Le restaurant Larue ouvrit ses portes en 1896 et appartenait au duc d’Uzès. Situé rue Royale à Paris, il avait pour clients des hommes politiques comme Clemenceau, Grévy et Briand.
Depuis 1900, Edouard Nignon et Célestin Duplet étaient en cuisine. Ils avaient auparavant travaillé à la Cour des tsars à Saint-Pétersbourg.
Le 9 janvier 1915, la comtesse Emmanuela Potocka (1852-1930), née princesse de Pignatelli, séparée du comte Nicolas Potocki et qui fut autrefois avant sa séparation l’une des égéries du Tout Paris, convie ses amis chez Larue. En cette période de guerre, la comtesse a souhaité mettre les petits plats dans les grands.
Voici le menu :
Blinis au caviar et à la crème
Suprême de sole Augusta avec huîtres
Poularde parisienne
Daube de cailles Rossini
(Source : La comtesse Potocka. Une égérie de la Belle Epoque », Claude Leibenson, Lacurne, 2016, p.466-467)
lidia
18 janvier 2017 @ 09:15
Ah, ils savaient manger à l’époque ! Ce n’est pas la sauce artistiquement dessinée sur l’assiette.
Corsica
18 janvier 2017 @ 10:34
Je prendrais bien les blinis au caviar mais ma sole je la préfère grillée car c’est là qu’elle est à son meilleur, en tout cas pour moi. J’ai cherché à savoir en quoi consistait le suprême de sole Augusta et je n’ai pas trouvé. La seule version qu’internet m’a fourni, c’est la recette de soles sauce suprême où les soles entières sont pochées dans du champagne qui a été porté à ébullition puis a frémi pendant 20 minutes avec de l’oignon, de la carotte, des zestes de citron et de l’échalote. Puis les filets sont levés et la moitié d’entre eux est recouverte d’un hachis de crevettes avant d’être recouverte par les filets restants. On les sert nappés d’une sauce faite de la réduction du liquide de cuisson lié avec un jaune d’œuf, de la crème, du citron et du beurre. Peut-être que dans la version de la comtesse les crevettes étaient remplacées par des huîtres ou alors la recette de la sole Augusta était complètement différente.
Et pendant ce temps, en 1915, dans les tranchées, en Orient, des hommes mouraient, souffraient de la faim, du froid, de la promiscuité, de la peur et expérimentaient l’horreur de l’ypérite que les Allemands décidèrent cette année là d’utiliser pour la première fois à grande échelle. Des milliers d’hommes moururent asphyxiés ou restèrent invalides avec des poumons brûlés. Les masques ne vinrent qu’après. Il y avait vraiment deux mondes, celui du front et celui de l’arrière où certains se consolaient allègrement avec du caviar et des cailles Rossini.
HRC
18 janvier 2017 @ 13:27
Ecart terrible, oui.
La montée des groupes politiques extrêmes pendant et après la guerre trouve aussi sa racine là. Dans toute l’Europe.
framboiz 07
19 janvier 2017 @ 00:44
Et ça continue, Corsica , hélas …
AnneLise
18 janvier 2017 @ 13:18
Oui, bon c’est une blanquette de sole en quelque sorte !
Vous avez raison, Corsica, il y avait vraiment deux mondes durant cette Première Guerre Mondiale.
Mais il est vrai aussi, que le territoire n’était pas occupé comme il le fut lors de la Seconde.
Les nouvelles du front n’arrivaient pas en instantané comme de nos jours;
Je ne cautionne pas la débauche de luxe et de menus de l’arrière, loin de là, mais je pense que vraiment c’était un autre temps.
Merci d’avoir aussi parlé des soldats d’Orient, souvent, trop souvent oubliés, ils n’ont pas connu l’enfer de Verdun ou de la Somme.
Mais, Serbes, Grecs et Français, ont servi notamment avec la Brigade à cheval des Chasseurs d’Afrique, sans routes, ni fantassins, ni batteries de 75 pour les appuyer, ils ont combattu, contraignant les Bulgares à capituler, ce sera le 1er armistice signé. Le Général Franchet d’Esperey ouvre alors la porte vers l’Autriche et en provoquant la rupture du front de Macédoine en septembre 1918, précipite la défaite des Empires Centraux et la capitulation en chaîne de la Bulgarie le 29 septembre, de l’Empire Ottoman le 30 octobre, de l’Autriche le 3 novembre de la Hongrie le 13 novembre.
300 000 soldats français étaient sur ce front, plus de 50 000 ne sont pas revenus et ont vécu en fraternité avec nos alliés serbes.
Ceux que Clémenceau appelait avec un zeste de mépris » les jardiniers de Salonique » poursuivront la guerre encore 5 mois, tenant le front sud face aux bolchéviques. Ce n’est qu’en mars 1919 que les « Poilus d’Orient » sont rembarqués d’Odessa.
Ils avaient le sentiment d’avoir été les oubliés de la Grande Guerre.
Leonor
18 janvier 2017 @ 14:30
Corsica se met en cuisine … Miam !
Je ne sais pas non plus ce que sont les soles Augusta.
Peut-être soles à la sauce Augusta ? Auquel cas il s’agirait ni plus ni moins d’une espèce de sauce bolognaise. Mais ce serait étonnant.
Ou alors, d’une sorte de nuoc-mam, un dérivé du garum romain ( du poisson fermenté pour ne pas dire pourri) , + huile d’olive + vinaigre + miel.
Mais ce ne sont qu’hypothèses.
Par contre, le dessin est d’un certain F. Boscher, dont Internet m’apprend qu’il était un dessinateur actif dans les années 1900 : livres, menus, publicités, éventails, boîtes ; bref, sur divers supports. Un de ses dessins se vend actuellement dans les 50 € .
COLETTE C.
18 janvier 2017 @ 16:40
C’est appétissant !