Dans ce reportage, les noms japonais sont donnés dans l’ordre occidental : prénom et nom. Né le 20 octobre 1887 à Kyoto, le prince Yasuhikō Asaka devient altesse impériale le 10 mars 1906, lorsque l’empereur Meiji lui confère le titre Asaka-no-Miya (prince impérial Asaka), lui octroyant ainsi l’autorisation de fonder une quatrième branche impériale avec droit de succession au trône japonais. Afin de mieux saisir les enjeux de la multiplication de ces branches impériales (toutes supprimées en 1945 par l’occupation américaine), il faut recontextualiser un peu la complexité de la famille impériale à l’époque.
Le jeune Yasuhikō est en fait le 8e fils du prince Asahikō Kuni (1824-1891), héritier de la branche princière Fushimi-no-Miya, la plus ancienne des quatre maisons princières en droit de « fournir » un successeur en titre au trône du Chrysanthème, dans l’éventualité de la disparition de la branche impériale (ou si celle-ci n’était plus à même de fournir un héritier mâle).
Comme beaucoup de prince de branches collatérales, le prince Asahikō Kuni avait été élevé pour devenir prêtre bouddhiste ; afin de prévenir, autant que possible, toute velléité de rebellion contre le Bakufu – plus connu sous l’appellation Shogun dans les pays occidentaux – qui est alors le véritable dirigeant du pays, mais aussi afin d’éviter les guère de succession du trône. Cependant, la position du prince dans le cercle impérial se renforce en 1838 – il est alors âgé de 14 ans – lorsqu’il est adopté par l’empereur Ninkō, qui règne de 1817 à sa mort en 1846 (à l’âge de 45 ans) – selon une coutume assez répandue à l’époque dans les familles princières et fortunées.
Tout bascule pour le prince Kuni, lorsqu’en 1862, les forces pro-imépriales finissent par renverser le Bakufu et par restaurer l’Empereur dans ses prérogatives. Le prince Kuni était connu pour ses prises de postions ultra-conservatrices en faveur de l’Empereur, mais aussi en faveur d’une expulsion générale de tous les étrangers présents au Japon – les Américains essaient alors, sous le pavillon du commodor Perry, de forcer le pays et, si possible, d’y ancrer leur présence ; ce qu’ils n’arriveront pas à faire, en raison de la modernisation ultra-rapide qu’impulsera l’Empereur Meiji à son pays.
Le prince devient alors un proche conseiller de l’Empereur Kōmei (règne de 1846 à 1867) – pour ceux qui ont perdu le fil, l’empereur est donc le frère « de lait » du prince Kuni, lui-même père du futur prince Asaka.
Le conservatisme du prince Kuni est tel que celui-ci perpétue la tradition des concubines dans son palais ; contre la tendance qui se répand à l’époque des mariages monogames – sauf chez l’Empereur, la question de la descendance restant en ce qui le concerne essentielle. Le prince Yasuhikō est donc son 8e fils, dans une fratrie qui compte 18 enfants issus de 5 concubines différentes.
Le système de mariage au Japon est sans aucun doute plus endogamique encore que dans les autres pays, notamment lorsqu’il s’agit de mariages princiers. Le prince Yasuhikō épouse donc sa cousine la princesse Nobuko, 8e fille de l’Empereur Meiji, et issue de l’alliance de l’Empereur avec sa 5e concubine, la princesse Sachiko.
L’alliance est-elle dûe au parallèle qu’il est possible de dresser entre les deux familles ? 5 concubines pour le prince et l’Empereur, 8e enfant de chaque côté… Rien n’est moins sûr. En revanche, il est certain que la position de la famille du prince Kuni continue de se renforcer dans l’entourage impérial. L’un de ses autres fils (le 3e), le prince Kuni Kuniyoshi (1873-1929) donnera, lui, naissance à la princesse Nagako, future impératrice Kōjun, après son mariage avec l’empereur Shōwa – et donc mère de l’empereur actuel.
Le mariage du prince Yasuhikō et de la princesse Nobuko est célébré selon le rite Shinto, comme il est de coutume dans la famille impériale japonaise, le 6 mai 1909. Le couple s’installe alors dans une résidence de type japonais traditionnel. Cependant, le grand tremblement de terre du Kanto de 1923 endommage grandement la demeure princière, il est donc immédiatement envisagé de faire construire une nouvelle résidence au couple, dont la famille s’est déjà bien agrandie, puisque 4 enfants sont nés entre 1909 et 1923 :
La Princesse Kikuko Asaka (1911-1989); mariée en 1931 au Marquis Naoyasu Nabeshima.
Le Prince Takahiko Asaka (1913-1994); marié à la 5e fille du Comte Takatsugu Todo, Todo Chikako, avec qui il eut deux filles (Fukuko and Minoko) et un garçon(Tomohiko).
Le Prince Tadahito Asaka (1914-1944), qui renonça à son titre de prince impérial en 1936 et à qui fut accordé le titre de Marquis Otowa. Il sera tué pendant la 2nde Guerre mondiale.
La Princess Kiyoko Asaka (1919-); mariée au comte Yoshiatsu Ogyu.
Pendant cette période, le prince et la princesse Asaka ont été très actifs.
En l’occurrence, en 1923, ils se trouvent à Paris, depuis 3 ans pour le prince, et quelques mois pour la princesse.
En 1920, en effet, le prince Asaka a été envoyé en France avec son demi-frère le prince Naruhiko Higashikuni (1887-1990) et leur cousins le prince Naruhisa Kitashirakawa (1887-1923) afin de parfaire leur formation militaire à l’école Militaire de Saint-Cyr. À cette époque, le prince est lieutenant-colonel de l’armée japonaise depuis 1917.
Naruhiko Higashikuni
C’est à cette époque que le prince entre en contact pour la première fois avec la culture occidentale, et qu’il découvre l’Art Déco alors en vogue dans toute l’Europe. Art Déco qui aura une telle importance dans la réalisation du Palais Asaka à Tokyo dans les années 30.
Malheureusement, le séjour des princes impériaux s’assombrit le 1er avril 1923, lorsque les cousins ont un grave accident de voiture à Perrier-la-Campagne (Eure) dans lequel le prince Kitashirakawa décède (à l’âge de 35 ans) et où les princes Asaka et Higashikuni sont gravement blessés et leur vie en danger. C’est suite à cet accident que la princesse Nobuko partira précipitamment en France pour rejoindre son mari, qui gardera des séquelles de l’accident toute sa vie ; notamment un problème de boitement.
Le séjour français du couple impérial se poursuivra jusqu’à fin 1925, début 1926.
Les raisons du retour du couple au Japon ne sont pas claires, cependant, le décès de l’Empereur Taishō – fils de l’Empereur Meiji, et donc cousin et beau-frère par alliance du prince Asaka – et la succession au trône de son fils l’empereur Hirohito (1901-1989, règne de 1926 à 89) n’y sont sans doute pas pour rien.
Bien que militaire de carrière – il est promu brigadier-général à son retour de France –, le prince Asaka parvient cependant à passer du temps avec sa famille dans les premières années de son retour au pays. La construction de son palais Art Déco occupe d’ailleurs grandement le couple princier, notamment la princesse Nobuko qui supervise les travaux et le détail des décors avec minutie.
Malheureusement, alors que les tensions internationales ne cessent de se durcirent et que le Japon en profite pour étendre sa colonisation des territoires asiatiques, un nouveau drame frappe la famille princière. La princesse Nobuko décède subitement au début du mois de novembre 1933, à l’âge de 42 ans. Durant cette même année 33, le prince a été promu lieutenant-général de l’armée et est devenu commandant de la garde impériale.
Les événements se précipitent au plan international. Le nationalisme et le militarisme japonais s’accroisent. En 1935, le prince est intégré au conseil suprême de guerre dirigé par son neveu l’Empereur Hirohito – Le Japon est alors en guerre coloniale avec plusieurs pays asiatiques, tels que la Corée, la Chine, le Vietnam, la Malaysie, les Philippines, etc.
Bien que les années passées en France aient apporté un savoir indéniable au prince, celui-ci devient de plus en plus nationaliste et se rapproche de la faction dite de « La Voie Impériale » qui, sous couvert, de soutenir l’Empereur, entend surtout promouvoir une faction politique militariste, totalitariste et expansionniste.
Cette position va jeter un froid sur les relations entre le prince et l’Empereur, qui écarte alors son oncle du cercle du pouvoir décisionnaire. Il n’est pas certain que ce froid en soi la cause directe, cependant, suite à celui-ci le prince Asaka est alors transféré au sein de l’armée japonaise de Chine Centrale en 1937. Et, en 1937, il devient commandant des forces d’invasion de la Chine à Nanjing (Nankin).
La responsabilité directe du prince Asaka n’a jamais été formellement établie. Les historiens aujourd’hui encore continuent de s’opposer sur le fait qu’il ait effectivement donné/signé l’ordre ou non, cependant, c’est bien sous son commandement que le massacre de Nankin est perpétré, provoquant l’extermination de plusieurs centaines (voire milliers) de civils chinois entre le 2 et le 6 décembre 1937 par l’armée d’invasion japonaise.
Cependant, dans cet événement, l’Empereur Hirohito aurait sans doute aussi une part de responsabilité non négligeable dans les prises de décisions quant au massacre.
Le prince Asaka vers 1940
Rappelé au Japon en 1938, alors que le Japon occupe Nankin, le prince Asaka retrouve sa place au sein du Conseil Suprême de guerre, où il restera jusqu’à la reddition du pays en 1945. Son activité au sein du conseil reste cependant ambiguë, puisqu’en 1944 il entreprend, avec l’aide de son demi-frère Naruhiko Higashikuni, de son neveu le prince Nobuhito Takamatsu (3e fils de l’Empereur Taishō) et de l’impératrice douairière Teimei (mère du précédent, donc) de provoquer la destitution du cabinet du premier ministre Hideki Tōjō, en raison de la défaite cuisante du Japon dans la bataille de Saipan cette année-là. Le premier ministre sera effectivement démis de ses fonctions. Ce qui ne l’empêchera pas, après la défaite, d’être condamné pour crimes de guerre par le tribunal international mis en place par les américains.
Suite à l’occupation américaine, et aux transformations imposées à la constitution japonaise, le prince Asaka et ses enfants perdent leur statut princier et leur prédicat d’altesses impériales ainsi que tous leurs privilèges. Cependant, comme le reste de la famille impériale, il ne sera jamais inquiété par le Général MacArthur pour les crimes perpétrés par l’armée japonaise pendant la guerre (notamment pour le massacre de nankin). Et il semblerait que la famille du prince ait réussi à vivre plutôt bien malgré la destitution de leur statut impérial, puisque le prince, devenu roturier passera la plupart de son temps, à la fin de sa vie, à jouer au golf et à investir dans des « Golf Course » au Japon. Avant de décéder en avril 1981, à l’âge de 93 ans, l’ancien prince aura aussi pris le parti de se convertir à la religion catholique romaine (en décembre 1950) ; fait unique dans la famille impériale japonaise. (Merci à Olivier pour cet article)
jul
27 avril 2017 @ 05:12
Merci Olivier pour cet intéressant article.
Vassili
27 avril 2017 @ 05:38
Merci Régine et Olivier. Article très intéressant.
Anne-Cécile
27 avril 2017 @ 05:46
MacArthur n’avait aucune estime pour la plupart des membres de la Famille Impériale. L’incroyable sadisme, le mépris absolu des peuples soumis, le dénigrement forcené de la culture des autres, l’annihilation des langues, l’humiliation d’autres familles impériales pourtant alliées par mariage, les massacres de masse et la réduction en esclavage opérés par les élites militaires et politiques japonaises entre le 19ème et la fin de la 2nde GM, devaient conduire jusqu’à la pendaison après procès pour crimes contre l’Humanité de l’Empereur.
Mais une fois sur place, devant la schizophrénie des Japonais, MacArthur réalisa que les plans contre l’Empereur et sa punition puis disparition seraient totalement contreproductifs, et casseraient totalement l’armature d’une société déjà mal en point et à qui étaient demandés des efforts considérables.
En réalité, s’il s’est efforcé à tout prix de sauver la tête de ces princes, ce n’est pas par conviction (plusieurs traces existent prouvant sa révulsion et le fait qu’il était parfaitement conscient d’être devant d’affreux criminels de guerre) mais par nécessité.
S’agissant de conversion au catholicisme, ma foi ce n’est pas le premier ni le seul criminel de la 2nde GM à avoir été accueilli au sein de l’Église romaine.
D’ailleurs son cas est moins polémique que d’autres : je ne vois pas à quel titre l’Église pourrait refuser le baptême à un homme, fut-il un criminel de masse.
Là où c’est plus gênant c’est cacher des criminels de guerre dans des monastères.
Olivier d'Abington
27 avril 2017 @ 14:36
Chère Anne-Cécile,
C’est surtout que McArthur, et le gouvernement américain, ont eu une peur bleue que l’exécution de la famille impériale n’ouvre le Japon au communisme de l’URSS toute proche!
La gauche était très présente et puissante au lendemain de la reddition japonaise et n’attendait que cela!
McArthur a donc été stratégique d’un point de vue géo-politique plutôt que simplement local.
Par ailleurs, son « mépris » pour l’empereur était tout de même assez flexible… Puisqu’il ne dédaignait pas tout de même se rendre au palais impérial aussi souvent que possible.
Gérard
28 avril 2017 @ 10:04
Anne-Cécile votre réflexion me paraît très juste.
Guy Coquille
8 mai 2017 @ 19:44
MacArthur avait de la répulsion pour toutes les familles royales et impériales. N’oubliez pas qu’il refusa au Prince héritier de Corée le retour dans son pays, et l’obligea à se retirer aux USA, allant même jusqu’à lui retirer la nationalité coréenne. En cela il était bien le fils des Etats Unis d’Amérique, qui détestent toutes les monarchies héréditaires.
Marie1
27 avril 2017 @ 08:10
Merci pour cet article, très intéressant, mais j’avoue avoir perdu le fil à plusieurs reprises.
Laurent F
27 avril 2017 @ 08:27
A noter que les quatre filles de l’empereur Meiji avaient toutes épousé des petits-fils du prince Kuni, les princes Asaka (époux de la Pcs Nobuko) et Higashikuni (époux de la Pcs Toshiko) étaient frères tout comme leurs cousins germains les princes Takeda (époux de la Pcs Masako) et Kitashirakawa (époux de la Pcs Fusako).
Le prince Higashikuni, oncle d’Hiro-Hito, est mort en 1990 à l’âge de 103 ans ! Son fils avait épousé la fille ainée d’Hiro-Hito, la princesse Shigeko Teru-no-Miya.
Au total 51 personnes de la famille impériale ont perdu leur statut princier suite à la promulgation de la nouvelle constitution en 1947.
Étrangement la mariage d’Hiro-Hito avec la princesse Nagako Kuni fut quasiment considéré comme une mésalliance car il y avait des cas de daltonisme dans la famille du père de la princesse, qui était pourtant altesse impériale et frère des princes Asaska et Higashikuni.
La descendance du fils d’Amaterasu se devait d’être sans tâche !!
Si vous ne suivez pas c’est normal, j’ai mis très longtemps à comprendre qui était qui dans la famille Kuni. Cet arbre généalogique vous aidera à vous y retrouver !!
http://www.oocities.org/jtaliaferro.geo/fushimitree.jpg
Laurent F
27 avril 2017 @ 08:33
Pour tout savoir sur les Empereurs du Japon : http://www.oocities.org/jtaliaferro.geo/
Et sur les chefs actuels des 8 branches collatérales : http://www.oocities.org/jtaliaferro.geo/living.html
Caroline
27 avril 2017 @ 10:34
Olivier,
Ce n’était pas aisé de comprendre la généalogie de cette famille. S’il s’agit de l’endogamie , les enfants étaient-ils tous en bonne santé? De nos jours, le concubinage est-il supprimé?
Merci pour votre article ‘ royal’ à la japonaise!
Olivier d'Abington
27 avril 2017 @ 14:42
Chère Caroline,
Vous avez sans doute noté qu’aujourd’hui on ne parle que de l’Empereur et de l’Impératrice, et des fils de l’Empereur et de leurs épouses respectives…
Donc, oui, le concubinage a été aboli (par l’Empereur Meiji en l’occurrence, dans son grand projet de modernisation du Japon).
Cependant, si je puis me permettre, vous noterez que le « concubinage » n’a jamais été de mise en Europe, pourtant cela n’a pas empêché (et encore aujourd’hui) certains princes, rois et autres consorts d’avoir des maîtresses… Et parfois à tour de bras.
Au moins, les enfants des « concubines » étaient eux reconnus par leur père et avaient des droits et même des privilèges!
Christian II
27 avril 2017 @ 11:06
Grand merci pour cet article passionnant sur un pays dont le fonctionnement est souvent très obscur pour nous autres européens.
D’autres sujets pourraient paraitre sur les frères de l’Empereur Hirohito par exemple qui ont eu, eux aussi, des vies assez intéressantes.
Jean Pierre
27 avril 2017 @ 11:49
Je me suis un peu perdu dans la généalogie mais je connaissais le débat au sujet du rôle d’Asaka à Nankin.
Les plaies sont toujours ouvertes en Chine et Monsieur Abé ne fait pas grand chose pour les refermer.
Patricio
27 avril 2017 @ 12:17
Très intéressant.
Merci Régine et Olivier
Amitié
Patricio
Mayg
27 avril 2017 @ 14:06
Merci à Olivier pour cet article.
Je ne savais pas que le titre de marquis existait au Japon.
Olivier d'Abington
29 avril 2017 @ 02:31
Chère Mayg,
Ils s’agit bien sûr de traductions donnant l’équivalence des titres en français.
Gérard
30 avril 2017 @ 16:51
Le titre japonais de marquis date de l’institution de la pairie (Kazoku c’est-à-dire les Fleurs de la Nation) en 1869 sous l’ère Meiji et a donc duré jusqu’à la constitution de 1947.
Le Peerage Act du 7 juillet 1884 semble créer les ducs qui paraissent un peu inférieurs aux princes mais dont le nom est semblable phonétiquement à celui des marquis (kōshaku).
Les autres titres sont inférieurs, comtes, vicomtes et barons.
Dans la première liste en 1884 il y a 11 princes, 24 marquis, 76 comtes, 376 vicomtes et 382 barons.
Lors de l’annexion de l’empire de Corée en 1910 on ajouta (hors la famille impériale coréenne reconnue princière) 67 pairs coréens, soit 6 marquis, 3 comtes, 22 vicomtes et 45 barons.
21 marquis furent nommés le 7 juillet 1884, d’autres furent créés en 1885, 1888, 1891, 1895, 1899, 1902, 1907, 1910, 1911, 1916, 1920, 1923, 1926, 1928, 1934, 1936 et 1940. Ce qui faisait environ 42 marquis. De 1910 à 1940 sept titres de marquis sont conférés à des hommes issus de la maison impériale.
Selon The Japan Year Book 1936 il y a en avril 1936 41 familles de marquis et 7 de marquis coréens, 109 de comtes et 3 de comtes coréens, 377 de vicomtes et 17 de vicomtes coréens, et 410 de barons et 33 de barons coréens et 19 de princes japonais.
The Royalty Peerage and Nobility of The World (Annuaire de la Noblesse de France) recense vers 1975 notamment des familles princières, ducales et 36 familles subsistantes de marquis : Asano, Awata, Date, Hirohata, Hosokawa, Inoue, Ikeda (2 familles), Kanzan-In, Kacho, Kido, Kuroda, Kuga, Komatsu, Komura, Maeda, Nabeshima, Nozu, Ohkubo, Ohkuma, Saigo (2 familles), Satake, Sasaki, Sho, Tsukuba, Tokugawa, Togo, Yamauchi et Yamashina ; et 6 familles de kugé, la noblesse de Cour, la haute aristocratie ancienne : Daigo, Nakayama, Nakamikado, Ooinomikado, Saga et Shijo.
Il s’agit là notamment de descendants des fils cadets d’empereurs, de membres de la noblesse féodale aussi (Daimyo ou Tonosama) qui avait souvent accompli des prouesses militaires.
D’autres étaient titrés marquis pour avoir été des artisans de la Restauration impériale.
Tous les marquis de 30 ans révolus étaient à vie et à titre héréditaire membres de la Chambre des Pairs, l’une des deux chambres du Parlement.
L’édition japonaise de Wikipedia semble noter aujourd’hui 42 familles japonaises de marquis subsistantes.
ciboulette
27 avril 2017 @ 14:12
Merci , Olivier , pour votre travail remarquable que je ne remets absolument pas en doute , mais je n’aime pas du tout ces personnes .
Alinéas
27 avril 2017 @ 17:41
Il me semble qu’un film a été tourné relatif à l’invasion de l’armée Japonaise en Chine « Le juste de Nankin ».!
Gérard
29 avril 2017 @ 16:28
Oui il s’agit de John Rabe (1882–1950) un important homme d’affaires allemand qui vivait à Nankin et qui avec ses amis européens créa une zone internationale dans laquelle les Chinois seraient protégés en sorte qu’il put en sauver peut-être 250 000. On l’appela en Chine le Bouddha vivant de Nankin. Pendant la Deuxième Guerre mondiale il dénonça à Hitler, puisqu’il était nazi, les massacres japonais mais ceci ne servit qu’à le mettre en disgrâce. Lorsque l’Armée rouge entra en Allemagne il perdit tous ses biens comme nazi et ne put faire vivre sa famille qu’avec l’aide des habitants de Nankin. Il repose ainsi que son épouse Dora dans le mémorial établi dans la concession de Nankin où l’on a transféré leurs dépouilles avec les plus grands honneurs.
Gérard
27 avril 2017 @ 18:50
Le prince Asaka après la mort subite de sa femme à l’âge de 44 ans ne se remit jamais, fut amer et se mit à boire beaucoup. L’empereur Hirohito lui a peut-être donné le commandement de Nankin pour qu’il se rachète. Mais semble-t-il le prince aurait personnellement donné l’ordre de massacrer la population sans défense de la métropole chinoise. Asaka dit à ses subordonnés : « Nous allons donner à nos frères chinois une leçon qu’ils n’oublieront jamais. » Il donna sans doute l’ordre frappé de son sceau personnel de « tuer tous les prisonniers » et le sac de Nankin commença le 13 décembre 1937. Les missionnaires occidentaux furent les témoins de scènes épouvantables au cours desquelles notamment plus de 20 000 femmes et jeunes filles furent soumises à des viols collectifs tandis que les hommes étaient abattus à la mitrailleuse ou servaient pour l’entraînement de l’infanterie japonaise. La presse occidentale rappela que le prince était un membre important de la famille impériale tandis qu’elle rendait compte en détail du sac, l’empereur dut naturellement le rappeler à Tokyo car le blason du Japon était terni. Après la Seconde Guerre mondiale des hommes, des subalternes, semble-t-il pour tenter de blanchir un membre de la famille impériale, s’accusèrent d’être responsables tandis que d’autres étaient forcés à s’avouer coupables manifestement pour protéger la famille impériale. Le général Iwane Matsui qui avait commandé à Nankin jusqu’à l’arrivée du prince fut pendu tandis que le prince échappa à toute punition.
Le général Matsui fit d’abord une déposition confuse et embrouillée avant d’accepter l’entière responsabilité de l’opération. Asaka ne fut pas traduit devant le tribunal et continua de vivre dans le somptueux confort de son palais en jouant presque tous les jours au golf avant de mourir en 1981 à l’âge de 83 ans dans sa maison d’Atami. Il demeura dans son palais tout au long de sa vie.
Deux membres de l’état-major du prince Asaka qui avaient exécuté ses ordres pendant le sac de Nankin moururent de troubles cardiaques à la fin de l’année 1945 avant l’ouverture des procès de Tokyo.
Les autorités du SCAP, le Commandement suprême des forces alliées, interrogèrent le prince au sujet des massacres de Nankin le 1er mai 1946 mais il ne fut pas traduit devant le Tribunal militaire international pour l’Extrême-Orient car ainsi en avait décidé le général MacArthur qui voulait l’immunité pour les membres de la famille impériale pour des raisons politico-stratégiques et géopolitiques.
Le lieutenant-colonel Isamu Chō, aide de camp du prince fut soupçonné d’avoir participé au massacre des prisonniers de guerre mais on ignore si ce fut de son propre chef ou sur ordre du prince. Il se suicida le 22 juin 1945 plutôt que de se rendre aux Américains.
Le prince Asaka se fit discret après les atrocités de Nankin, il fut cependant envoyé en Chine pour vérifier sur le terrain que les officiers obéissaient à l’ordre de reddition.
ll se lança dans les affaires avec des membres de la famille Tsutsumi, qui devint la famille la plus riche du monde. Il vendit plusieurs palais et propriétés à leur société de holding empêchant ainsi les Américains de les confisquer et grâce à cela continua à vivre dans ses palais et il fut rémunéré par les Tsutsumi pour la conception du golf d’Hanoke. Les princes impériaux perdirent leurs titres lorsqu’en 1947 le système nobiliaire fut supprimé et ils se virent privés de leur traitement mais ils furent indemnisés et le prince Asaka a reçu 800 000 $. Cependant ils devaient aussi acquitter des impôts très lourds.
Le prince Asaka le 17 décembre 1951 fut baptisé dans la religion catholique romaine à Rome par un évêque catholique japonais. Sa descendance est catholique.
Voir : Sterling & Peggy Seagrave, La Dynastie du Yamoto, Histoire secrète de la famille impériale japonaise, traduit de l’américain par Marc Jammes, Éditions Michalon 1999, et Iris Chang, The Rape of Nankin : The Forgotten Holocaust of World War II, New York, Basic Books, 1997.
framboiz07
27 avril 2017 @ 22:50
Merci et …Bravo !
Gérard
28 avril 2017 @ 16:42
Le baptême a été conféré le 18 décembre 1951 par Mgr Thomas Asagora Wakida (1881-1965), évêque de Yokohama de 1947 au 5 juillet 1951 puis évêque titulaire de Iamnia. Le prince Asaka a pris le nom de baptême de Pierre. Son fils aîné, Makoto (1913-1994), prince Takahiko, devenu Peter, avec son épouse, la princesse Tōdō née Chikako, fille du comte Chikako, devenue Lucy, et sa fille ont été baptisés en même temps. L’autre fille avait été baptisée l’année précédente.
Makoto demeura toujours un fervent chrétien fidèle à la messe journalière très matinale.
Il n’est pas certain que le mémo « Tuez tous les prisonniers » ait été du prince Asaka, il était peut-être d’Isamu Chō, son aide de camp.
Le prince Asaka Tomohiko, petit-fils du premier prince, né en 1944 à Tokyo, seul fils de Makoto, est sinon prince du fait de l’abolition des titres de noblesse, du moins le 3e chef de la maison autrefois princière depuis la mort de son père le 5 mai 1994. Diplômé de l’Université nationale de Tokyo pour les beaux-arts et la musique, il a travaillé chez Sony et comme conseiller du directeur du Musée d’art métropolitain Teien de Tokyo qui est installé dans la belle villa de son grand-père.
Notons que la ville d’Asaka d’environ 140 000 habitants dans le centre du Japon a été nommée d’après le premier prince. Le village de Hizaori avait été créé en 1889, il s’est développé, il a été élevé au statut de ville le 1er mai 1921 et nommé alors Asaka en l’honneur du prince et en raison de ce que s’était implanté là le Tokyo Golf club dont celui-ci était le président d’honneur.
Olivier d'Abington
29 avril 2017 @ 15:36
Merci Gérard pour ce complément d’information très intéressant!
Pour ma part, je me demande si la conversion du prince n’a pas été aussi, de sa part, une forme d’expiation pour ce qui a été commis pendant la guerre. Notamment à Nankin, sinon sous ses ordres directs, du moins en son nom.
Mais, cela restera un mystère… Sans doute… A moins qu’il n’existe un témoignage dont nous ne connaissons pas l’existence à ce jour.
Gérard
30 avril 2017 @ 11:10
C’est possible Olivier et on peut l’espérer. Je ne crois pas qu’on ait de témoignages directs sur sa position et comme vous le savez les Japonais sont très discrets sur cette période et parler de la maison impériale est toujours un peu tabou.
On le sait aussi mais la force du Christianisme c’est l’attention portée à chaque individu et il me semble, mais je ne suis pas un spécialiste des religions japonaises, que c’était une sorte de nouveauté dans un pays où l’on est surtout attaché à l’importance collective. Mais je simplifie peut-être.