A l’extrémité Est du Parc Naturel Régional des Vosges du Nord, Hunspach est un village typique de l’Outre-Forêt dans le Pays de Wissembourg.
La région faisait autrefois partie de l’évêché de Spire en Allemagne. Hunspach et Mittelbergheim sont les deux seuls villages du Bas-Rhin qui font partie de l’association des Plus Beaux Villages de France.
Le 1er juillet 2020, le village alsacien représentant la région Grand-Est a été sacré Village Préféré des Français 2020, l’émission phare présentée par Stéphane Bern sur France 3
Hunspach est l’un de ces villages qui ont été marqués et enrichis par leur histoire. Sa première apparition dans des documents officiels remonte à la fin du 13e siècle.
Il est ensuite passé sous administration suédoise, en 1619, Pendant la guerre de Trente Ans, tous les belligérants de ce conflit européen passent par l’Alsace et y commettent des exactions. Cela vaut à Hunspach d’être rayé de la carte, ses maisons entièrement rasées par les troupes catholiques en 1633.
Ce n’est qu’à la fin du XVIIe siècle que Louis XIV décide de faire rebâtir le village, bien décidé à repeupler l’Alsace. S’y installent alors quelques réfugiés français et des immigrants suisses auxquels on cède une terre contre une très modique somme.
Avec les ressources locales – l’argile et le bois de la proche forêt de Haguenau -, ils construisent des maisons semblables à celles de leur pays d’origine.
Au pied du clocher en grès rose du temple, les maisons à colombages des XVIIIème et XIXème siècles avec leur toiture dite « à nez cassé » offrent une belle harmonie.
Hunspach se caractérise par ses maisons à colombage de couleur blanche, alors que l’Alsace présente traditionnellement de nombreuses couleurs à ses façades.
La raison est historique : Béatrice Kehrli, présidente de l’association d’Histoire d’Hunspach, explique que « le village, protestant, dépendait d’un seigneur qui voulait que les gens fassent des économies […], les pigments, c’était trop cher. » L’unité architecturale du village est remarquablement conservée, notamment le long de la rue principale.
Rue de l’Ange, une curieuse façade attire l’œil, ornée de rectangles blancs percés de trous, semblables à des dés à jouer. Il s’agit de l’arrière d’une porcherie, dont les ouvertures dans le mur servent d’aération.
Autre curiosité du village, qu’on découvre plutôt dans la périphérie, des bancs en grès à deux niveaux. Les femmes se reposaient sur le niveau inférieur et posaient leur panier sur celui du dessus.
Rue de la Gare, un puits à balancier, ici appelé chwenkelbrunnen, d’un modèle peu courant en Alsace, avec un système de contrepoids et une auge en pierre qui servait d’abreuvoir aux bêtes.
De grosses fermes articulées autour d’une cour, propriétés des riches paysans du XIXe siècle, occupent le centre du village. L’entrée dans la maison se fait par une porte latérale, et la pièce de vie donne sur la rue. En périphérie du village, l’habitat se fait plus modeste : c’est là que résidaient les ouvriers agricoles.
Aux beaux jours, le village se pare des couleurs des géraniums qui fleurissent dans les massifs et sur beaucoup d’appuis de fenêtres.
Un élément fait la particularité de l’héritage architectural de Hunspach : les vitres en verre bombé que l’on peut encore trouver sur certaines bâtisses. Ce vitrage particulier était en vogue à l’époque baroque et permet notamment aux habitants de voir sans être vus !
Au XVIIème siècle, suivant les demandes réunies des créateurs, dessinateurs et architectes au service de la construction du château de Versailles pour le roi Louis XIV, le verre bombé fait son apparition.
Le patrimoine culturel de la localité ne se traduit pas seulement par son architecture. Les villageois sont également très attachés à leurs traditions, qu’ils font vivre à travers diverses manifestations comme:
La fête du folklore, rendez-vous estival de l’art de vivre hunspachois, mettant en avant les costumes, danses et mets traditionnels tels que les Dàmpfknepfle.
Le marché de Noël d’antan, événement convivial et intergénérationnel autour des personnages du Hàns Tràpp (sorte de père fouettard) et le Christkindel (enfant Jésus).
Un circuit historique d’environ 40 minutes vous est proposé au départ du bureau d’information touristique de Hunspach.
Une autre la richesse de Huspach est la présence d’une communauté protestante, comprenant des luthériens, des réformés, des mennonites et des évangéliques.
L’église protestante, construite en 1757, est toute simple sous son crépi blanchi à la chaux. Le clocher-tour de style roman, qui date de 1874, a remplacé un clocher en bois.
Hunspach abrite un témoignage majeur de l’Histoire et plus particulièrement de la Seconde Guerre Mondiale : le fort de Schoenenbourg.
L’ouvrage du Schoenenbourg est énoncé pour la première fois alors qu’on décide de son implantation, en 1928. L’avant-projet, qui date de mai 1929, n’est constitué que de deux casemates et de quatre tourelles.
Mais le projet changea de forme à de nombreuses reprises : en 1930, on lui ôta une casemate, laquelle sera réajoutée en 1931.
Les défenses armées subissent elles aussi des changements d’emplacement et de type. Le coût est évalué à plus de 41 millions de francs, et la construction démarre en juillet 1931.
La construction est longue et difficile : terrain ardu, modifications, budget à revoir… L’ensemble du gros œuvre est terminé en 1935. Les finitions démarrent dès les premiers mois de 1936, mais des équipages y sont déjà installés.
Des perfectionnements auront lieu jusqu’au début de la Seconde Guerre Mondiale. Cet ensemble impressionnant de galeries renferme blocs de combat, poste de commandement, casemates d’infanterie, cuisine… Conçu pour accueillir 600 hommes et assurer leur autonomie pendant trois mois, il fut le plus attaqué des ouvrages militaires durant la Seconde Guerre .
En juin 1940, l’artillerie lourde allemande et la Luftwaffe pilonnent le fort, faisant du Schoenenbourg l’ouvrage de la Ligne Maginot le plus bombardé. Mais la solide construction résiste, et permet aux hommes qui l’occupent de rester intacts jusqu’à que l’armistice soit déclaré.
Le fort subira de la présence allemande plusieurs modification et mutilations. Lors de la libération, les troupes allemandes tenteront de détruire le maximum des installations en faisant sauter de nombreux explosifs dans les multiples parties du complexe, qui ravagent le fort. Repris par les troupes alliées, il sera décidé en 1947 que le fort doit être reconstruit; il sera en chantier jusqu’à 1953. Il constitue aujourd’hui le plus important ouvrage visitable de la Ligne Maginot en Alsace.
Au bout de 135 marches la visite suit un parcours d’environ 3 km en réseau souterrain à plus de 30m de profondeur. Des équipements typiques y sont conservés, tels que les chambres de troupe, où les hommes vivaient à 36, douze couchettes sur trois étages, l’infirmerie, l’antenne radio, la cuisine tout électrique, seul grand luxe de l’ouvrage.
Et le plus étonnant, c’est que toutes les machineries fonctionnent encore ! Une visite en tout point passionnante qui offre un singulier contraste avec la douceur tranquille qui règne dans les rues si pimpantes de Hunspach !.
Le Fort de Schoenenbourg est inscrit dans son intégralité à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques depuis 1992.
L’association des amis de la ligne Maginot d’Alsace a réhabilité cet ouvrage incroyable et a permis qu’il soit ouvert à la visite. La visite guidée dure environ 2 h.
Et surtout ne partez pas sans avoir goûté le baeckeoffe, Ce plat se compose principalement de trois viandes marinées (bœuf, porc et agneau) et de pommes de terre cuisinées avec du Riesling, de l’ail, de l’oignon et un bouquet garni. (Merci à Guizmo)
cerodo
5 septembre 2021 @ 03:56
des « Schwenckelbrunnen » il y en avait pléthore en Alsace.
Beaucoup de bancs en grès à deux étages avaient été installés dans la campagne bas-rhinoise par le Préfet pour saluer la naissance du Roi de Rome.
Enfin le traditionnel « Beckeoffe » -merci Parmentier- est aujourd’hui encore cuit dans une poterie culinaire de Soufflenheim.
Menthe
5 septembre 2021 @ 10:11
Ces bancs en grès sont appelés bancs-reposoirs du roi de Rome. Ils ont été installés en Alsace durant les années 1811-1812 sur l’initiative du préfet de l’époque pour célébrer la naissance du fils de Napoléon 1er et Marie-Louise. D’autres ont été installés en 1853 pour célébrer le 1er anniversaire de mariage de
Napoléon III et Eugénie de Montijo.
On en voit encore près de nombreux villages alsaciens.
Caroline 43
5 septembre 2021 @ 15:41
Quelques compléments :
A ne pas oublier la suite voulue par l’Impératrice Eugénie, d’où les bancs dits de l’Impératrice.
Pour ce qui est du Baeckeoffe, il s’agissait du repas du lundi, les femmes devant aller au lavoir laissaient le plat, mariné depuis la veille, chez le boulanger et le cherchaient bien cuit au retour.
Pour ce qui est des colombages, il fut une période au XIX et XX siècles où ils furent couverts à l’extérieur comme à l’intérieur de crépis pour les cacher, car ils faisaient “pauvre”. Après la 2e Guerre mondiale nombreux ont été libérés de ce crépis et mis en valeur.
Mary
5 septembre 2021 @ 06:18
Tous ces petits villages sont beaux !
Roxane
5 septembre 2021 @ 07:24
Merci bcp, très intéressant. Je vais aller chercher des photos de la façade de la rue de l’Ange, des bancs en grès et du puits à balancier, je suis curieuse… Beau dimanche à tous 🤗
Menthe
5 septembre 2021 @ 10:13
Si l’histoire des bancs vous intéresse, tapez bancs-reposoirs du roi de Rome.
Ciboulette
5 septembre 2021 @ 14:03
Merci , Guizmo , ce village est effectivement très différent des autres par son architecture .
Claudia
5 septembre 2021 @ 08:56
Un beau village typiquement alsacien… Etre sacré village préféré n’a pas que des avantages, car à la longue, cela attire trop de monde, et le beau village finit par être défiguré par les commerces de souvenir, la foule, etc… C’est compliqué de garder un juste milieu.
Jean Pierre
5 septembre 2021 @ 09:28
Hunspach a quand même un côté décor de film où l’on croise rarement quelqu’un « , lorsqu’on s’y promène.
La visite du Schoenenbourg est nettement plus intéressante.
JAusten
5 septembre 2021 @ 10:08
oh je ne savais pas que c’était mon village préféré. C’est un superbe village qui fait vibrer la corde du besoin de calme, sérénité et sécurité. Merci Guizmo,
Leonor
5 septembre 2021 @ 10:37
Ma foi, Guizmo, rien à dire. Bravissimo.
J’aime beaucoup que vous finissiez votre reportage par le Baeckeoffe !
Noëlle et Gaël
5 septembre 2021 @ 10:38
Ils avaient du mérite nos papys, devant entretenir de telles maisons.
Imaginez l’énergie et le temps déployé pour badigeonner ces poutres en bois, qu’on doit absolument entretenir, au risque de les voir se dégrader ou de déparer la maison.
Les maisons bretonnes toutes en granit sont reposantes à entretenir, en comparaison. Sauf les toits d’ardoise qui ne tiennent qu’une quarantaine d’années. Les plus grandes contraintes sont pour celles qui possèdent (devenu très rare), un toit de chaume.
Noëlle et Gaël
5 septembre 2021 @ 10:39
Et ceux qui possèdent encore de telles maisons, ont aussi du mérite, malgré les produits modernes qui tiennent un peu plus longtemps que le brou de noix de l’époque.
Leonor
7 septembre 2021 @ 09:30
Euh… Du mérite …. Je n’avais jamais pensé à ça.
Le mieux, c’est de laisser respirer le bois.
Précaution majeure cependant : les protéger des insectes mangeurs de bois. Ca, c’est une autre affaire, mais des techniques existent.
A l’intérieur , le plus difficile, c’est d’empêcher les chats de se faire les griffes sur les poutrages !
Aldona
5 septembre 2021 @ 11:12
Beau reportage sur un village d’Alsace, quand on visite cette région, on est émerveillée par ces façades, ces fleurs, sans parler des marchés de Noël
Danielle
5 septembre 2021 @ 12:05
Un reportage très complet avec un cours d’histoire, merci Guizmo.
Ciboulette
5 septembre 2021 @ 14:03
Merci , Guizmo , ce village est effectivement très différent des autres par son architecture .
Carole 007
5 septembre 2021 @ 20:59
Ah le baeckeoffe, je le cuisinais assez régulièrement dans les années 70, et j’aimais beaucoup ça.
Pas très « light » selon les normes en vigueur actuelles, mais j’ai toujours eu un bon métabolisme qui me permettait d’ignorer ce type de problème.
À cet instant, je ne sais plus où est ma recette, mais c’est à peu près cela.
Et pour la petite histoire, Leonor ou d’autres me recadreront 😉, le lundi, pendant que Mesdames faisaient la lessive 😅, elles utilisaient le four du boulanger du village pour cuire ce plat.
l'Alsacienne
6 septembre 2021 @ 16:49
Exactement, Carole. Les villageoises qui allaient au lavoir faire leur lessive, déposaient la terrine chez le boulanger qui la ans son four.
Au retour, lessive terminée, les villageoises reprenaient leur terrine et passaient à table.
Baeckeoffe, traduit mot à mot de l’Alsacien signifie four du boulanger.
De nos jours, il existe des variantes du Baeckeoffe : aux poissons, à la viande et cuisse de canard, ….. recette d’origine : 3 viandes : porc, boeuf, agneau.
Leonor
7 septembre 2021 @ 09:37
Carole 007 et L’Alsacienne ont tout dit.
Ajoutons encore ceci : le Baeckeoffe , » Four du Boulanger » donc, est un plat très pratique quand vous avez beaucoup de monde . Je parle du genre de monde qui aime bien manger et s’amuser, mais surtout sans chichi ( avec s ou sans s, chichi-s ?).
Vous pouvez le préparer à l’avance, justement, ce qui vous permet de rester à table avec les convives, et tout le monde se régale , en se resservant à volonté.
D’ailleurs … à moins de disposer d’rune méga-grande-terrine, mieux vaut en préparer deux à la fois ! ;-)
Le dessert ensuite est inutile ( y’a plus la place !) . Par contre, une p’tite eau-de-vie bien parfumée…
Gibbs ☀️
6 septembre 2021 @ 08:23
Merci Guizmo !
l'Alsacienne
6 septembre 2021 @ 16:51
Dans le cadre de l’émission « Village préféré des Français », la jolie bourgade d’Eguisheim (Haut-Rhin près de Colmar) a été lauréate en 2013.
Eguisheim, village du pape alsacien Léon IX.