Exposition « La collection Morozov. Icônes de l’art moderne » à la Fondation Vuitton à Paris.
L’exposition rend hommage à Mikhaïl (1870-1903) et Ivan (1871-1921) Morozov, grands collectionneurs moscovites d’art moderne français et russe. Avec Sergueï Chtchoukine, ces industriels philanthropes partagèrent l’étrange et impérieux « art de collectionner »
Leur puissant intérêt pour l’art en train de s’inventer sur la scène parisienne, leur volonté de créer des collections représentatives des mouvements modernistes, comme leur souhait de faire donation de leurs collections à la Galerie municipale Trétiakov (créée en 1892 par les frères Sergueï et Pavel Trétiakov) constituent le cadre commun de leur action.
Dès la fin des années 1890, Mikhaïl entreprend de réunir une collection où voisinent Corot, Monet, Degas… et Van Gogh, qu’il sera le premier à faire connaître en Russie.
Sa collection comptera à sa mort en 1903 (il a 33 ans) 39 oeuvres françaises et 44 oeuvres russes.. Selon son voeu, son épouse Margarita en fera don à la Galerie Trétiakov en 1903.
Mikhaïl Morozov – Valentin Serov – 1902
Ivan reprend à son compte le projet de créer une collection exemplaire d’art moderne français : il commence à s’intéresser aux impressionnistes en 1903 mais c’est surtout à partir de 1907, avec la découverte de l’oeuvre de Cézanne, qu’il s’engage dans l’art de collectionner.
Le 19 décembre 1918 paraît le décret de nationalisation des collections d’Ivan Morozov. Sa collection d’art français compte alors 240 oeuvres et sa collection d’art russe, commencée dans sa 20è année en 1890, en compte 430. Il décède le 22 juillet 1921 à Carlsbad.
Ivan Morozov – Konstantine Korovine – 1903
Elle forme entre 1919 et 1923 le « Second département » du Musée de la nouvelle peinture occidentale (le Premier étant formé par la collection de Sergueï Chtchoukine également nationalisée en 1918), puis entre 1923 et 1928, le « Second département » du Musée d’art moderne occidental, pour enfin être réunie en 1928 aux collections de Chtchoukine…
Après quelques péripéties, sur décret de Staline en 1948, le musée d’art moderne occidental est liquidé et ses collections réparties entre le Musée des Beaux-Arts Pouchkine de Moscou et le Musée de l’Ermitage de Saint-Pétersbourg.
La première galerie gravite autour des figures des frères Morozov et leurs familles, peintes par les artistes les plus influents de l’école russe des années 1890-1910 : Ilia Repine, Valentin Serov, Konstantine Korovine ou Alexandre Golovine.
C’est à Mikhaïl Morozov que revient en Russie, dès 1902, le rôle de découvreur de Pierre Bonnard. A sa suite, Ivan acquiert successivement 13 tableaux entre 1905 et 1913.
La Méditerranée, tryptique – Pierre Bonnard – 1911
Il s’intéresse également aux peintres du groupe nabi (« prophètes » en hébreu) créé dans la mouvance de Paul Gauguin et qui réunit Pierre Bonnard, Maurice Denis, Ker-Xavier Roussel, Paul Sérusier, Edouard Vuillard.
Les toutes premières toiles de Paul Gauguin à entrer en Russie sont acquises dès 1900-1901 par Mikhaïl Morozov. A son tour, Ivan réunit ente 1907 et 1910 onze tableaux majeurs de l’artiste.
Les 13 oeuvres ainsi réunies portent sur la période tahitienne, ce qui dénote leur vif intérêt pour la thématique exotique et arcadienne de Gauguin.
Eu haere ia oe (Où vas-tu ?) – Paul Gauguin – 1893
Subjugué par l’originalité des peintures de Paul Cézanne, Ivan Morozov réunit 18 toiles représentatives de l’oeuvre du peintre entre 1907 et 1913 : il est principalement fasciné par ses paysages et acquiert deux variantes de la montagne Sainte-Victoire.
Montagne Sainte-Victoire – Paul Cézanne – 1909
Il acquiert aussi deux portraits masculins de Cézanne : Autoportrait à la casquette (1873) et Le Fumeur. Homme à la pipe (1891-1892). La collection d’Ivan Morozov compte peu de natures mortes, notamment trois toiles de Cézanne : Pêches et Poires (1890), Nature morte à la draperie (1892-1894) et Etude de fleurs (1902-1904)
Par l’entremise de Chtchoukine, Ivan Morozov connaît Matisse et lui commande plusieurs toiles ente 1907 et 1913.
Fait rarissime pour la Russie de l’époque, les frères Morozov consacrent au nu de nombreux dessins, sculptures et peintures. Il reste pour eux l’objet des évocations passionnelles, fantasmatiques ou désublimantes de « l’Eternel Féminin »… avec notamment l’histoire de Psyché de Maurice Denis et quatre statues de Maillol.
L’Eté – Maillol – 1911-1912
L’exposition dure jusqu’au 22 février 2022 à La Fondation Vuitton… et je vous conseille naturellement d’aller la voir. Splendide ! (Merci à Pistounette)
Régine ⋅ Actualité 2021, Expositions, France, Russie 16 Comments
framboiz 07
27 septembre 2021 @ 03:48
Superbe, merci Pistounette !
Baia
27 septembre 2021 @ 07:40
Magnifique exposition, à voir absolument !
Aldona
27 septembre 2021 @ 07:45
Merci Pistounette, magnifique collection
Pascal
27 septembre 2021 @ 08:45
J’ai vu un petit reportage sur cette collection fabuleuse , il semble que pendant la seconde guerre les toiles aient été roulées et cachées (en Sibérie ?) , je n’ai pas compris si certaines avaient été endommagées , perdues ou pas?
Carole 007
27 septembre 2021 @ 09:00
Cette exposition va-t-elle attirer les foules, comme la précédente en 2016/2017 « collection Chtoukine- Icônes de l’art moderne » ?
Cela n’est pas ma tasse de thé, je préfère le Louvre ou Venise, mais comme je passe à pied devant cette Fondation régulièrement, je vais peut-être me laisser tenter…
J’ai entendu sur Radio Classique un bon résumé de cette exposition il y a quelques jours.
Merci Pistounette.
Pistounette
27 septembre 2021 @ 18:18
Réponse collective…
Carole 007, je sais que certaines personnes n’aiment pas l’architecture de la Fondation Vuitton, et je peux le comprendre. Cependant je peux vous assurer que les oeuvres exposées lors de ces deux expos peuvent tout à fait concurrencer celles du Louvre ou des plus grands musées russes : c’est d’ailleurs là qu’elles vont retourner une fois l’expo finie, à Tétriakov, l’Ermitage ou le Musée Russe
Morozov est aussi belle que celle de Chtchoukine : la seule différence est qu’il y a cette fois-ci des tableaux des plus grands peintres russes (Serov, Korovine…)
Pascal, en effet, les deux collections qui étaient devenues le « Musée de la nouvelle peinture occidentale » (GMNZI), ont été évacuées en 1941, ont regagné Moscou en 1944 puis, après la dissolution de Staline en 1948, ont été réparties dans différents musées.
Pour l’exposition Chtchoukine, l’entremise de André-Marc Delocque Fourcaud, son petit-fils, avait été très efficace. Pour celle de Morozov, il est dit que le Président de LMVH, Bernard Arnault, a eu un entretien en tête-à-tête de plusieurs heures avec Poutine… et je le crois volontiers !
Carole 007
28 septembre 2021 @ 19:55
Pistounette quand je cite le Louvre et Venise, je fais seulement référence aux tableaux et pas à l’architecture des musées, et des églises pour Venise. 🙂
J’ai presque vu naître la fondation Vuitton, et là je parle des travaux qui ont duré quelques années.
Et ça me plait bien.
J’aime bien l’eau qui ruisselle sur les marches, et les miroirs en bas.
C’est un bel endroit.
J’irai à cette exposition.
Danielle
27 septembre 2021 @ 10:43
Le tryptique et la Ste Victoire me plaisent bien.
JAusten
27 septembre 2021 @ 12:24
le tryptique me plait beaucoup aussi
Arielle
27 septembre 2021 @ 11:03
J’ai pris mon entrée par internet.
Trianon
27 septembre 2021 @ 14:25
Oui,et les entrées sont prises d’assaut !
miloumilou
27 septembre 2021 @ 13:24
Donner l’envie de revenir à Paris!
loloh
27 septembre 2021 @ 18:52
J’ai eu l’occasion de voir l’expo hier soir. En effet, splendide! A voir et revoir.
bl-r
27 septembre 2021 @ 19:35
Magnifique. Merci beaucoup Pistounette!
pimont
28 septembre 2021 @ 17:59
Ah ! la collection Morozov, quel pur bonheur, Marie Alix !
Vous voulez dire un émerveillement Jean Edouard ! comme je serais heureuse de mettre un de ces chefs d’oeuvre au dessus de mon buffet dans ma salle…
Christiane HAMON
1 octobre 2021 @ 13:49
Je vais faire mon possible pour venir voir cette expo, j ai regardé l’excellent documentaire sur arte
même si la marque « Vuitton » ne me plaît pas, ce qu’elle représente
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