Ces 9 et 10 septembre 2023, festival de la tomate et des saveurs à Montlouis sur Loire. Le prince Louis-Albert de Broglie dit le prince jardinier a répondu aux questions de Bertrand Meyer sur sa passion pour la tomate.
Les Anglais ont eu le prince Charles, nous nous avons « le prince jardinier », Louis-Albert de Broglie, talentueux entrepreneur-éditeur-jardinier écolo. A 60 ans (et désormais épaulé par Nicolas de Broglie et son épouse Julie), il est toujours aussi passionné et créatif. Rendez-vous ce week-end sur son domaine, avec une météo à rougir de plaisir, pour fêter la tomate et ses saveurs.
Comment est née cette passion immodérée, cet amour de la tomate ?
La tomate est un fruit qui m’intrigue depuis longtemps. Comme les myrtilles, les groseilles, les fraises et les pommes, elle fait partie des fruits qui sont « picorables ». Lorsque j’étais enfant, le jardinier m’autorisait à en cueillir et à en manger, à satiété, allongé dans l’herbe. Très vite, j’ai découvert qu’elle n’était pas que rouge et ronde. Une tomate est un fruit qui se décline à l’infini. Il en existe des dizaines, des centaines de variétés. Aussi drôles et délicieuses qu’insoupçonnées. Je trouvais ça très sympathique, mais également très injuste. Il fallait que quelqu’un réveille ce monde endormi, ce monde oublié. Je me suis donc fixé une mission : rendre à la tomate toutes ses lettres de noblesse.
Quelles sont ses vertus ?
Innombrables ! Je dirai tout d’abord qu’elle a un côté magique, enchanteur. La tomate, c’est le conte de fées. C’est un fruit terriblement drôle. Avec un peu d’imagination, on peut la métamorphoser en coccinelle, en coque de bateau, en faire des pièces montées, des colliers de fleurs… Outre ce volet purement décoratif, sur un plan culinaire, son sens de l’adaptation est tout aussi incroyable. En fonction des variétés, sa chair peut être sucrée, farineuse, acide. Il y a aussi des tomates qui n’ont absolument pas de graines, d’autres qui sont totalement creuses, à l’image d’un poivron. Elles s’acclimatent donc à une multitude de recettes, tant salées que sucrées. Pour finir, sur un plan cosmétique et médicinal, la tomate est également un fruit d’une richesse incroyable. Elle regorge d’une multitude de vitamines. Très bonne pour la vue, elle est aussi un puissant antioxydant et contient énormément de lycopène, un tétra terpène de la famille des caroténoïdes connu pour son action anticancérigène.
Dans un de vos ouvrages, vous écrivez « le potager est sensuel »…
Absolument ! Prenez le temps de le regarder. Vous le verrez autrement. La légèreté des fleurs, la couleur, l’odeur des fruits, la forme des légumes, le silence, le soleil, les gouttes de pluie, le bruit du vent… Tout est en parfaite harmonie, concourt à la beauté. Il n’y a rien de plus vrai que de plonger une tomate dans de l’eau frémissante et en retirer délicatement la peau. Ecoutez là ! C’est le moment où elle livre tous ses secrets…
En 1998, vous fondez un conservatoire…
Mon but était de répertorier ces variétés absolument incroyables et méconnues. Pour qu’elles ne se perdent pas, pour qu’elles continuent de vivre. Aujourd’hui, nous avons recensé 700 variétés de tomates. Certaines ont la forme d’une poire, d’un ananas, d’une prune, d’un navet… Elles peuvent être noires, vertes, oranges ou aussi jaunes qu’un citron. Qu’elles soient douces, riches, amères, épicées, sucrées, qu’elles soient extraordinaires sur le plan du goût ou davantage d’un point de vue esthétique, chaque tomate est unique.
Au château de la Bourdaisière, derrière votre potager, vous avez très vite créé un « bar à tomates » également…
Nous travaillons avec une centrifugeuse, ce qui nous permet d’obtenir des jus d’une texture et d’une douceur insoupçonnée. On marie la tomate à la poire, au fenouil, au radis, au poivre, au citron… Notre bar propose tout un éventail de goûts et de couleurs, j’ai envie de dire d’« arômes », de « robes ». On pourrait très bien emprunter le langage de l’œnologie, parler d’une « enveloppe », d’un « velouté », d’une « sensualité ». Croyez-moi, les jus de tomates peuvent être moelleux, charnels, érotiques…
Si vous deviez nous présenter le château et les jardins de la Bourdaisière ?
Cette demeure a été érigée au cœur du Val de Loire, par le Maréchal de Boucicaut, au 14e siècle. De cette époque subsistent encore aujourd’hui des douves, des caves qui courent sur plus de deux hectares, des tours et des meurtrières. Ce sont les femmes qui ont écrit l’histoire de ce château. Marie Gaudin, maîtresse de François Ier, transforma la bâtisse en grande demeure Renaissance.
Au fil des siècles, les propriétaires furent nombreux : le Prince Pignatelli, le Cardinal Prince de Fürstenberg, le Duc de Choiseul, la Duchesse de Bourbon-Penthièvre. Le parc et les jardins de la Bourdaisière ont aussi une longue histoire. Diane de Poitiers, par exemple, y avait fait planter un verger de mûriers pour cultiver les vers à soie. Propriétaires du domaine avec mon frère depuis 1992, nous avons fait énormément de travaux déjà. On y a installé le laboratoire de la tomate et un jardin contemporain dessiné par Louis Benech qui présente une centaine de variétés de dahlias. Nous avons aussi aménagé un espace réservé aux plantes médicinales et un parcours de santé. Bien plus qu’un château, bien plus qu’un jardin, la Bourdaisière est un lieu laboratoire, un lieu où l’on réapprend à observer la biodiversité. C’est une école de la nature. Une école de la curiosité !
Ce sont vos amis qui vous surnomment, pour la première fois, « le prince jardinier »…
Absolument. C’est un jeu de mots qui les faisait beaucoup rire. Depuis, c’est devenu une griffe. Ma griffe. En 1996, j’ai souhaité créer une ligne de produits solides, esthétiques. Des matériaux qui peuvent traverser les siècles. Je voulais défendre l’idée d’un objet que l’on ne jette pas, qui résiste, que l’on transmet de génération en génération. Le Prince Jardinier a commencé par commercialiser des arrosoirs, des sceaux, de petits râteaux, de petites pelles… Au fil du temps, la gamme n’a cessé de croître. Nous avons également développé une ligne de vêtements. L’idée de se rendre volontairement « moche » pour se rendre au jardin – qui est un lieu qui nous offre toute sa beauté – est une antinomie qui m’a toujours profondément choqué.
Certains vous affublent également d’un autre titre, « le prince cuisinier ».
Et j’en suis très fier ! (Rires) Lorsqu’on réalise un jus de tomates, une fois le concentré séparé de l’eau, on obtient une pulpe. C’est absolument délicieux. Or, à plusieurs reprises, j’ai eu l’occasion de constater que les chefs cuisiniers jetaient cette chair. Par pur esprit de contestation, je l’avoue, j’ai décidé de la conserver. Mon but était de métamorphoser cette matière, de la transcender. Je l’ai tout d’abord transformée en gaspacho, un peu plus tard en potage, puis en sauce agrémentée d’herbes du jardin… Au fil de mes recettes, j’ai découvert que la tomate est un fruit qui peut se décliner de l’apéritif au dessert. On peut en faire du sorbet, de la confiture, du crumble, de la terrine, du vin, de la liqueur, de la moutarde… Quand je vous dis qu’elle est magique ! Vous me croyez maintenant ? (Merci à Bertrand Meyer – Copyright photos : Borja Merino)
https://conservatoiredelatomate.fr
Régine ⋅ Actualité 2023, Broglie, Châteaux, Entretiens, France, Gastronomie 33 Comments
Perlaine
8 septembre 2023 @ 09:31
Quel article , je suis subjuguée . Cette année la production dans mon jardin est importante et j’ai piqué des conseils sur ce post Merci à B. Meyer et aussi à Régine . Quel plaisir de déguster des tomates-cerises directement sur le plan , chaudes encore et tellement sucrées .Louis-Albert de Broglie a bien raison de défendre ce fruit que l’on maltraite souvent jusqu’à les rendre insipides dans certains lieux de production. Bravo !
Perlaine
9 septembre 2023 @ 08:36
évidemment lire plant – Merci
Lady
8 septembre 2023 @ 10:04
Prêt pour le prochain Tour de France ?
Menthe
8 septembre 2023 @ 10:07
Un peu perché notre prince jardinier😆
La tomate est un de mes légumes – fruit-
préférés, j’aime tout ce qui est qui à base de tomate, dorénavant en la deshabillant j’essaierai d’écouter les secrets qu’elle voudra bien me livrer😉
Catherine
8 septembre 2023 @ 10:11
J’ai encore en mémoire le goût des tomates que mon grand père cultivait dans son jardin dans les années soixante .
Plus jamais je n’en ai goûté d’aussi succulentes.
Baboula
8 septembre 2023 @ 10:27
Ne dédaignez pas la peau des tomates, c’est ĺà qu’il y a le plus d’anti-oxydants dont le lycopène.
Marie DM
8 septembre 2023 @ 11:14
MERCI à Monsieur Meyer pour cet interressant reportage, lorsque j’irai en val de Loire, je visiterai ce château.
Jay
8 septembre 2023 @ 11:54
Lui et son frère viennent de faire un procès a leur neveu pour qu’il ne puisse pas porter le titre de son propre père ( leur frère aîné); ce neveux ayant été reconnu que tardivement par son père. , comme les deux oncles n’ont pas d’enfants ( et pour causse) !!!que va devenir le titre !?! Un cousin va le récupérer !
Menthe
9 septembre 2023 @ 17:15
Jay, notre prince jardinier a un fils, Théodore, né hors mariage.
Brigitte Anne
8 septembre 2023 @ 13:04
Merveilleux homme, d une exquise gentillesse 😀. Tout comme la forêt des livres, le festival de la tomate est un rendez-vous à ne pas manquer. Je les conseille vivement
Brigitte Anne
8 septembre 2023 @ 13:15
Un livre entre autres » les tomates du Prince Jardinier » un régal 😀
Vitabel
8 septembre 2023 @ 13:13
Je le comprends parfaitement, j’ai une fascination pour les tomates 🍅
laude Patricia
8 septembre 2023 @ 13:26
Je suis bien d accord…
Julise
8 septembre 2023 @ 13:31
L’homme en jaune. 😃
aubert
8 septembre 2023 @ 13:53
« Pour l’avenir »
ou le prix Nobel de la tomate.
aubepine
8 septembre 2023 @ 14:13
Gabrielle d’Estrée n’est elle pas née à la Bourdaisiere ?
Julise
10 septembre 2023 @ 16:29
Non, elle est née au château de Cœuvres, dans l’Aisne. La naissance à La Bourdaisière est une légende ancienne, aujourd’hui utilisée pour faire marcher le tourisme.
Mayg
8 septembre 2023 @ 14:44
Nicolas de Broglie me semble t-il avait intenté une action en justice pour devenir duc à sa suite de son père.
Marie-Caroline de Bretagne
8 septembre 2023 @ 15:22
Le prince jardinier ! Lui et son épouse Françoise sont très sympathiques.
Menthe
9 septembre 2023 @ 17:14
Son épouse Françoise qui n’est plus son épouse depuis 2019 !
Julise
10 septembre 2023 @ 16:30
Merci, jolie plante. 🙂
Marie-Caroline de Bretagne
10 septembre 2023 @ 17:23
Merci Menthe, je ne le savais pas. Je n’ai fait que les croiser trois ou quatre fois, entre 2005 et 2008. Ils étaient très sympathiques et le sont probablement toujours.
belche
8 septembre 2023 @ 17:57
Cela va encore être l’occasion d’expliquer que Broglie se dit Broille, comme BROL mais avec un J prononcé à la flamande à la place du L. Oui ils sont originaires de la botte, et chez eux Broglia se prononce ainsi
Jackie
9 septembre 2023 @ 09:07
Chez nous, en Normandie, on les appelle simplement Breuil et la commune de l’Eure se dit Broglie. Nous ne sommes pas pédants.
Julise
10 septembre 2023 @ 16:32
Oui, c’est la prononciation flamande. En français, plus particulièrement dans le langage normand, c’est prononcé Breuil. Une dérivation de la prononciation flamande. 😉
Julise
10 septembre 2023 @ 16:33
Dérivation de la prononciation piémontaise, en fait.
Hilde
8 septembre 2023 @ 19:53
Intéressant à lire comme interview.
Guillaume
8 septembre 2023 @ 21:25
Je me souviens de sa boutique au Palais Royal à Paris avec beaucoup de belles choses pour jardiner 😍
Louise.K
8 septembre 2023 @ 22:15
Une fois n’est pas coutume , merci monsieur Meyer pour ce sujet très intéressant. Contrairement au roi jardinier, ce prince jardinier est très agréable à regarder.
J’adore les tomates qu’elles que soient leurs couleurs et leurs formes.
Antoine
8 septembre 2023 @ 22:39
Ce jaune est tou5 simplement kitsch et laid
Julise
10 septembre 2023 @ 16:32
Il n’en abuse que pour les touristes, et pas toujours. 😃
Agnese
9 septembre 2023 @ 09:10
En effet les Broglie viennent du Piémont, exactement près de Turin.
Chez nous en piémontais nous prononçons BREUJ.
Julise
10 septembre 2023 @ 16:33
Oui. Voilà.
Merci, car je m’étais trompée ci-dessus.