Le musée Marmottan Monet présentera du 13 avril au 21 août 2022, l’exposition « Le Théâtre des émotions ». Près de quatre-vingts œuvres du Moyen Âge à nos jours, provenant de collections particulières et de prestigieux musées français et internationaux sont réunies et retracent l’histoire des émotions et leurs traductions picturales du XIVème au XXIème siècle.
Fruit de la collaboration entre Georges Vigarello, historien et agrégé de philosophie et Dominique Lobstein, historien de l’art, l’exposition porte un nouveau regard sur ces œuvres en contextualisant leur création.
L’émotion, avec ses « réactions souvent intenses », est systématiquement présente dans les arts visuels, travaillée, traquée, déclinée. Elle incarne même la plus grande partie de leur sens, suggérant la chair, stimulant la curiosité. Toutes les expressions y sont illustrées : de la souffrance à la joie, de l’enthousiasme à la terreur, du plaisir à la douleur dont Louis-Léopold Boilly sut faire la recension dans ses Trente-cinq têtes d’expression (vers 1825, Tourcoing, Musée Eugène Leroy), répertoire d’un théâtre où la sensibilité humaine s’expose et se diversifie.
Du Moyen Âge à l’époque moderne, la Mélancolie de Dürer (1514, Paris, École nationale supérieur des beaux-arts), les émois des jeunes cœurs (Jeanne-Élisabeth Chaudet, Jeune Fille pleurant sa colombe morte, 1805, Arras, musée des beaux-arts), les Têtes d’expression de l’École parisienne des Beaux-Arts ou la terreur conférant à la folie comme la peint Charles Louis Müller (Rachel dans Lady Macbeth, Paris, musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme) sont autant de manifestations des sentiments, saisis par tous, instantanément décryptés, éloquents dans leurs traits, leurs clichés.
Enfin, l’intérêt, brusquement accru aujourd’hui, pour les thèmes psychologiques, traumas ou affects, ne peut que renforcer la légitimité d’une exposition sur l’émotion dans les arts visuels, ses formes, ses degrés.
L’exposition suggère l’interminable répertoire des résonances affectives de notre monde intérieur, leur présence ou leur absence depuis les ivoires médiévaux, muets, jusqu’à leur sublimation hurlante dans les Têtes d’otages (1945, Paris, Musée national d’Art moderne, Centre Georges Pompidou) de Jean Fautrier.
Ces nuances ont pourtant un intérêt plus précis, plus précieux. Elles révèlent aussi comment ces mêmes émotions ont pu varier avec le temps, comment leurs manifestations se déplacent, comment changent l’attention qui leur est portée, ou même quelquefois le sens qui leur est donné. Les objets « émotifs » s’enrichissent, les regards se renouvellent, les intensités se différencient, les interprétations aussi. La vieille mélancolie devient neurasthénie (Émile Signol, La Folie de la fiancée de Lammermoor, 1850, Tours, Musée des Beaux-Arts), la vieille violence devient exécration (Pablo Picasso, La Suppliante, 1937, Paris, musée Picasso), les physionomies se différencient et s’émiettent comme jamais avec le trait de Boilly ou de Daumier.
L’émotion offre alors d’interminables nuances, que l’histoire ne fait qu’enrichir et singulariser. L’exposition restitue la manière dont s’est lentement constitué le psychisme occidental, l’insensible déroulement de sa mise en scène avec le temps, ses faces cachées, ses particularités toujours plus différenciées.
Les 8 sections du parcours de l’exposition illustrent la lente transcription des émotions par les artistes, puis son évolution au fil du temps, à l’aune des réflexions esthétiques, scientifiques ou des événements qui se sont succédés. (Source : Musée Marmottan – Merci à Pistounette)
Beque
29 mars 2022 @ 09:14
Le musée Marmottan se trouve rue Louis-Boilly. Il est installé dans un hôtel particulier de style Empire. Ancien pavillon de chasse construit pour le maréchal Kellermann, l’hôtel fut acheté en 1882 par Jules Marmottan (1829-1883) qui voyait là le lieu idéal pour installer ses collections d’oeuvres d’art consacrées notamment à l’épopée napoléonienne. Son fils, Paul Marmottan (1856-1932), historien d’art et collectionneur passionné, y installa son bureau-bibliothèque dans un décor néoclassique en accord avec son goût pour l’Empire. Il consacra sa vie entière à l’étude de cette période. En 1921, il acquit une demeure à Boulogne à la seule fin d’abriter les milliers d’ouvrages de sa bibliothèque. En 1932, il légua ses deux hôtels particuliers et ses collections à l’Académie des Beaux-Arts. Cette dernière ouvrit le musée Marmottan au public en 1934. Son autre hôtel particulier, la bibliothèque Marmottan, fait l’objet d’importantes rénovations… ce qui nous prive de recherches fructueuses sur l’Empire.
Beque
29 mars 2022 @ 09:15
Des marchandes de fleurs aux collectionneurs, des comédiens aux petits ramoneurs, Boilly (1761-1845) a croqué ses contemporains avec tendresse et maestria. À partir de 1823, il crée une série de lithographies, Les Grimaces, plaisante satire de caractères plutôt que de la société de la Restauration. Lorsqu’il réalise le tableau « Réunion de 35 têtes d’expression », surchargé de personnages à l’expression caricaturale (trognes distordues par des rictus grossiers, yeux exorbités, langues tirées, sourires railleurs, cris, ricanements, bagarres), l’artiste jouissait alors d’un succès commercial et public, tout en espérant encore une reconnaissance officielle.
Ciboulette
29 mars 2022 @ 10:03
Merci , Pistounette et Beque , pour ces précisions intéressantes . Je sais , par une amie parisienne qui fréquente le site , que c’est un endroit fabuleux et charmant .
J’aime infiniment Dürer . . .et Monet !
Beque
29 mars 2022 @ 11:34
Merci, Ciboulette.
Danielle
29 mars 2022 @ 16:13
Dommage que ce musée ne soit pas très facile à accéder.
Beque
30 mars 2022 @ 08:42
Oui, c’est vrai, Danielle. J’ai souvent la « paresse » d’y aller.
Robespierre
29 mars 2022 @ 18:55
On parle de Courbet. A-t-on exposé « L’origine du Monde » ? Cela peut donner des émotions.
Danielle
30 mars 2022 @ 15:28
Robespierre, « L’origine du Monde » a déjà été exposé au Grand Palais il y a de nombreuses années, mais pourquoi pas ?