Le 16 septembre 1824, Louis XVIII s’éteignait dans une chambre sombre des Tuileries. Ce décès n’était pas une surprise : son corps, rongé par la maladie, portait depuis des années les stigmates d’une lutte silencieuse et acharnée contre la souffrance.
Ses jambes, gonflées par la goutte, ne le soutenaient plus, et même les fonctions les plus élémentaires étaient devenues une torture.
Homme de contrastes, dont la vie avait été marquée par les révolutions et les exils, Louis XVIII avait survécu à la tourmente révolutionnaire et à l’épopée impériale de Napoléon.
Pourtant, c’est sur le champ de bataille de son propre corps que sa dernière s’était jouée. Ce roi, qui, au fond de son cœur, portait toujours la trace de l’Ancien Régime, avait su endosser le costume d’un monarque constitutionnel. Mais derrière les dorures et les fastes de la Restauration, il restait un homme fatigué, épuisé.
Voici le récit de sa mort que fait André Castelot dans sa biographie « Charles X, la fin d’un monde ». « L’agonie, par une chaleur étouffante, est aussi horrible que celle de Louis XIV. Elle se prolonge durant trois interminables journées. Dans les rues voisines, le pas des chevaux résonne, assourdi par la couche de paille qui a été répandue sur les pavés. Une foule nombreuse passe la nuit du 14 au 15 septembre à attendre et à prier devant le château.
C’est en poète que Lamartine a vu la terrible agonie : « La mort l’envahissait partout, excepté la tête qui semblait grandir en lucidité, en sérénité, en majesté d’esprit, à mesure que la vie abandonnait les parties inférieures du corps. Déjà les jambes atteintes par la gangrène se refusaient à tout mouvement et les orteils se détachaient d’eux-mêmes de leurs articulations, comme des branches mortes d’un tronc encore vivant.
Le sommeil sénile dont il était à chaque instant assailli par l’épuisement de sa vie, sa seule maladie, interrompait souvent son attention et ses paroles. Sa tête retombait de tout son poids avec tant de force sur la table que la multiplicité de ses coups sur le rebord de bronze de son bureau avait tracé et creusé une cicatrice entre le front et les yeux. »
« Je me suis approchée, a conté dans son Journal la future reine Marie-Amélie ; au pied du grand lit était un petit lit de fer avec des rideaux verts, sur lequel était couché le roi sur le dos, avec les yeux fermés, la bouche entrouverte, la tête enflée, la figure fort rouge. Il avait un bonnet de coton sur la tête et paraissait assoupi… »
Le 16 septembre 1824, à quatre heures du matin, la respiration s’affaiblit. « Bientôt, poursuit la duchesse d’Orléans, on ne l’a plus entendue ; à quatre heures, on lui a mis de l’alcali dans le nez, il n’a fait aucun mouvement ; les médecins ont pris une bougie pour s’assurer qu’il avait cessé de souffrir.
Alors, par un mouvement spontané, nous nous sommes tous levés et approchés de ce lit de mort. Le duc d’Angoulême, qui était le plus avant, s’est approché de Monsieur, lui disant par deux fois dans l’oreille : « Mon Père, tout est fini. » Monsieur, accablé de corps et d’âme, a paru ne pas comprendre, jusqu’à ce que le comte Charles de Damas, s’avançant vers lui d’un air triste et respectueux, lui ai dit : « Sire, le roi est mort. »
La famille royale quitte aussitôt la pièce – l’étiquette l’exige – mais, au moment de franchir la porte, Madame Royale, qui, en sa qualité de fille et sœur de roi, prenait toujours le pas sur son mari, a l’étonnante présence d’esprit de s’effacer et, à travers ses larmes, on l’entend dire vivement au duc d’Angoulême :
– Passez donc, monsieur le dauphin.
La porte du salon a été ouverte à deux battants et l’huissier lance d’une voix forte :
– Messieurs, le roi !
C’est aussitôt la ruée. Tous veulent être les premiers à saluer le nouveau souverain, quêtant un geste ou un regard. Seul un vieux gentilhomme pleure dans un coin de la pièce. Charles X fend la foule qui s’écarte respectueusement, s’avance vers celui qui ne peut retenir ses larmes et lui serre longuement la main. »
Il convient ici d’attirer l’attention sur le caractère édifiant et édulcoré des images extraites de l’abondante iconographie censée représentée, pour la postérité, les derniers moments du roi. Dans les faits, contrairement à ce que les gravures veulent faire croire, l’odeur épouvantable que dégageait son corps empêchait la famille royale de demeurer à son chevet. (Merci à Actarus)
Robespierre
17 septembre 2024 @ 14:49
Actarus, avez-vous lu quelque part comme moi que le pauvre Louis XVIII agacé par ses médecins impuissants, leur aurait dit ce calembour : « Dépêchez-vous Charles attend ! ». Il avait toujours eu de l’esprit. Je pense que son pauvre frère Louis XVI aurait pu finir comme lui s’il n’avait pas été décapité. C’étaient de gros mangeurs et ils avaient de l’embonpoint. Il tenaient cela de leur mère allemande. Ce n’est pas comme Voltaire qui toujours malade dont le secret de longévité, selon lui, était de manger très peu.
Charles
17 septembre 2024 @ 15:55
Merci Actarus
Mayg
17 septembre 2024 @ 16:16
Quelle terrible fin de vie, que de souffrance.
Silvia 2
17 septembre 2024 @ 16:28
Mais enfin qui n’a eu des jours de souffrance pour enfin la mort,? Qui n’a eu cela pour ses proches …
DEB
17 septembre 2024 @ 16:46
Très beau texte Actarus.
Gab-Pnth
17 septembre 2024 @ 16:59
Merci de cette conclusion éclairée, cher Actarus. Il est évident que l’on ne peut demeurer tel que l’on est chaque jour, sans une tenue adéquate, proche d’un gangréneux en décomposition et fin de vie. C’est juste nauséabond.
Le roi semble s’être éteint entre deux allers et retours des médecins et/ou des serviteurs (à qui l’on ne donnait pas le choix d’être ou ne pas être en ce lieu, tels qu’eux-mêmes). Charles attendait dans le couloir, c’est connu.
Passiflore
17 septembre 2024 @ 17:27
Actarus, merci, très intéressant, cet article !
En ce qui concerne les exils de Louis XVIII, autant à Gand le roi était logé dans le palais du comte allemand Emmanuel d’Hane-Steenhuyse, considéré comme « le plus beau joyau de notre ville » sur la Veldstraat, autant à Mitau (actuelle Jelgeva), Dorothée de Dino parlait du palais ainsi : « jamais château n’a souffert à ce point… Tout est dégradé, salle au possible, sans meubles, sans tentures, les chaises en lambeaux, les plafonds abimés par la pluie. »
Teddy
17 septembre 2024 @ 17:46
Le Roi est Mort!!!Vive le Roi!!!
Vieil adage de l ancien régime
Teddy
17 septembre 2024 @ 17:47
Louis XIV c était le 1er septembre
Louise
17 septembre 2024 @ 19:56
Il est bien dommage qu’il n’ait pas eu de fils et que son successeur n’ait pas su être aussi accommodant que lui.
Catherine
17 septembre 2024 @ 20:15
Qui était donc le vieux monsieur en pleurs?
plume
17 septembre 2024 @ 21:01
C’est macabre.
Carolibri
17 septembre 2024 @ 22:47
Merci pour cet article intéressant Actarus
Caroline
17 septembre 2024 @ 22:57
Actarus,
Connaissant votre sens de l’humour, je suis étonnée et choquée à la fois par la publication de votre article ‘ macabre ‘, surtout sur un roi de France !!!
Cette maladie est- elle guérissable de nos jours ?
E. Brundish (Pascal)
18 septembre 2024 @ 06:03
Merci Actarus.
J’ai lu cela hier soir , cela relativise certaines choses .
milou
18 septembre 2024 @ 06:31
Merci Actarus pour cette intéressante lecture de bon matin!
Naucratis
18 septembre 2024 @ 07:55
Peut-être convient-il de placer cet article également dans la rubrique « France » ?
Aubépine
18 septembre 2024 @ 08:31
Très intéressant , merci Actarus .