La demeure a été construite aux environs de 1270 et habitée par une riche famille de drapiers, les Carcassonne, dont elle est l’Ostal. Elle est le dernier spécimen d’un type d’habitat très fréquent au Moyen-âge, symbolisant la puissance de ses occupants et communément appelé « Maison tour « .
C’est en 1999, lors d’un chantier de rénovation de ce qui était autrefois la « grande salle de réception « , que l’on fit une incroyable découverte : un plafond peint et une fresque murale datés de 1275 par deux archéologues spécialistes du Moyen-âge.
A l’origine, la pièce était deux fois plus haute. Un morceau du plafond se trouve au village de Lagrasse (dans l’Aude), à la Maison du Patrimoine.
Au rez-de-chaussée se trouvaient les magasins. Cette grande fresque raconte la légende de Saint-Eustache, martyr mort en 118 et patron des drapiers. Le récit est tiré de la Légende Dorée, le grand succès de la littérature hagiographique du Moyen Âge.
Elle se dispose sur trois registres : une frise à figures au ras du plafond, un registre médian sur fond d’entrelacs et une plinthe évoquant un rideau suspendu à la base (dont il ne reste que quelques infimes traces)
Voici la légende…
Placide est un très bon général romain dans l’armée de l’empereur Trajan, de religion païenne… en outre il a bon cœur.
Un jour, en chassant dans la montagne, il rencontre une horde de cerfs, dont l’un lui semble plus beau et plus grand que les autres. Il se lance à sa poursuite pour le tuer et, arrivé à sa hauteur, il aperçoit un crucifix qui brille entre les bois du cerf.
La voix de Dieu l’interpelle alors « Placide, pourquoi me poursuis-tu ? Je suis venu sous cette forme pour te sauver, et à travers toi, sauver aussi tous les idolâtres «
La nuit même, il se convertit au christianisme avec sa femme et ses deux fils.
Il prend alors le nom d’Eustache (« bien équilibré « , « constant »), son épouse Tatiana devient Théopisté (« celle qui a foi en Dieu ») et leurs fils sont appelés Agopios (« celui qui est plein de charité ») et Théopistos (« celui qui a foi en Dieu « )
Sur cette première scène, il y a un décor de moutons et de chênes. Or les draps sont fabriqués à partir de la laine des moutons. Et le chêne kermès est un arbuste parasité par la cochenille dont on extrait le colorant qui sert à teindre les draps en rouge écarlate. Les Carcassonne sont des drapiers, et leur maison est située rue de la Draperie rouge.
Moutons et chênes ne font pas partie de l’hagiographie de Saint-Eustache, mais sont là omniprésents pour rappeler la profession des Carcassonne.
Après sa conversion Placide, sa femme et ses fils sont baptisés sans doute par l’évêque de Rome, qu’on peut voir à droite.
A noter que le trou dans le mur (15×30 cm) correspond à un ancien conduit de cheminée.
Ayant perdu tous leurs biens (malheurs annoncés par la voix divine), Eustache et sa famille s’embarquent à l’aide d’une échelle…
… à bord d’un navire en partance pour l’Egypte (sans doute des pirates).
Mais il n’a pas assez d’argent pour payer le voyage : le patron du navire le jette alors à l’eau avec ses deux fils et retient sa femme en otage. On voit ici Eustache et ses deux fils arrivant seuls en Egypte.
Eustache au milieu du Nil assiste impuissant à l’enlèvement de ses fils, chacun sur une rive du fleuve, l’un par un loup et l’autre par un lion. Eustache les croit morts, mais ils sont sauvés l’un par des bergers et l’autre par des laboureurs.
Après quelques années, le péril barbare rappelle Placide au bon souvenir de l’empereur Trajan, qui le fait rechercher partout et le retrouve. Il lui rend son grade et lui confie la défense du pays.
Placide-Eustache enrôle de nouveaux soldats, dont deux jeunes gens dont il fait ses aides de camp.
Après une brillante victoire sur les barbares, tous trois font halte près d’une maison habitée par une pauvre femme qui cultive un petit jardin.
En discutant, tous quatre se rendent compte qu’en fait la famille s’est retrouvée : les parents et leurs deux fils.
Mais en 117, l’empereur Hadrien succède à Trajan. Voyant que le héros et les siens refusent de sacrifier aux idoles, il les fait jeter en pâture à un féroce lion, lequel se couche à leurs pieds sans les inquiéter. Hadrien ordonne alors de les ébouillanter dans un taureau d’airain chauffé à blanc.
Ainsi Eustache, se femme et leurs deux fils meurent en martyrs pour leur foi chrétienne.
Sur la partie gauche du mur est, on peut voir un cheval blanc et son cavalier, dont on ignore tout pour l’instant.
On trouve sur les murs de cette chambre de nombreux blasons peints soit avec une cloche fleurdelisée soit avec trois clochettes fleurdelisées : c’est certainement une allusion au patronyme sonore de la famille Carcassonne.
La demeure a subi des modifications au cours des siècles. En 1661, l’Ostal des Carcassonne devenu hôtel de Gayon du nom de son propriétaire du moment, un escalier à vis est intégré dans le bâti, traversant la grande salle peinte du premier étage.
La chambre peinte sera partiellement sacrifiée à la construction de ce nouvel escalier et perdra pratiquement la moitié de sa surface. Le décor peint sera « bluté » et recouvert d’enduit. La plus grande partie des décors seront perdus de façon irrémédiable et le plafond sera dissimulé sous un faux plafond de lattis et plâtre, jusqu’à sa découverte en 1999. (merci à Pistounette pour ce sujet)
😀Pistounette
18 octobre 2022 @ 04:21
J’ai eu la petite surprise de voir trois photos (4,5 et 8) « retournées »… ce n’est pas grave ! Régine a tellement d’articles à recopier…
Vous tournez un peu la tête pour voir la « vraie » photo 😉😀
Guizmo
18 octobre 2022 @ 06:14
Merci beaucoup pistounette pour cette histoire passionnante. Bonne journée
mousseline
18 octobre 2022 @ 09:51
très intéressant. Et extraordinaire, ces fresques venues du XIIIe siècle
Alice
18 octobre 2022 @ 10:40
Passionnant ! Merci
kalistéa
18 octobre 2022 @ 11:46
Merci chère Pistounette pour ce nouvel article fort intéressant sur un sujet nouveau .
Danielle
18 octobre 2022 @ 19:38
Quelle belle découverte, Montpellier possède des trésors !
Merci Pistounette.
Lunaforever
19 octobre 2022 @ 08:57
Merci Pistounette !!!