Le château de Jourdan situé dans les Landes à proximité du Lot et Garonne ne présente pas une grande particularité. Comme on peut le voir sur les photos, il s’agit plutôt d’une grande maison bourgeoise à deux petites tours crénelées.
Mais ce château reçut deux années, de 1784 à 1786, des personnages qui, sans être marquants dans l’histoire de France ou d’Angleterre, n’en ont pas moins eu une importance certaine dans la littérature anglaise.
Le “comte et la comtesse” de Feuillide, accompagnée de la mère de la comtesse, Madame Hancock, y séjournèrent.
Jean-François Capot de Feuillide (1750-1794), à peine noble, mais bel officier, l’un des plus beaux de son temps, disait-on, avait obtenu du roi Louis XVI, en 1782, la propriété de 2000 hectares de marais et de landes, sur les territoires de Barbotan et Gabarret en Armagnac, province d’où le gentilhomme était originaire.
Il y possédait un petit bien hérité de son père mais le capitaine du régiment des “Dragons de la reine” ne pouvait se satisfaire et des maigres ressources et avait décidé de s’enrichir.
Eliza Hancock, comtesse de Feuillide
Madame de Feuillide, née Eliza Hancock, avait du bien, dix mille livres sterling. Certes ce n’était pas une fortune énorme, si on se rappelle que c’était le montant du revenu annuel de Monsieur Darcy, le héros d’Orgueil et Préjugés. Mais cette somme était bien suffisante pour mener grande vie à Londres et partout en Europe.
Plus important encore, Madame de Feuillide avait une mère, grâce à laquelle, elle était apparentée à la haute société anglaise. Madame Hancock était née Philadelphia Austen, sœur du Révérend George Austen, lui-même époux de Cassandra Leigh, appartenant à une famille aristocratique ayant compté un lord-maire de Londres, un maître d’Oxford et surtout un important cousin, le duc de Chandos.
James Bridges (1731-1789) 3ème duc de Chandos, par Arthur Devis (1711–1787)
George et Cassandra Austen avait une progéniture nombreuse, cinq garçons, James, Francis, Henry, George, Edward et Charles, et deux filles Cassandra et Jane. Et oui, Madame de Feuillide était la cousine germaine, très aimée, de Jane Austen.
Eliza de Feuillide était elle-même un personnage de roman. Ses parents, Philadelphia Austen et Tysoe Hancock, avaient fait un mariage de raison arrangé par l’oncle de Philadelphia. Elle était sans fortune, il travaillait pour la Compagnie anglaise des Indes Orientales ( The Honourable East India Company).
Philadelphia Hancock, née Austen (1730-1792)
Il n’était pas riche non plus mais travailler pour la Compagnie permettait d’envisager un bel avenir. Elle partit donc pour les Indes, en vue de se marier.
La chose n’était pas rare pour une jeune fille de bonne famille sans fortune, pour laquelle il était difficile de trouver un mari en Angleterre. Mais il y avait beaucoup d’hommes célibataires aux Indes qui souhaitaient avoir une femme.
Aussi Philadelphia “avait été obligée d’accepter l’offre d’un de ses cousins de lui fournir le nécessaire pour se rendre aux Indes orientales, et c’était bien contre son gré qu’elle avait été obligée de saisir la seule possibilité qu’il lui était offerte pour subsister.” ( R.W.Chapman dans Catharine ou la Charmille).
Le mariage lui offrit une vie permettant à elle et à sa famille de vivre sur un très grand train, contrastant avec la quasi-pauvreté qui aurait été son lot en Angleterre : Philadelphia, vêtue de soie et de mousseline indienne, était désormais à la tête d’une maisonnée comptant trente ou quarante serviteurs, Indiens et Portugais, et a quatre femmes de chambre à son service personne personnel.
La famille Hancock en 1765 peinte par Joshua Reynolds
Eliza naquit donc à Calcutta le 22 décembre 1761. Sa seule naissance fit naître la rumeur qu’elle n’aurait pas été la fille Tysoe Hancock mais de Warren Hastings, à l’époque membre influent de la Compagnie et proche des Hancock.
Il fut le parrain de la petite Eliza à laquelle il s’intéressa beaucoup et à laquelle il fit de nombreux et importants cadeaux. Etait-il son père ? Nul ne le sut jamais. La seule réalité est qu’il la dota des 10 000 livres sterling qui constituèrent la fortune de la jeune femme et pour laquelle elle avait été épousée.
Hastings devint en 1773 directeur de la Compagnie puis gouverneur général des Indes. San épiloguer sur la colonisation britannique, il est possible de constater que la Compagnie et bien des particuliers firent fortune aux Indes, en revinrent très riches. Le point culminant de la colonisation fut la proclamation de la reine Victoria, Impératrice des Indes, titre encore porté jusqu’en 1947, par son arrière petit-fils, George VI.
Le port de Bombay en 1731 par Samuel Scott (1702–1772)
De nombreuses raisons s’opposent cependant à cette supposée paternité, comme le souligne, Deidre Le Faye, l’une des grandes spécialistes à la fois de Jane Austen et d’Eliza Hancock.
Ainsi, la lettre de Lord Clive (1725-1774 ), gouverneur général du Bengale, à sa femme trouve sa source dans les calomnies de Mrs Jenny Strachey, une femme médisante, dont Tysoe Hancock déplore alors l’ingratitude et en qui il voyait, à juste titre, la raison de la froideur de Lady Clive envers sa femme Philadelphia.
Si l’affection de Tysoe Hancock envers elle et leur fille, qu’il surnomme « Betsy », ne se dément jamais jusqu’à sa mort, il semble que de son côté son épouse ait eu pour lui un sincère attachement. Quant à Warren Hastings lui-même, rien, ni dans son journal ni dans aucun des papiers qu’on a retrouvés de lui ne suggère qu‘Eliza ait pu être sa fille ; au contraire, lorsqu’il se remarie en 1777, il accorde beaucoup plus d’attention aux fils et aux nièces qu’a déjà son épouse qu’il n’en a jamais accordé à Eliza.
Enfin, les 10 000 livres qu’il place en 1775 au bénéfice d’Eliza ont été mises en avant par certains biographes de Jane Austen pour appuyer l’idée qu’il était bien le père d‘Eliza ; or ce don généreux a été fait en réalité pour rassurer son vieil ami Tysoe Hancock, très malade (puisqu’il meurt la même année) et très inquiet pour l’avenir de sa femme et sa fille, tout en assurant sa sécurité financière grâce aux intérêts de ce placement.
La prodigalité de Warren Hastings envers ses proches, que certains qualifient alors de « générosité blâmable » et qui dévorait sa fortune aussi vite qu’il la gagnait, était d’ailleurs connue.
Warren Hastings by Tilly Kettle vers 1772
En janvier 1765, les parents d‘Eliza quittent les Indes pour l’Angleterre avec elle, accompagnés par Warren Hastings; elle ne reverra plus jamais les Indes. Arrivés à bon port en juin 1765, ils s’installent à Londres, où ils font connaissance avec M. et Mme John Woodman, le beau-frère et la sœur de Warren Hastings. Les Hancock deviennent alors si amis avec la famille Woodman qu’ils semblent avoir espéré voir un jour Betsy épouser leur fils Tommy, du même âge.
Ce n’est qu’après le départ de la famille Hancock et de Warren Hastings que débutent les calomnies contre le trio.
Trois ans plus tard, en 1768, Tysoe Hancock et Warren Hastings doivent retourner aux Indes, poussés par le manque d’argent lié à l’échec de leurs investissements là-bas.
À ce souci s’ajoute pour le père d’Eliza l’importance des dépenses auxquelles il doit faire face pour permettre à sa femme et à sa fille une vie confortable malgré le coût de la vie en Angleterre, qui correspondent à la somme considérable de 1 500 livres par an.
Lors de ce premier séjour d’Eliza Hancock en Angleterre, sa mère passe l’hiver à Londres, mais profite de l’été pour rendre visite à son frère George Austen et les siens, à Steventon dans le Hampshire. Jane n’était pas encore née.. Leur amitié se scella beaucoup plus tard.
Le presbytère de Steventon
Le presbytère de Steventon, façade arrière
En Angleterre, Eliza bénéficia d’une excellente éducation, soit écriture, français, musique, arithmétique, équitation, bref tout ce qui fait une jeune fille “ accomplie”. Son père lui offrit un beau clavecin et ne rechigna jamais à la dépense pour l’éducation de sa fille.
Après la mort de Tysoe Hancock en 1775, et une fois clarifiée sa situation financière, Philadelphia Hancock constate qu’elle dispose d’un revenu annuel de 600 livres, provenant pour la plus grande part des intérêts rapportés par le placement de 10 000 livres effectué par Warren Hastings pour assurer l’avenir de la femme et de la fille de son ami. Cette somme lui paraissant trop faible pour faire face au coût de la vie à Londres, elle décide de partir vivre sur le continent, où le coût de la vie est alors moindre ; ce faisant, elle y voit également l’occasion de respecter le souhait de son mari, qui désirait qu’Eliza acquière une bonne connaissance du français.
Accompagnée d’une servante la mère et la fille entament un tour d’Europe qui les mena en Allemagne en 1777, puis en Belgique en 1778 et enfin à Paris en 1779.
Très introduite, Eliza et Philadelphia fréquentent la haute société et vont jusqu’à être mises en présence de la reine Marie-Antoinette à laquelle, elle ne fut probablement pas présentée. Elle décrit les atours de la reine, n’omettant ni le bouquet de lilas qu’elle porte, ni les roses qui ornent ses cheveux, ni le collier de diamants qu’elle porte à son cou. Et elle ajoute que la reine « ne portait pas de gants, pour montrer je suppose ses mains et ses bras, qui étaient sans exception les plus blancs et les plus beaux que j’ai jamais contemplés. »
Marie-Antoinette en 1783 période à laquelle Liza vit et décrivit la reine
par Élisabeth Louise Vigée Le Brun (1755–1842)
En 1784, donc elles acceptent de rejoindre le mari d’Eliza Jean-François Capot de Feuillide, épousé en 1781, sur ses nouvelles terres de Guyenne. Le comte n’avait en fait qu’à offrir une mauvaise demeure à sa famille, bien loin du confort dont ses femmes jouissaient à Londres ou à Paris. Et c’est là qu’apparait le château de Jourdan qu’il loua.
Eliza disait de lui “Il est jeune, il est beau, dit-on, c’est un militaire et un Français, qui plus est- autant de raison de douter de sa constance.” Voilà qui était lucide. Mais comme elle ne l’aimait pas, cette inconstance ne la dérangeait pas. On ne sait pas ce qu’il en fut de son côté. Elle était “flirt” et extrêmement mondaine, sensible aux hommages mais a-t-elle été aussi infidèle. On l’ignore.
Jourdan n’est pas Paris et encore moins Versailles. Le château, “situé sur une colline escarpée, donnait sur des bois et au-delà, sur des kilomètres de paysage et de ciel déserts. dans les années 1780, la région était sauvage et la ville la plus proche se trouvait à une trentaine de kilomètres.” ( Claire Tomalin – Jane Austen, Passiosn discrètes – Editions Autrement 2000)
Château de Jourdan
L’hiver est rude, la population rurale aux conditions de vie primitive, parle un langage qu’elle ne comprend pas. Il y a quelques familles aristocratiques à voir, à une distance raisonnable comme les habitants du château de Poudenas.
Château de Jourdan
Si l’entreprise se révèle aujourd’hui un succès, champs de blé, de vigne et forêts, La Feuillide ne le vit pas et ne recueillit aucun bénéfice des investissements faits avec l’argent de sa femme. Il fut en butte aux paysans de la région qui s’estimèrent lésés par le don royal. Durant la Révolution, lors d’une de ses dernières visites il fut même attaqué.
Pour Eliza et sa mère, c’en était assez de la vie à la campagne. “ J’ai promis de fêter le carnaval en compagnie de gens très agréables qui ont construit un théâtre fort élégant pour pouvoir y jouer des pièces entre nous” ( Lettre d’Eliza à sa cousine Philadelphia Walter 17 janvier 1786) Comme la reine et sa coterie à Trianon.)
Enfin enceinte Eliza, accompagnée de sa mère, sur la demande de son mari, partirent en Angleterre en mai 1786. Ils voulait que son enfant naisse sur le sol anglais. Dans le désir, peut-être, de séduire le très riche Warren Hastings avec lequel la famille restait en contact.
Elles s’installent à Londres, dans une belle maison d’Orchard Street, dans l’élégant quartier de Mayfair. Elles entament alors une série de visites, amicales ou familiales. Elles se rendent tout d’abord au mois d’août 1786 voir Warren Hastings et sa femme, dans le Berkshire, près de Windsor.
Puis elles vont dans le Surrey au mois d’octobre chez les Woodman, parents des Hastings, puis partent dans le Hampshire passer Noël à Steventon chez les cousins Austen.
Rvd George Austen( 1731-1801), père de Jane
Depuis 1782, les Austen prenaient plaisir à organiser des pièces de théâtre amateur, auxquelles participaient les membres de la famille. L’arrivée d’Eliza relance ces spectacles, car, douée d’un certain talent d’actrice, elle tient les principaux rôles féminins dans deux pièces, The Wonder — a woman keeps a secret (Quelle merveille ! Une femme qui garde un secret) de Madame Susannah Centlivre, et Le Hasard, comédie de John Fletcher La petite troupe, formée des membres de la famille Austen et de quelques voisins, se produit dans la grange l’été, et dans la maison pour les spectacles de Noël.
La famille Austen
Eliza ne dédaigne pas de flirter avec ses cousins Henry et James, l’aîné des Austen. Jane Austen, qui n’a que onze ans, est conquise par le talent et l’exotisme de sa cousine « française » qu’elle appelle « my very pleasure-loving cousin » (« ma cousine si amoureuse du plaisir ») et qu’elle met en scène dans ses Juvenilia, dont elle commence la rédaction en 1787. Son titre de comtesse, même de courtoisie, impressionne les Austen et leur société.
Cassandra Austen
De là date l’amitié entre les cousines. Jane n’a que onze ans. Elle est décrite par leur cousine Philadelphia Walter, comme “pas du tout jolie et très guindée, bien différente d’une enfant de douze ans”. Le contraire de sa sœur Cassandra, déclarée très jolie.
Portrait présumé de Jane en 1789, par Ozias Humphry
Eliza deviendra alors une source d’inspiration pour certains personnages de l’œuvre de Jane Austen, Lady Susan, et Mary Crawford dans Mansfield Park. Son style de vie est aussi sujet d’admiration et d’inspiration pour la romancière.
Comme sa mère, elle est extrêmement mince, d’une minceur confinant à la maigreur. Les portraits que l’on connait d’elle la montrent avec de grands yeux sombres en amande, une expression un peu rêveuse qui contraste avec sa perpétuelle activité, un visage piquant, la joliesse gracieuse d’un elfe et un nez mutin.
Ses longs cheveux coiffés en arrière peuvent être retenus par un ruban, comme c’est le cas sur l’un de ses portraits.
Lors de sa visite à l’hiver de 1786, sa tante Austen la trouve « pleine de vie » alors qu’elle en avait gardé le souvenir d’une petite fille « trop sérieuse ».
Naturellement brune de teint, comme elle le remarque elle-même, elle gagne un hâle marqué, mais « tout à fait tolérable », lors de son exposition prolongée au soleil de Guyenne.
Si elle mentionne, dans sa correspondance, sa bonne santé (car elle n’est que très rarement malade), elle ajoute que sa constitution est fragile et délicate, ce qui ne l’empêche pas de pratiquer l’équitation ni de mener « une vie de bâton de chaise » la menant parfois fort tard dans la nuit pour profiter pleinement des bals et autres divertissements.
Dans ces lettres, elle apparait, face à sa cousine, Jane, un peu guindée , comme désireuse d’éblouir, quitte à plonger dans l’emphase et l’exagération.
Elle y apparait aussi comme ayant un goût immodéré pour le flirt, non sans un certain côté calculateur. De fait, certaines phrases de la correspondance d’Eliza, où elle décrit à Phylly Walter son flirt avec Henry Austen, pourraient être directement tirées du roman de Jane Austen (lettre de juillet 1797 à Philadelphia Walter), d’autant qu’un flirt a lieu également à cette même période entre James Austen et Eliza de Feuillide.
James Austen à l’époque du flirt
En 1788, les deux femmes retournent en France, qu’elles quittent définitivement en 1790. La première partie de la Révolution permet ces allers et venues entre les deux pays. Son mari qui les avait accompagnés est obligé de rentrer en France pour ne pas se voir considérer comme émigré et voir ses chères terres saisies.
Mais Feuillide se trouve impliqué dans la conspiration contre la République dite de Marbeuf et se voit accusé d’avoir tenté de suborner un témoin afin de porter aide à Nicolas Mangin, loueur de carrosses, et à son fils Clément vivandier de l’armée de la Moselle, accusés d’avoir aidé la marquise de Marbeuf à cacher des vivres destinés à l’armée austro-prussienne. Depuis septembre 1792, la France républicaine était en guerre contre l’Europe des monarchies.
Feuillide, Mangin et Clément furent condamnés à mort et guillotinés 22 février 1794. La famille, soit les frères et sœurs, et non la veuve, et encore moins son second mari, hérita de ce qui restait du domaine après des années de confiscation et de procédure, soit 1270 hectares, qu’ils vendirent rapidement.
Eliza est veuve. Sa mère est morte en février 1792, probablement des suites d’un cancer du sein. Son fils, Hastings, qui a six ans présente des handicaps sérieux. Il peut à peine tenir debout et marcher. A la différence des autres parents, à la même époque, elle refuse de s’en séparer.
Son oncle Charles Austen et son cousin George, handicapés de naissance avaient été confiés, c’est-à-dire abandonnés, à une famille qui s’occupaient d’eux.. Il n’y a aucune trace de visites qui leur auraient été faites par leurs parents.
La personnalité d’Eliza de Feuillide est donc plus complexe qu’il n’y paraît. Si elle aime se montrer, si la vie mondaine a pour elle un attrait évident, elle est aussi très attachée aux siens. Son fils mourra en 1801 à l’âge de 15 ans ayant toujours reçu un amour maternel aveugle car elle refusait d’admettre son handicap.
Après la mort de sa mère, elle se rapproche alors de plus en plus des Austen et, en particulier, de Jane et de Henry. Après la mort de son mari, elle s’en rapprocha tellement qu’elle épousé Henry Austen (1771-1850), le quatrième et plus jeune frère de Jane. Elle avait flirté avec l’aîné James (1765-1819) mais en 1792, il se maria.
Henry Austen
Henry et Eliza se marièrent le 31 décembre 1797. Doué d’un esprit brillant, d’un optimisme à toute épreuve, il est décrit par l’une de ses nièces comme le plus beau et le plus talentueux de la famille. Il ne pouvait que séduire sa belle et charmante cousine. Il semble aussi avoir été le péroré de Jane. Après avoir hésité entre l’église et l’armée, il fonda une banque en 1801.
Londres en 1801
Cela démontrait une certaine instabilité. La banque fit faillite en 1816, après la mort de sa femme. Il retourna alors à l’église. Henry Austen s’occupa activement de la publication des œuvres de sa sœur Jane.
Le couple était beau et élégant. Ils habitaient au 64 Sloane Street, entre Knigthsbridge et Belgravia, deux quartiers très élégants. Ils reçoivent la visite de Jane en 1811.
Les beaux quartiers
Après un début dans la vie digne des héroïnes de roman et plus particulièrement de ceux de sa cousine Jane, Eliza Hancock, devenue Mrs Henry Austen, semble avoir perdu le goût de l’aventure. Il est vrai que de comtesse, Eliza était descendu au rang de femme de banquier.
Cela ne semble pas l’avoir perturbée outre mesure. Il est probable qu’elle a continué sa vie mondaine, même si une barrière séparait l’aristocratie de la banque. Son vrai monde fut celui de sa famille, sa mère d’abord, puis les Austen, puis sa cousine Philadelphia Walter.
Jane Austen, aquarelle peinte par Cassandra en 1804
Elle est morte dans la nuit du 24 au 25 avril 1813, assistée de Jane, probablement d’un cancer du sein.
Jane Austen à l’époque de la mort d’Eliza
Les quarante-six lettres qui nous restent d’elle, dont trente-six adressées à sa cousine Philadelphia, permettent de retracer le monde de Jane Austen et d’en savoir un peu sur la romancière.
Grâce à Mansfield Park, on en sait un peu plus sur Eliza. Le personnage de Mary Crawford est inspirée par elle. “Miss Crawford…n’avait aucune des délicatesses de goût, d’esprit, de sentiment de Fanny ; elle voyait la nature, la nature inanimée, sans y prêter grande attention ; elle s’intéressait uniquement aux hommes et aux femmes, n’avait d’aptitude que pour la légèreté et l’entrain” mais aussi « ses manières courtoises et [de] la légèreté de sa démarche gracieuse » écrit Jane Austen à propos de Mary/Eliza.
La description du personnage semble être une charge mais la très sérieuse Jane admirait et aimait cette cousine, si différente d’elle. Jane savait observer et critiquer mais elle savait aussi apprécier le monde et ses usages, que sa cousine pratiquait à la perfection.
Le château de Jourdan, dans cette histoire, ne joua pas un très grand rôle mais il offrit à Eliza de Feuillide, pour un court temps, la vie de château, dont chacun sait qu’elle n’est pas toujours celle qu’on imagine.
Les Landes telles qu’a pu les connaître Eliza de Feuillide
Les landes de Gascogne n’étaient pas les vertes prairies du Hampshire. Le château de Jourdan n’était pas Chawton House et encore moins Godmersham Park, propriétés d’Edward Austen (1768-1852) où Eliza et tous les Austen étaient invitées.
La société dans laquelle a évolué Eliza de Feuillide était bien différente de celle de la noblesse gasconne, aux accents et aux mœurs plus rudes que ceux de la gentry anglaise.
Chawton House
Ces deux domaines sont la toile de fond de la plupart des œuvres de Jane Austen, avec les inoubliables presbytères, comme Steventon ou Chawton.
Godmersham Park par W. Watts, 1785
Godmersham Park aujourd’hui
Jourdan n’est bien entendu jamais évoqué dans l’œuvre de Jane. Si elle en a entendu parler, c’est par Eliza.
Et si nous nous souvenons d’Eliza c’est grâce à Jane. C’est pour elles deux que j’ai envoyé cette carte postale que je dédie à notre JAusten de N&R.
Merci à Patrick Germain pour ce sujet. (Sources : Wikipédia et Claire Tomalin “Jane Austen, passion discrètes)
Esquisse du portrait de Jane Austen
Régine ⋅ Actualité 2022, Angleterre, Châteaux, France 40 Comments
Robespierre
26 septembre 2022 @ 05:54
Super intéressant. On voit aussi que le sujet de cette rubrique a une vie qui s’apparente à celle des héroines de Jane Austen : toujours en train de graviter autour de gens plus riches et importants que soi. En faisant de cela un style de vie. Autour, mais jamais dedans. Dans les romans de J.Austen, à la fin on parvient à « rentrer dedans ». Mais dans la vie de cette Eliza, la fortune ne s’est jamais matérialisée. Même si elle a connu l’aisance. Enfin elle a eu deux beaux maris, et ce n’est déjà pas mal.
Le château est rigolo avec l’adjonction des deux tours. Ca fait prétentieux mais c’est rigolo quand même. Les tours sont-elles censée conférer à la bâtisse un surplus de respectabilité ?
JAusten
26 septembre 2022 @ 09:47
Je n’ai jamais trouvé sur le net ce que château est devenu. Je ne suis jamais allé vérifier car c’était un peu loin de mes lieux de villégiatures (Dax et Orthez). Je l’imagine rasé de la surface du globe.
Peut-être que Cosmo, qui habite plus près, le sait.
Cosmo
26 septembre 2022 @ 10:38
Dear Jane,
J’habite à 15 kilomètres de ce château et lorsque je passerai à proximité ou en me promenant, je vérifierai son état. C’est une propriété privée mais aucun de mes amis n’en connaît les propriétaires actuels.
Ce fut un plaisir que de vous dédicacer cet article car je sais combien, comme moi, vous aimez ce monde de « graces and manners ».
Bonne semaine
Cosmo
JAusten
26 septembre 2022 @ 13:15
Je vous remercie encore. J’en ai pris connaissance ce matin, 1er matin d’une longue semaine de déplacement (ce qui me fait penser que l’on ne lit plus « Hervé avec un champignon » depuis un bout de temps), et cela m’a mis le sourire aux lèvres.
Pacific
27 septembre 2022 @ 18:33
Je vous remercie Cosmo pour votre article passionnant et richement documenté comme toujours. J’aime cette période et ai lu tous les livres de J. Austen.
Au sujet du château, où posterez-vous votre réponse ? Ici même ?
Cosmo
28 septembre 2022 @ 12:35
Probablement.
Pacific
28 septembre 2022 @ 19:34
Merci. Je regarderai régulièrement dans l’attente de vos infos.
CAMOMMILLE
26 septembre 2022 @ 12:01
Bonjour madame,
Le château n’ est pas rayé de la carte , on peut le voir de haut sur :maps et google earth. En attendant ,les renseignements de cosmo , belle journée.
JAusten
26 septembre 2022 @ 13:24
Merci ! Je viens de le repérer ! Je n’avais pas fait attention à la localisation « GABARRET » sur la carte postale.
Pelikan du Danube alias Pascal Hervé 🍄
26 septembre 2022 @ 15:10
Très chère JAusten ,
Je n’étais pas bien loin , j’ai eu la maladresse de croire qu’en changeant de pseudo je changerais mes manières car ”veuillent les immortels conducteurs de ma langue ,que je ne dise rien qui doivent être repris ” La Fontaine livre XI fable VII , hélas peine perdue, certains commentaires récents m’ont toujours autant fait bouillir et je crois que N&R n’est pas un lieu de discussion comme je le rêvais.
Je déduis de votre commentaire que votre travail vous amène en Dauphiné, je vais en principe le quitter pour la Provence une dizaine de jours et m’imposer une cure de silence qui je l’espère se prolongera . Si vous aviez un jour besoin de toute aide que je pourrais vous apporter demandez mes coordonnées à Regine si elle me le permet.
Je vous considère comme une correspondante très estimée comme aurait pu dire la Reine .
J’ai eu un réel plaisir à lire l’article de Cosmo et un tout aussi réel plaisir à lire qu’il vous est dédié.
Cordialement,
Pascal
🙋♂️
Marnie
27 septembre 2022 @ 14:19
Aaahh, ravie de vous retrouver Pascal avec un champignon ! je savais qu’il y avait du changement de pseudo derrière ce Pelikan du Danube, mais je n’arrivais pas à retrouver qui ?!? j’aurais dû m’en douter, appréciant autant les commentaires de Pelikan que les vôtres 😉
JAusten
27 septembre 2022 @ 18:37
PascalHervé/avecunchampignon/PelikanduDanube, je vous remercie beaucoup pour vos gentils mots et votre offre :) Je vous souhaite d’ores et déjà un très bon séjour en Provence.
Et ne vous rendez pas trop invisible à votre retour :) Il nous arrive tout de même de passer de très bons moments sur N&R (enfin personnellement ça m’arrive de rire seule en lisant certains commentaires).
Pelikan du Danube
26 septembre 2022 @ 06:35
Prodigieusement intéressant et une merveille d’érudition ou de curiosité.
(J’ai cherché en vain un sens à ”péroré” ,je pense qu’il doit s’agir de ”préféré” )
Charlotte (de Brie)
27 septembre 2022 @ 13:16
N’ayant pas fait le lien entre vos deux pseudos, j’appréciais les commentaires de « Pelikan du Danube » tout comme ceux de « Pascal »
Lorsque vous prendrez votre billet pour la Provence, pensez tout de même, éventuellement à prendre un AR !
Bien à vous
Charlotte
Pelikan du Danube
27 septembre 2022 @ 14:53
Merci Charlotte.
Je reviendrai sans doute avec l’esprit plus serein .
En fait je sais qu’il y a des sujets dont je dois me méfier mais il en apparaît toujours de nouveau 🙄 .
Bonne semaine .
JAusten
27 septembre 2022 @ 18:39
et moi, je n’ai pas été très fine là-dessus ; comme vous j’ai apprécié les commentaires de “Pelikan du Danube” tout comme ceux de “PascalHervé/avec un champignon » sans faire de lien.
Pelikan du Danube
28 septembre 2022 @ 09:51
Mesdames, merci .
Si le lien n’était pas évident c’est peut-être que j’avais quand même accompli des progrès , élève Pascal poursuivez vos efforts…
JAusten
26 septembre 2022 @ 06:51
Merci beaucoup Cosmo. Je suis vraiment très touchée.
C’est un très bel article. Le livre de Claire Tomalin est une des meilleures sinon LA meilleure des biographies de Jane Austen.
Eliza Hancock faisait partie de ce qu’on appelait au 18 et 19ème siècles « Thé Fishing Fleet » : ces cargos pour l’Inde plein de jeunes ou moins jeunes femmes parties pour se marier et éviter la déchéance dans les « working houses » dans le meilleur des cas.
Marnie
26 septembre 2022 @ 07:41
Je lirai plus tard cet article qui m’a l’air passionnant et extrêmement bien documenté !
Baboula
26 septembre 2022 @ 08:24
C’est ainsi que Cosmo fait vivre ce site,par un travail personnel,de très grande qualité qui relève le niveau .
Morrigan
26 septembre 2022 @ 08:41
Grand Merci Cosmo .
Jean Pierre
26 septembre 2022 @ 08:58
Quelle surprise et une totale découverte !
Il y a loin de l’Angleterre des bois, prairies, cottages et manoirs géorgiens des romans de Jane Austen à cette demeure landaise. Landes qui d’ailleurs n’existaient pas à l’époque mais qui étaient une terre très inhospitalière. Peut-être un peu moins ce petit pays autour de Gabarret, armagnac aidant.
Cosmo
26 septembre 2022 @ 11:08
En fait le château de Jourdan n’est pas vraiment dans une zone d’armagnac. La commune de Gabarret est dans les Landes en limite du Gers et du Lot-et-Garonne. Il n’y a pas, à ma connaissance, de vignobles pour l’armagnac.
Le pays était en effet très pauvre jusqu’à la fin du XIXe siècle. L’agriculture y est aujourd’hui florissante, avec tous les aléas liés à cette activité.
Bonne semaine
Cosmo
Cousin Pons
26 septembre 2022 @ 20:05
Le Gabardan, région de Gabaret, est bien dans le Bas-Armagnac, on y produit bien de l’armagnac mais aussi du vin dont le Tariquet. Le pays était effectivement très pauvre et marqué par un métayage très dur, rare dans le Sud-Ouest. Le château de Poudenas n’était pas le seul château du voisinage mais les Capot de Feuillide n’étaient peut-être pas assez considérés dans le pays.
Marie-Françoise
26 septembre 2022 @ 09:01
Oui Cosmo une fois de plus vous avez élargi mes connaissances et je vous en remercie !
jual
26 septembre 2022 @ 09:04
A qui appartient maintenant le château?
kalistéa
26 septembre 2022 @ 09:14
Très bel article sur un sujet méconnu de presque tous, je le suppose. Il est agréable d’en savoir un peu plus sur l ‘entourage de cette Jane Austen dont les romans (que personnellement je trouve « imbuvables ») ont été portés à l’écran de façon magistrale . Merci cher Cosmo de ce travail .
COLETTE C.
26 septembre 2022 @ 09:41
Intéressante histoire de ce château.
Carolibri
26 septembre 2022 @ 10:05
Passionnant comme un roman et très bien documenté comme toujours . Merci
Leonor
26 septembre 2022 @ 10:14
Mais voilàààààà qui est intéressant ! Intéressant. Intéressant. Intéressant.
Lecture détaillée ce soir, comme d’hab’. Les bonnes choses, ça se déguste .
Malthus
26 septembre 2022 @ 10:26
La réalité est toujours plus intéressante que la fiction.
Anne-Laure
26 septembre 2022 @ 10:36
Merci beaucoup pour cet article.
Rose
26 septembre 2022 @ 14:18
Quel roman que cette vie! Des Indes à Londres, du tour d’Europe au Sud-Ouest, votre Eliza nous transporte. Vous l’avez magnifiquement fait revivre, un plaisir !
Merci Cosmo de ce temps consacré à nous distraire !
Belle journée
Rose
luigi
26 septembre 2022 @ 15:32
J’adore vos articles Cosmo, très bien écrit ! Merci.
Vittoria
26 septembre 2022 @ 19:25
Merci pour cet article intéressant !
Avoir inspiré le personnage de cette coquette hypocrite de Mary Crawford n’est pas très flatteur, même si cela révèle que cette personne maîtrisait parfaitement les mondanités…
Cousin Pons
26 septembre 2022 @ 19:51
Superbe article ! Merci pour tous ces renseignements qui complètent très bien les informations sur Eliza données par Claire Tomalin dans sa biographie de Jane Austen.
Charlotte (de Brie)
27 septembre 2022 @ 13:29
Comme toujours un remarquable travail.
Merci de nous avoir fait découvrir ce « château » dont j’ignorais l’existence et l’histoire romanesque de ceux qui l’ont occupé même furtivement.
Cosmo, vos commentaires, vos sujets sont toujours admirablement construits, ce fut un plaisir de vous lire.
Bien à vous.
Charlotte
Robespierre
28 septembre 2022 @ 08:25
Bien d’accord avec vous. En attendant, je suis le seul qui se soit esclaffé sur les deux tours censée conférer de la respectabilité (ou du ridicule) à cette bâtisse. J’aurais aimé savoir comment cela était arrivé.
Pelikan du Danube
28 septembre 2022 @ 12:44
Les tours n’ont parfois que le seul intérêt de permettre de caser des escaliers mais je pense que vous le saviez déjà.
Je ne trouve pas l’effet très réussi moi non plus.
Cosmo
29 septembre 2022 @ 13:51
Et souvent des coins d’aisance. 🤣