L’éblouissante et étourdissante décennie qui a amené les Américains sur la Côte d’Azur s’achève.
Le Méditerranée Express, suspendu pendant la première guerre mondiale, a inauguré un service rénové en 1922 et il est rebaptisé Train Bleu, en raison de sa couleur : c’est le moyen luxueux de voyager pour quatre-vingts passagers « d’élite », tels Charlie Chaplin, Winston Churchill, le prince de Galles (futur Edouard VIII)…
Il donne même son nom à un ballet de Diaghilev, avec un argument de Cocteau, une musique de Milhaud et des costumes de Chanel.
Les automobiles apparaissent et c’est la vogue des courses en voiture contre le train : en 1930, le pilote anglais Woolf Barnato reussit à battre le Calais-Cannes de trois heures trente-cinq minutes !
Le Club Nautique ouvre en 1930 : on y met d’élégants matelas rembourrés bleu marine, les alentours de la piscine sont rénovés et dotés d’un trapèze.
Archives HDCER
Ce n’est pas réellement un « Club », mais le nom a été choisi pour écarter les importuns.
Dans Town and Country d’octobre 1930, on peut lire … »mais l’idée de club est si excellement entretenue que dès qu’un indésirable apparaît avec une liasse de billets et demande à entrer, le charmant monsieur à cheveux blancs à l’accueil l’informe qu’il est vraiment désolé, mais les inscriptions sont complètes, et le règlement du club ne permet aucune infraction »…
Archives Oetker collection
C’est la mode « pyjamas » en 1930 et, dans un numéro de l’Illustration d’août 1931, Juan-les-Pins est surnommé « Pyjamapolis ». Florence Gould, troisième femme du multimillionnaire Frank Jay Gould, a lancé la mode et Chanel a ensuite adapté le modèle. Le couple essaye d’acheter le Grand Hôtel, mais devant le refus de Sella, il fait construire Le Provençal.
Belles en pyjama – Juan-les-Pins 1930 – © Mary Evans Picture Library
Lartigue commence à s’intéresser à un art nouveau : le cinéma. Avec les Studios de la Victorine à Nice, de nombreux curieux viennent sur la Côte d’Azur, notamment Charlie Chaplin, Harpo Marx, Mary Pickford et Douglas Fairbanks…
La colonie américaine, qui a décliné après le krack boursier de 1929, est désormais dominée par les acteurs et cinéastes.
En 1934 est inventé le cocktail iconique de l’hôtel par le barman Jimmy Pujatti : Eden-Roc Splash.
Dans un shaker, mettre de la glace pilée, 10 framboises bien mûres, 1/2 verre de cognac, 1 cuillerée à café de marasquin, 1 cuillerée à café de sirop de framboise. Bien secouer, verser dans un grand verre, remplir de champagne, mélanger, servir avec une framboise.
A la mort d’Antoine Sella, en 1931, la transition se fait sans heurts : André Sella est un hôtelier accompli.
Sans excès dans les dépenses, il crée les « cabanes » qui offrent intimité et isolation. Autour de la piscine se mêlent cinéastes, stars d’Hollywood et familles royales et hommes politiques importants.
A partir de 1930, Stefan Zweig y écrit sa biographie de Marie-Antoinette tandis que son ami Joseph Roth y termine son chef d’oeuvre La Marche de Radetsky. Zweig, en tant que juif, se réfugie en Angleterre puis part finalement à Pétropolis où il se donne la mort en 1942.
André Sella recevant le duc et la duchesse de Windsor à la gare d’Antibes, 1935. Archives HDCER
Dans les années 1930, deux des habitués les plus célèbres sont le prince de Galles, futur Edouard VIII, et Wallis Simpson. En 1938, le couple loua le château de la Croë, voisin de l’hôtel et construit dix ans auparavant. Séjournent aussi régulièrement à l’hôtel Winston Churchill et Lloyd George, ancien Premier ministre britannique.
Alors que l’Europe se rapproche de plus en plus de la guerre, les seules « batailles » sur ce littoral sont les batailles de fleurs pendant les carnavals.
Au printemps 1939, Cannes annonce la première édition de son festival du cinéma, qui est prévu du 1er au 20 septembre, avec pour président Louis Lumière : le but en est de concurrencer la Mostra de Venise. Le Magicien d’Oz fait partie de la sélection des Etats-Unis.
En 1938, le clan Kennedy au complet vient au Grand Hôtel du Cap. Bien qu’ayant loué une villa privée à côté de l’hôtel, ils passent leurs journées à l’Eden Roc. Ils y reviennent en 1939 et y sont les voisins de Marlène Dietrich.
Famille Kennedy à Eden Roc – août 1939 – John F. Kennedy Hyannis Museum
Les Kennedy quittent Antibes plut tôt que prévu : le signal est donné par le pacte de non-agression entre Hitler et Staline fin août. Ils rentrent à New York à bord du Queen Mary le 2 septembre 1939.
De son côté, le duc et la duchesse de Windsor reçoivent l’ordre de regagner la Grande-Bretagne à bord du HMS Kelly, sous le commandement de Louis Mountbatten. La Grande-Bretagne vient de déclarer la guerre à l’Allemagne. (Merci à Pistounette – Source : Livre Hôetl du Cap Eden Roc par Alexandra Campbell – A suivre…)
Régine ⋅ Actualité 2022, France, Hôtels de légende 11 Comments
Dom
21 avril 2022 @ 06:18
Vraiment merci beaucoup de nous raconter cette histoire
JAusten
21 avril 2022 @ 06:55
J’ai beaucoup aimé. Qui donc même riche pouvait bien être considéré comme importun ?
JACKES(jackes)
21 avril 2022 @ 09:35
Merci Pistounette.
Aldona
21 avril 2022 @ 10:10
De belles photos noir et blanc, comme j’aime pour illustrer ce feuilleton, merci à Pistounette
Caroline
21 avril 2022 @ 10:32
Toujours intéressant à lire avec des détails surprenants !
Dommage qu’ on n’ ait pas pensé à inaugurer la ‘ Promenade des Américains ‘ dans une ville de la Côte d’ Azur !
berton
21 avril 2022 @ 11:30
Merci beaucoup !
Jean Pierre
21 avril 2022 @ 12:50
Quand Marlène venait c’était avec son amant Remarque tandis que la maîtresse de son mari était aussi du voyage. Au milieu, la petite Maria qui a raconté tout ça.
Danielle
21 avril 2022 @ 11:31
Je n’ai jamais entendu parler du ballet « Le Train Bleu », par contre le restaurant portant ce nom à la gare de Lyon à Paris est superbe.
Leonor
21 avril 2022 @ 12:11
Un petit extrait, Danielle :
https://www.youtube.com/watch?v=BV0VYbJ6D4w
Charlotte (de Brie)
21 avril 2022 @ 21:18
Le ballet « le Train Bleu » s’il a été créé par les ballets russes de Diaghilev, à Paris en 1924 est en réalité de Nijinska qui en a écrit la chorégraphie.
Le livret est de Cocteau, on peut en voir un exemplaire à Milly la Forêt, la musique de Darius Milhaud, les costumes de Coco et le rideau de scène de Picasso : Deux femmes courant sur la plage.
Son existence fut d’ailleurs fort brève, les critiques ayant été assez sévères et les protagonistes s’étant plus ou moins fâchés à tour de rôle. En réalité il s’agit plutôt d’une opérette satyrique des années 20 plus que d’un ballet.
En fait c’est un peu « les Bronzés » avant la date. On y trouve quatre personnages principaux : « Beau Gosse », « Perlouse », la championne de tennis et le golfeur entourés d’un aréopage de jolies filles et de beaux garçons en maillot de bain : on bronze, on fait du sport, on flirte, on montre ses biceps et ses charmes.
Donc vu l’intérêt de la chose, hormis la qualité des artistes qui y ont collaboré et qui d’ailleurs l’ont assez vite oublié, on ne peut pas dire que ce fut une grande oeuvre et qu’elle n’ai pas marqué les esprits ni l’histoire du spectacle.
Pistounette
22 avril 2022 @ 06:17
Ce restaurant dû à l’architecte Marius Toudoire, est construit, sous sa direction, pour l’occasion de l’Exposition universelle de 19001, en même temps que le Grand Palais, le Petit Palais ou le pont Alexandre-III, par la Compagnie du chemin de fer Paris-Lyon-Méditerranée (PLM) sous le nom de buffet de la Gare de Lyon2. Il est inauguré le 7 avril 1901 par le président de la République française Émile Loubet.
En 1963, Albert Chazal (1923-2017), le nouveau concessionnaire du buffet de la Gare de Lyon, le rebaptise Le Train bleu en hommage au mythique Train bleu « Paris-Vintimille » de 1868 (Train express Paris-Marseille-Nice-Monaco-Vintimille qui suit la route du bord de mer de la Côte d’Azur le long de la mer Méditerranée).
Source : Wikipedia