Voici l’intégralité du discours prononcé par le roi Albert II à l’occasion de la Fête nationale. Le souverain est évidemment longuement revenu sur la crise politique que traverse le pays depuis 15 mois. Le discours dans sa version française se termine par quelques mots en allemand à l’attention de la communauté germanophone du pays. (Copyright photo d’archives : All over Press)
Mesdames et Messieurs, chers compatriotes,
En cette Fête Nationale, j’aurais aimé me réjouir avec vous de la prestation de serment d’un nouveau gouvernement fédéral de plein exercice. Nous n’en sommes hélas pas là, et je le déplore. Entre-temps, pendant cette longue négociation, le gouvernement en affaires courantes a su prendre efficacement les mesures nécessaires pour préserver dans l’avenir proche le bien-être des citoyens. Toutefois, cela ne diminue en rien l’urgence et la nécessité de former un gouvernement investi de pleines responsabilités et qui devra réaliser les réformes structurelles nécessaires dans les domaines institutionnel et socioéconomique. De là mon nouvel appel à tous les citoyens et en premier lieu aux responsables politiques.
Un célèbre constitutionaliste anglais, Walter Bagehot, précisait les prérogatives de la monarchie constitutionnelle comme suit : le droit d’être informé, le droit d’encourager et le droit de mettre en garde. Ces derniers mois, dans mes audiences, j’ai beaucoup utilisé les deux premières prérogatives : être informé et encourager. Avec vous, je voudrais à présent faire usage publiquement, en toute transparence, de la troisième prérogative : le droit de mettre en garde.
Je le fais fortement et avec conviction pour les raisons suivantes :Premièrement. Comme un très grand nombre de Belges, je suis affligé par la plus longue durée, de mémoire d’homme, de formation d’un gouvernement. Cela crée chez beaucoup d’entre vous un sentiment d’inquiétude quant à l’avenir. J’ai pu m’en rendre compte lors de mes visites dans les différentes régions.Deuxièmement.La durée de cette crise suscite aussi, dans une grande partie de la population, de l’incompréhension vis-à-vis du monde politique qui n’apporte pas de solution aux problèmes. Cela risque de développer une forme de poujadisme qui est dangereuse et néfaste pour la démocratie.Troisièmement.Si cette situation perdure longtemps encore elle pourrait affecter de façon négative et très concrète le bien-être économique et social de tous les Belges. Il faut en être bien conscient.
Quatrièmement.Un des atouts importants de la Belgique, depuis la seconde guerre mondiale, est son rôle au sein de l’Europe. Cela nous a valu de devenir de fait, comme pays, la capitale de l’Europe et de jouer un rôle moteur dans cette formidable aventure qu’est la construction européenne. Notre pays, avec sa diversité culturelle, était considéré d’une certaine manière comme un modèle pour l’Union européenne. Notre situation actuelle crée de l’inquiétude auprès de nos partenaires, et pourrait endommager notre position au sein de l’Europe, voire l’élan même de la construction européenne déjà mis à mal par les eurosceptiques et les populistes.
Je ne serais donc pas fidèle à mon rôle, si je ne rappelais pas solennellement les risques qu’une longue crise fait courir à tous les Belges, et si je n’exhortais pas à nouveau tous les hommes et toutes les femmes politiques, et ceux qui peuvent les aider, à se montrer constructifs et à trouver rapidement une solution équilibrée à nos problèmes. Comme je le rappelais à l’occasion de la Noël, et je cite : « Dans la recherche de cet accord raisonnable il est évident que chaque partie devra faire des concessions. Chacun aura donc l’obligation de prendre ses responsabilités. Le moment est venu où le vrai courage consiste à chercher fermement le compromis qui rassemble, et non à exacerber les oppositions.Si un tel accord se réalise, un nouveau gouvernement fédéral pourrait être constitué.
Avec les entités fédérées, il sera à même de prendre des mesures nécessaires pour sauvegarder le bien- être de la population, et pour rétablir la confiance au sein du pays. C’est cela que tous nos concitoyens attendent ». Fin de citation.
Mais les citoyens ne doivent pas seulement exhorter leurs représentants à prendre les décisions courageuses qui s’imposent. Ils doivent aussi s’efforcer de favoriser une meilleure entente entre nos communautés en faisant des pas concrets vers l’autre, en parlant sa langue, en s’intéressant à sa culture, en essayant de mieux le comprendre. C’est là une forme importante de la citoyenneté moderne. Par ailleurs, nos problèmes internes ne doivent pas nous conduire vers un repli égoïste sur nous-mêmes et nous faire oublier le monde qui nous entoure. A ce propos, je voudrais partager avec vous l’émotion que j’ai ressentie lors de la remise du prix Roi Baudouin pour le développement au médecin congolais Denis Mukwege. Dans des conditions très difficiles, il soigne et vient en aide aux femmes qui sont victimes de terribles violences dans l’Est du Congo.
J’appelle notre pays, l’Union européenne et les Nations Unies à travailler efficacement avec les autorités du Congo, et des pays voisins, pour mettre fin à ce drame. Nous ne pouvons pas rester indifférents à de telles situations.
Mesdames, Messieurs, chers concitoyens,
C’est avec le ferme espoir de voir bientôt prendre fin cette trop longue période d’instabilité politique que la Reine et moi, et notre famille, nous vous adressons nos meilleurs vœux pour une vraie Fête Nationale qui rapproche tous les citoyens.
Meine Damen und Herren, geehrte Mitbürger,
In der festen Hoffnung bald dem Ende dieser zu langen Periode politischer Instabilität entgegen zu sehen, wünschen die Königin und ich selbst, sowie unsere Familie, Ihnen allen einen wirklichen Nationalfeiertag in Zusammengehörigkeit.
chaton
20 juillet 2011 @ 13:41
Très beau discours
Clemence
20 juillet 2011 @ 15:35
Je suis un peu dubitative vis-à-vis la demande pressante du Roi d’unifier le pays, d’apprendre à vivre ensemble et à trouver des solutions quand il ne parvient pas à faire rentrer son fils (?) cadet dans le droit chemin. Le prince Laurent est en effet interdit de fête nationale…
Un petit Belge
20 juillet 2011 @ 15:48
Discours très fort du Roi dont la gestuelle (très différente des autres discours) montrait à quel point il est vraiment en colère. Bravo Sire!
erwan
21 juillet 2011 @ 22:50
J’apprécie beaucoup la qualité de vos commentaires qui sont clairs, mesurés et informent toujours. Je n’avais pas remarqué la gestuelle inhabituelle du roi. J’ai publié mon message un peu trop rapidement, les mots du souverain en tête, oubliant un peu vite que la Belgique fédérale est une monarchie constitutionnelle. Ayant revu depuis le message du roi Albert II j’atténue ma déception grace à vous.
Un petit Belge
22 juillet 2011 @ 20:22
Merci Erwan!
Mélusine
20 juillet 2011 @ 15:51
Très sage discours du roi disant que « le vrai courage consiste à chercher fermement le compromis qui rassemble et non à exacerber les oppositions » et que les citoyens doivent s’efforcer de favoriser une meilleure entente entre leurs communautés.
Fasse que ce discours soit bien entendu et que le voeu du roi soit exaucé.
Caroline
20 juillet 2011 @ 16:33
Mais,c’est sa theorie! A quand la pratique de son beau discours!Je comprends sa reelle volonte pour plaire a tous ses sujets belges!Mais,’affaire a suivre’ pour la stabilite de la Belgique!
JeanneC
20 juillet 2011 @ 17:04
Fini de rire!!!
Il a bien raison, notre Roi, d’être ferme et de refléter le ras-le-bol ambiant des Belges face à la crise politique et aux politicens!
philippe gain d'enquin
20 juillet 2011 @ 18:56
Au risque de sembler radoter : voici un « Vrai Roi », loin des caricatures que l’on nous sert trop souvent à propos de la monarchie à laquelle plusieurs d’entre nous sont attachés – quelque soit d’ailleurs l’Etat bénéficiant de ce système -le discours d’Albert II pose l’essentielle fonction du souverain : il est arbitre car émanation de (son) du peuple dans ses diversités et aspirations. La citation faite du juriste Bagehot n’en est que plus pertinente. Le Roi s’implique sans jamais laisser supposer qu’il exerce, pourrait ou exercerait une « dictature royale » et c’est cela qui révèle la profondeur de son action, de sa pensée et du vrai d’une royauté non souhaitée mais magistralement exercée. Peu de présidents de républiques sauraient gérer une crise institutionnelle telle que celle du royaume. Le XXe siècle avait eu Don Juan-Carlos acteur, artisan et garant de la démocratie espagnole après la dictature – et sabrant celle qui se profilait sous l’égide d’une frange de l’Armée. Le XXIe a Albert II, Roi des Belges. Quelles leçons! Heureuse fête nationale à nos amis Belges et la nique aux « rattachistes », « extrémistes flamands » et autres gogos. Quant aux propos peu dignes d’intéret lus ici ou là relatifs à SAR. le Prince Laurent et la Princesse Claire, ils n’ennoblissent pas leurs auteurs : une bâtardise présumée et non prouvée (lequel des intervenants de ce blog en serait-il capable ?)du prince Laurent remise au goût du jour pour effet de « manche » n’est guère digne et affaiblit, sous couvert d’intéret porté à la famille royale belge, l’ensemble de la dynastie. Prenons garde que le lit des princes ne devienne une ruelle puante et ce sous couvert de « royolatrie ». Le Roi l’a dit et fait entendre, l’heure est grave et son propos suffit. Le reste, on s’en f… »!
Colette C.
20 juillet 2011 @ 19:26
Comment un pays peut-il fonctionner sans gouvernement ?
Régine
21 juillet 2011 @ 10:05
A Colette,
Il y a le gouvernement démissionnaire qui gère les affaires courantes
Un petit Belge
21 juillet 2011 @ 11:12
Réponse à ColetteC : notre pays est un Etat fédéral, donc les gouvernements de nos 3 régions et nos 3 communautés fonctionnent tout à fait normalement. En ce qui concerne les compétences gérées par le gouvernement fédéral, le gouvernement démissionnaire d’Yves Leterme gère les affaires courantes et a préparé le budget 2011 (qui a été voté par le nouveau Parlement), mais il ne peut lancer de grandes réformes à long terme (les retraites, p.ex.).
erwan
20 juillet 2011 @ 21:56
J’attendais avec impatience ce message royal. Il n’apporte pas l’ombre d’une solution à la crise politique. Le roi met en garde, certes, mais le personnel politique belge semble se moquer depuis longtemps des souhaits du souverain. Je ne sais qui a écrit ce discours traditionnel et qui le reste. Le texte manque de force et de persuasion. Quand le roi parle de poujadisme et de populistes il aurait été bon qu’il exprime clairement ses craintes. Enfin c’est la 1ère fois à ma connaissance que j’entends un souverain européen mettre en garde publiquement. C’est un moment fort de ce discours, un moment de détresse.
Yannick
21 juillet 2011 @ 04:36
Le mot « abdication » revient souvent sur les sites que je lis.
Sauf que la majorité des internautes n’a pas l’air de vouloir de Philippe « l’incapable » comme futur roi mais plutot d’une reine Astrid !!!
Un petit Belge
21 juillet 2011 @ 11:15
Réponse à Yannick : ces rumeurs sont volontairement lancées par les journalistes (on en parlait déjà en 2000 quand Albert II avait été opéré) ; même chose aux Pays-Bas. Le Roi n’abdiquera JAMAIS tant que la prochaine réforme de l’Etat n’est pas négociée, votée et mise en oeuvre. Si la situation politique devient plus stable, une abdication à l’approche de ses 80 ans est, par contre, possible.
HRC
21 juillet 2011 @ 11:52
le plus tard possible…
Yannick
21 juillet 2011 @ 13:29
En tout cas, bravo à lui. Ca doit être frustrant d’être chef d’un état fantôme et de voir son gouvernement multiplier les erreurs !
Monique
21 juillet 2011 @ 16:47
Albert est un grand souverain et n’abdiquera pas. Quant à Philippe… « L’incapable » risque de surprendre pas mal de ses détracteurs si on lui en laisse la chance.
pierre-yves
21 juillet 2011 @ 10:02
Un discours par lequel le souverain joue pleinement son rôle et pèse autant qu’il le peut sur les évènements ou plutôt l’absence d’évènements.
Quadn je pense à la Belgique, j’ai l’impression de voir l’enlisement dans les tranchées de deux camps opposés, comme en 14-18. Tout est figé, buté, on ne sait plus comment faire avancer les choses. C’est une situation décourageante.
Le roi sonne donc une nouvelle fois, et plus solennellement encore que d’habitude, l’alarme. Et parle du Congo, où s’est rendu son fils Laurent sans, si j’ai bien compris, l’aval du gouvernement, façon pour le souverain de justifier l’éviction du prince des festivités du 21 juillet.
Ce prince pose un autre problème à la couronne, un problème dont l’origine est privée mais qui n’est pas plus simple à résoudre que la question politique, semble-t-il. Par ses comportements erratiques, Laurent fait payer quelque chose à sa famille. Une psychothérapie familiale s’impose peut-être…..
milena
21 juillet 2011 @ 19:09
D’accord avec la fin de votre message
corentine
21 juillet 2011 @ 12:31
vu de France, la situation belge n’est pas bien claire
j’ai l’impression que malgré l’absence de gouvernement, le pays fonctionne tout de même (en France ce serait la paralysie)
finalement puisque c’est un Etat fédéral, quels sont exactement les pouvoirs de ce « gouvernement » absent ?
le roi ne peut-il pas suppléer à cet absence de gouvernement ?
quant à la situation de prince Laurent , je ne comprends pas….si le prince s’est rendu au Congo, c’est en déplacement officiel, donc avec l’aval du « gouvernement » ou des représentants officiels du pays, et en accord avec le roi ?
à moins que cela soit à titre privé, à ses frais…et donc où est le problème
je me demande si ce prince n’en veut pas à son père d’avoir rejeté sa fille Delphine ? et de ce coté là, il a raison
quelques soient les circonstances, que le roi se soit repenti d’avoir trompé son épouse, que la reine ait pardonné, qu’ils retrouvent une vie de couple harmonieuse, tant mieux
mais, il reste un enfant…et un enfant c’est sacré. Il n’est pas responsable. Un chrétien devrait savoir cela.
Yannick
21 juillet 2011 @ 13:31
Je ne vois pas du tout ce que cette Delphine vient faire dans l’histoire.
Le prince Laurent a fait une énorme erreur, il aurait pu aller n’importe où dans le monde pour son association mais il a choisi d’aller au Congo. Il aurait pu y aller à n’importe quel autre moment mais il y va juste avant d’importantes élections.
Je serais le Roi que je l’aurais déjà privé de dotation.
corentine
22 juillet 2011 @ 11:24
Yannick,
j’évoquais Delphine, uniquement parce que Pierre-Yves semblait insinuer que « Laurent faisait payer quelque chose à sa famille », qu’il y avait un problème d’ordre privé.
or, je pense que le problème de mésentente parentale dans l’enfance et la naissance d’une demi-soeur, peut etre de nature à « perturber » toujours des adultes
Pépère
21 juillet 2011 @ 13:57
Le gouvernement fédéral est compétent, notamment, dans les matières suivantes: affaires étrangères, Justice, finances, intérieur, défense, sécurité sociale (en partie) et emploi (en partie). Les autres matières sont de la compétence des entités fédérées, à savoir les Régions (Wallonne, Flamande et de Bruxelles-Capitale) et des Communautés ( Wallonie-Bruxelles, Néerlandophone et germanophone).
En France, ce serait la paralysie car votre pays est en quelque sorte un Etat unitaire dans lequel les compétences sont exercées par Paris (en gros). En Belgique, cela fonctionne car nos gouvernements régionaux et communautaires fonctionnent parfaitement. En ce qui concerne le gouvernement fédéral, nous en avons un, l’ancien qui est en affaires courantes.
philippe h
21 juillet 2011 @ 20:58
Un moment fort que ce discours du Roi qui exerce son rôle tel qu’il est prévu dans la Constitution : l’arbitrage d’un sage avec pondération sans éluder les véritables problèmes aigus de l’instant.
Merci , Régine, de faire vivre presque « en direct » ces moments forts de votre pays dont, nous, Français, comprenons la difficulté de résoudre une telle crise, pas nouvelle, certes, mais qui se prolonge…….et dont la complexité inquiète quelque peu…
Mylène
22 juillet 2011 @ 20:51
Bravo au Roi qui ne se laisse pas influencer par cet extrémiste qu’est Bart de Wever, et qui s’entête, comme un enfant, à vouloir déchirer la Belgique en deux, alors que la population s’enrichit par ses différences culturelles et d’idées. Oui nous aimons la Côte belge, et les néerlandophones, les Ardennes, alors, aimons nous et dialoguons…
Irene Windhausen
23 juillet 2011 @ 15:07
Sire!
Ihnen aus Ostbelgien herzlichsten Glückwunsch zu Ihrer Ansprache, die ich leider est jetzt gelesen habe!
Das ist genau der Punkt. Hoffentlich wendet sich das Blatt bald in Richtung Verständigung mittels Mehrsprachigkeit! Wir sollten doch froh sein über diese zusätzlichen Möglichkeiten als Zentrum der EU!
Ihnen und Ihrer Familie alles Gute weiterhin!
Irene Windhausen, Musikerin, St. Vith
chicarde
25 juillet 2011 @ 15:14
Sehr geehrte Frau Windhausen,
Sie sagen es ganz zu Recht : « mittels Mehrsprachtigkeit » ! Leider, leider mangelt es gerade daran bei vielen Bürgern Belgiens ! Die Ostkantone (Deutschostbelgien) bilden dabei die löbliche Ausnahme, denn sehr viele, wenn nicht die meisten der dortigen Einwohner sind der drei Nationalsprachen mächtig !