2013, il crée les costumes du ballet Les Nuits du chorégraphe Angelin Preljocaj inspiré des contes des mille et une nuits, puis ceux du spectacle le Mariage de Figaro donné au Walt Disney Concert Hall.
La marque Azzedine Alaïa est commercialisée par 300 points de vente dans le monde. Plusieurs projets du couturier, habillé de son éternel costume chinois dont il possède plusieurs centaines d’exemplaires et qu’il a acheté pour la première fois à Tunis lors de sa jeunesse, sont en voie de concrétisation : de nouveaux locaux rue de Marignan, à deux pas de l’avenue Montaigne ; un prochain parfum alors que le couturier signe un contrat avec Beauté prestige International qui fabrique déjà les fragrances pour la maison Jean Paul Gaultier.
En quelques décennies, Azzedine Alaïa est devenu un symbole, une « légende », et un créateur adulé par les fashionistas du monde entier pour ses robes ultramoulantes. Azzedine Alaïa est un « styliste » au sens théorique de « créateur de vêtements dédiés au prêt-à-porter », mais qui dessine très peu parce qu’« une femme ne peut s’habiller d’un dessin », préférant « sculpter » les vêtements sur ses mannequins. Laurence Benaïm précise qu’« il dessine peu. Colle dans un cahier secret ses croquis sur papier calque pour garder « l’idée ». Elle précise qu’il « trace les fils, règle les toiles, […] aime couper, coudre et découdre ». « Styliste » aussi en opposition symbolique au « couturier » ou « grand couturier » qui en France concerne une profession liée au sur mesure et à la haute couture, appellation très restrictive. Pourtant, Azzedine Alaïa souligne : « Je suis couturier ! Certainement pas styliste. » Ce que confirme Olivier Saillard en précisant que : « c’est un couturier. Au sens strict. Tout est modélisé, coupé, cousu par lui. Il sait tout faire. Même s’il ne fait rien seul, il est l’un des rares aujourd’hui à savoir tout faire dans l’élaboration d’un modèle […] De plus, il a échappé à ce débat un peu archaïque entre le prêt-à-porter et la haute couture. » Déjà quelques années auparavant, Michel Cressole écrit qu’Azzedine Alaïa est « le plus discret des grands couturiers, parce qu’il est le dernier, peut être », propos repris par Jean-Paul Goude ainsi qu’Olivier Saillard, citant Azzedine Alaïa comme « le dernier grand couturier ».
Musée de Groningue, Pays-Bas, 1998 ;
Musée Guggenheim de New York, SoHo, septembre 2000 ;
Azzedine Alaïa in the 21st Century, musée de Groningue, Pays-Bas, décembre 2011 à mai 2012 ;
Azzedine Alaïa, Palais Galliera, Paris, septembre 2013 à janvier 2014.
Carole 007
20 novembre 2017 @ 14:44
Merci pour cet article très complet Marcel, j’y ai appris beaucoup de choses.
Son style n’était pas ce que je préfèrais, et je ne m’étais jamais intéressée à son parcours.
En effet, une personnalité à part dans la couture, discret et sachant tout faire…
Cela change de ceux qui crayonnent les modèles, occupent les médias du matin au soir en touchant à tout et n’importe quoi, oui je parle de Lagerfeld.
Tourmaline
20 novembre 2017 @ 23:42
Merci pour ce passionnant résumé, Marcel.
Baboula .
21 novembre 2017 @ 13:36
Merci à vous Marcel de nous faire mieux connaître cet artiste .
Il aurait fait une chute mortelle dans un escalier ,chez lui.
Baboula
20 novembre 2017 @ 07:50
Même si cette robe est ravissante, elle n’est pas représentative du style plus structuré, moins flou d’Alaia.
Gibbs ??
20 novembre 2017 @ 09:19
Inès de la Fressange a dit de lui « Petit par la taille mais grand par le talent ».
Milena K
20 novembre 2017 @ 15:22
Pour une fois ,je lui donne raison.Avec Christian Dior,Alaia est ,pour moi;un géant de la Haute Couture.
Hadrien-Marie
20 novembre 2017 @ 09:49
Né, semble t’il, en 1940. Voire 1939.
Le symbole Couture des années 70/80… En compagnie de Thierry Mugler, Loris Azzaro et Claude Montana.
Bon voyage, Monsieur, vers ce pays où vous accueilleront Christian Dior, Gabrielle Chanel, Christobal Balenciaga et autres talentueux artistes en chiffons.
Gibbs ??
20 novembre 2017 @ 16:12
Il était annoncé « décès à l’âge de 77 ans » cela équivaudrait à 1940.
Hadrien-Marie
20 novembre 2017 @ 09:53
Et bien évidemment, le Prince des couturiers, Yves Saint Laurent…
Muscate-Valeska de Lisabé
20 novembre 2017 @ 10:20
Je connais mal ce couturier,mais ce modèle porté sur Clotilde est aérien, féminin et adorable. .menue comme elle est,on dirait une fée…un elfe des forêts!♡
ciboulette
20 novembre 2017 @ 14:28
Merci pour cette description , et l’histoire de cet homme assez mal connu .
ml
20 novembre 2017 @ 18:43
Clotilde est ravissante ici mais je me demande si ce modèle est de ce talentueux couturier?
ml
Carole 007
21 novembre 2017 @ 19:48
Je ne pense pas ml, peut-être du Valli ?
j21
20 novembre 2017 @ 18:50
La rétrospective Alaïa au musée Galiera , il y a deux ou trois ans, était magique . Pour moi, la plus intéressante expo mode que j’ai vue. Alaïa était un créateur, un inventeur et un « technicien » exceptionnel.
Alinéas
20 novembre 2017 @ 19:22
On peut voir sur cette photo que la princesse Clotilde est ravissante dans ce modèle porté avec beaucoup de féminité..!
massi
21 novembre 2017 @ 00:22
Bien conservé j’ai du mal à croire qu’il avait 87 ans
olivier Kell
21 novembre 2017 @ 13:57
pas 87 ans mais 77 ans né en 1940
Gibbs ??
21 novembre 2017 @ 15:36
massi,
J’ai lu « décédé à l’âge de 77 ans » dans Le Figaro.
limaya
21 novembre 2017 @ 09:13
Merci à vous Marcel, commentaire intéressant , comme vous M.V.L je le connaissais mal , mais l’ensemble sur C.C me plait beaucoup.