Lorsque le prince Alexandre et la princesse Katherine viennent s’établir en Serbie en juillet 2001, l’Etat met à leur disposition le complexe royal de Dedinje comprenant comme bâtiments principaux le Palais royal et le Palais blanc. Une sorte de liste civile est adoptée et permet au couple de gérer l’intendance des lieux avec le personnel nécessaire mais en 2007, la donne change et cette somme (nous n’avons pas évoqué le montant chiffré) est revue fortement à la baisse. Le prince qui a vendu sa maison de Londres lors de son départ, est de plus invité à prendre désormais en charge non seulement tous les frais énergétiques mais aussi les coûts d’entretien et des travaux de deux palais construits par son grand-père le roi Alexandre II sur ses deniers personnels mais qui sont aujourd’hui la propriété de l’Etat serbe…
Dans le sous-sol du Palais royal, là où se trouvent les pièces où le roi Alexandre et la reine Marie aimaient recevoir leurs amis, Tito a fait peindre au plafond des étoiles rouges. Elles y sont encore et le prince de commenter « C’est certes un symbole de l’ère communiste mais il n’y a que les dictateurs qui font des nettoyages… »
Il faudrait refaire le toit du Palais blanc, y installer l’eau chaude, un meilleur système d’électricité,… mais tout cela a un coût que le Ministère de la Culture ne prend actuellement pas en charge. Et le prince de regretter amèrement que l’on n’investisse pas davantage dans la préservation et la restauration du patrimoine ainsi que dans les Arts. Pour donner un exemple, il cite le musée national fermé depuis 12 ans.
On sent que la question est délicate. Le prince nous explique la situation très complexe en raison de la lourdeur bureaucratique. Un procès est actuellement en cours. Des négociations ont cependant toujours lieu en parallèle avec l’Etat et le prince espère pouvoir en dire plus dans quelques mois.
On sent la fierté du prince Alexandre lorsqu’il parle de ce pays dont il avait tellement entendu parler mais qu’il n’avait jamais vu jusqu’en 1991.
Avec la princesse, il se rend très régulièrement aux quatre coins du pays, dans des zones parfois plus reculées. Il aime ce contact de terrain. Avec sa fondation, il a beaucoup œuvré pour créer des liens entre les Serbes de Serbie et les Serbes vivant à l’étranger, pour favoriser aussi des échanges notamment dans le domaine médical. Il est évident que le prince qui a travaillé longtemps dans le secteur privé, a un solide carnet d’adresses qu’il utilise pour créer des passerelles.
Il s’est beaucoup investi dans le secteur du développement économique (aussi par le biais de sa fondation) et dans la promotion du tourisme de la Serbie. Il a à ce titre été récompensé par la Chambre de commerce et d’industrie.
Chaque année, cette fois-ci ce sera le 26 juin, il accueille au Palais les 600 meilleurs étudiants des High schools du pays. C’est devenu une tradition et l’objet aussi d’une certaine forme de compétition accrue entre les étudiants. « Entre les étudiants et leurs parents, il faut compter environ 1800 personnes que nous accueillerons au palais » précise le prince Alexandre.
C’est depuis l’installation du couple princier que le complexe du Palais royal est ouvert chaque année pour une période d’environ 6 mois au public. Vous aurez ainsi peut-être la possibilité de les croiser au gré de votre visite. Auparavant, c’était un lieu totalement fermé, surtout lorsque Tito puis Milosevic y vécurent.
Le prince nous explique que cela lui faisait toujours une drôle de sensation lorsqu’il voyait à la télévision ou dans la presse des Chefs d’Etat y compris sa marraine la reine Elizabeth, être reçus avec les honneurs par Tito dans un palais qui appartenait en fait sa famille.
Nous évoquons l’évolution et le développement touristique progressif du pays. « Il y a une grande évolution ces dernières années. En 14 années passées en Serbie, j’ai pu voir et sentir ce changement. L’aéroport de Belgrade a été fortement amélioré et à présent nous avons une très bonne compagnie aérienne Air Serbia qui effectue des liaisons avec la plupart des capitales européennes. Les tours en bateau sur le Danube connaissent aussi une demande croissante. »
Les inondations d’une ampleur énorme qui ont ravagé le pays il y a un an, ont laissé des traces qui ne sont pas encore effacées. Le prince et la princesse étaient présents dans les lieux les plus touchés dès les premiers instants pour prêter main forte aux services de secours et acheminer vivres et matériel. Ils ont arpenté les villages, distribuant des repas dans des gymnases réquisitionnés, ont longuement pris le temps d’écouter celles et ceux qui avaient tout perdu : un être cher, une maison, des récoltes. Le prince Pierre, fils aîné du prince, s’est joint à eux pendant plusieurs jours, portant de l’eau potable dans les villages isolés.
Cet hiver, le couple princier est retourné sur les lieux pour apporter du matériel comme des frigos. On voit encore les traces de la montée fulgurante des eaux sur les façades des maisons.
« Les infrastructures à l’intérieur du pays sont épouvantables. Les autorités n’ont rien fait pendant des années pour les routes mais aussi pour les abords des fleuves, les berges ou encore les ponts » souligne le prince.
Autre grande préoccupation du prince et de la princesse, suite aux inondations, des personnes âgées ont perdu leurs prescriptions médicales. Plus personne ne savait concrètement ce qu’on leur avait prescrit. Certains se sont retrouvés sans leurs médicaments, étant eux-mêmes trop âgés que pour bien s‘en souvenir. L’idée est à présent de mettre en place un système informatisé mais cela prendre évidemment du temps.
Tous les deux parfaits polyglottes, le prince Alexandre et la princesse Katherine de Serbie ont noué des contacts importants avec la plupart des diplomates en poste à Belgrade. La princesse peut dès lors compter sur les épouses des ambassadeurs pour organiser des événements caritatifs ou soutenir ses projets.
Soins de santé, économie, tourisme, culture avec des expositions temporaires régulières au Palais blanc, le prince et la princesse donnent une image dynamique et entreprenante de leur fonction. « La monarchie jouit d’une très bonne image au sein de la population. Nous avons tissé des liens solides au fil des ans par notre travail au service du pays ».
Actuellement, le président de la république serbe est Tomislav Nikolic et le président du gouvernement Aleksandar Vučić qui fut autrefois en coalition avec Slobodan Milosevic avant son renversement en 2000.
Le prince assiste aux grands événements de la vie publique serbe aux côtés du Président et du chef du gouvernement. Une restauration formelle de la monarchie est-elle envisagée ou cette situation actuelle d’intelligent modus vivendi est-elle préférable ? « En plus de tous nos engagements via la fondation de mon épouse, les colloques que nous organisons avec des entreprises et le monde médical, je vais là où l’on m’invite. Il faut toujours être très vigilant à ce que l’idéologie du passé ne refasse pas surface. »
On sent bien que si le terrain est propice, ce n‘est pas encore l’heure ni le moment d’une restauration. Les relations avec le pouvoir sont correctes mais des litiges étant en cours, tout est délicat.
Nous évoquons ma découverte du centre historique de Belgrade et la charmante attitude des Belgradois qui sont toujours très disponibles pour vous renseigner et vous aider à trouver votre chemin, les jeunes parlant tous un anglais académique. Le prince en est ravi. Tout comme on le sent fier lorsque des compatriotes s‘illustrent comme Novak Djokovic en tennis.
C’est cette image d’une Serbie qui regarde malgré les difficultés vers l’avenir, qui plaît au prince et qui est son moteur pour continuer à s’impliquer et à apporter son expérience, son énergie, ses relais et son temps pour son pays.
Demain : Entretien avec le prince Alexandre et la princesse Katherine de Serbie : Souvenirs familiaux et retour du roi Pierre II
marielouise
23 mai 2015 @ 06:40
Un couple bienveillant , ouvert et proche de son peuple et de ses réalités!
DEB
23 mai 2015 @ 07:37
J’étais chez des amis pendant cette semaine et je lis, d’un coup, tous les articles consacrés au prince Alexandre et à la princesse Katherine de Serbie et je suis, comme vous tous, je trouve ce couple épatant.
Les interviews nous les rendent encore plus sympathiques.
Voilà des princes, au sens noble du terme.
June
23 mai 2015 @ 07:43
« La monarchie jouit d’une très bonne image au sein de la population. Nous avons tissé des liens solides au fil des ans par notre travail au service du pays ».
On ne peut que le croire leur énergie et leur dévouement étant à la mesure du travail à accomplir !
HRC
23 mai 2015 @ 10:14
une reprise économique sciera à la base ce qui avait entraîné une partie de l’opinion serbe avec Milosévic’, et qui mettra un peu de temps à disparaître d’élection en élection.
ou scierait, je ne sais pas.
en tout cas, la culture serbe ce n’est pas seulement Emir Kustorica, encore que « Underground » soit une sorte de monument national de la Serbie d’après-guerre jusqu’aux derniers plans.
Maguelone
23 mai 2015 @ 13:06
C’est toujours la misère qui pousse les peuples à se radicaliser. Le prince Alexandre a raison d’être vigilant et l’on sent que sa priorité, dans un premier temps n’est pas la restauration monarchique mais celle d’acquérir une vraie crédibilité vis-à-vis de son peuple. En fin diplomate, aidé de son épouse qui ne ménage pas sa peine, il semblerait qu’il soit sur le bon chemin.
Pierre-Yves
23 mai 2015 @ 15:45
Si on lit entre les lignes, on perçoit quand même que l’idée d’une restauration monarchique est loin d’être étrangère au prince de Serbie. En choisissant de se mettre au service du peuple serbe, il y travaille indirectement.
Il serait contreproductif pour lui d’affirmer clairement son intention, mais elle existe sans doute ble et bien.
Marc
23 mai 2015 @ 20:08
Régine,
1) Avez-vous interrogé le prince sur la situation actuelle au Kosovo ?
Est-il engagé dans la défense des Serbes du Kosovo, dans la défense du patrimoine architectural serbe du Kosovo, notamment du patrimoine religieux orthodoxe ?
Est-il favorable à une reconnaissance de l’indépendance du Kosovo par le gouvernement de Belgrade ?
2) Vous écrivez dans l’article « Avec sa fondation, il a beaucoup œuvré pour créer des liens entre les Serbes de Serbie et les Serbes vivant à l’étranger. »
Après avoir évoqué le Kosovo dans la première question, j’aimerais savoir quelles sont ses relations avec le gouvernement de la République serbe de Bosnie en particulier, et avec le peuple serbe de Bosnie en général.
Est-il favorable à un démantèlement de l’actuelle Bosnie-Herzégovine et à un rattachement de la République serbe de Bosnie à la République de Serbie ?
(J’imagine que vous n’avez pas dû lui poser cette question politiquement très sensible et même si vous la lui avez posée, il n’a pas dû répondre ou alors seulement en mode « langue de bois »).
Merci beaucoup pour vos réponses.
PS : j’admire le travail caritatif du prince Alexandre et de la princesse Katherine de Serbie, mais si le prince veut jouer un jour un rôle politique dans son pays, il devra prendre clairement position sur ces sujets sensibles, au risque de déplaire.
HRC
24 mai 2015 @ 08:19
Marc,
je crois que c’est l’armée serbe qui assure la protection des monastères du Kosovo, ce qui répond un peu à votre première question de facto. Ni la Grèce ni l’Espagne n’ont reconnu l’indépendance du Kosovo, entre autres.
flabemont8
23 mai 2015 @ 20:28
Le travail ne manque pas en tous domaines , mais ce couple courageux , généreux et dynamique est de taille à relever le défi .
Francine du Canada
23 mai 2015 @ 22:31
Merci Régine; je trouve un peu frustrante l’idée qu’on leur demande d’assumer les coûts d’entretien des palais, après tout ce qu’ils ont fait sur le terrain depuis leur installation en 2001. On a l’impression qu’on veut les forcer à demander l’aide de mécènes ou d’amis à l’étranger. Et on comprend un peu mieux que les palais ne soient pas entourés de jardins grandioses remplis de fleurs, fontaines, statues, etc. Tout juste des pelouses et quelques bosquets d’arbustes… c’est la simplicité volontaire et leur message est clair : Nous sommes ici à votre service et non pour vivre dans l’opulence à vos frais.
Malgré cela, ils ne se plaignent pas et continuent d’aider les plus démunis et d’apporter leur soutien aux victimes des catastrophes naturelles et même dans les coins les plus reculés. Ils mettent les priorités au bon endroit : Les soins de santé, les enfants, les étudiants, les arts et la culture… Ils sont positifs et poursuivent leurs activités d’aide humanitaire en soulignant au passage les améliorations à plusieurs niveaux : Le transport aérien, le tourisme, etc. Là se trouve sans doute le secret de leur réussite (bonne réputation) auprès de leurs compatriotes, de la presse et du gouvernement. Ils possèdent une grande vertu : La patience. Je les appréciais déjà beaucoup mais je les estime encore plus et je leur lève mn chapeau! FdC
COLETTE C.
24 mai 2015 @ 16:04
Tout n’est pas encore « gagné » pour les princes.
Corsica
24 mai 2015 @ 21:03
Comme Francine, je suis surprise de voir que le couple doive entretenir deux biens dont il n’est pas propriétaire . Je comprends pour les frais énergétiques mais les frais de réparations et d’entretien de la bâtisse devraient être à la charge de l’État . Si celui-ci ne peut pas ou ne veut pas, il devrait restituer ce bien personnel du roi Alexandre II à ses descendants .
Cosmo
24 mai 2015 @ 23:35
Cet entretien permet de mieux comprendre la personnalité des princes qui se révèlent bien attachants par leur engagement dans une cause dont ils n’ont personnellement rien à attendre. Et je pense qu’ils se dévouent sans arrière-pensée, accomplissant leur devoir, comme une évidence, auquel ils ne peuvent et ne veulent échapper.
marie.françois
25 mai 2015 @ 08:45
Les relations des gouvernements en place dans les Balkans avec leurs anciens souverains et leurs anciennes familles royales sont tres variées allant d’une quasi hostilité pour ce qui concerne la Grece à l’ indifference en Bulgarie pour aller à une franche bienveillance en Roumanie comme en Serbie .
Dans ces deux derniers pays il n’est pas insignifiant de restituer des anciennes résidences royales ou de les mettre à disposition , de permettre de recevoir des ambassadeurs étrangers, d’assurer des gardes d’honneur …