Tout près de la place de la Comédie, à Montpellier, une statue de la Vierge semble flotter dans le ciel. Dressée au sommet de la chapelle des Pénitents bleus, elle piétine le serpent tentateur et ouvre les bras en signe de protection de la ville.
Son vrai nom est « La Dévote et Royale Confrérie des Pénitents Bleus de Montpellier «
Je connaissais les Pénitents Noirs et les Pénitents Blancs, mais pas les Pénitents Bleus : c’est donc avec grand intérêt que j’ai visité la chapelle et écouté les conférenciers… qui étaient des Pénitents.
Les armoiries de la Confrérie des Pénitents Bleus de Montpellier portent mi-partie d’azur à fleur de lys et demi d’or qui est de France, mi-partie d’argent au demi- tourteau de gueules qui est la maison de Montpellier (dynastie des Guilhem 985-1213), au chef d’or chargé d’une croix de gueules qui est le symbole du Verbe incarné, surmonté d’une couronne d’épines, derrière l’écu accolé de deux branches de lys au naturel et d’ossements en sautoir. Le tout est enlacé d’une banderole avec la devise : « Christo et Régi, egenis et defunctis » (Au Christ et au Roi, aux pauvres et aux défunts)
Le gonfanon (bannière) des Pénitents bleus de Montpellier
Le choix de la couleur bleue peut s’expliquer par l’influence de la Confrérie des Pénitents bleus de Toulouse, mais aussi pour des raisons symboliques : le bleu, couleur du ciel, révèle la consolation engendrée par la pénitence. Cependant, le colorant bleu des « sacs » des pénitents causait des maladies de peau. Depuis 1780, l’habit est blanc avec un camail bleu (courte pèlerine)
Tableau des bienfaiteurs de l’antique confrérie Saint Claude-Saint Barthélémy sur le mur.
Un peu d’Histoire…
Fondée en 1040, quand Arnaud Ier est évêque de Maguelonne, la Confrérie Saint Claude est chargée en 1050 de la responsabilité du cimetière Saint Barthélémy ainsi que d’un hôpital : elle assume cette charge jusque dans les années 1560 où, au cours des sanglantes guerres de Religion, le cimetière est profané.
En 1562, les protestants pillent et rasent (« à fleur de terre », selon l’expression des chroniqueurs de l’époque) la soixantaine des édifices religieux de Montpellier.
A nouveau, en 1621, Henri de Rohan, le chef protestant, décide de fermer les portes de la ville et d’en interdire la sortie aux catholiques. La messe et tout autre acte papiste sont interdits (20 novembre 1621) et une ordonnance du 15 décembre prescrit à nouveau la destruction de tous les édifices religieux de la ville.
Contrainte à la clandestinité, la Confrérie réapparaît au grand jour en 1622.
Après avoir mis le siège à Montpellier, Louis XIII y entre le 20 octobre 1622 et pardonne à tous les révoltés.
Le dimanche 23 octobre, la grande Loge des Marchands, construite en 1448 par Jacques Cœur, est réquisitionnée pour y célébrer la messe, qui est précédée d’une procession devant le roi : y participent les confréries de pénitents « tête nue, avec un cierge à la main ».
La grande peste de 1629-1630 fait à Montpellier, à partir de septembre, 5000 victimes (200 par jour) : c’est à partir de cette période que les pénitents se lancent, au nom de la charité, dans l’ensevelissement des morts de la peste.
Après délibération avec les Carmes, Mgr de Colbert consacre une nouvelle église à la Confrérie le 12 octobre 1707.
Le 20 février 1746, Mgr Georges Lazare Berger de Charency, évêque de Montpellier, autorise par ordonnance l’Antique Confrérie de Notre Dame et Saint Claude du Charnier Saint Barthélémy à porter désormais le pieux et respectable nom de « Dévote Compagnie des Pénitents Bleus de Montpellier » placée sous le patronage de la très Sainte Vierge Marie ainsi que sa devise « Christo et Regi, egenis et defunctis » (Au Christ et au Roi, aux pauvres et aux défunts) et un an plus tard le Parlement de Toulouse y ajoute le terme de « Royale » d’où le titre de « Dévote et Royale Compagnie des Pénitents Bleus de Montpellier « .
Après quelques années paisibles, la loi d’août 1792 interdit les confréries et la chapelle est vendue comme bien national à la Révolution : l’entrepreneur acheteur la démolit pour agrandir son entrepôt.
Après avoir occupé plusieurs lieux de culte, la confrérie achète en 1844 un nouveau terrain où est située l’actuelle chapelle.
Photo : site « Observatoire du Patrimoine Religieux «
La façade est caractéristique du style néogothique dit « troubadour » avec trois porches sculptés.
Celui du centre est surmonté d’une accolade (faux-arc, typique de la période gothique) et flanqué de deux pinacles.
Construite ente 1845 et 1848 par l’architecte montpelliérain Omer Lazard, la nouvelle chapelle possède un triple vaisseau en trois travées, couvert d’une fausse voûte d’ogives, et un chevet à cinq pans. Des tribunes, ouvertes sur la nef centrale par trois arcs brisés, surmontent les collatéraux.
Dans la chapelle sont conservés de beaux objets mobiliers dont, située au fond du chœur, une immense crucifixion en marbre de Carrare, ainsi que Sainte-Madeleine au pied de la Croix, avec, en fond, la ville de Jérusalem, en marbre de Portor et jaune de Naples : l’œuvre fut commandée en 1772 à un sculpteur de Carrare, prêtre de son état, Dom Cibei.
L’absence de la Vierge s’explique par le fait que les Pénitents avaient une vénération pour Marie-Madeleine, qui est ici seule représentée
Pendant la Révolution, ce Christ est caché par des Confrères au péril de leur vie : il est ensuite installé dans une chapelle de la cathédrale Saint-Pierre, avant de revenir le 12 décembre 1816, grâce à Mgr Fournier, évêque de Montpellier.
Chapelle latérale avec à gauche la statue de Saint-François d’Assise et à droite celle de Saint-Antoine de Padoue.
Au fond : la chapelle de la Vierge Marie….
…et dans la niche : Le Sacré Cœur de Jésus
Les armoiries de la Maison Grimaldi
Rainier III de Monaco était membre de la confrérie des Pénitents bleus de Montpellier (intronisation le 21 février 1943). Quatre vitraux, réalisés par l’atelier Bulard à Saint-Alexandre (Gard) ont été offerts en sa mémoire par le prince Albert II et par M. Eric Loustau (Consulat de Monaco à Montpellier).
L’Atelier d’Art du Musée du Boutis de Calvisson (Gard), sous la direction de Francine Nicolle, a réalisé la partie haute du reliquaire avec une rosace en Boutis représentant les armoiries de la famille princières de Monaco ainsi que des fleurs peintes à la main inspirées du XVIIe siècle.
La partie inférieure est un tableau réalisé par Jihui Zhang, la dorure sur bois à la feuille d’or a été réalisée par Michel Gutierrez, doreur sur bois à Nîmes.
On retrouve d’autres références à Sainte Dévote et Monaco dans la chapelle.
Plusieurs autres saints et saintes sont vénérés dans la chapelle. Saint Claude, patron de la confrérie originelle.
D’abord militaire, il embrassa la vie monastique à Condat (Jura) avant d’être évêque de Besançon. Mais, dès qu’il le put, il résilia cette charge pour rejoindre la solitude
Prière à Saint-Claude
Saint-Claude, toi le pasteur et le médecin des âmes et des corps
D’une multitude de croyants de tous les siècles
Nous offrons des hymnes de louange et de reconnaissance
Car empli de la grâce du Saint-Esprit et du zèle de la foi
Tu protèges par ta sainte prière tous ceux qui s’écrient vers toi
C’est en souvenir que la fête de la confrérie est le 6 juin (Saint Claude) et le 24 août, jour de la Saint Barthélémy.
Saint Roch, seul saint natif de Montpellier
Patron en second de la ville, qui est placée depuis 1095 sous la protection de la Sainte Vierge Marie.
Sainte Jeanne d’Arc
Padre Pio
Sainte Eulalie
Saint Joseph accompagné de Jésus enfant
La chaire avec, à gauche, la chapelle de Sainte Rita, que les fidèles viennent prier dans les cas difficiles et désespérés : des centaines d’ex-voto habillent tout un mur de la chapelle.
A droite nous voyons Saint Michel terrassant le Dragon – Pierre Mignard (1612-1695), copie d’une œuvre de Guido Reni, dit « le guide » (1575-1642)
L’orgue de tribune « Puget » (1891)
La crypte abrite la dépouille embaumée de la comtesse Albine de Montholon, qui accompagna volontairement Napoléon à Sainte-Hélène, avec son époux Charles Tristan de Montholon et leurs enfants. Fille du receveur général des finances du Languedoc, ruinée par la faillite de son mari, elle se réfugia ensuite à Montpellier où vivait une partie de sa famille. Elle y mourut en 1848 au cours d’un bal donné pour ses petits-enfants. La rumeur dit qu’elle aurait été la maîtresse de l’Empereur…
Depuis 7/8 ans, la famille ne souhaite plus que l’on voit le monument à Sabine de Montholon, même lors des Journées du Patrimoine.
Même la plaque souvenir, située dans la crypte, n’est pas visible.
Pénitent bleu aujourd’hui ? Propriété privée, la chapelle est à la charge de le Compagnie qui veille à son entretien, uniquement grâce à des dons et des legs, ne recevant aucune aide des collectivités publiques.
Grâce à la disponibilité et au dévouement de sa trentaine de membres, la chapelle est constamment ouverte à la piété des fidèles, qui viennent notamment prier Sainte Rita et Padre Pio.
La Confrérie est regroupée depuis 1926 avec une cinquantaine d’autres au sein de la Maintenance des Confréries de Pénitents de France et de Monaco.
Une cinquantaine de confréries est toujours active dans le Sud-Est de la France.
Cette Maintenance des confréries est dirigée par un Grand-Maître assisté d’un aumônier : elles se retrouvent une fois par an depuis 90 ans dans une ville différente qui possède des Pénitents.
Les pénitents ont été parmi les premières organisations chrétiennes laïques à pratiquer un véritable « catholicisme social ».
Toutes les Confréries de Pénitents ont deux points communs : le principe d’égalité entre les membres (le sac, dit aussi tunique, robe ou froc, qui dissimule la catégorie sociale) et la pratique des œuvres de miséricorde, le « plus grand attribut de DIEU ».
Parmi les œuvres corporelles et les œuvres spirituelles, les plus courantes sont : l’accompagnement des morts (notamment les plus modestes) et la prière pour les défunts, ainsi que le soutien aux malades. (Merci à Pistounette pour ce reportage)
celia72
22 mars 2023 @ 07:19
Merci Pistounette pour cet article très intéressant, belle journée à tous
Anquetil
22 mars 2023 @ 10:28
Grand merci pour ce précieux article.
Voir également évangélicaire d’Irmengard , relique de notre Patrimoine, parti au musée Getty. Us….
Impossible de vous contacter.
😀Pistounette
22 mars 2023 @ 18:44
Je ne connaissais pas du tout cet evangéliaire, et j’ai cherché…
C’est un ouvrage magnifique, et c’est tout à fait dommage qu’il soit parti à l’étranger (une fois de plus !). Merci beaucoup pour cette info.
neoclassique
22 mars 2023 @ 08:43
un grand bravo et un immense merci à vous, Pistounette, pour nous permettre de découvrir tant de trésors méconnus de notre patrimoine et surtout montpelliérain où vous savez que j’ai mes origines.
Et, chaque fois, ces découvertes s’accompagnent de photos en nombre et d’informations historiques aussi nombreuses que précises.
Alors encore une fois, mille mercis et continuer à enchanter vos lecteurs par vos découvertes. Et pourquoi ne pas poursuivre avec la belle église Ste Eulalie où furent longtemps l=ces Pénitents bleus??
😀Pistounette
22 mars 2023 @ 09:22
Merci, Néoclasique
J’ai moi-même appris beaucoup de choses lors de ces visites des Journées du Patrimoine. Je ne « connaissais » pas en détail nombre de lieux… alors que j’ai vécu 5 ans à Montpellier, et j’ai surtout découvert ces personnes passionnées et passionnantes que sont les Pénitents, d’une immense générosité.
mousseline
22 mars 2023 @ 08:43
merci beaucoup Pistounette pour ce reportage très intéressant. Je passes par Montpellier le mois prochain pour aller à Lourdes. J’ essayerai de visiter cette chapelle
😀Pistounette
22 mars 2023 @ 09:02
Je profite de ce sujet sur Montpellier pour revenir sur une assertion faite par Baboula lors du sujet du 2 décembre sur « Hôtels particuliers à Montpellier ».
Elle a dit « La ville de Montpellier est la ville de France plus riche en hôtels particuliers. Je le sais car j’ai lu le très beau livre de Claude Huver ».
Plusieurs personnes en avaient été étonnées, dont moi. J’ai donc acheté le fameux livre (très beau au demeurant, c’est vrai).
En page 5 et en dernière de couverture, Claude Huver écrit « Montpellier est aujourd’hui l’une des villes de France les plus denses en hôtels particuliers (HP), principalement édifiés ou transformés aux XVIIe et XVIIIe siècle »… ce n’est pas la même formulation, et là je suis d’accord. Mais ce n’est pas ce qui avait été recopié par Baboula.
L’auteur fait un choix, qui est ce qu’il est, pour trouver « plus de 150 demeures montpelliéraines de l’Ecusson, du Moyen Âge au XXe siècle ».
Si l’on applique ses critères à d’autres villes connues pour leur patrimoine… par exemple Aix-en-Provence est plus riche en HP, ou Toulouse. Et que dire de Paris : pourrait-on croire que Paris a moins d’HP qu’à Montpellier ?
Le site officiel du Patrimoine Montpellier note 42 HP classés à Montpellier…
En référence, ce lien donne les HP ville par ville en France… vous pourrez ainsi vous faire une idée exacte sur la question :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Cat%C3%A9gorie:H%C3%B4tel_particulier_en_France_par_ville
luigi
22 mars 2023 @ 16:29
Entre nous, Pistounette, je ne pense pas que les lecteurs de N&R soient intéressés par des chiffres et savoir qui a raison »..nananère….c’est « gonflant ».
😀Pistounette
23 mars 2023 @ 11:47
Luigi, vous généralisez « les » lecteurs… mais il y a « des » lecteurs qui sont intéressés. Juste rétablir une réalité.
Comme pour tout sujet, y compris la longueur, la couleur… de telle robe sur Letizia, Maxima ou Mathilde… tel collier… il y a ceux intéressés et les autres.
Ce qui est instauré par Régine sur N&R, c’est bien que tous les avis puissent être discutés, même si certains sont « gonflants » pour telle ou telle personne.
Bonne journée à vous
luigi
24 mars 2023 @ 11:59
@ Pistounette, rétablir une réalité ou vouloir avoir tjours raison ?
Leonor
22 mars 2023 @ 09:22
Je lirai ce soir, Pistounette, avec, alors toute l’attention nécessaire .
D’ores et déjà, merci pour la peine que vous prenez, et le soin que vous y mettez.
Passiflore
22 mars 2023 @ 09:31
Magnifique reportage, Pistounette, que je n’ai pas le temps de lire attentivement à la minute, ce que je ferai tout à l’heure. J’ai eu le temps de repérer quelques statues dont celle du Padre Pio, et vous parlez aussi des Montholon dont beaucoup vivent en Suisse.
Perlaine
22 mars 2023 @ 09:41
Dommage que votre dernier message soit de cette nature , il éteint mes appréciations sur les précédents
Guizmo
22 mars 2023 @ 10:01
Merci Pistounette pour cet article et bonne journée à tous
Passiflore
22 mars 2023 @ 14:30
J’ignorais complèrement qu’Albine de Vassal (1779-1848), avant d’épouser Charles-Tristan de Montholon-Sémonville, avait été mariée à Jean-Pierre Bignon (entre 1796 et 1799), puis avec Daniel baron Roger (entre 1800 et 1809) dont un enfant. De son 3e mariage, elle eut trois enfants, Charles, Napoleone et Joséphine (qui pourrait être la fille de Napoléon). A son retour à Montpellier elle mena une vie pieuse et charitable. Sur une plaque de marbre, en la crypte de Montpellier, on peut lire : “À Longwood erre encore son sourire. ici elle repose dans la Grande Paix de Dieu.”
Aristocrate
23 mars 2023 @ 16:09
J’adore les statues. Que du beau monde!