Du 8 octobre 2016 au 26 février 2017, le musée d’Art russe de Minneapolis présentera une exposition sur des pièces rares et peu connues du joaillier Fabergé, célèbre pour ses créations d’œufs pour la famille impériale de Russie.(Merci à Anne)
J’avais quelque peu égaré mon livre de biographies et j’avais entamé une écriture sur la vie du Tsar Paul Ier.
(Nous nous retrouvons ici après le décès de l’Impératrice Catherine)
« le comte Samoyloff naturellement avait une figure bête qu’il s’efforçait, sans y parvenir, de rendre triste. Il entra dans la chambre de service et dit : « Messieurs, l’Impératrice Catherine est morte, et son fils, l’empereur Paul est monté sur le trône. » Le grand maître des cérémonies, qui n’avait jamais en tête que le cérémonial, vint annoncer que tout était prêt dans la chapelle du palais pour la prestation de serment. L’empereur s’y rendit accompagné de sa famille et suivi de tous ceux qui se trouvaient au palais. Il se mit à la place impériale et tout le monde, à la suite du clergé, répéta la formule du serment; après quoi l’Impératrice Marie voulut se jeter aux pieds de l’Empereur, mais il l’en empêcha, ainsi que ses enfants.
Ensuite chacun, après avoir baisé la croix, et l’Evangile et signé de son nom, baisa la main du souverain. »
Tel est, bien abrégé, le récit du comte Rostopchine, écrit au lendemain même de la mort de Catherine, de l’avènement de Paul Ier, et qui forme certainement une des pages les plus émouvantes du règne si court de ce noble et si malheureux prince.
Un de ses premiers soins, en montant sur le trône fut de réhabiliter la mémoire de Pierre III , son père, et de faire exhumer ses restes mortels pour leur rendre les honneurs funèbres que Catherine et ses complices lui avaient refusé à sa mort.
La vengeance qu’il tira des meurtriers survivants de Pierre III fut originale, comme tous ses actes et cruelle dans sa modération. Il exigea qu’ils tinssent le drap mortuaire étendu sur le cercueil pendant toute la durée de la cérémonie, et ce pilori d’un nouveau genre dut être pour eux un supplice de honte et d’angoisse. La cérémonie achevée, il se contenta de les exiler de la cour et de la capitale : il est remarquable,, en effet, que malgré ses emportements et ses actes de déraison Paul Ier ne répandit pas une goutte de sang pendant son règne.
Les débuts de ce règne, marqué par des mesures de haute importance et de haute sagesse, pouvaient faire espérer un règne illustre et bienfaisant. Lors de son couronnement, il régla, par un acte constitutionnel, l’ordre de succession au trône de Russie, laissé jusque là au bon plaisir du souverain, il décida que la couronne se transmettrait de mâle à mâle, par ordre de primogéniture et que les femmes ne pourraient régner qu’à défaut d’hériter du sexe masculin. Il supprima un grand nombre d’emplois inutiles, diminua considérablement les dépenses du Trésor, favorisa le commerce national, et travailla activement au projet formé depuis longtemps de joindre par des canaux la Baltique à la mer Noire
Il établit une maison d’orphelins militaires, où 800 enfants furent élevés et instruits aux frais de l’Etat. Il continua les traditions de tolérance religieuse de sa mère, et protégea, comme elle, les Jésuites chassés de France et d’Espagne, qu’il laissa libre d’enseigner et d’élever la jeunesse de son empire.
Mais à ces mesures, dignes d’un vrai politique et d’un sage législateur, succédèrent bientôt des caprices absurdes et des tracasseries sans nom. Sa manie de tout règlementer ne connaissait pas de limites, et son despotisme s’exerçait de préférence là où il est le plus insupportable, dans les petites choses. Tantôt il proscrivait les modes françaises, déterminait la forme des chapeaux et des vêtements; tanôt joignant l’odieux au ridicule, il ordonnait que, sur son passage, tout le monde descendit de voiture et s’inclinât devant lui. il y eut des moments où son orgueil parut atteindre des limites extrêmes de la déraison. Un jour il dit à un ambassadeur étranger qui s’excusait d’un retard en alléguant la visite d’un grand personnage de sa cour, cette parole que Louis XIV n’eût pas osé prononcer : « Apprenez Monsieur, qu’il n’y a de considérable ici que la personne à qui je parle, et pendant le temps que je lui parle. »
A un certain moment, il se mit en tête de dire la messe en sa qualité de chef suprême de l’église orthodoxe : puisque je suis leur chef, dit-il, j’ai le droit de faire tout ce qu’ils font.
En dépit de toutes les observations, il commanda des ornements somptueux, fit disposer une chapelle digne d’un souverain pontife et il eut accompli cet acte de folie sacrilège, si un évêque russe n’eût imaginé de lui dire que d’après Saint Paul un veuf remarié ne pouvait être admis aux ordres sacrés. Ce raisonnement le frappa, et avec sa mobilité habituelle, une fois le projet ajourné, il n’y pensa plus.
L’armée n’échappa point à ses tracasseries despotiques, qui lui faisaient partout des ennemis. Epris d’enthousiasme pour le grand Frédéric, il crut l’imiter en lui empruntant la tactique et l’uniforme de l’armée prussienne. Il fit donc quitter aux soldats russes le costume national, simple et commode, qu’ils avaient porté jusque là pour lui substituer celui des soldats de Frédéric. Il n’oublia ni les cheveux frisés ni la longue queue poudrée, et il fit faire des modèles de queues qu’il envoya aux divers corps d’armée, avec l’ordre de s’en servir. En recevant ce ridicule envoi, le général Souvarow hocha la tête, et improvisa deux vers russes qui firent bientôt le tour de l’armée, et dont voici la traduction:
Ces queues ne sont pas des baionettes
Et cette poudre ne prend pas feu.
Cette boutade arriva jusqu’aux oreilles de l’Empereur qu’elle irrita vivement. Elle détermina la disgrâce du grand homme de guerre auquel Paul ne pouvait pardonner la faveur de Catherine.
Souvarow reçut l’ordre de quitter l’armée dont il était adoré, et de là, il fut exilé dans une de ses terres.
Les bizarreries et les persécutions de l’empereur Paul n’épargnaient même pas sa famille; sa femme et ses enfants tremblaient devant lui bien qu’il leur fût tendrement attaché. Un jour il entra en fureur, pour je ne sais quelle raison contre l’impératrice, sa femme, que ses vertus et sa conduite irréprochable auraient dû mettre à l’abris de tout soupçon. Son esprit méfiant voyait sans cesse en elle une nouvelle Catherine: « Madame, lui dit-il brutalement, vous vous préparer peut-être à jouer le rôle de Catherine, mais sachez que vous ne trouverez pas en moi un Pierre III. « Et séance tenante, il ordonna à Rostopchine de préparer un édit qui reléguait l’impératrice au couvent de Solovetsk et déclarait illégitime la naissance de ses deux derniers fils, les grands-ducs Nicolas et Michel. Pour le rappeler à la raison il fallut que Rostopchine lui tint tête, lui résistât en face et lui dit que cet acte, s’il l’accomplissait, serait la honte de son règne et le malheur de sa vie.
Cet infortuné prince apportait dans la politique et dans ses relations avec les puissances étrangères la même inconsistance, les mêmes emportements que dans ses relations privées. L’impératrice Catherine, très hostile à la Révolution française avait eu le talent de lui susciter partout des ennemis, sans mettre un seul soldat russe en campagne. Dans sa profonde politique, elle trouvait plus sûr et moins couteux de faire agir les autres que d’agir elle-même.
Cette sage conduite était incompatible avec l’impétuosité de Paul Ier. L’âme chevaleresque du nouveau souverain s’était émue aux récits des crimes de la Terreur, des souffrances de ses victimes, des malheur de la famille royale de France. Il avait offert une généreuse hospitalité à Louis XVIII dans la ville de Mitau, et il ne cherchait qu’une occasion de traduire dans ses actes sa haine contre la Révolution et ses sympathies pour le roi de France exilé, cette occasion ne tarda pas à se présenter.
La guerre européenne, dont la haute Italie et la Suisse étaient alors les principaux théâtres, se poursuivait avec des chances douteuses pour les puissances alliées. L’empereur d’Autriche, instruit des sentiments de Paul Ier, le pressa d’entrer en campagne pour assurer la défaite de la Révolution, et afin de l’y décider, il lui proposa de donner à un général russe le commandement en chef des armées coalisées. Paul Ier acquiesça immédiatement à cette proposition, et oubliant ses griefs contre Souvarow, il le désigna pour cette éminente dignité.
« Souvarow, lui écrit-il de sa propre main, n’a pas besoin de lauriers ni de triomphes, mais la patrie a besoin de Souvarow. J’ai donc pris la résolution de t’envoyer en Italie au secours de S.M. l’empereur François II, qui t’a confié le commandement suprême de l’armée. »
Il faut reconnaître que c’était s’exécuter loyalement et royalement, et il y avait quelques grandeurs dans cette manière de demander et de commander. On sait les rapides succès de Souvarow en Italie, à la tête de ses 80.000 soldats, puis ses revers en Suisse, enfin son brusque retour en Allemagne et sa résolution, approuvée par le czar, de sortir d’une coalition dont l’Autriche semblait vouloir se réserver tous les avantages.
Malgré les victoires du vieux guerrier en Italie, Paul sentit en le revoyant renaître tous ses ressentiments; il l’accueilli avec froideur et lui refusa publiquement les honneurs promis d’une entrée triomphale à Saint-Pétersbourg. Souvarow, affaibli par l’âge et les infirmités, ne put supporter cette dernière injustice. Il tomba gravement malade, reçu les sacrements de l’église en chrétien convaincu, et mourut en demandant à être enseveli avec un portrait de l’impératrice Catherine qu’il tenait d’elle-même. Telle fut la fin du plus grand capitaine qu’ait eu la Russie depuis Pierre le Grand. Paul ne le pleura point, mais il permit à Rostpochine, son favori, de le pleurer et de lui porter sur son lit de mort les insignes de l’ordre impérial de Saint-Lazare: étrange caractère de souverain, mélange de grandeur et de petitesse, et qui semblait éprouver le besoin de mettre quelques contradictions dans tous ses actes, quels qu’ils fussent.
On a vu, d’après ce que nous avons déjà raconté du règne de l’empereur Paul Ier, que la mobilité était, avec l’exagération, le trait principal de son caractère. Le roi Louis XVIII, qu’il avait royalement accueilli à Mitau et qu’il rêvait de replacer sur le trône de France, devait en faire la cruelle expérience. La brusquerie avec laquelle le czar avait rappelé Souvarow et donné l’ordre à ses troupes de rentrer en Russie, présageait un revirement complet dans sa politique. Il était clair, aux yeux de ceux qui le connaissaient, qu’il ne resterai pas à moitié route de son évolution, et que le prestige militaire du général Bonaparte ne tarderait pas à le conquérir tout entier. On était à la veille du 18 brumaire, et on sentait dans l’air le grand évènement qui allait s’accomplir à Paris, et qui allait changer la face de l’Europe.
Un incident étrange, et qui met singulièrement en relief le caractère de Paul Ier, failli arrêter l’évolution du czar vers la France, et le rattacher plus étroitement que jamais à la cause de Louis XVIII et des souverains alliés. Cet incident fut l’arrivée du général Dumouriez à Saint-Pétersbourg, avec une mission secrète de Louis XVIII et un plan de campagne politique et militaire dont l’adoption parPaul Ier eût entraîné les plus graves conséquences. L’histoire de cette négociation a été racontée par l’abbé Georgel, ancien vicaire général du cardinal de Rohan, qui se trouvait à Saint-Pétersbourg en même temps que Dumouriez et qui avait su gagner bien vite la confiance facile du général républicain devenu agent royaliste. « Les derniers évènements de la campagne de 1797, écrit l’abbé Géorgel, n’ayant pas été heureux en Suisse ni sur le Rhin pour les puissances coalisées, le général Dumouriez avait écrit à Paul Ier avec l’approbation de Louis XVIII, pour lui communiquer un plan d’où il devait résulter de grands avantages pour la cause commune et pour la gloire personnelle de l’empereur de Russie. Cette lettre l’a fait appelé à Saint-Pétersbourg.
cyrill smolky
23 septembre 2016 @ 09:22
Tres interessant
Claude-Patricia
23 septembre 2016 @ 18:54
Bonsoir à tous,
J’avais quelque peu égaré mon livre de biographies et j’avais entamé une écriture sur la vie du Tsar Paul Ier.
(Nous nous retrouvons ici après le décès de l’Impératrice Catherine)
« le comte Samoyloff naturellement avait une figure bête qu’il s’efforçait, sans y parvenir, de rendre triste. Il entra dans la chambre de service et dit : « Messieurs, l’Impératrice Catherine est morte, et son fils, l’empereur Paul est monté sur le trône. » Le grand maître des cérémonies, qui n’avait jamais en tête que le cérémonial, vint annoncer que tout était prêt dans la chapelle du palais pour la prestation de serment. L’empereur s’y rendit accompagné de sa famille et suivi de tous ceux qui se trouvaient au palais. Il se mit à la place impériale et tout le monde, à la suite du clergé, répéta la formule du serment; après quoi l’Impératrice Marie voulut se jeter aux pieds de l’Empereur, mais il l’en empêcha, ainsi que ses enfants.
Ensuite chacun, après avoir baisé la croix, et l’Evangile et signé de son nom, baisa la main du souverain. »
Tel est, bien abrégé, le récit du comte Rostopchine, écrit au lendemain même de la mort de Catherine, de l’avènement de Paul Ier, et qui forme certainement une des pages les plus émouvantes du règne si court de ce noble et si malheureux prince.
Un de ses premiers soins, en montant sur le trône fut de réhabiliter la mémoire de Pierre III , son père, et de faire exhumer ses restes mortels pour leur rendre les honneurs funèbres que Catherine et ses complices lui avaient refusé à sa mort.
La vengeance qu’il tira des meurtriers survivants de Pierre III fut originale, comme tous ses actes et cruelle dans sa modération. Il exigea qu’ils tinssent le drap mortuaire étendu sur le cercueil pendant toute la durée de la cérémonie, et ce pilori d’un nouveau genre dut être pour eux un supplice de honte et d’angoisse. La cérémonie achevée, il se contenta de les exiler de la cour et de la capitale : il est remarquable,, en effet, que malgré ses emportements et ses actes de déraison Paul Ier ne répandit pas une goutte de sang pendant son règne.
Les débuts de ce règne, marqué par des mesures de haute importance et de haute sagesse, pouvaient faire espérer un règne illustre et bienfaisant. Lors de son couronnement, il régla, par un acte constitutionnel, l’ordre de succession au trône de Russie, laissé jusque là au bon plaisir du souverain, il décida que la couronne se transmettrait de mâle à mâle, par ordre de primogéniture et que les femmes ne pourraient régner qu’à défaut d’hériter du sexe masculin. Il supprima un grand nombre d’emplois inutiles, diminua considérablement les dépenses du Trésor, favorisa le commerce national, et travailla activement au projet formé depuis longtemps de joindre par des canaux la Baltique à la mer Noire
Il établit une maison d’orphelins militaires, où 800 enfants furent élevés et instruits aux frais de l’Etat. Il continua les traditions de tolérance religieuse de sa mère, et protégea, comme elle, les Jésuites chassés de France et d’Espagne, qu’il laissa libre d’enseigner et d’élever la jeunesse de son empire.
Mais à ces mesures, dignes d’un vrai politique et d’un sage législateur, succédèrent bientôt des caprices absurdes et des tracasseries sans nom. Sa manie de tout règlementer ne connaissait pas de limites, et son despotisme s’exerçait de préférence là où il est le plus insupportable, dans les petites choses. Tantôt il proscrivait les modes françaises, déterminait la forme des chapeaux et des vêtements; tanôt joignant l’odieux au ridicule, il ordonnait que, sur son passage, tout le monde descendit de voiture et s’inclinât devant lui. il y eut des moments où son orgueil parut atteindre des limites extrêmes de la déraison. Un jour il dit à un ambassadeur étranger qui s’excusait d’un retard en alléguant la visite d’un grand personnage de sa cour, cette parole que Louis XIV n’eût pas osé prononcer : « Apprenez Monsieur, qu’il n’y a de considérable ici que la personne à qui je parle, et pendant le temps que je lui parle. »
A un certain moment, il se mit en tête de dire la messe en sa qualité de chef suprême de l’église orthodoxe : puisque je suis leur chef, dit-il, j’ai le droit de faire tout ce qu’ils font.
En dépit de toutes les observations, il commanda des ornements somptueux, fit disposer une chapelle digne d’un souverain pontife et il eut accompli cet acte de folie sacrilège, si un évêque russe n’eût imaginé de lui dire que d’après Saint Paul un veuf remarié ne pouvait être admis aux ordres sacrés. Ce raisonnement le frappa, et avec sa mobilité habituelle, une fois le projet ajourné, il n’y pensa plus.
L’armée n’échappa point à ses tracasseries despotiques, qui lui faisaient partout des ennemis. Epris d’enthousiasme pour le grand Frédéric, il crut l’imiter en lui empruntant la tactique et l’uniforme de l’armée prussienne. Il fit donc quitter aux soldats russes le costume national, simple et commode, qu’ils avaient porté jusque là pour lui substituer celui des soldats de Frédéric. Il n’oublia ni les cheveux frisés ni la longue queue poudrée, et il fit faire des modèles de queues qu’il envoya aux divers corps d’armée, avec l’ordre de s’en servir. En recevant ce ridicule envoi, le général Souvarow hocha la tête, et improvisa deux vers russes qui firent bientôt le tour de l’armée, et dont voici la traduction:
Ces queues ne sont pas des baionettes
Et cette poudre ne prend pas feu.
Cette boutade arriva jusqu’aux oreilles de l’Empereur qu’elle irrita vivement. Elle détermina la disgrâce du grand homme de guerre auquel Paul ne pouvait pardonner la faveur de Catherine.
Danielle
23 septembre 2016 @ 19:06
Quelle belle exposition, dommage qu’elle soit trop éloignée !
Claude-Patricia
24 septembre 2016 @ 11:47
Bonjour à tous,
Suite
Souvarow reçut l’ordre de quitter l’armée dont il était adoré, et de là, il fut exilé dans une de ses terres.
Les bizarreries et les persécutions de l’empereur Paul n’épargnaient même pas sa famille; sa femme et ses enfants tremblaient devant lui bien qu’il leur fût tendrement attaché. Un jour il entra en fureur, pour je ne sais quelle raison contre l’impératrice, sa femme, que ses vertus et sa conduite irréprochable auraient dû mettre à l’abris de tout soupçon. Son esprit méfiant voyait sans cesse en elle une nouvelle Catherine: « Madame, lui dit-il brutalement, vous vous préparer peut-être à jouer le rôle de Catherine, mais sachez que vous ne trouverez pas en moi un Pierre III. « Et séance tenante, il ordonna à Rostopchine de préparer un édit qui reléguait l’impératrice au couvent de Solovetsk et déclarait illégitime la naissance de ses deux derniers fils, les grands-ducs Nicolas et Michel. Pour le rappeler à la raison il fallut que Rostopchine lui tint tête, lui résistât en face et lui dit que cet acte, s’il l’accomplissait, serait la honte de son règne et le malheur de sa vie.
Cet infortuné prince apportait dans la politique et dans ses relations avec les puissances étrangères la même inconsistance, les mêmes emportements que dans ses relations privées. L’impératrice Catherine, très hostile à la Révolution française avait eu le talent de lui susciter partout des ennemis, sans mettre un seul soldat russe en campagne. Dans sa profonde politique, elle trouvait plus sûr et moins couteux de faire agir les autres que d’agir elle-même.
Claude-Patricia
25 septembre 2016 @ 14:18
Bonjour à tous,
Suite
Cette sage conduite était incompatible avec l’impétuosité de Paul Ier. L’âme chevaleresque du nouveau souverain s’était émue aux récits des crimes de la Terreur, des souffrances de ses victimes, des malheur de la famille royale de France. Il avait offert une généreuse hospitalité à Louis XVIII dans la ville de Mitau, et il ne cherchait qu’une occasion de traduire dans ses actes sa haine contre la Révolution et ses sympathies pour le roi de France exilé, cette occasion ne tarda pas à se présenter.
La guerre européenne, dont la haute Italie et la Suisse étaient alors les principaux théâtres, se poursuivait avec des chances douteuses pour les puissances alliées. L’empereur d’Autriche, instruit des sentiments de Paul Ier, le pressa d’entrer en campagne pour assurer la défaite de la Révolution, et afin de l’y décider, il lui proposa de donner à un général russe le commandement en chef des armées coalisées. Paul Ier acquiesça immédiatement à cette proposition, et oubliant ses griefs contre Souvarow, il le désigna pour cette éminente dignité.
« Souvarow, lui écrit-il de sa propre main, n’a pas besoin de lauriers ni de triomphes, mais la patrie a besoin de Souvarow. J’ai donc pris la résolution de t’envoyer en Italie au secours de S.M. l’empereur François II, qui t’a confié le commandement suprême de l’armée. »
Il faut reconnaître que c’était s’exécuter loyalement et royalement, et il y avait quelques grandeurs dans cette manière de demander et de commander. On sait les rapides succès de Souvarow en Italie, à la tête de ses 80.000 soldats, puis ses revers en Suisse, enfin son brusque retour en Allemagne et sa résolution, approuvée par le czar, de sortir d’une coalition dont l’Autriche semblait vouloir se réserver tous les avantages.
Claude-Patricia
25 septembre 2016 @ 14:52
Malgré les victoires du vieux guerrier en Italie, Paul sentit en le revoyant renaître tous ses ressentiments; il l’accueilli avec froideur et lui refusa publiquement les honneurs promis d’une entrée triomphale à Saint-Pétersbourg. Souvarow, affaibli par l’âge et les infirmités, ne put supporter cette dernière injustice. Il tomba gravement malade, reçu les sacrements de l’église en chrétien convaincu, et mourut en demandant à être enseveli avec un portrait de l’impératrice Catherine qu’il tenait d’elle-même. Telle fut la fin du plus grand capitaine qu’ait eu la Russie depuis Pierre le Grand. Paul ne le pleura point, mais il permit à Rostpochine, son favori, de le pleurer et de lui porter sur son lit de mort les insignes de l’ordre impérial de Saint-Lazare: étrange caractère de souverain, mélange de grandeur et de petitesse, et qui semblait éprouver le besoin de mettre quelques contradictions dans tous ses actes, quels qu’ils fussent.
On a vu, d’après ce que nous avons déjà raconté du règne de l’empereur Paul Ier, que la mobilité était, avec l’exagération, le trait principal de son caractère. Le roi Louis XVIII, qu’il avait royalement accueilli à Mitau et qu’il rêvait de replacer sur le trône de France, devait en faire la cruelle expérience. La brusquerie avec laquelle le czar avait rappelé Souvarow et donné l’ordre à ses troupes de rentrer en Russie, présageait un revirement complet dans sa politique. Il était clair, aux yeux de ceux qui le connaissaient, qu’il ne resterai pas à moitié route de son évolution, et que le prestige militaire du général Bonaparte ne tarderait pas à le conquérir tout entier. On était à la veille du 18 brumaire, et on sentait dans l’air le grand évènement qui allait s’accomplir à Paris, et qui allait changer la face de l’Europe.
Un incident étrange, et qui met singulièrement en relief le caractère de Paul Ier, failli arrêter l’évolution du czar vers la France, et le rattacher plus étroitement que jamais à la cause de Louis XVIII et des souverains alliés. Cet incident fut l’arrivée du général Dumouriez à Saint-Pétersbourg, avec une mission secrète de Louis XVIII et un plan de campagne politique et militaire dont l’adoption parPaul Ier eût entraîné les plus graves conséquences. L’histoire de cette négociation a été racontée par l’abbé Georgel, ancien vicaire général du cardinal de Rohan, qui se trouvait à Saint-Pétersbourg en même temps que Dumouriez et qui avait su gagner bien vite la confiance facile du général républicain devenu agent royaliste. « Les derniers évènements de la campagne de 1797, écrit l’abbé Géorgel, n’ayant pas été heureux en Suisse ni sur le Rhin pour les puissances coalisées, le général Dumouriez avait écrit à Paul Ier avec l’approbation de Louis XVIII, pour lui communiquer un plan d’où il devait résulter de grands avantages pour la cause commune et pour la gloire personnelle de l’empereur de Russie. Cette lettre l’a fait appelé à Saint-Pétersbourg.