Située au sein de l’antique prieuré clunisien de Souvigny qui constitue la nécropole des ducs de Bourbon, fréquemment appelé « Le Saint Denis des Bourbon »(cf illustration). La chapelle funéraire du duc Louis II de Bourbon (1337-1410) et de son épouse la duchesse Anne, Dauphine d’Auvergne (1358-1417) (et dans laquelle reposent également le duc Jean 1er (1381-1434), son fils et sa femme, Marie de Berry (1375-1434)) dite « Chapelle Vieille »vient de faire l’objet d’un important programme de restauration (cf illustration).
Ces prestigieux tombeaux, dont le dessin de François-Roger de Gaignières est précieusement conservé à la Bibliothèque Nationale, avaient été exécutés par les meilleurs artistes du temps après la mort du duc Louis II survenue en 1410. Réalisés en marbre blanc rehaussé de polychromie et de dorure, ils étaient surmontés de gisants présentant les effigies princières en costume d’apparat sous des dais finement sculptés reposant sur des oreillers fleur-de-lysés(cf. illustration)
Les soubassements du monument alternaient eux les armoiries polychromées des ducs avec la ceinture portant le mot «Espérance » du nom de cette vertu théologale que les ducs de Bourbon avaient choisie pour devise (cf. illustration).
Par la somptuosité de leur exécution, ces tombeaux rivalisaient avec ceux des ducs de Bourgogne, Philippe le Hardi et Philippe le Bon, autrefois à la chartreuse de Champmol et aujourd’hui conservés au Palais des Etats de Bourgogne à Dijon.
Hélas, ces exceptionnels tombeaux furent sauvagement mutilés par la Révolution. Si l’admirable clôture gothique à arcatures quadrilobées qui ceinture la chapelle a été épargnée (cf. illustration),
Il n’en est, hélas, pas de même des tombeaux ducaux.
Image emblématique des Bourbon, ils furent affreusement vandalisés à coups de hache et de masse (cf. illustration) en septembre 1793 par les hommes de Fouché que la Convention avait envoyés en mission spéciale avec pour ordre « d’anéantir tout signe de superstition et de féodalité » dans la province d’origine des « tyrans ».
Entamés à l’occasion des célébrations qui, en 2010, ont commémoré le 6e centenaire de la mort du duc Louis II, les travaux de restauration ont pu être menés à bien grâce notamment à un important mécénat international. Le programme de restauration a permis de mettre en lumière de nombreux vestiges méconnus de ces prestigieux tombeaux.
A commencer par les peintures de la voûte de la chapelle qui, par bonheur, avaient été recouvertes au XVIIIe par les bénédictins d’un enduit ocré. Ainsi préservées des outrages des hommes, réapparait, aujourd’hui, plus de deux siècles après, dans sa fraicheur d’origine, le précieux décor fait d’un gracieux cortège d’anges tenant des livres saints ou des phylactères (cf. illustration)
La restauration a également permis de retrouver les restes d’un décor de fleur de lys en polychromie sur les colliers du dogue bourbonnais qui veillaient au pied du duc (cf. illustration).
De même, ont été découverts des vestiges de polychromie et de dorure sur le haut de la clôture finement dentelée entourant les deux tombeaux (cf.illustration)
Enfin, oubliées du marteau des vandales parce que situées dans les ogives du dais surmontant les gisants, des ceintures finement sculptées portant, dans une remarquable calligraphie médiévale, la devise « Espérance » des ducs de Bourbon(cf. illustration).
Malheureusement la restauration n’est pas allée jusqu’à rétablir, en dépit du débat qu’il y eut pourtant entre les restaurateurs, certains des éléments détruits tels que symboles héraldiques, fleurs de lys ou devises dont la restitution eut pourtant été facile. Cette optique ne semble, en effet, pas être dans l’esprit d’une France républicaine et laïque qui semble toujours embarrassée par son passé royal et chrétien. On ne peut également que regretter le maintien des graffitis qui, par dizaines, recouvrent les gisants et qui ont été considérés « comme des témoins de l’histoire du monument »….
Quoi qu’il en soit, après 10 ans de restauration qui ont vu successivement la restitution des jardins monastiques et celle des gisants de saints abbés, Mayeul et Odilon, tous deux morts et enterrés à Souvigny au XIe siècle (cf. illustration), la prieurale de Souvigny renoue petit à petit avec sa prestigieuse histoire.
Après une messe solennelle célébrée le matin, l’inauguration officielle de la chapelle restaurée du duc Louis II de Bourbon aura lieu le dimanche 31 mai à 15h en présence de nombreuses personnalités parmi lesquelles les descendants du duc Louis II que sont aujourd’hui, par Louis de Bourbon,prince-évêque de Liège (1438-1482) et 4e fils du duc Charles 1er et de son épouse, Agnès de Bourgogne, le comte et la comtesse Charles de Bourbon-Busset, les princesses Françoise et Maria Teresa de Bourbon Parme (dont la mère était née Madeleine de Bourbon-Busset, de la branche des comtes de Lignières), le prince Jaime de Bourbon-Parme, fils du prince Charles-Hugues et de la princesse Irène des Pays-Bas et actuel ambassadeur des Pays-Bas auprès du St Siège, et le comte et la comtesse de Bourbon Châlus. (Merci à Néoclassique pour cet article)
Pauline
26 mai 2015 @ 06:15
Quelle bonne nouvelle ! Magnifique endroit – visité une fois – Souvigny étant la terre des ancêtres de la famille française mon époux.
Merci pour cette information.
Marnie
26 mai 2015 @ 08:10
Merci pour cet intéressant article sur un des chefs-d’oeuvre de la France médiévale.
Je ne connais pas les détails du débat autour de la restitution de certains éléments dans ce cas précis, mais je pense que vous n’avez pas à l’attribuer à un embarras vis à vis de symboles royaux et chrétiens. Il s’agit tout bêtement d’un débat d’historiens et de restaurateurs sur l’éternelle question « restauration/restitution ». En effet, le mot « restitution » est éminemment épineux, brûlant, quand il s’agit de restaurer un monument ou une oeuvre d’art, quels que soient les éléments disparus. La Charte de Venise (1964) qui donne la règle générale pour la politique de restauration des oeuvres et monuments (ce qui correspond à l’esprit qui domine depuis lors dans le milieu de la restauration) se positionne contre les restitutions qui risquent souvent d’être hasardeuses et reviennent à un état pas forcément bien connu. C’est toute l’affaire de la restitution de la grille du château de Versailles. De plus, la politique générale est de préserver l’oeuvre dans un état qui laisse apparaître les traces de son histoire (et les destructions révolutionnaires (justement ça reste une preuve à charge) ou des guerres en font partie). On ne fait des restitutions qu’à partir d’éléments conservés mais brisés (par exemple un fleuron en haut d’un pinacle sur une église gothique qui peut être reproduit à l’identique ; par exemple les morceaux des fresques à l’église d’Assise frappée par le tremblement de terre qui ont permis de restituer ces peintures par assemblage d’un puzzle). En peinture murale, on peut faire des restitutions lorsque seules de faibles surfaces ont disparu, et encore les traite-t-on « a trattegio » c’est-à-dire sous forme de fines hachures qui permettent de faire la différence (de près) entre peinture d’origine et restitution.
Ici, voyez qu’on n’a pas non plus restitué le museau du chien qui ne relève d’aucun symbole mais parce qu’on ne peut pas le restituer sans document précis (les relevés de Gaignières ne peuvent à eux seuls autoriser une restitution d’un élément aussi important) ou sans vestige cassé qui aurait été conservé. Autre chose : n’a-t-on pas mis en valeur le décor fleurdelysé retrouvé sur le collier du chien ? si on n’avait voulu cacher les symboles royaux il aurait suffi de les laisser sous une couche d’enduit.
Bref, je ne crois pas qu’il faille voir là une vindicte de la République contre les symboles chrétiens et royaux, c’est beaucoup plus terre à terre que ça et ça relève des éternels débats autour des restaurations (mais je le répète je ne connais pas précisément ce dossier, peut-être avez-vous des éléments tangibles sur ce sujet ?).
Je précise que je fais partie des gens outrés par le vandalisme révolutionnaire et qui ne le pardonnent pas.
Marnie
26 mai 2015 @ 11:30
Petite précision à la relecture de mon commentaire : au début quand je dis « vous n’avez pas à attribuer ».. ce n’est pas un ordre ou une phrase agressive, je voulais plutôt dire « il n’y a pas à aller chercher une réticence de la France républicaine, c’est sans doute plus simple que ça et c’est juste une histoire de débat de restaurateur »… celle-ci n’hésite pas à restaurer des monogrammes royaux quand il en demeure des vestiges ou que, existant en plusieurs exemplaires on a ainsi des modèles à reproduire (par exemple les monogrammes de François Ier à Chambord).
neoclassique
27 mai 2015 @ 21:22
Précisément, dans le cas présent, nombreuses sont les fleur-de-lys qui auraient pu être restituées d’une manière très fidèles tant leur profil était visibles sur les écus martelés.
Mais c’est véritablement une décision politique qui a été prise par la conservatrice après qu’un long débat ait opposé les différents intervenants.
Francine du Canada
26 mai 2015 @ 23:29
Merci Marnie; vos commentaires sont tellement intéressants! FdC
Marnie
27 mai 2015 @ 09:54
Merci Francine ! quand un sujet touche « mon » domaine, j’essaie d’apporter quelques éléments, comme Corsica le fait si bien dans le domaine de la médecine.
flabemont8
27 mai 2015 @ 13:13
J’ai un cas à vous soumettre , Marnie , votre avis m’intéresse . La ville que j’habitais alors ( Metz ) pouvait se glorifier de posséder la plus vieille église de France, Saint Pierre aux Nonnains , qui était alors une ruine ( IV ème siècle ) habitée par des pigeons , au sol de terre .Seules subsistaient quelques colonnes .
Il y a une vingtaine d’années, elle a été restaurée dans son état initial de basilique mérovingienne , c’est devenu un très bel édifice , une belle salle , mais qui n’a plus rien à voir , à mon avis , avec la plus vieille église de France . On ne pouvait certainement pas la laisser complètement à l’abandon , mais de là à reconstituer un édifice tout neuf…A l’époque , cela m’a laissée très perplexe .
lorraine 1
26 mai 2015 @ 09:35
Il est impensable que le duc d’Anjou, le Prince Louis de Bourbon et son épouse n’assistent pas à cette cérémonie…..
J’ose espérer que l’Institut de la Maison de Bourbon va intervenir.
patrick guibal
26 mai 2015 @ 11:55
je dois vous préciser qu’aujourd’hui, seuls descendent du duc Louis II, les Bourbon Busset . C’est pourquoi seuls ont été conviés, les Bourbon Busset, les Bourbon Châlus et les Bourbon Parme dont la mère et grand mère est Bourbon Busset.
Par ailleurs, le duc d’Anjou est pris ce weekend là par un engagement en Bretagne
Laurent F
26 mai 2015 @ 12:40
En effet ils méritent la mort pour cela ! Je pense qu’ils ont d’autres chats à fouetter que d’accourir à chaque commémoration concernant un Bourbon même si Luis Alfonso s’en dit l’aîné (de sa branche) puisque l’aîné des Bourbon est le comte de Bourbon Busset
kalistéa
26 mai 2015 @ 09:58
Et cependant le prince Alfonso ,duc de Cadix, ainé des Bourbon, repose aux « descalsas » de Madrid !
COLETTE C.
26 mai 2015 @ 10:16
Merci pour cette visite si riche.
Caroline
26 mai 2015 @ 10:31
Néoclassique,merci pour votre reportage bien rédigé avec de belles photos!
flabemont8
26 mai 2015 @ 15:34
Emouvant témoignage des dégâts que peuvent faire des imbéciles sans scrupule ( et ça continue aujourd’hui sous d’autres cieux ) , mais aussi beau travail de restauration de ces chefs-d’oeuvre , témoins de notre passé .
Danielle
26 mai 2015 @ 15:58
Un lieu à visiter lors de mes escapades bourguignonnes ; merci Néoclassique.
Charles
26 mai 2015 @ 18:19
Merci pour ce reportage bien documenté.
vieillebranche
26 mai 2015 @ 21:04
magnifique reportage! qui donne très envie d’y retourner car j’avais le souvenir d’un lieu plus ou moins abandonné et dont la population locale elle même ne se souciait guère. C’est près de St Pourçain ( le vin que préféraient boire les ducs de Bourgogne à l’époque de leur grandeur, car il ne s’abïmait pas lors du roulage), dans le département de l’Allier.
Francine du Canada
26 mai 2015 @ 23:47
Merci Régine et Néoclassique pour ce reportage et ces magnifiques photos. Je suis une amateure d’art (sous toutes ses formes) et lorsque je lis ou j’entends les mots « vandalisme » ou « graffitis », je me fâche. Un juge m’a donné raison (il y a une dizaine d’années); il a donné comme sentence « des travaux communautaires reliés à l’effacage (ou gommage) des graffitis »… Quelle jouissance! Je les imaginais peinant à sabler (sandblaster) la pierre (quelquefois vieille et poreuse) d’un monument… Jouissance! FdC
Mayg
27 mai 2015 @ 00:31
Merci Néoclassique pour cet article.